Le meilleur est à venir

Chapitre 0 : Prologue

777 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/08/2017 12:35

«Son histoire dessine une armure sur ses ailes encrées de blessures »

La tête contre la fenêtre glaciale de la voiture, je regarde le paysage qui défile devant moi. Le vent souffle, obligeant les arbres à s’incliner devant sa force. Je ferme les yeux, me laissant bercée par mes souvenirs. Je me retrouve, comme dans un rêve, dans mon lieu de méditation. Comme cette nuit-là…

Les gouttes de pluie tapent contre le bois, provoquant un bruit assourdissant. Un son que j’adore, qui me libère, que je connais… Le dernier étage de la tour de garde abandonnée sur lequel j’ai trouvé refuge est le meilleur endroit du monde à mes yeux. Le toit était tombé, bien avant ma naissance.

L’eau avait bombardé l’ébène qui servait de parquet, offrant ainsi un nouveau terrain de jeu à la mousse verte et trempé que je caressais de la pulpe de mon doigt. Mes cheveux s’étaient dispersés, étalés, emmêlés mais cela ne m’occupait pas l’esprit.

 Alors que mes cils hébergeaient des perles de pluies, mes iris foncés regardaient avec une demi-attention les étoiles qui se trouvaient au-dessus de ma tête. Mes paupières repoussaient le sommeil depuis trop longtemps maintenant, et celui-ci gagna la bataille.

Parfois, je rêve que je tombe… Je commence par courir. Je sens mes cheveux flotter, fouetter mon dos. Toute ma peau s’imprègne de la brise vivifiante que Dame Nature m’offre à ce moment même. Je traverse une clairière sous le ciel bleu. Je saute par-dessus un ruisseau, et je continue à courir. Je sais que mes muscles vont lâcher d’un moment à l’autre, mais je continue à courir. Je trébuche et me tors la cheville, mais je continue à courir. Je me dis que rien ne pourra m’arrêter désormais. Je continue à courir. Je cours. Je cours. Ma cheville se blesse de plus en plus, mais je cours. Mon corps me lâche au fur et à mesure que j’avance, mais je cours. Tout mon être me crie de m’arrêter, mais je cours. Et puis, tout part en vrille. Mes pieds s’emmêlent, me font tomber à plat ventre. Mon genou droit rencontre une pierre, et s’ouvre en une grosse coupure qui le sectionne en deux. Mais je me relève. Et je me remets à courir. Lorsque je pose mon talon droit au sol, je retombe… et cela des dizaines de fois. Mes habits sont recouverts de boue, la peur me gagne, mon sang coule à flot, mes larmes se confondent avec la sueur froide qui dévale mon visage. Je retombe un peu plus tard. Mais je ne me relève pas. Cette dernière chute m’a achevé. Je veux hurler, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je veux quitter ce sol boueux, qui a remplacé l’herbe verte sur laquelle je prenais tellement de plaisir à courir. Je veux le voir, mais il n’est pas là…

Je me réveillai en sursaut en entendant une portière que l’on vient de claquer. Je cligne plusieurs fois des yeux avant de me rappeler… J’ai quitté cette clairière. J’ai quitté ce sol. J’ai quitté ce rêve. J’ai quitté cette tour. J’ai tout quitté… Et je ne peux pas revenir en arrière.

J’ouvre ma portière, laissant l’air frais de début mai venir chatouiller mes épaules nues. Je sors de la voiture qui m’a fait traverser mon pays, qui m’a fait quitter cette tour. Cette voiture qui va bientôt repartir et emporter tous mes souvenirs… cette voiture qui me sauve, qui me libère. Cette voiture que je haie, et que j’adore. Celle que j’ai envie de détruire et de conserver. Je lève la tête, et observe le ciel. Ce n’est pas le ciel que je connais. Je me surprends à l’admirer.

Sa froide beauté m’éblouit et je frissonne. Mes pensées divaguent ; je ne suis déjà plus celle que j’étais il y 5 heures ; je me sens différente, changée de manière irréversible et désagréable. Comme si je n’étais plus moi-même. Je serre mes bras engourdis autour de ma poitrine comme une enfant à la recherche d’un semblant de chaleur. Mes yeux balayent les environs gris. Je ne sais plus ce que je veux ni ce à quoi j’aspire. Je n’ai plus rien à perdre. Plus rien à désirer...

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