A Galaxy Railways Story : Reiko

Chapitre 49 : ... Tous pour un !

5228 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 14/04/2024 15:32

Chap 49 : … Tous pour un


- Autorisation de décoller ?

“- Accordée.”


Reiko éteignit le microphone et empoigna le manche du Space Eagle, nerveuse. Sous les gants, ses mains étaient si moites que des gouttes de transpiration perlaient sur ses poignets.

Le toit se rétracta et, ses propulseurs lancés à plein régime, elle fusa dans le vide intersidéral.


- Je suis une bonne pilote, je suis une bonne pilote, se répéta-t-elle en rabattant la visière de son casque.


Cette unité, la dernière, était la plus importante d’entre-toutes.

Celle où l’équipe Apodis devait faire ses preuves in-situ.

“S’ils ont reformé notre groupe, ce n’est pas un hasard.”


- Ils veulent jauger ce qu’on est capable de faire ensemble… Et séparés.


Le chasseur piqua sous le train tandis que la jeune femme achevait de calibrer ses détecteurs et son viseur.


- System all-green, annonça-t-elle en réactivant le communicateur. Aucune menace en visu ou sur mes cadrans. Et vous, Hydrae ?

“- Tout est au vert pour nous également.”, répondit une voix qu’elle identifia comme étant celle de Laura.

- Bien reçu. J’attends vos prochaines instructions.

“- Nous allons atteindre la constellation du Taureau dans laquelle des mouvements suspects de vaisseaux spatiaux non-immatriculés ont été rapportés par la station de triage u-4526. Restez sur vos gardes.”

- Roger.


Reiko pivota sur son axe de roulis en s’octroyant une vrille de complaisance.

“J’ai besoin de reprendre le coup de main. Neuf mois à terre… J’ai eu beau faire des simulations pour me préparer, l’espace c’est tout autre chose.”

Et bon dieu, qu’est-ce que cela lui avait manqué !

Ce sentiment de liberté absolue.

Cette impression que l’univers lui appartenait.

Une euphorie qu’elle n’avait pas ressentie depuis une éternité.

“J’adore m’occuper de Sayu mais voler… C’est une nécessité pour mon équilibre mental.”


- La voilà, la constellation du Taureau et la fameuse station u-truc.


À l’occasion de cette mise en situation réelle d’intervention, un peloton fictif avait été monté, constitué de Laura au radar, de Karim à l’artillerie, d’elle-même en tant que pilote et surtout…


- Du Commandant Johannson des Space Panzer Grenader… La pression.


Puisque, à l’instar de Yuuki Wataru, il était une sorte de légende, sa réputation le précédait que ce soit à la SDF ou chez les SPG.

Son train, le numéro 666, était sans nul doute le plus performant du Galaxy Railways et les exploits de sa section étaient connus de tous.


- Pourquoi a-t-il fallu que ce soit lui notre examinateur ?


Elle fila en rase-motte au-dessus des wagons, cherchant à repérer le moindre élément qui lui permettrait de se distinguer.


- Pas le droit à l’erreur après ma prestation calamiteuse de la veille.


Sans Karim et Laura, jamais elle n’aurait terminé la seconde épreuve et sa carrière à la Space Defence Force aurait été soufflée aussi vite qu’elle s’était embrasée.


- Je vais leur montrer que je ne suis pas si nulle que ça. Aniki m’a tout appris. Je vais surmonter leurs pièges les doigts dans le nez.


Évidemment qu’elle essayait de se convaincre et ce, bien qu’elle soit lucide concernant ses maigres chances de réussite.

“Si le test écrit ne s’est pas trop mal déroulé, ce n’est pas le cas pour les deux autres. Je n’ai arrêté qu’un seul homme lors de la simu et j’ai complètement raté le parcours du combattant. Si je ne fais pas un sans-faute, autant dire adieu à Big1 immédiatement.”


- Et ça ce n’est pas envisageable… La mutation et le renvoi ne sont pas des options !

“- Reiko, j’ai des alertes sur le radar.”


La pilote actionna son émetteur à nouveau tout en jetant un œil à ses propres détecteurs qui ne tardèrent pas à s’affoler.


- Moi aussi. Trois grosses masses qui se dressent entre nous et la station.

“- Nos tentatives de communication ne donnent rien.”

- La négociation n’est plus une alternative, hein ? Ça serait moins drôle sinon. 

“- Reste professionnelle Speed, nous nous passerons de tes réflexions.”

- Oui… Oui, Commandant !


Elle se mordit les lèvres, ravalant sa verve.

“Ah ben tu commences bien !”

Peu après, elle les aperçut enfin : les trois aéronefs de taille moyenne. Ils bloquaient l’entrée de U-4526 et, pire encore, s’apprêtaient à l’aborder.

“C’est donc ça le but de cette opération… Mettre hors d’état de nuire ces rebelles.”


- Les pourparlers ?

“- Pas de réponse.”, l’informa Laura.

- Et ils lancent les hostilités.


Reiko se glissa entre plusieurs traits brûlants et monta en chandelle, ses propulseurs à pleine puissance.


- On contre-attaque ?

“- Allez-y.”, ordonna Johannson. 

- Compris. 

“- Je vais investiguer. Leur point faible, j’en fais mon affaire.”

- Transmets moi ces coordonnées dès que tu les as, Lau.

“- Oui, sois prudente.”

- Vous aussi.


Les canons de l’express ripostèrent, visant l’appareil le plus proche. Karim jouait avec les pulsars et les tourelles, déclenchant un feu d’artifice sensationnel qui illumina les environs. Reiko nota avec satisfaction que de la fumée s’échappait de leur cible.

L’un des bâtiments ennemis se déporta alors sur le flanc gauche d’Hydrae et la militaire le suivit à la trace, désireuse de couvrir les arrières de ses coéquipiers.


- Karim.

“- Je te fais confiance, Metalmena.”


Reiko soupira en se gardant de toute critique. Elle n’appréciait pas particulièrement les allusions à sa prothèse mécanique mais ce n’était ni le lieu ni le moment pour s’en offusquer. Et puis, à sa décharge, son partenaire n’avait aucune idée de ses différends avec les humanoïdes. 


- Je ne vous décevrai pas, promit-elle simplement.


Elle engagea le vaisseau et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, ce dernier se retrouva dans la ligne de mire du Space Eagle.


- On y est, jubila-t-elle.


Elle ouvrit le feu, résolue à réduire son adversaire en cendres. Celui-ci fit de même et elle chassa sur bâbord pour esquiver les rayons rougeoyants.


- Trop lent !


Elle le dépassa, effectua un retournement et le canarda sans pitié, creusant un profond sillon dans sa carlingue.


- Oh, ça ne suffit pas ?


Déterminés à anéantir le train de la SDF, les pirates se précipitèrent vers celui-ci à toute allure. Aussi opiniâtre qu’un moustique, Reiko les harcela en évitant leurs faisceaux laser avec adresse.

De son côté, l’armement d’Hydrae ne ménageait pas ses efforts et venait progressivement à bout de l’aéronef.

Cependant, du coin de l'œil, elle remarqua que le troisième navire s'était mis en mouvement.


- Je dois me débarrasser du mien au plus vite ou on va se faire déborder. Place à l’artillerie lourde.

“- Je t’envoie les coordonnées, Koko.”

- Merci.


Elle checka l’état du jet et décida que c’était le moment ou jamais pour offrir un spectacle digne de ce nom au Commandant Johannson.

Alors qu’un halo d’énergie pure se formait autour des tourelles du vaisseau, Reiko se positionna face à lui.


- Checkmate, se réjouit-t-elle en téléchargeant les données de Laura.


Elle appuya sur une série de boutons et une vague de torpilles à têtes chercheuses s’enfonça à bout portant dans le fuselage de son rival.

“Et maintenant, je dégage de là.”

Aussitôt dit, aussitôt fait, le chasseur se mit rapidement hors de portée de la tornade de dégâts.

Comme l’avait prévu Reiko, une réaction en chaîne se produisit et des déflagrations assourdissantes retentirent dans l’habitacle.

Une œillade à travers les écrans lui apprit qu’ils n’avaient plus rien à craindre de ce côté-là.


- Et il semblerait que Karim ait aussi fini le travail.


Le train se mit brusquement en marche pour s’éloigner au maximum du bâtiment et de son explosion imminente.


- 2.0 pour la SDF.


Elle tapota sur son émetteur, joyeuse.


“- Pour le dernier, quelle est la stratégie ?”

- On s’en occupe, rentre au hangar.

“- Roger.”, accepta–t-elle, un brin déçue.


La jeune femme piqua en direction d’Hydrae, soulagée que la mission arrive à son terme.

Et ce, sans qu’elle n’ait commis la moindre erreur.

“Enfin, je vais revoir les miens. Trois jours, c’était beaucoup trop long. Le reste n’est plus entre mes mains. J’aurai fait tout… Tout ce que j’ai pu.”

Un sifflement fit alors vibrer ses tympans et son instinct prit le dessus. Sans tergiverser, elle se catapulta à la verticale avant d’accomplir un tonneau en catastrophe.


- Mes radars… Ils ne m’ont rien signalé !, pesta-t-elle, énervée.


Il n’y avait non pas un mais trois jets qui venaient de l’engager.

Elle asséna un coup de poing dans le cadran mais celui-ci ne répondait plus.

Quant au viseur…

Le cercle vert avait tout bonnement disparu.


- Tous les systèmes sont HS. C’est aberrant ! Commandant !


Elle n’eut aucun retour mais cela ne l’étonna guère puisque l’express avait déjà maille à partir avec l’ennemi.


- Putain…


Piloter à l’aveugle relevait de la folie, surtout durant une session d’examen.

Mais voilà, tout cela était terriblement grisant pour la soldate.

“Tôchiro me l’a souvent répété : c’est lorsque la technologie nous fait défaut que se révèlent les vrais talents d’un homme… Ou d’une femme !”


- Comme lors des anciennes guerres terriennes du XXème siècle…

“- Koko.”

- Lau” ?


Le microphone grésilla et la voix de son équipière s’éleva à nouveau, robotique. 


“- Je peux te guider à distance.”

- Vraiment ?


Reiko réfléchit un instant, dubitative.


- D’accord. Je compte sur toi. Je ne leur permettrai pas de vous toucher.

“- Metalmena, je gère le gros et je te laisse les quatre petits.”

- Quatre…


Elle régla ses miroirs tant bien que mal.

“Quand il n’y en a plus, il y en a encore.”


- Je m’en sortirai.


Si, pour un pilote ordinaire, éliminer autant de chasseurs avec un appareil en pleine possession de ses moyens était un véritable défi, il frôlait l’impossible lorsque la plupart de ses fonctions tombaient en rade.


- Je ne brille peut-être pas pour tout le reste, mais ça je sais faire.


En dépit de toutes ces années d’entraînement, elle ne comprenait toujours pas la raison pour laquelle viser avec un cosmo-gun lui était si difficile alors qu’avec un Space Eagle ou un Space Wolf cela lui était si naturel.


“- Un à trois heures, un deuxième à neuf heures. Les autres derrière toi.”

- Okay.


Reiko entama une pirouette nommée “huit cubain” avec pour objectif de les déstabiliser.

“Là-dedans il n’y a que des robots dotés d’une intelligence artificielle. Ils sont programmés pour penser comme des humains mais ils n’en sont pas réellement et c’est là que réside toute la différence.”


- À l'œil nu, c’est coton…


Elle fit face à son premier adversaire et tira avant de se redresser brutalement.

Une détonation satisfaisante lui confirma la destruction de sa cible.

Elle chassa sur tribord, transpirante.


“- À quatre, six et dix heures.”

- Oui.


Le sang se glaça dans ses veines quand elle aperçut Hydrae qui luttait vaillamment contre le navire rescapé.

“On galère à lui infliger des dommages car son envergure et sa configuration divergent de celles de ses alliés. Il est mieux armé et son bouclier, plus performant.”


- Mais moi j’ai des problèmes plus graves.


Pourchassée par les trois appareils, elle peinait à se détacher.


- Aniki… T’aurais fait quoi à ma place ?


Elle tanguait sur ses différents axes pour éviter les traits laser qui pleuvaient autour d’elle.

De la fumée au niveau de son aile droite la contraignit toutefois à effectuer plusieurs manoeuvres hasardeuses pour se dégager.


- Ils m’ont eue…, grogna-t-elle entre ses dents.


Elle se plaisait à croire qu’elle valait son frère mais lui, se serait-il fait prendre au piège ? 

Rien n’était moins sûr.

Un second faisceau perfora l’un de ses propulseurs, déséquilibrant son assiette.


- Sa mère… Sa mère !, jura-t-elle.


Elle se livra à une boucle risquée et audacieuse qui lui permit de se retrouver dans la ligne de mire de l’un de ses poursuivants.


- Toi, tu m’ennuies.


Elle ôta la sécurité et l’arrosa de toute sa puissance de feu disponible avant d’effleurer son cockpit.


- Tu ne m’embêteras plus. 


“Deux sur quatre mais mon matériel peut me lâcher d’un moment à l’autre.”

Les capteurs s’affolaient en tous sens, ne lui fournissant aucune information utile. 

“Cette panne… Elle était suspecte dès le début. À croire qu’elle a sciemment été provoquée. Et je perds de la vitesse…”


- Comme l’avait dit Bruce… Ces épreuves testent nos limites… Au point d’en être presque cruelles.


Elle redoubla d’agilité pour ne pas se faire descendre et songea que leurs ennemis mettaient beaucoup de cœur à l’ouvrage pour les pousser à commettre des fautes.

Néanmoins, malgré toute sa détermination et ses compétences, elle ne parvenait pas à se débarrasser d’eux.


- Ils sont bien décidés à me faire échouer.


Désespérée par le peu de marge qu’ils lui laissaient, elle eut beau enchaîner les voltiges, rien n’y faisait.


- Ils me tiennent. Toute mon énergie est consacrée à la défense… Comment les attaquer ?


Des sueurs froides ruisselèrent le long de son dos et elle ne put esquiver un rayon qui lacéra méchamment son flanc bâbord.

“Le prochain me sera fatal. Tous mes instruments sont HS… Même la navigation est compliquée…”


- Il faut que je prévienne le Commandant… Finalement je ne suis pas aussi douée que je le croyais.


Résignée à quémander un support aérien, elle tourna le bouton du communicateur. 


“- Vire à tribord !”

- Hein ?


La jeune femme s’exécuta, réactive.

Des traits lumineux et verdoyants la rasèrent pour transpercer l’un des aéronefs qui s'escrimaient à la traquer.


- Karim…

“- Dépêche-toi d’achever le dernier.”

- Merci.

“- Pas de quoi. Je ne serai pas toujours là pour sauver tes fesses.”

- Je tâcherai de m’en souvenir.


Afin de prendre l’androïde par surprise, elle pilota de sorte que que celui-ci s’imagine que son chasseur était en déroute. Puis, lorsqu’il se plaça dans son sillage, elle se retourna avec dextérité.


- Endgame.


Elle tira et le jet explosa dans un fracas très convaincant.

Soulagée par le dénouement du combat, elle fila en direction du vaisseau amiral pour aider son peloton à mettre un point final à cette bataille.


“- Nous connaissons la faille de ce mastodonte, Koko. Tu es en état de voler ?”

- Il faudrait que je sois morte pour ne plus être en état.

“- Ton Eagle a subi de nombreuses avaries”, lui fit remarquer Johannson.

- Il peut encore tenir le coup, Commandant. 


Elle n’eut aucune réponse, ce qu’elle considéra comme une autorisation. Malgré le fait que ses systèmes soient déréglés, les données réussirent à se télécharger dans l’ordinateur de bord. 

“Bizarre.”


- Je dois shooter en manuel. En même temps, Karim ?

“- En même temps.”


“Tôchiro m’a entraînée à me passer de la technologie. J’y arriverai.”

Elle inspira pour forcer sa respiration à se tranquilliser.

Elle expira en positionnant son regard. 

Et enfin, elle délia ses doigts autour du manche de l’appareil.


- Maintenant !

“- Maintenant !”


Les efforts conjoints de la Space Defence Force annihilèrent toute existence du bâtiment à l’instant même où les faisceaux le percutèrent de plein fouet.

Un gigantesque feu d’artifices embrasa l’espace et, train comme Space Eagle, prirent diligemment leurs distances.


- On rentre au bercail. Pour de bon cette fois-ci, souffla Reiko.


***


- Je ne peux rien pour vous.

- Nous avions un accord.


Tôdo posa le menton sur le dos de ses mains, les coudes appuyés sur le bureau en chêne.


- Votre épouse sait exactement ce qu’il en est.

- Je me fiche bien de ça.

- Je suis certain qu’elle n’apprécierait pas votre démarche. Encore, dit-il en faisant allusion à la prise de fonctions de son interlocuteur.


Une grimace étira les lèvres de Bruce.


- Qui ?

- Ça ne vous apporterait rien de le savoir.

- Qui ?, insista-t-il en haussant le ton.


Tôdo soupira.


- Noboru Wakita de Mizar, Esther Song de Cygnus, Heimdall d’Orion… Et quelques autres.

- Autant que ça ?

- Elle a fait forte impression, tout comme ses partenaires. Leur esprit d’équipe et leur ténacité sont des qualités que recherchent nos sections. Les SPG s’intéressent tout particulièrement à son cas.

- Allez-vous la muter ?

- Si elle obtient son diplôme, oui, mais nous n’avons pas encore eu l’avis de Johannson qui supervisait le dernier test.


Le sniper aplatit son poing sur la table, furibond.


- Vous allez refuser ma demande ?, gronda-t-il.

- Votre effectif est au complet.

- J’ai besoin d’un pilote.

- Vous avez déjà Manabu.

- Il a repris mon poste !, s’exaspéra le Commandant.


Un silence significatif s’installa.


- Vous ne me laissez guère le choix.


Bruce extraya une enveloppe froissée de sa poche et la jeta sous le nez de Tôdo. Celui-ci fronça les sourcils, visiblement contrarié.


- Qu’est-ce que c’est ?, l’interrogea-t-il en faisant pivoter la lettre entre ses doigts.

- Lisez donc.

- Le tampon de la Confédération terrienne ?

- Vous êtes perspicace, railla le jeune homme.

- Qu’est-ce que vous avez manigancé ?


Les bras croisés, Bruce patientait en piétinant. Un tic nerveux agitait sa paupière gauche et il tapotait sa veste en suivant le rythme du galop d’un cheval. 

Il était hors de question que sa Reiko lui échappe.

Il était hors de question qu’il la confie à un autre.

Il lui serait impossible de veiller sur elle si elle était assignée ailleurs.

Et c’était une promesse sacrée qu’il n’était pas décidé à briser.

Pour ce faire, il était prêt à tout afin d’entraver les plans de ses supérieurs.

Quitte à solliciter l’aide de cet original.


- Bon sang, lâcha le Commandant en chef.

- Vous comprenez ? Allez-vous courir ce risque ?


Tôdo reposa le papier, soudain très las.


- Ce sont des menaces ?

- Prenez ça comme il vous plaira.


Bruce se détourna en enclenchant la poignée de la porte.


- Si vous me l’enlevez, vous perdrez le soutien de la Confédération. Je vous garantis que Warrius Zero est sérieux. Il fermera toutes les voies qui traversent la Voie Lactée. Vous n’ignorez sûrement pas qu’elle est sous la juridiction du gouvernement humanoïde. Une perte non négligeable pour le Galaxy Railways, pas vrai ?


Un sourire suffisant s’afficha sur le visage du Commandant du peloton Sirius.


- Vous avez toutes les cartes en main, mais je vous avertis : elle ne doit jamais avoir vent de cette conversation.


Le battant claqua et Tôdo ricana.


- Je ne l’avais pas vue venir celle-là.


Il porta à sa bouche un verre à pied empli d’un liquide rouge alcoolisé.


- Bien joué, Speed.


***


Bruce scrutait le ciel, guettant l’apparition du train de combat de la SDF.

Il faisait des allers-retours sur le bitume, Sayuri endormie dans la poussette.

Le troisième jour de la session d’examen se terminait enfin et il était pressé de la revoir.

Toutefois, il ne savait pas quelle serait la décision de son chef et cela le rendait anxieux. Cependant, il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour qu’elle demeure à ses côtés et il était dorénavant à court de ressources et d’idées.

“Il y a cette voyageuse du 999, Maetel… Elle est liée à Layla Destiny Shura. Elle pourrait intervenir en notre faveur mais je doute qu’elle le fasse contre la volonté de Reiko. Reste Harlock, mais son influence sur la Compagnie n’est peut-être pas aussi importante que celle de Zero.”

Un sifflement résonna dans l’atmosphère, qui le tira de ses pensées maussades.


- Okaa-san est là, Yuyu.

- Il semblerait qu’on arrive à temps, déclara la voix d’une femme mûre.

- Vous êtes ici…

- … Pour profiter d’elle avant que tu ne te l’accapares !

- Qui pourrait me le reprocher, Louise ?


Kanna s’avança sur le quai, accompagnée de Manabu, de l’Officière radar, mais aussi de…


- Tiens, je n’ai pas vu votre immense vaisseau stationner dans les environs.

- C’est parce qu’il est immobilisé sur Mars. Pour réparations.

- Vous n’auriez pas dû vous donner cette peine, Kodaï.

- Voyons, c’est un plaisir, dit-il en happant Hirumi par la taille. Et j’ai aussi quelqu’un à présenter à Koko. Maintenant, montre-moi ta frimousse Sayuri !, exigea–t-il en se penchant au-dessus de la poussette. Qu’est-ce qu’elle est mignonne cette jolie poupée !


Bruce ne répondit pas, excédé.


- Ouais, on touche avec les yeux, Kodaï.

- Comme toujours, vous êtes fidèle à vous-même.

- Hum.


L’express Hydrae entra en contact avec les rails dans un crissement métallique.

Le cœur battant à tout rompre, le Commandant de l’unité Sirius l’observa s’arrêter en gare. Les minutes lui parurent infiniment longues jusqu’à ce que les portes des wagons se déverrouillent et que le minois de sa compagne se dévoile enfin.

En deux bonds, il avait franchi l’étendue qui les séparait et l’enserra dans ses bras.


- Bruce…

- Chaton, je suis fier de toi. Peu importe les résultats. Peu importe... T’as été incroyable.

- Vraiment ? Pourtant… Pourtant… Il n’y a pas eu que des succès.

- Je m’en fous.


La boule dans l’estomac de Reiko se dissolue et elle se sentit plus légère.


- Je t’aime, murmura-t-elle.

- Qu’est-ce que je devrais dire…


“Pour toi, je suis allé jusqu’à défier le Quartier Général, mais bon j’imagine que le pirate n’en attendait pas moins de moi.”, songea-t-il en caressant la chevelure emmêlée et bouclée de son épouse.


- Yuyu…

- Elle va bien. Merveilleusement bien. 

- Je veux…

- Elle est juste là.


Reiko se détacha de son mari et hoqueta de surprise en reconnaissant les personnes qui patientaient sur la quai.


- Mamo… Mamoru !, s’exclama-t-elle.

- Ça fait un bail.


Les deux amis s’étreignirent avec émotion sous l'œil peu amène de Bruce et celui, indifférent, d’Hirumi.


- Vous êtes venus de Mars exprès… ?, demanda-t-elle en embrassant tour à tour Kanna et ses équipiers.

- Oui, nous voulions t’apporter notre soutien et puisque tu n’avais pas encore eu l’occasion de le rencontrer…


Hirumi fit un pas en avant, le regard indéchiffrable. Elle était aussi taciturne que Mamoru était expansif. Selon la pilote, ce couple résumait admirablement bien l’expression : “Les opposés s’attirent.”


- C’est… 

- Susumu.

- Susumu…


Pelotonné contre la poitrine de sa mère, le nourrisson dormait à poings fermés. Lorsque la jeune femme lui effleura la joue, il ouvrit d’immenses iris sombres qui étaient l’exact reflet de ceux de la martienne. 


- Il est parfait. Presque autant que…


Reiko fit volte-face et retira doucement Sayuri de sa poussette.

Après trois jours, elle vivait ce moment comme une profonde libération.

“J’étais perdue sans eux. Complètement perdue…”

Elle la berça quelques instants avant de la tendre à Mamoru.


- On échange ?

- Si Speed n’y voit aucun inconvénient.


Le concerné grommela son assentiment à contre-cœur. Sans un mot, Hirumi présenta le garçonnet à la pilote qui l’empoigna aussi délicatement que possible. 


- Susumu Kodaï… Avec un tel prénom tu ne peux que réaliser de grandes choses.

- N’est-ce pas ?, approuva le Commandant du Yamato.


Reiko aperçut alors ses partenaires de la team Apodis quitter la “control room”. Un comité d’accueil composé de leurs familles et de leurs amis faisait également le pied de grue sur le quai. Elle leur adressa un petit signe de la tête auquel Laura répondit par un sourire lumineux et Karim par le “v” de la victoire formé de son index et de son majeur.


- Il est beaucoup trop adorable. Je pourrais le garder.

- Tu en as déjà une qui monopolise probablement toute ton énergie, intervint Kanna. Laisse-en donc pour les autres.

- Oui, Okaa-san, tu n’as pas tort !

- Oha !


La fillette s’était éveillée et avait repéré sa maman. Elle gémissait en se dévissant la nuque pour capter l’attention de celle-ci.


- Je te le rends, dit-elle précipitamment en fourrant Susumu dans les bras de l’Officière du Yamato.


Puis, elle fondit sur son bébé comme Bruce sur une canette de soda à la fraise.


- Oha ! OHASA !

- Serre-la moins fort, tu vas l’étouffer.

- Tais-toi, Bruce.


Ce dernier veillait farouchement sur les deux prunelles de ses yeux et il était inutile d’être un oracle pour deviner qu’il était pressé de se débarrasser des autres pour les ramener à la maison, loin de tout ce tumulte.


- À ce sujet, Koko, je me demandais si tu accepterais…

- Quoi ?

- D’être sa marraine, termina Mamoru.

- M-moi ?


Hirumi acquiesça à plusieurs reprises, ce qui fit courir un torrent de larmes sur les pommettes de la militaire.


- J’en serais très honorée… Très honorée, consentit-elle, émue

- Et il va de soit que Bruce…


Le sniper pointa son torse, choqué.


- Moi ? Vous n’avez pas mieux comme alternative ?


Reiko coula une œillade féroce vers son mari, qui sut instinctivement qu’il ne fallait pas pousser le vice.


- Nous voulions quelqu’un digne de confiance et nous sommes persuadés que tu l’es.

- Je… Je…


Rarement à court de paroles, cette requête l’avait pourtant rendu muet.

Lui qui était un véritable ours des cavernes avait du mal à saisir ce que les Kodaï pouvaient bien lui trouver comme qualité.


- Allez mon gars, remets-toi !, l’apostropha Mamoru en lui administrant une claque monumentale entre les omoplates. Si Koko t’a choisi c’est que t’es pas un si mauvais bougre, hein ?

- Hé !


Reiko, soudain très fatiguée, avait confié son enfant à une Kanna, ravie d’hériter du nourrisson.


- Chaton, on y va.

- Et cette unité ?, la questionna Manabu.


Tous les regards convergèrent vers l’aspirante qui haussa les épaules, désabusée.


- Mission accomplie, même si je ne garantis pas que la méthode de la team Apodis soit encensée par Johannson.


***


À regrets, Reiko déposa Sayuri dans son berceau. Cela faisait dix bonnes minutes qu’elle essayait de sortir de la chambre mais elle n’y parvenait pas.

“Je l’aime à en mourir. Pour elle, je pourrais tout sacrifier. Pour elle et pour Bruce.”

Des mains enlacèrent sa taille et elle huma l’odeur réconfortante de son conjoint, mélange de résineux et d’agrumes. Elle se blottit davantage contre lui, heureuse d’être avec les personnes qui lui étaient les plus chères au monde.


- Tu m’as manqué. Comment vas-tu ?

- Je suis angoissée. J’appréhende les résultats de demain. Nous sommes convoqués à quelle heure ?

- Neuf heures, mon amour. Je te l’ai déjà dit trois fois.

- Je suis désolée, je perds les pédales.

- Ce n’est pas grave, je te le répéterai autant de fois que nécessaire.

- Et si j’ai raté ?

- N’envisage pas le pire.

- Et si j’ai raté et qu’ils me renvoient ?, insista-t-elle.

- On avisera à ce moment-là. Je ferai tout ce qui est possible pour t’aider. Tout.


Elle promena ses doigts autour du nombril de Bruce afin de réchauffer ses phalanges glacées.


- Tu es chaud… Et moi je suis si froide.

- Je peux m’occuper de ça.

- Tu… Quoi ?


Le sniper remonta la chemise de Reiko en caressant son ventre et sa poitrine.


- Ton corps… Je le veux tellement. Si tu savais tout ce que j’ai envie de te faire, lui susurra-t-il à l’oreille.

- Tout ce que tu as envie… ?, haleta-t-elle.

- Oui, à condition que tu sois en forme et que…

- Cette nuit passerait plus vite si… Hé !


Le jeune homme l’avait habilement chargé en travers de ses épaules.


- Je t’emmène. Tu vas avoir besoin de toutes tes forces pour endurer ce que je vais te faire subir.

- Subir n’est pas le mot que j’emploierais.


Il la bascula sur le canapé et arracha son pantalon de toile avant d’ôter ses propres vêtements en commençant par son pull. Il s’allongea ensuite au-dessus d’elle et embrassa la moindre partie de peau nue à portée de ses lèvres. 


- Écarte donc les jambes pour que je te montre à quel point je me suis languis de toi.

- Je te préviens, je ne suis pas prête à en concevoir un deuxième tout de suite !

- Ce n’est pas ma faute si je te désire autant. Tu me rends fou, madame Speed.


Reiko ne put contenir un petit rire.


- Je m’en excuse, ce n’était pas mon but.

- À d’autres, grogna–t-il tandis qu’elle gémissait. Tu as été déclarée coupable de ce méfait dès l’instant où mes yeux se sont posés sur toi.

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