The New Substitute

Chapitre 7

4887 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 01/03/2017 20:41

Cela faisait plusieurs heures que Shûhei Hisagi et Tsunata Nara s’étaient retrouvés pour effectuer leur première mission ensemble. Au plus grand damne du ténébreux, sa coéquipière avait fini par camoufler une fois de plus sa jolie fantaisie capillaire.

Son cœur s’était mis à fortement tambouriner contre ses côtes lorsqu’il l’avait vu entrer dans les quartiers de la Neuvième Division, émerveillée par ce lieu qu’elle ne connaissait pas encore. A ses yeux à lui, le Seireitei n’avait rien d’exceptionnel : les bâtiments se ressemblaient tous étroitement et n’avaient, depuis longtemps, plus aucun charme. Mais Tsunata, elle, s’extasiait d’en découvrir toujours davantage, de vagabonder ici et là, d’observer, de toucher…

Oui, elle avait pris beaucoup de plaisir à découvrir l’endroit où il passait le plus clair de son temps ; mais qu’à cela ne tienne, il savait pertinemment que ce n’était pas pour le voir mettre en ordre les différents écrits d’autres Divisions destinés à la rédaction du prochain numéro de la Gazette du Seireitei qu’elle avait tant trépigné en franchissant le seuil de leurs baraquements.

Malgré qu’elle se soit avancée vers lui avec son grand sourire ravi, un blocage avait poussé Shûhei à lui être de nouveau peu agréable. Sans doute était-ce un système de défense inconscient pour lui éviter de souffrir par la suite, il n’en savait rien.

Cependant, actuellement, il le regrettait amèrement. Ô combien il aurait souhaité ne pas avoir eu cette satanée réaction qui, pourtant, ne lui était pas familière ! Depuis le temps qu’ils rôdaient dans les allées assombries de la ville des Shinigami, Tsunata n’avait pas quitté le sol de ses yeux tristes un seul instant. Le fils Kurosaki devait probablement lui manquer bien plus qu’elle ne le montrait, qui plus est lorsque Shûhei se mettait à agir de la sorte à son égard.

Il ne se reconnaissait plus lui-même ! D’ordinaire, son tempérament calme et réfléchi le poussait à aider les autres, et il adorait ça. Seulement, depuis qu’il avait fait la rencontre de la Shinigami remplaçante, il s’offusquait d’un rien et rechignait à la tâche. Elle le faisait changer, jouait sur ses nerfs et lui procurait un sentiment de culpabilité.

Après un raclement de gorge sonore, la seule chose qu’il trouva à dire pour briser ce silence pesant fut :

– Tu viens en mission sans ton sabre ?

– La ferme, souffla-t-elle.

Sujet sensible, visiblement. Toutefois, il poursuivit sur sa lancée.

– C’est imprudent de ta part.

– Vous êtes vraiment tous les mêmes, soupira la blonde.

– C’est mon rôle de faire attention à toi, insista-t-il.

– Alors arrêtez, si je vous exaspère à ce point.

Il tiqua, piqué au vif.

– Je n’ai jamais dit ça ! s’offusqua Shûhei. Et puis d’abord, pourquoi est-ce que tu t’obstines à me vouvoyer ?

– Vous êtes mon supérieur, rappela-t-elle.

– Ça n’a pas l’air de te gêner tant que ça quand tu me dis de la fermer ! Et je te signale qu’avant, tu me tutoyais !

– Je ne savais pas que vous étiez un Vice-Capitaine, haussa-t-elle les épaules.

Son calme hautain mit les nerfs du brun à rude épreuve, aussi perdit-il son sang-froid.

– Kira, Rangiku, Abarai et Kuchiki sont aussi des Vices-Capitaines ! fit-il remarquer.

– Ce sont mes amis, ça n’a rien à voir.

Il vit rouge, très rouge.

– Et moi, alors ? siffla-t-il. On est coéquipiers, j’te rappelle !

La limite de Tsunata venait elle-aussi d’être atteinte. Collant son front fiévreux contre celui du Shinigami en se dressant sur la pointe des pieds, tous deux se mirent à exercer une forte pression sur l’autre.

– Mon coéquipier ? reprit-elle d’un ton cinglant. La belle affaire ! Eux au moins ne me hurlent pas dessus comme des putois !

– Mais c’est quoi ton problème avec tes comparaisons sans queue ni tête et tes « la ferme » à tout va ! vociféra-t-il.

– J’vous ai jamais demandé de rester avec moi ! hurla Tsunata. Si ça vous plaît pas d’être là, vous pouvez retourner cuver votre saké dans un coin, Vice-Capitaine Hisagi !

– Quoi ? s’époumona-t-il. Et qu’est-ce que tu crois que tu vas faire toute seule, sans arme pour te défendre ? T’es rien de plus qu’une gamine sans zanpakutô qui se prend pour une Shinigami, une remplaçante placée sous tutelle, alors arrête de faire la fière !

Il avait été trop loin, et le savait.

Alors que les yeux de sa coéquipière s’arrondirent sous la surprise, elle ôta son front de celui du ténébreux, se retourna et commença à s’éloigner. Avant qu’elle en ait eu le temps, Shûhei tenta de la retenir par la manche de son kosode, mais celle-ci s’en défit d’un geste vif.

– Attends ! paniqua-t-il.

Enervé n’était plus l’adjectif à employer pour décrire l’état dans lequel Tsunata se trouvait à présent. Sa souffrance était réelle, palpable. Les mots qu’il avait employé l’avaient transpercé avec plus d’efficacité qu’un sabre correctement affûté ne l’aurait fait.

Elle qui mettait tout en œuvre pour devenir une meilleure Shinigami, quelqu’un de fort sur qui l’on puisse compter, trouvait inconcevable d’être une gêne pour quiconque. Pourtant, cet homme, celui qui retenait toute son attention depuis près de soixante-douze heures, se permettait de proférer de tels propos à son sujet, alors même qu’il ne connaissait rien d’elle.

C’en fut bien plus qu’elle ne pût le supporter. Elle s’était si lourdement trompée sur son compte qu’elle s’en mordit les doigts ; elle qui pensait qu’il serait différent.

Son sang à lui pulsait dans ses oreilles. Une migraine lancinante le prit de court tandis que ses dents se crispèrent. S’il ne se dépêchait pas de la rattraper, c’en serait terminé de la mission que lui avait soigneusement confiée le Capitaine-Général.

– Tsunata, att…

Un cri macabre tinta dans le ciel de la Soul Society.

Ce son, Shûhei ne le connaissait que trop bien. Mais, à peine eût-il le temps de poser la main sur le manche de son katana, près à faire volte-face, qu’une énorme griffe lui traversa l’épaule gauche. Envahi par la douleur, il poussa un hurlement effroyable qui stoppa net sa coéquipière.

Lorsque Tsunata se retourna vers lui, la seule chose qu’elle parvint à voir fut le sang du jeune homme gicler tandis que les genoux de ce dernier heurtèrent sourdement le sol.

– Tsunata, fuis ! s’écria-t-il.

Un Hollow gigantesque avait franchi la barrière de sécurité formée par la pierre de sekki autour du Seireitei et s’en était pris au Vice-Capitaine de la Neuvième Division. Sa vitesse vertigineuse avait été telle que sa présence n’eut été remarquée par les Shinigami qu’une fois qu’il avait émis ce sinistre cri si particulier à son espèce, avant d’infliger son châtiment au ténébreux.

Tandis qu’une peur indéniable la prit aux tripes, ses yeux verts s’écarquillèrent au gré où sa raison commençait à la quitter.

Non, il n’en avait pas le droit.

– Vas-t’en, Tsunata !

Le monstre extirpa son appendice du corps du brun, le laissant tomber lourdement face contre terre. La douleur était bien trop intense pour qu’il ne puisse songer à reprendre le contrôle de la situation ; aussi, si Tsunata ne se dépêchait pas de déguerpir, tous deux allaient mourir ici-même des sombres desseins de la créature masquée.

Le Hollow leva son bras démesuré, prenant de l’élan pour asséner à Shûhei un coup qu’il espérait lui être fatal. Dans un mouvement sec, il abattit son membre de toute la force qu’il avait en sa possession – si ce n’est plus encore. L’impact assourdissant qui en résulta mit à rude épreuve les fondations des bâtiments stationnés sur un périmètre de plusieurs kilomètres.

Shûhei ouvrit les yeux en grand ; il haletait, son sang chaud coulait le long de son torse saillant et ses vertiges le rendaient malade. Ajouté à cela, une pression spirituelle l’écrasait littéralement, lui donnant un mal fou à respirer. Il ne savait comment, mais quelque chose venait de l’écarter de justesse de l’endroit où, maintenant, seul un cratère trônait. Sauvé in-extremis, voilà ce qu’il venait d’être.

Un pas perça le bruit du souffle occasionné par la déflagration, suivi d’un autre. La tête du Vice-Capitaine tournait bien trop pour qu’il ne puisse pleinement réaliser, jusqu’à ce que le Hollow s’exprime de son timbre d’outre-tombe.

– Intéressant, dit-il.

– Toi…

Cette voix, il en était sûr, elle ne pouvait appartenir qu’à Tsunata.

– Pousses-toi, gamine, somma le monstre. Je m’occuperai de toi plus tard.

Au moment où Shûhei réussit à voir devant lui, il s’aperçut que sa coéquipière faisait face à l’ennemi, le protégeant de son petit corps ; quant à sa pression spirituelle, celle-ci avait littéralement explosé.

Elle était impressionnante, certes, mais à mains nues, il douta qu’elle puisse réellement se mesurer à une telle créature. Bien sûr, il avait assisté à l’étrange attaque dont elle s’était servie pour mettre à terre Ichigo lors de leur duel, mais celle-ci ne pourrait suffire contre un Hollow de ce type.

– Tu viens de commettre la seule erreur que je ne peux pardonner, déclara-t-elle froidement.

Son visage était bas, ses mains crispées à en laisser incrustées les traces de ses ongles contre ses paumes.

– Je te demande pardon ? ricana le masqué.

– Tu as parfaitement compris.

Elle redressa son faciès enragé à l’intention de l’ennemi.

– Tu as osé toucher à mon coéquipier et ça, vois-tu, j’ai beaucoup de mal à le tolérer !

Shûhei écarquilla les yeux, en oubliant même de s’oxygéner.

Tsunata porta sa main droite derrière sa nuque et la referma. Apparut alors devant le regard ébahi du ténébreux le manche d’un zanpakutô. Tandis qu’elle le ramena devant elle, sortit de la garde de longs rubans de soie d’une couleur semblable à celle des cerisiers en fleurs. Ceux-ci tournoyèrent dans une danse longitudinale ; plus la blonde les guidait vers elle, plus ils adoptaient une forme précise, celle d’un authentique katana dont la lame, de taille conventionnelle, restait d’une largeur peu commune.

Oui, la remplaçante possédait bel et bien cette arme qui faisait la fierté des Shinigami. Shûhei en demeura complètement hébété.

– Qui es-tu ? demanda le Hollow.

Son sabre définitivement formé, elle le mit en garde en gratifiant le monstre d’un œil mauvais.

D’une voix glaciale, elle répondit :

– Tsunata Nara.

Le Hollow resta interdit.

– Tsuna… s’étrangla-t-il. Tu es la suppléante dont tout le monde parle au Hueco Mundo ?

– Exactement. Et tu vas payer pour ce que tu as fait à Shûhei.

La créature des ténèbres s’étouffa sous la menace proférée par la jeune femme. Il s’apprêta à la frapper de plein fouet, comme il en avait eu l’intention un peu plus tôt avec celui qu’elle protégeait.

Tsunata se propulsa en l’air dans un shunpo et, lorsqu’elle fut au niveau de l’âme corrompue, abattit son sabre sur lui d’un geste souple et accompli.

Shûhei n’en revint pas : à peine l’eût-elle touché que le sinistre personnage se désintégra dans une nuée de particules spirituelles. Une puissante onde de choc émana du coup porté, avant que la blonde ne disparaisse de son champ de vision. Au même instant, il ressentit une pression l’englober au niveau des côtes. Durant un fragment de seconde, il ne parvint à rien distinguer autour de lui, si ce n’est le vent qui faisait remuer ses cheveux ébène. Puis le phénomène prit fin.

Ce ne fut qu’après coup que le ténébreux réalisa ce qu’il venait de se passer : sa nouvelle camarade de galères s’était jetée sur lui et, rusant de deux ou trois shunpo, les avait écarté lui et elle de la scène où s’était tenu le précédent affrontement, évitant au jeune homme d’ajouter à son mal d’autres blessures.

Il pouvait voir depuis le mur contre lequel elle l’avait adossé que la puissance de cette unique attaque avait créé dans le ciel nocturne du Seireitei une véritable explosion.

Jamais, ô grand jamais, il ne l’aurait cru capable d’un tel exploit. Lui qui l’avait ennuyé avec l’absence de sabre dans sa tenue réglementaire se sentait bien ridicule ; un zanpakutô, Tsunata en avait un et semblait le manier avec une aisance stupéfiante. De plus, malgré les paroles blessantes qu’il avait tenues à son égard, la blonde lui avait sauvé la vie. Devait-il évoquer l’état de rage dans lequel elle s’était mise lorsque le Hollow l’eut blessé ?

Trop de faits se bousculèrent dans son esprit confus, si bien qu’il resta de marbre.

Lorsque Tsunata se redressa, son cœur rata un battement : ses yeux vibraient d’une inquiétude palpable, à des années-lumière du regard rancunier auquel il s’était attendu pour l’avoir ainsi insulté.

Ne lui en voulait-elle donc pas ?

– Est-ce que ça va ? s’inquiéta-t-elle.

– Je…

Une vive douleur le rappela à l’ordre, l’obligeant à se cambrer. Submergée par l’angoisse, la remplaçante le plaqua doucement mais sûrement contre le mur.

– Ne bougez pas, vous allez vous faire mal !

– Ce… ce n’est rien… peina-t-il à articuler.

– Vous saignez beaucoup trop, constata-t-elle. Laissez-moi regarder.

– Non ! protesta Shûhei. Att… attends…

– Je ne vous ferai aucun mal, faites-moi confiance.

– Ce n’est pas… Tsunata, tu… tu as un sabre ?

Shûhei lui-même s’étonna de sa question si dérisoire dans pareille situation désespérée.

– Ça me semble assez évident, répondit-elle en fronçant les sourcils. Maintenant, laissez-moi voir votre épaule.

– Je… je suis désolé pour… pour tout à l’heure…

– Ça n’a pas d’importance, il y a plus urgent !

– Je… je t’ai blessé…

La panique de la blonde fut si flagrante qu’elle ne pût la cacher davantage : ses yeux s’emplirent d’humidité tandis que sa respiration s’entrecoupa.

– Ça m’est égal, souffla-t-elle, n’en parlons plus.

– Tsunata !

– Shûhei !

Bien que le ton sur lequel elle l’eut prononcé fut sec, Shûhei était ravi : la blonde l’avait appelé non pas une, mais deux fois par son prénom alors même qu’elle avait farouchement refusé de le faire auparavant. Aussi finit-il par se laisser faire.

Délicatement, Tsunata repoussa le kosode ensanglanté qui couvrait la blessure de son coéquipier. L’obscurité étant quasiment complète et le flux sanguin s’écoulant ne l’aidant guère, elle perçut néanmoins la superficie alarmante du trou dégoulinant que cette erreur de la nature avait infligé au combattant.

Ses yeux verts s’écarquillèrent à leur paroxysme, avant de plonger dans le regard du ténébreux qui, malgré la douleur, réussit à lui sourire faiblement.

– Tu fais… une de ces têtes…

– La ferme, sourit-elle tristement.

Un nouveau pic de douleur le fit se tordre devant une Tsunata perdant définitivement son sang-froid.

– Shûhei ! paniqua-t-elle.

– Tu… tu m’appelles par mon prénom, maintenant… ?

– Pardon, Vice-Capitaine, je…

– Non, la coupa-t-il, je préfère… comme ça…

Tandis qu’elle le considéra avec un regard interrogateur, il lui répondit de nouveau par un rictus qu’il voulut être rassurant. Toutefois, une larme dévala la joue porcelaine de la jeune femme, arrachant le cœur du ténébreux.

– Pourquoi… pleurs-tu ?

– Vous êtes gravement blessé à cause de moi. Si je n’avais pas été là…

– Ne dis pas ça, l’interrompit-il une fois de plus. C’est moi, je… je n’aurai pas dû… te dire des choses pareilles…

La jolie blonde baissa la tête.

– Vous aviez raison, avoua-t-elle doucement. Je ne suis pas une vraie Shinigami, je ne suis qu’un poids pour vous. Par ma faute, vous êtes coincé ici, à la Soul Society, et vous souffrez. Quand j’en aurai terminé, je demanderai au Commandant Kyôraku de vous faire réintégrer votre Division.

– Quoi… ? fit-il, abasourdi. Pourquoi ? Et… terminer quoi ?

Elle écarta davantage son kosode maculé de sang et lui adressa un triste sourire en redressant son minois face à lui.

– Je vais vous soigner, et ensuite je vous jure que plus jamais vous n’entendrez parler de moi.

Une nouvelle larme roula sur sa peau douce et claire, mais Shûhei ne l’entendit pas de cette oreille : il l’essuya habilement et tendrement à l’aide de son pouce avant de saisir le visage de Tsunata pour accrocher son regard.

– Je veux continuer… d’être ton coéquipier, Tsunata.

D’abord interdite, un immense sourire se dessina sur ses lèvres et, sans même réfléchir aux conséquences, la remplaçante lui sauta dans les bras, le serrant aussi fort qu’elle le pût contre elle.

Comme quiconque aurait pu le prédire, le Shinigami laissa s’échapper un grognement de douleur, bien que le geste de la blonde l’enveloppa d’une chaleur jusque là inconnue pour lui.

Tsunata se recula promptement, navrée de lui avoir infligé de nouveaux maux.

– Pardon ! rougit-elle. Je me suis laissée emporter, je suis vraiment désolée !

– Ce… ce n’est rien, ne t’en fais pas…

Elle lui adressa un nouveau sourire – plus discret, néanmoins – et se positionna face à lui, ou plutôt se tint-elle à califourchon au-dessus de lui si l’on voulût être exact.

D’ordinaire, il se serait violemment empourpré avant de subir une énième hémorragie nasale, mais il n’en fut rien ; le tiraillement intense qu’il ressentait dans la partie gauche de son buste le rappelait à l’ordre chaque fois qu’il esquissait le moindre mouvement.

Elle plaça ses mains jointes à quelques centimètres de la blessure mais, avant qu’elle n’ait eu le temps de les abaisser, le ténébreux lui saisit les poignets d’un seul geste.

– Je… je t’interdis de me toucher tant… tant que tu me vouvoieras, et m’appelleras Vice-Capitaine, dit-il à bout de souffle.

Un temps éberluée, elle finit par répondre :

– Vous divaguez, je dois vous soigner.

– Non… Pourquoi… pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu veux… me guérir ?

Les joues de Tsunata prirent une légère teinte rouge, attendrissant son instructeur de substitution.

– Parce que je… je vous aime bien, c’est tout, bégaya-t-elle.

Cette affirmation quelque peu enfantine suffit à lui procurer un sentiment de bien-être innommable.

– Alors, reprit le ténébreux, soyons amis, toi et moi… Et les amis… ne se vouvoient pas…

– Très bien, sourit-elle timidement. Dans ce cas, je te le promets, Shûhei.

Une vague de chaleur submergea le Vice-Capitaine.

Ce fut sur ces paroles que Tsunata approcha ses mains du trou béant ornant la clavicule du brun de la Neuvième Division. Lorsqu’elles le touchèrent, il fut surpris de constater qu’aucune douleur ne l’électrisa, bien au contraire ; seule une sensation délectable et réconfortante s’empara de son être.

– Permutation !

Une puissante lumière d’une pureté inégalée s’échappa de la plaie de Shûhei, l’obligeant à fermer les yeux. Cependant, il sentit distinctement son mal le quitter progressivement. Etait-ce la même technique de guérison qu’elle avait employée sur son ancien coéquipier ? Il n’aurait su le dire, si ce n’est que ce qu’elle exerçait sur lui le soulageait grandement.

Lorsque la pénombre reprit possession des lieux, le ténébreux ressentit un choc contre son torse. En ouvrant les yeux, la seule chose qu’il parvint à distinguer furent les longs cheveux dorés de Tsunata éparpillés de chaque côté de son corps. Toutefois, ce contact n’était similaire en rien à l’étreinte qu’elle lui avait précédemment offerte, loin de là : son corps semblait vide de toute trace de force, ne faisant que frémir de part et d’autre.

Elle souffrait, ça ne faisait pas l’ombre d’un doute.

Dans une douceur hors norme, Shûhei lui saisit les épaules. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il la vit se cambrer et qu’il sentit un liquide chaud couler le long de sa main droite.

– Qu’est-ce que t’as fait ? s’écria-t-il.

Tsunata, incapable de prononcer le moindre mot, ne répondit rien. Ainsi, pour obtenir ce qu’il attendait, le ténébreux la repoussa et écarta partiellement son kosode.

– Qu’est-ce que… s’étrangla-t-il.

Shûhei jeta un coup d’œil furtif sur sa propre épaule avant de constater l’incroyable vérité ; « permutation », le nom de la technique qu’elle venait d’employer, prit soudain tout son sens. Sa blessure, cet horrible creux qui le torturait de douleur quelques secondes auparavant, se trouvait à présent au centre de l’épaule gauche de la blonde.

– Pourquoi as-tu fait une chose pareille ? s’égosilla-t-il, prit de panique.

Tsunata, tremblante comme une feuille, lui sourit faiblement tandis qu’un filet de sang s’évada par la commissure de ses lèvres.

– Je… te l’ai déjà… dit…

Il écarquilla les yeux.

– M’apprécier n’est pas une raison suffisante pour t’infliger une pareille souffrance !

– Tu es… Shûhei Hisagi…

Nouveau choc pour le célèbre membre de la Neuvième Division : la jeune femme devait probablement perdre connaissance pour dérailler de la sorte.

– Bien sûr que c’est moi ! s’affola-t-il. Tu divagues ou quoi ?

– Non, la ferme et… écoute-moi…

Son mutisme fut instantané.

– Tu es Shûhei Hisagi, reprit-elle, celui que j’ai décidé de… de ne plus laisser souffrir…

Elle plongea ses yeux verts dans le regard argenté qui faisait battre son cœur la chamade dans la confidence.

– On est coéquipiers, non ? sourit-elle.

Cette soirée prenait une tournure inopinée : après une dispute digne de piètres chiffonniers, les voilà qui partageaient ce moment aussi étrange qu’intime.

Vraiment, cette fille lui faisait perdre la raison.

– Ce n’est pas un prétexte pour souffrir à ma place !

– Je ne souffre déjà presque plus, regarde.

Elle écarta la partie de son kosode qui recouvrait sa plaie. Shûhei en resta pantois : le vide se comblait à vue d’œil et ne laissait place qu’au sang qu’elle venait de perdre.

Depuis qu’il avait fait sa rencontre, plus rien ne semblait trouver de logique.

– Qu’est-ce que… souffla-t-il encore une fois.

– Urahara-san appelle ça de la régénération spontanée, expliqua Tsunata. Mes blessures se soignent d’elles-mêmes, et je peux permuter celles des autres sur mon corps pour en guérir à leur place.

Ne sachant quoi dire, Shûhei se contenta de la détailler de haut en bas.

– Tu n’as pas de souci à te faire pour moi, assura-t-elle, je vais bien.

Tout en restant prévenant à l’égard de la blessée, il se releva, les yeux hagards. Commençant à s’éloigner, il finit par se retourner d’un bond vers elle en la dévisageant.

– Qui es-tu ? fit-il en plissant les yeux.

– Tsunata Nara, je commence à en avoir marre de le répéter.

– Non, je sais comment tu t’appelles. Je voulais dire, qui es-tu vraiment ?

Elle croisa les bras sous sa poitrine et dit d’un air de dédain :

– Rien de plus qu’une remplaçante placée sous tutelle. Ce sont tes mots exacts, non ?

Le ténébreux se décomposa, aussi Tsunata dévoila de nouveau l’intensité du vert de ses yeux et déclara dans un sourire moqueur :

– Tu fais une de ces têtes. Je plaisante ! Même si, dans le fond, tu avais raison.

Un profond silence s’installa, durant lequel l’un comme l’autre s’observèrent inlassablement.

Shûhei finit par s’approcher de nouveau d’elle et lui demanda dans une mesure plus apaisée :

– Tu es sûre que ça va aller ?

– Bien sûr ! sourit-elle.

Ce visage, cette expression, cette chaleur… jamais il ne s’en lasserait, c’était certain.

Souriant à son tour, il lui tendit une main que Tsunata saisit dans une joie non dissimulée.

Seulement, lorsque vint pour elle le moment de se tenir debout sur les jambes que le Seigneur avait bien voulu lui donner, la remplaçante perdit l’équilibre et fut ramenée avec force et douceur à la fois contre le torse musclé du Vice-Capitaine.

– Tu ne vas pas bien du tout, constata celui-ci, arrête d’être aussi bornée !

– Je suis… Je suis juste un peu fatiguée…

Ses paupières se mirent à vibrer, dorénavant bien trop lourdes pour qu’elle ne puisse les maintenir ouvertes.

Un bras passa dans le pli de ses jambes, puis un autre dans son dos, avant qu’elle ne soit soulevée. Blottie contre la peau chaude de son coéquipier, elle leva sur lui des yeux épuisés qui le firent défaillir.

– Shûhei… souffla-t-elle.

Le sang monta aux joues de l’appelé. Cependant, il devait se contenir : Tsunata venait de subir un lourd traumatisme, aussi était-il de son devoir de ne pas aggraver son cas par le biais de l’une de ses réactions extrêmes.

– Je… je vais te ramener chez toi, bégaya-t-il.

– Quoi ? Mais tu ne sais même pas où j’habite.

– Bien sûr que si, avoua-t-il à voix basse.

Les yeux vert pomme de la jeune femme se dilatèrent autant qu’ils le purent.

– Comment ?

– Tu… tu jures de ne pas t’énerver ? déglutit-il péniblement.

Le faciès de la blonde devint soudain sérieux tandis que ses sourcils se froncèrent ; Tsunata ne lui promettait rien du tout, visiblement.

– Je t’ai ramené chez toi, dit-il en rougissant. Deux fois, en fait : après t’être battue contre Kurosaki et hier, quand tu t’es endormie au bord de la fontaine.

Poussant un léger soupir, la nouvelle Shinigami remplaçante du Seireitei redevint sereine, un fin sourire se dessinant sur sa mine exténuée.

 – Alors c’était toi. Dans ce cas, je te remercie, Shûhei.

– Tu… tu ne m’en veux pas ? s’enquit-il sous la surprise. Je suis entré chez toi sans ta permission alors que je n’étais qu’un inconnu pour toi !

La fatigue prenant le pas sur ses agissements, les yeux de Tsunata se fermèrent au même titre que sa main sur le kosode de Shûhei, électrisé par ce contact.

D’une voix quasiment imperceptible, elle murmura avant de sombrer dans l’inconscient :

– Si c’est toi, ça ne me dérange pas.

Interloqué, il voulut lui demander ce qu’elle insinuait, mais il fut trop tard : sa coéquipière dormait dans ses bras puissants, une fois de plus.

Tandis qu’il se délecta de la vue imprenable qu’il avait de nouveau sur le visage de la blonde, il entreprit le chemin qu’il commençait à connaître comme le fond de ses poches, celui menant là où sa jolie partenaire résidait.

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