L'Ombre de Florence: Les mémoires cachées d'Arianna Valentini

Chapitre 10 : Heures cruciales

5288 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/11/2023 21:42

Le jour venait à peine de se lever sur Florence, et la ville était déjà en effervescence. Arianna, montée sur son cheval, s'arrêta en entendant les murmures de la foule. "Un procès... la famille Auditore... coupable." Les mots la frappèrent comme un coup de poignard en plein cœur. Elle descendit de son cheval et suivit la foule jusqu'à la place où avait lieu l'exécution.


La tension dans l'air était palpable, mais Arianna ne parvenait pas à distinguer les visages sur l'échafaud. Puis, le mot fatidique résonna, amplifié par la gravité de la situation : "Coupables." Les trappes s'ouvrirent et les corps tombèrent. Le nœud coulant se resserra, les silhouettes cessèrent de se balancer. C’est là qu’elle les reconnut Giovanni et Frédérico. 


Un hurlement étouffé échappa à ses lèvres, une douleur si intense qu'elle en avait le souffle coupé. Les larmes montèrent à ses yeux, mais elle les retint. Elle n'avait pas le droit de pleurer, pas maintenant. Son regard se posa sur un groupe de gardes qui se dirigeaient vers une silhouette familière. Ezio. Ils l'encerclaient, les épées dégainées.


Tous ses sens se mirent en alerte. Ses années d'entraînement en tant qu'Assassine s'activèrent instantanément. Elle analysa la foule, calcula les trajectoires, esquiva les obstacles. Son corps semblait agir de lui-même, son esprit focalisé sur une seule chose : atteindre Ezio.


Avec une agilité surnaturelle, elle se faufila entre les gens, esquivant les bras, les jambes et les bousculades. Arrivée aux côtés d'Ezio, elle dégaina ses lames cachées et en un éclair, elle désarma deux des gardes les plus proches. Un coup de pied bien placé en fit chuter un autre, et une lame projetée neutralisa le dernier.


Ezio la regarda, ses yeux remplis de confusion et de douleur. Mais il n'avait pas le temps de comprendre ce qui venait de se passer. Arianna saisit sa main, son regard croisant le sien.


"Cours !" cria-t-elle, tirant Ezio avec elle.


Ils se frayèrent un chemin à travers la foule paniquée, les gardes hurlant derrière eux, mais rien de tout cela n'avait d'importance. Arianna n'avait qu'une seule pensée en tête : mettre Ezio en sécurité. Tout le reste pouvait attendre.


-


Ezio était pétrifié, les yeux fixés sur l'échafaud. La corde s'était tendue, les corps de son père et de son frère avaient cessé de se balancer. Le monde autour de lui semblait avoir perdu toute couleur, tout sens. Il se sentait engourdi, comme si le temps s'était arrêté, le laissant captif de cet instant d'horreur. Les gardes s'approchèrent, leurs épées dégainées, mais il ne pouvait pas bouger. Que pouvait-il faire maintenant ? Où pourrait-il aller ?


Alors, une silhouette apparut, s'insérant entre lui et les gardes avec une agilité surnaturelle. Des lames cachées jaillirent de ses poignets, et en un instant, les hommes qui l'entouraient furent neutralisés. Ezio la regarda, le cœur battant à tout rompre. Arianna.


Il la voyait, mais avait du mal à la reconnaître. Elle n'était plus la jeune fille qu'il avait connue, mais une femme accomplie, une guerrière, une Assassine. Sa tenue, taillée pour le combat, soulignait sa stature confiante. Ses mouvements étaient ceux d'une professionnelle, chaque geste calculé pour être mortellement efficace.


Et pourtant, quand leurs regards se croisèrent, il vit dans ses yeux la même Arianna qu'il avait toujours aimée. Il y avait de la douleur, oui, mais aussi une détermination, un espoir qui semblait dire : "Il y a encore quelque chose pour lequel il vaut la peine de se battre."


Elle prit sa main dans la sienne, un toucher qui éclipsa tout le reste. C'était une sensation si familière, et pourtant si lointaine. "Cours !" lui cria-t-elle. Et comme si ces mots avaient la puissance de dissiper le voile d'horreur qui l'entourait, son corps se mit en mouvement. Soudain, il se sentait revivre, animé non seulement par l'urgence de la situation, mais aussi par le fait qu'Arianna était là, à ses côtés.


Ils couraient à travers les ruelles, les toits, là où leurs pieds pouvaient les porter. Ezio ne réfléchissait pas. Il ne pouvait pas se permettre de réfléchir. Il faisait confiance à cette femme, à cette Assassine, à cet amour qui avait resurgi du passé dans ce moment de désespoir.


La distance entre eux et leurs poursuivants s'allongeait. Mais pour Ezio, ce n'était pas la fuite qui importait le plus à ce moment. C'était le fait qu'il la tenait par la main, qu'ils couraient ensemble. Dans ce tourbillon d'événements tragiques, une certitude venait de s'ancrer en lui : peu importe ce qui les attendait, ils feraient face à cela ensemble.


-


Ezio et Arianna finirent par ralentir, leur course effrénée les ayant menés dans une ruelle sombre et isolée, loin des yeux de leurs poursuivants. Le bruit de leurs respirations lourdes se mêlait à celui des battements de leur cœur. Pour la première fois depuis que le chaos avait englouti leurs vies, ils s'arrêtèrent. Ezio regarda Arianna, ses yeux cherchant les siens.


Il y avait tant de questions non posées, tant d'émotions inexplicables. Mais dans cet instant, les mots semblaient inutiles. Leurs regards se croisèrent et tout ce qu'ils n'avaient pas pu dire, tout ce qu'ils avaient dû garder enfermé pendant si longtemps, tout cela fut communiqué en une fraction de seconde. Il vit en elle la douleur, la force, l'amour; elle vit en lui la perte, la confusion, la détermination.


Arianna s'approcha, libérant sa main de la sienne pour toucher son visage, comme pour s'assurer qu'il était bien réel, qu'il n'était pas une illusion née de l'angoisse et du désespoir. Ezio frissonna à son toucher, mais pas de froid. C'était un frisson de reconnaissance, un rappel de tout ce qu'il avait perdu et tout ce qu'il venait de retrouver.


"Arianna," souffla-t-il, sa voix rauque, chargée d'émotion.


Elle posa son doigt sur ses lèvres, comme pour lui dire que les mots pouvaient attendre, que pour l'instant, le silence valait mille paroles. Elle le regarda, et dans ses yeux, Ezio trouva une raison d'espérer malgré tout le désespoir qui avait tenté de l'engloutir.


Et dans cette ruelle sombre, entourés d'ombres et de dangers invisibles, ils se tenaient là, trouvant un moment de paix dans le regard de l'autre. C'était comme si, pour la première fois depuis longtemps, ils pouvaient respirer. Et dans ce simple acte de respiration, ils trouvèrent la force de continuer, de faire face à ce qui les attendait, ensemble.


Le silence entre Ezio et Arianna était un havre de calme dans le tumulte des événements récents. Ils s'étaient échappés par miracle, mais à présent, alors que leur souffle se calmait, la réalité de leur situation s'imposait avec une clarté brutale. Ezio sentait un poids oppressant sur sa poitrine, non pas à cause de la course, mais du fardeau des responsabilités qui lui tombaient dessus.


"Claudia... Mère," dit Ezio subitement, sa voix révélant l'urgence et l'angoisse qu'il avait temporairement réussi à mettre de côté. "Elles sont chez Anetta. C’est une femme fiable, mais avec les Pazzi à nos trousses, personne n'est vraiment en sécurité."


Arianna, comprenant l'urgence de la situation, hocha la tête fermement. "Alors nous y allons maintenant. C'est tout ce qui compte," répliqua-t-elle, la voix emplie d'une assurance qui rassura un moment Ezio.


Ils se déplacèrent avec précaution à travers les rues labyrinthiques de Florence, restant à l'écart des routes principales pour éviter toute rencontre avec les sbires des Pazzi. La maison d'Anetta, dissimulée dans une ruelle éloignée, se révélait être un sanctuaire improbable, loin des splendeurs auxquelles la famille d'Ezio était habituée.


Arrivant devant la porte discrète, Ezio fut saisi par un sentiment d'irréalité. Cette maison modeste était devenue l'ultime refuge de sa famille noble. Il frappa doucement, le cœur lourd d'appréhension.


Il n'y eut aucune réponse.


Arianna passa devant lui, jetant un coup d'œil prudent à travers la petite ouverture de la porte. "Elles ne sont peut-être pas là. Entrons."


Ils poussèrent la porte et pénétrèrent dans l'intimité humble de la maisonnette. L'obscurité était percée seulement par le faible lueur de la lune qui filtrait à travers les volets mal joints. Ils progressèrent lentement, Ezio appelant doucement, "Claudia? Mère?"


Mais seul le silence leur répondit. L'endroit semblait avoir été abandonné dans la précipitation, des vêtements jetés pêle-mêle, quelques meubles renversés - les signes d'un départ soudain ou d'une fuite précipitée.


Arianna attrapa la main d'Ezio, la serra fort. "Nous devons trouver Anetta. Elle saura où elles sont allées."


Ezio acquiesça, ses yeux s'adaptant à la pénombre, parcourant la pièce à la recherche d'un indice, d'une lettre, de quelque chose laissé derrière qui pourrait les guider. Mais il n'y avait rien, seulement le vide laissé par l'absence de ses proches.


Arianna scrutait la pièce avec une précision d'assassin, son regard habitué aux détails qui échappaient à la plupart des gens. Ezio, agité par la peur et l'incertitude, regardait la maison vide d'un œil perdu. Il murmura, "Où sont-elles ?" Sa voix trahissait la vulnérabilité d'un homme qui voyait son monde s'effondrer pièce par pièce.


Arianna se pencha pour ramasser un ruban tombé au sol, un objet trop élémentaire pour signifier quelque chose pour Ezio, mais pas pour elle. "Elles ne sont pas seules," dit-elle calmement, en posant une main rassurante sur l'épaule d'Ezio. "Anetta les aurait emmenées dans un endroit sûr, un endroit que personne ne songerait à fouiller pour trouver la famille Auditore."


Ezio la regardait, une question muette dans ses yeux. Arianna offrit une réponse avant même qu'il ne parle. "Le bordel de Paola. C'est un sanctuaire autant qu'un commerce. Giovanni et moi y avons souvent trouvé refuge et y avons échangé des informations."


Le bordel ? L'idée que sa mère et sa sœur puissent être cachées dans un tel endroit le laissait pantois, à la limite de l'indignation. Mais Arianna le regarda avec fermeté. "Paola est plus qu'une simple tenancière de bordel. Elle est de notre confrérie, Ezio. Elle protègera ta famille."


-


Comme ils marchaient vers le lieu improbable du refuge de sa famille, Ezio était assailli par le doute. Son père et son frère étaient morts en portant un secret, le même que portait Arianna. La réalité de leur double vie commençait à s'imposer à lui. Il avait été tenu à l'écart, protégé peut-être, ou simplement jugé inapte. La douleur de cette révélation le piquait plus qu'il ne l'aurait cru.


Arianna le menait à travers les rues de Florence, un chemin qu'elle semblait connaître intimement. Ezio suivait, à moitié perdu dans ses pensées. Que signifiait être un Assassin ? Quel était le coût de ce titre, de cet héritage ? La perte de sa famille semblait être le premier des paiements.


Arianna s'arrêta soudainement et se tourna vers Ezio. "Tu dois comprendre que ce que nous faisons, ce que nous sommes, c'est pour protéger ceux que nous aimons, pour un bien plus grand. Ton père et ton frère ont sacrifié leur vie pour cette cause. Je la risque chaque jour." Sa voix était douce, mais ses yeux étaient durs comme l'acier. "Et je risquerais tout pour toi, Ezio, sans hésiter."


Ils étaient devant la porte du bordel, et avant qu'Ezio ne puisse répondre, Arianna avait déjà frappé à la porte, utilisant un rythme particulier, un code connu seulement des initiés. La porte s'ouvrit, et une femme les accueillit, l'œil vif et l'attitude autoritaire. C'était Paola.


Ezio regardait, réalisant que sa vie avait changé pour toujours. Il n'était plus un jeune noble de Florence ; il était l'héritier d'une cause qui lui avait été dissimulée, et qui lui était révélée dans les circonstances les plus tragiques. En suivant Arianna à travers le seuil, il savait que chaque pas le menait plus profondément dans le monde de l'Assassin, un monde de dangers et de devoirs, de secrets et de sacrifices. Mais dans ce monde, il n'était pas seul – Arianna était à ses côtés, à la fois son guide et son soutien, celle qu'il aimait, celle qu'il pouvait encore apprendre à comprendre.


Dans les antichambres veloutées du bordel, Ezio se sentait comme un intrus dans un monde qui n'appartenait ni à son passé de noblesse florentine ni à son futur d'Assassin. Les murmures soyeux des courtisanes se mêlaient aux rires bas des clients, créant une mélodie étrange qui résonnait dans ses oreilles. Son regard était constamment tiré vers les ombres dansantes sur les murs, projetées par les bougies qui scintillaient comme autant d'étoiles tombées du ciel pour se cacher dans cet endroit de plaisir et de secret.


Arianna et Paola parlaient à voix basse, leurs mots rapides et leurs gestes précis trahissaient une urgence dissimulée par des années de pratique. Ezio les regardait, mais il n'était pas là. Son esprit était ailleurs, perdu dans les événements de la journée qui avaient tout changé.


Il interrompit soudain leur conversation. "J'ai besoin d'un moment," dit-il d'une voix qui se voulait ferme mais qui tremblait légèrement. "Un endroit pour être seul."


Paola acquiesça, son regard perçant comprenant sans jugement. "Suivez-moi," dit-elle en guidant Ezio à travers un dédale de couloirs richement décorés jusqu'à une porte discrète. Elle s'apprêtait à laisser Ezio seul, mais il se retourna vers Arianna, ses yeux implorant. Sans un mot, elle comprit et le suivit.


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La chambre était un sanctuaire d'intimité contrastant avec la parade ostentatoire de l'extérieur. Les murs étaient tapissés d'un tissu pourpre qui absorbait le bruit, et un petit lit était drapé de voiles transparents qui flottaient doucement à chaque mouvement d'air.


Ils entrèrent, et la porte se referma derrière eux, les enveloppant dans une tranquillité soudaine. Ezio se laissa tomber sur le bord du lit, ses mains couvrant son visage. "Je ne sais pas si je peux faire face à tout cela," avoua-t-il dans un murmure étouffé par ses paumes.


Arianna s'assit à côté de lui, sa présence seule étant une forme de communication. "Tu n'es pas seul," dit-elle doucement. "Ta famille est en sécurité maintenant, et tu as le temps de respirer, de comprendre."


Ezio baissa les mains, regardant Arianna. Il y avait tant de choses qu'il voulait savoir, tant de questions qu'il avait besoin de poser, mais en cet instant, il ne trouvait pas les mots. "Pourquoi tout cela est-il arrivé ?" C'était la seule question qui lui échappait, celle qui résonnait avec la douleur d'une perte indescriptible. La voix d'Ezio était chargée d'un poids qui n'était pas seulement celui du présent, mais de toutes les ombres du passé qui se dressaient autour de lui comme des spectres accusateurs.


La question d'Ezio s'était posée comme une pierre dans l'eau calme de la pièce isolée, mais les cercles qu'elle créait n'étaient pas de ceux qui se dissipent doucement. Ils se propageaient, grossissaient, agités par les courants sous-jacents de son esprit tumultueux. 


Tout remontait à la surface — la perte de son père, la mort de son frère, la révélation brutale de l'Ordre des Assassins. La réapparition d'Arianna, après que leur amour eut été éclipsé par le devoir et la séparation imposée par son propre père pour les protéger tous les deux, la séparait à présent de lui par un abîme d'incompréhension.


La douleur intérieure d'Ezio se mua en trahison, une trahison qui, comme un venin, se transforma en une rage dévorante. Il marmonnait des mots à mi-voix, ses pensées tournoyant dans la tempête qui ravageait son cœur. "Si j'avais su..." commença-t-il, mais sa voix se brisa, happée par l'émotion. Il serrait le poing si fort que la blancheur de ses jointures contrastait avec le rouge de ses ongles, qui s'enfonçaient presque dans la chair tendre de sa paume. La souffrance de la trahison déferlait à travers lui, alimentant la fureur qui le consumait. "Si seulement j'avais été averti à temps, peut-être que... peut-être que rien de tout cela ne serait arrivé!" La fin de sa phrase fut accompagnée par le bruit sourd de son poing frappant le mur, l'impact résonnant comme le coup de tonnerre après un éclair furieux.


Arianna, quant à elle, demeurait une statue de calme, un roc contre lequel les vagues déchaînées de l'émotion d'Ezio venaient se briser. Son regard portait le poids d'un secret ancestral, une charge qui lui avait été transmise par Giovanni, destinée à préserver Ezio, à le garder à l'écart des tempêtes de sang et de lames. "Tu ne comprends pas, Ezio," articula-t-elle d'une voix empreinte d'une douceur inébranlable, "tout ce que nous avons fait, c'était pour te protéger, pour te garder hors de portée de ce destin cruel."


Mais le mot 'protection' était pour Ezio synonyme de chaînes, d'entraves qui l'avaient maintenu dans l'obscurité, privé de la vérité. "Me protéger ?" cracha-t-il avec une ironie mordante, chaque mot était une flèche empoisonnée par le mépris. "C'est cette ignorance qui les a tués !"


La pièce était imprégnée d'une tension presque palpable, l'air vibrant à chaque mot prononcé, chaque syllabe alimentant la rage brûlante qui dévorait le cœur du jeune Auditore. Arianna cherchait à apporter du réconfort, à envelopper la colère d'Ezio d'un baume apaisant, mais sa compassion rencontrait le mur impénétrable de sa détermination. Il voyait dans ses yeux une pitié qu'il réprouvait, une pitié qui n'avait pas sa place. Il était Ezio Auditore, fils d'une lignée de combattants, et il refusait d'être l'objet de compassion.


"Tu ne sais pas ce que c'est," cria Ezio, son visage si proche du sien qu'elle pouvait sentir la chaleur de son souffle, chaque mot une lame tranchante destinée à ouvrir encore plus le gouffre entre eux. "Tu ne sais pas ce que c'est de découvrir que toute ta vie n'est qu'un tissu de mensonges !"


Leur confrontation était une tempête, non pas de grêle ou de vent, mais de vérités cachées et de rancœurs longtemps retenues. Ezio, encore novice dans ce monde obscur des Assassins, se tenait face à Arianna, la femme dont l'amour avait été le doux murmure de son existence, désormais le cri assourdissant de sa trahison.


"Pourquoi?" Le mot s'échappa des lèvres d'Ezio, une lame empoisonnée lancée dans le sombre. "Pourquoi m'as-tu caché tout cela? Pourquoi m'avoir laissé dans l'ignorance, Arianna?" Son poing s'abattit sur le mur à côté d'elle, une explosion de frustration face à un ennemi invisible.


"Rien n'aurait changé!" Arianna l'interrompit, son cri tranchant le silence comme le verre brisé. "Ils avaient leurs secrets, Ezio, tout comme moi. Nous avons tous des ombres que nous cherchons à dissimuler, même à ceux que nous aimons."


Ezio la fixa, ses yeux recherchant dans les siens l'ombre d'une femme qu'il pensait connaître. "Nos moments ensemble, Arianna, étaient-ils tous un mensonge? Les nuits passées à rire, à rêver... tout n'était que fumée et miroirs pour toi?"


Les larmes naissaient aux coins des yeux d'Arianna, mais elle les força à reculer. "Rien de ce que j'ai ressenti pour toi n'était un mensonge, Ezio. Je te le jure sur mon âme," elle prit une inspiration saccadée, luttant contre la douleur qui menaçait de l'engloutir. "Mais mon allégeance envers l'Ordre m'imposait des choix... des choix déchirants."


La douleur mutait, devenant quelque chose de plus féroce, plus sauvage en Ezio. Il voyait les fragments de leur vie passée, les moments volés, les promesses murmurées, tous souillés par les secrets et les mensonges. La colère bouillonnait, déversant dans ses veines une lave brûlante qui exigeait une issue.


Il était près d'elle maintenant, si près qu'il pouvait sentir son souffle saccadé. "Arianna," sa voix n'était plus qu'un murmure rauque, "tu es la cause de ma douleur la plus profonde... et pourtant..."


Son cœur battait à l'unisson avec le sien, leurs souffles se mêlaient, la haine et l'amour dansant une valse destructrice. Ezio l'attrapa par les épaules, ses doigts serrant le tissu de sa tunique, la rapprochant de lui avec une force brutale.


Leurs yeux se verrouillèrent, un orage de sentiments contradictoires s'entrechoquant dans le silence. Puis, dans un mouvement qui était à la fois un abandon et une revendication, il la tira contre lui, leurs lèvres se rencontrant dans un baiser qui était une guerre, une paix, une damnation et une délivrance.


C'était un chaos de passion, chaque toucher était une affirmation de vie, chaque mouvement un défi à la réalité qui les accablait. Ils tombèrent ensemble, un enchevêtrement de membres et d'émotions, le sol dur de la pièce à peine une pensée alors qu'ils cherchaient à s'ancrer l'un à l'autre, à échapper à la douleur par l'intensité du contact, par le désir de se perdre l'un dans l'autre.


Dans cet affrontement passionné, Ezio cherchait à dominer la tempête qui l'avait emporté, cherchait à saisir quelque chose de réel et tangible au milieu des décombres de son monde brisé. Arianna, sous ses mains insistantes, n'était plus l'assassin, plus la gardienne de secrets, mais la femme qu'il avait toujours connue, dont il avait toujours rêvé. Leurs corps se pressaient avec une urgence née de la peur et de l'espoir, le doux parfum de sa peau se mélangeant avec l'odeur métallique de son propre désespoir.


Le tissu se déchirait sous leurs doigts impatients, exposant la peau à l'air frais de la pièce qui ne faisait qu'attiser leur ardeur. Chaque baiser d'Ezio était à la fois une question et une affirmation, tandis que ceux d'Arianna étaient des réponses murmures, des suppliques tissées de désir et de remords.


Il la renversa, ses cheveux éparpillés comme un voile d'ébène autour de son visage. Son regard, capturé entre désir et douleur, brillait d'une lueur sauvage dans l'obscurité de la pièce. Ils se mouvaient l'un contre l'autre, un ballet de désespoir et de passion, où chaque contact écrasait un peu plus les barrières qu'ils avaient érigées entre eux.


Ezio sentait le contrôle lui échapper, mais il ne luttait pas, il se laissait sombrer dans les profondeurs de ce lien primordial qui refusait d'être brisé par la trahison ou la perte. Il trouvait dans l'abandon de leur étreinte une force brutale, une promesse muette que même dans la tourmente, il y avait quelque chose d'indestructible.


"Arianna," souffla-t-il contre sa peau, un aveu, une prière, une malédiction tout en un. "Arianna..."


Et elle répondit à son appel, non avec des mots, mais avec son corps, avec son cœur, lui offrant un havre temporaire contre les tempêtes intérieures qui le ravageaient. Dans cette chambre, ils n'étaient pas des Assassins, pas des jouets du destin ou de la trahison. Ils étaient simplement Ezio et Arianna, un homme et une femme cherchant à se reconstruire dans les bras l'un de l'autre, à composer une symphonie de sensations destinée à les élever au-dessus de l'abîme de leur douleur.


Et quand ils atteignirent ensemble le sommet de leur passion, c'était comme si, pendant un moment fugace, le temps lui-même s'arrêtait, les épargnant de la brutalité du monde extérieur. Ils restaient enlacés, un mélange de sueur, de larmes et de promesses silencieuses, une union temporairement parfaite au cœur d'un monde imparfait.


Le calme après la tempête enveloppait la pièce, telle une étole de silence. Ezio, le souffle saccadé, restait allongé à côté d'Arianna, contemplant la courbe de son épaule où les marques rouges de sa passion témoignaient de la fureur qui les avait unis. La colère qui avait rugi en lui était encore présente, une braise ardente sous la cendre de son épuisement, mais elle était accompagnée d'une réalisation profonde qui commençait à s'insinuer dans son esprit tumultueux.


Les souvenirs de leur union, de la manière dont ils s'étaient emparés l'un de l'autre avec une urgence qui dépassait la colère, étaient encore vifs. Chaque marque sur sa peau était un mot non prononcé, chaque bleu, une phrase inachevée de leur dialogue physique. Ces marques, bien que temporaires, étaient le récit muet de la douleur et du plaisir qu'ils avaient partagés, un texte écrit sur la toile de leurs corps qui ne pouvait être lu que par ceux qui avaient partagé un tel abandon.


Ezio, les yeux parcourant le paysage de sa peau, laissait son regard s'attarder sur chaque signe de leur lutte passionnée. Le spectacle le faisait osciller entre la remise en question et la réaffirmation de son amour pour elle. Là, dans le dédale de ses propres sentiments, il se trouvait au seuil d'une compréhension plus vaste que les secrets qui les avaient déchirés.


Arianna, en retour, l'observait, cherchant dans son regard un indice de ce qui se passait dans l'esprit d'Ezio. Leurs yeux se rencontraient parfois, échangeant des éclats de ce dialogue silencieux, mélange de questionnement et de reconnaissance mutuelle.


"Pourquoi, Arianna?" La question s'échappa des lèvres d'Ezio, douce et dangereuse. 


Elle le regardait, les yeux écarquillés et humides, l'éclat de ses larmes reflétant le peu de lumière qui filtrait à travers la fenêtre. "Si je l'avais pu, Ezio, je te l'aurais dit," avoua-t-elle, sa voix tremblante trahissant la tempête qui agitait son âme. Les larmes commençaient à couler, sillonnant son visage comme pour nettoyer la douleur qui s'y était imprimée. "Tout ce que j'ai fait... c'était par nécessité, pas par choix. C'est le poids de notre devoir, de notre serment à l'Ordre."


Les mots semblaient se frayer un chemin à travers l'armure de colère d'Ezio, trouvant une faille dans sa fureur. Il voyait maintenant les larmes d'Arianna, pas comme un signe de faiblesse, mais comme une manifestation de la force intérieure qu'il fallait pour garder de tels secrets, pour porter un tel fardeau.


La colère en lui se fissurait, laissant place à la lumière de la compréhension. Il repensait à son père, à son frère, aux derniers mots qu'ils avaient échangés, aux regards lourds de sens. Ces souvenirs, autrefois enveloppés de brouillard, commençaient à se clarifier. "Mon père... il a vécu avec les mêmes chaînes, n'est-ce pas ?" dit-il presque pour lui-même, ses mots s'échappant dans un souffle chargé de révélations. "Les chaînes du silence, pour protéger ceux qu'il aimait."


Arianna hocha la tête, incapable de parler à nouveau, les sanglots entravant sa gorge. Ezio se rapprocha doucement, son geste hésitant au début, mais devenant plus sûr, comme s'il retrouvait le chemin vers la compassion. Il l'entoura de ses bras, un élan protecteur empreint de la chaleur d'un amour qui refusait d'être éteint par la trahison ou le chagrin.


"Je commence à comprendre, Arianna. La trahison que je ressentais... c'était une ombre parmi les ombres," murmura-t-il. Ses propres yeux commençaient à brûler, non pas de colère, mais d'une émotion brute qui forgeait un nouveau lien entre eux.


Arianna se blottit contre lui, cherchant refuge dans l'acceptation qu'il lui offrait. "Je suis désolée, Ezio. Tellement désolée," souffla-t-elle, chaque mot imprégné d'un regret sincère.


Ezio resta silencieux, maintenant le corps tremblant d'Arianna contre lui. Il savait que leur chemin serait encore long et semé d'embûches, mais en cet instant de vulnérabilité partagée, il sentait que quelque chose avait changé. Peut-être, juste peut-être, le pardon était-il possible dans ce monde tissé de secrets et de devoirs. Peut-être que leur amour, malgré tout, pourrait être le phare qui les guiderait à travers les tempêtes à venir.


La nuit enveloppa la chambre d'une sérénité trompeuse, un baume silencieux sur les plaies encore ouvertes de leur querelle. Ezio et Arianna, épuisés par le déferlement de leurs émotions, s'étaient rendus à l'épuisement, s'abandonnant aux bras de Morphée dans une étreinte qui n'avait plus besoin de mots. Leurs corps, tels des navires après la tempête, s'étaient naturellement cherchés dans l'obscurité, trouvant un port sûr l'un chez l'autre, malgré les dégâts causés par la tourmente de leur amour et de leur colère.


-


Au matin, alors que les premiers rayons de soleil perçaient timidement à travers les interstices des volets clos, Ezio se réveilla avec une sensation de paix qui lui avait longtemps été étrangère. La rage et la douleur, bien que non effacées, s'étaient estompées, laissant derrière elles un chagrin purifié, celui de la perte irréparable de son père et de son frère. La présence d'Arianna à ses côtés n'était pas simplement réconfortante ; elle était devenue essentielle, un ancrage nécessaire dans le tumulte de ses pensées tourmentées.


Ezio contempla le visage endormi d'Arianna, son souffle régulier étant la seule preuve de la tempête qu'ils avaient tous deux traversée la veille. Il s'autorisa un moment pour étudier les contours de son visage, cherchant à graver en lui l'image d'une femme forte et indomptable, même dans la vulnérabilité de son sommeil.


À contrecoeur, il se détacha de l'étreinte douce et familière pour s'asseoir sur le bord du lit, le poids de la réalité revenant sur ses épaules. Il savait ce qui l'attendait, la tâche la plus douloureuse de toutes : annoncer à Maria et Claudia la triste vérité sur le sort de Giovanni et Federico. L'exécution sommaire, fruit d'une conspiration qui avait tout emporté sur son passage.


Il jeta un dernier regard à Arianna, cherchant dans son sommeil la force de faire face à ce nouveau jour et aux révélations qu'il apporterait. Il savait que la route à venir serait jonchée d'épreuves, que le destin des Auditore était désormais entre ses mains, et que chaque pas qu'il ferait, il le ferait pour sa famille et pour l'Ordre des Assassins.


Se levant avec la grâce d'un prédateur et la lourdeur d'un homme portant le fardeau du deuil, Ezio s'habilla silencieusement. Chaque mouvement était imprégné d'une détermination naissante, car il se préparait à affronter un monde qui, jusqu'alors, avait été masqué par l'insouciance de sa jeunesse. Maintenant, il était temps d'accepter son héritage, et avec un dernier regard empreint d'une tendresse douloureuse vers Arianna, il s'avança vers le seuil de la porte, prêt à endosser le manteau de responsabilité qui avait été tissé pour lui depuis sa naissance.

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