Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 2)

Chapitre 1 : Vive les vacances ! (1/2)

5923 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 22/06/2019 00:36

Episode 23.1 : A la neige.


Lionel descendit de la rame et Pierre l’accompagna sur le quai de la gare.

- Je vais continuer seul, Pierre. La classe est la-haut, dans le chalet des Elandres, indiqua-t-il d’un mouvement de menton.

- Bien monsieur. Mais je vais rester ici et attendre la fin de vos vacances.

- Tu n’es pas obligé, je peux rentrer avec eux ensuite, tu sais.

- J’y tiens, monsieur Lionel.

Il acquiesça et souleva sa valise.

- Alors, d’accord, conclut Lionel. On se voit bientôt.

- Profitez de ces jours de calme.

- Je vais y penser...

Le bus qui rejoignait le chalet perdu entre les flancs des deux pics patientait près des portes de la gare. Le train repartait quand Lionel choisit une place. Pierre lui fit signe et le véhicule ne tarda pas à démarrer. Lionel posa la tête contre le dossier de son siège et soupira alors que le bus s’éloignait. Le temps filait doucement. Tiffany avait insisté pour qu’il vienne la rejoindre en vacances de neige avec les autres. Il n’avait pas su lui refuser. Après tout, comme le disait Pierre, ce serait un peu de repos bien mérité !

Sakura avait téléphoné dès son arrivée, trois jours auparavant. Il ne s’était pas trompé... Une force avait bien poursuivi le vol de Sakura. Arrivée là-bas, elle avait tenté de la capturer avant qu’elle ne ravageât toute l’Europe. Malheureusement, les dégâts étaient déjà grands et elle s’en voulait terriblement.

Sa tête pivota sur le côté et il appuya son front contre la vitre. Devant lui, la plaine s’étendait à perte de vue en contre bas de la route qu’ils empruntaient. La gare s’éloignait et toute la région apparaissait recouverte inégalement par la neige argentée, donnant à ce paysage un aspect cotonneux.

Ses sentiments étaient plus que troublés par les nouvelles qu’on lui avait adressées de Chine. Ling commençait à voir le bout du tunnel : les manuscrits de Clow seraient bientôt déchiffrés. La vérité éclaterait enfin au grand jour. Le véritable dessein de ce magicien qui les manipulait depuis le passé. La vérité sur Tara. Sur la magie de Sakura... et sur le Fléau. Clow n’avait pas réellement « transmis » son jeu et sa magie au maître suivant... Il avait créé les cartes pour Sakura. Parce que c’était elle que le Fléau attendait, voilà tout ! Et toute cette mise en scène n’avait pour mission que de lui cacher la vérité le plus longtemps possible tout en lui permettant de prendre le temps de s’améliorer et de devenir une magicienne puissante. Mais quand en prendrait-elle conscience ?

Quand... ?

En tout cas, il ne devait rien lui dire. C’était la dernière volonté et les derniers mots de Clow, si longtemps incompris dans la langue qu’il avait utilisée : « Que mon sang ne se mêle pas à ma volonté ». Autrement dit... « Lionel, ne fais rien qui puisse gêner ce qui doit arriver. Malgré tes sentiments »

- Malgré mes sentiments...


Dans la salle de méditation, la dernière bougie souffla son dernier soupir et l’obscurité envahit l’espace. Katya décroisa, les bras, appuyée à l’entrée et ôta ses lunettes dans le noir.

- Il est temps, Anthony, murmura-t-elle.

- Pas encore, souffla-t-il, assis en tailleur au centre de son sceau. Elle n’est pas prête.

- Je parlais de toi...

- Pour moi... commença-t-il en se relevant.

Elle poussa la porte du bout des doigts et la lumière réinvestit peu à peu la salle de méditation. Il inspira profondément et releva une main qu’il porta devant ses yeux, se concentrant sur le creux de sa paume.

- Alors, c’est vraiment fini ? demanda-t-elle, inquiète.

- Oui. Vraiment... Clow est mort en moi.

Il marcha vers elle et prit sa main. Leurs regards se croisèrent et elle sourit timidement.

- Ca ne change rien pour moi, dit-elle simplement.

- Je sais.


Les nombreux skieurs glissaient sur la piste et Lionel descendit ses lunettes de soleil sur son nez. La neige l’éblouissait fortement et il sourit en apercevant Monsieur Terada. Il le rejoignit et le salua. Les primaires avaient accompagné les lycéens, cette année. Et le professeur était ravi de revoir son ancien élève.

Plus tard dans la matinée, Lionel retrouva la joyeuse bande, autour d’un chocolat chaud.

- On est tous heureux que tu nous aies rejoints, affirma Yvan.

- C’est vrai, confia Sonya. On ne savait pas ce que tu allais faire, sinon.

- Tu n’as toujours pas de réponse pour suivre les cours avec nous ? demanda Sandrine. Depuis le temps...

- Je ne voudrais pas que vous me considéreriez comme un fainéant mais... je n’ai rien demandé à mon lycée en Chine.

- Mais alors, tu ne suis même pas des cours en particulier ?

- En fait, je travaille avec Pierre. Mon majordome, expliqua-t-il à Alison. Mais c’est vrai, je ne vais pas en cours du tout.

- Mais ce n’est pas bon pour toi, pour ton dossier.

- Ce n’est pas ma principale préoccupation, assura-t-il, s’entourant de mystère.

Tiffany sourit discrètement :

- Pourtant, ils ont raison, ça laissera une trace dans ton dossier scolaire. Et ensuite pour...

- Pour rentrer dans une université, tu veux dire ?

Elle acquiesça et il détourna le regard.

- Je n’y pense pas. C’est...

Son regard s’assombrit et il se leva :

- Excusez-moi, je dois passer un coup de fil, lança-t-il en les quittant.

- Il est distant, fit remarquer Sonya. Ce serait bien si on pouvait faire quelque chose pour lui.

- Je crois que c’est trop profond, assura Tiffany, pour qu’on lui soit d’une aide quelconque. Il pense énormément à Sakura. Leur relation n’est pas toute simple, je crois.

- Ah... souffla Sandrine.

Elle prit la main de Yvan sous la table et il sourit tendrement.

- Cet après-midi, on skiera tous ensemble, lança-t-il. Il pensera peut-être à autre chose.

- Tu as raison...

- A propos de skis, lança soudain Yvan, un doigt en l’air. Vous saviez qu’à l’origine, ils étaient ronds ? Et comme les chutes se multipliaient, les montagnards ont eu l’idée sublime de...

- Mais bien sûr, le coupa Sandrine.

Tiffany sourit avec les autres, alors que Sandrine tentait de le faire taire, et leva les yeux vers le couloir dans lequel avait disparu Lionel. Elle ne pouvait qu’espérer que ces quelques jours le détendraient.


Il ferma la porte de sa chambre et un souffle soudain le fit sursauter.

L’homme qui venait d’apparaître rangea son sceptre et le dévisagea.

- Brice, soupira Lionel. Encore toi ? Tu m’as suivi jusqu’ici ?

- Bien sûr que non. Je t’ai cherché grâce à mon pouvoir de Transfert.

- Ah, c’est vrai. Et tu veux... ?

- Que sais-tu du Fléau ?

- Tu es venu là pour ça ?!! Mais je suis en vacances !

L’homme le dévisagea en souriant malicieusement et Lionel enragea :

- Koaaaa, encore ? Pourquoi tu te poses toutes ces questions ? Qu’est-ce que tu veux à la fin ? cria-t-il en le contournant pour s’asseoir sur le lit. D’abord, tu viens chez moi, complètement agité, pour me forcer à provoquer Sakura alors que Clow ne désirait le faire qu’une seule fois. Puis, tu apparais ici ou là. Mais que cherches-tu exactement ?

- Des réponses. Le Cercle veut trouver la solution.

- Le Cercle... Encore, soupira Lionel en se laissant tomber sur la couverture. Et tu es encore leur petit chien-chien... ?

- Non, ce sont mes propres réponses que je recherche.

Lionel fronça les sourcils en se redressant.

- Tes réponses ?

L’homme leva un bras et son sceptre apparut. Il l’inclina vers Lionel qui ouvrit grand les yeux.

- Puissance du Gel, paralyse ce gamin ! lança-t-il alors.

Lionel se figea, surpris, et ne sut quoi dire. Le sceptre ne bougea pas d’un pouce, rien ne se passa.

- Que se passe-t-il ?

- A toi de me le dire, enfant de Clow. Pourquoi certains de mes pouvoirs s’éteignent ?! Est-ce que ça a un rapport avec le Fléau ?

- Tes pouvoirs... s’éteignent ? répéta Lionel, suffoquant d’étonnement.

- Tu as bien vu... Et le pire, c’est que je l’ai compris quand j’ai perdu lors du combat contre Fight ! Mon pouvoir de Puissance s’est éteint. Etrangement, Sakura ne semble pas affectée par cette baisse de magie !

- C’est vrai... Au... Au contraire même, murmura Lionel.

- Mouais, sourit Brice, tu n’as pas de réponse, hein ?

- Ben non !

- Je vais rester dans les parages, cet endroit me paraît louche !

Lionel fit la moue et Brice s’évapora.


Dans l’après-midi, les descentes en skis se multiplièrent et Lionel oublia peu à peu ses soucis au milieu de ses amis. Alison le rejoignit et elle lui proposa de choisir une piste plus sérieuse. Il hésita. Tandis qu’ils arrivaient en bas de la pente, Alison s’arrêta près de lui et releva ses lunettes :

- Tu skies drôlement bien.

- C’est Sakura qui m’a formé !

- Ma proposition tient toujours. Tu viens skier avec moi ?

Devant son hésitation, elle haussa les épaules :

- C’était juste une proposition. Pas une avance, tu sais.

Il rougit et Tiffany arriva doucement.

- De toute façon, j’aime quelqu’un d’autre, confia Alison en baissant les yeux.

Il serra les poings sur ses bâtons et les enfonça dans la neige.

- D’accord, Alison. On remonte et on choisit la troisième. Je l’ai remarquée sur le panneau, là-haut.

- Chouette ! sourit-elle finalement

- Dommage que je ne puisse pas vous suivre avec mon caméscope, pesta Tiffany ! A défaut de filmer Sakura, j’aurais aimé te filmer, toi ! Enfin... Je vais me faire une raison, à force, soupira-t-elle les quittant. De toute façon, j’en ai loupées plein, des cartes de Cl...

- Que dit-elle ? demanda Alison.

- Elle réfléchit à haute voix... Ca... ça lui arrive de temps en temps, expliqua-t-il maladroitement.

- Ah...



Episode 23.2 : Au coin du feu.


- Ca ne vous dérange pas que je reste avec vous, c’est sûr ? redemanda Lionel.

Monsieur Corentin le prit par les épaules et le conduisit à sa place au sein du groupe.

- Puisqu’on te le dit. Terada dit le plus grand bien de toi, c’est que tu es digne de confiance !

- Et il nous manquerait, assura Tiffany.

- Nous n’avons pas le cœur à t’arracher à tes amis, clama-t-il en prenant une pose dramatique qui fit rire tous les autres.

- J’ai l’impression de me faire prier, maintenant, souffla Lionel, écarlate.

- Bien, bien, bien ! lança le professeur en rejoignant ses collègues.

Le feu crépita dans les deux foyers de cheminées. La nuit était tombée sur le village de montagne.

- Ce n’est pas un énorme travail que je vous demande, signala-t-il. Choisissez un conte, une fable. Et réfléchissez à la meilleure manière de le rendre... effrayant, chuchota-t-il pour donner de l’ampleur à ce mot.

On réagit dans la salle et Emilie leva la main.

- Est-ce qu’on doit inventer ?

- Non, non, remémorez-vous ceux que vous connaissez et par groupe cherchez à comprendre le fond de l’histoire, pour en cerner les détails intéressants. Il ne vous restera plus qu’à les améliorer et vous obtiendrez la recette de l’horreur !!

- Génial, s’écria Yvan. J’ai des tas d’idées !!

Sandrine se cacha derrière Sonya et l’attira vers elle pour le rasseoir.

- Tiens-toi un peu !

- Je n’en doute pas, Yvan, sourit le professeur. Avant d’aller tous vous coucher, il faudrait que vous ayez trouvé une histoire bien effrayante, souffla-t-il en se rapprochant du feu pour que son visage se colore de façon lugubre. Mais que vous sachiez ensuite nous en expliquer les ficelles ! Un très bon travail de logique et de... courage...

- Génial, s’écria nadine. J’ai des tas d’idées !!

- Moi aussi, lui souffla Yvan.

- On a de la chance d’être avec ces deux-là, s’extasia Tiffany.

- Une chance que Sakura ne soit pas là, sourit discrètement Lionel. Elle n’aurait pas beaucoup apprécié !


Le feu crépitait de plus belle tandis qu’un des professeurs remettaient des bûches. Lionel se retourna vers la porte-fenêtre devant laquelle il se tenait. Dehors, la lune presque ronde inondait la longue pente enneigée. Tiffany s’approcha alors que leur groupe écoutait les deux adolescents divaguer. Il l’aperçue en reflet dans la vitre et ne bouge pas. Elle posa une main sur son bras et lui tendit un mot imprimé.

- C’est un message que j’ai reçu avant de partir... C’est de Sakura.

- Mais je peux le lire, tu es sûre ?

- Elle me le demande.

Il fixa la feuille et baissa les yeux sur les quelques lignes, avant de relever le visage vers elle :

- Je ne suis pas allé skier avec Alison, en fait.

- Et puis même ? Rien ne te l’interdit... Si tu es sûr de tes sentiments !

Il acquiesça et commença à lire.

« Bonjour Tiffany, je tiens à m’excuser du retard de ce premier message. En fait, l’ordinateur portable de papa a subi quelques dommages ici. Ce fut un vrai problème, car Papa et Linda travaillent au beau milieu de la rase campagne. Nous sommes dans l’ouest de la France, pour une halte dans la famille de Linda. Tout le monde est très gentil. La barrière de la langue m’a un peu gênée et puis j’ai appris quelques mots en Français. « excusez-moi, s’il vous plaît, bonjour, au revoir, ou est papa ». Ce n’est pas une seule phrase, je t’expliquerai ce que ça veut dire quand je rentrerai. »

 « Je tiens surtout à vous rassurer, si vous avez vu ce qui nous suivait depuis l’aéroport de Tomoeda. Je l’ai capturée en France avant qu’elle ne déclenche un terrible cyclone sur toute l’Europe ! Je ne vous raconte pas les dégâts ici !

- Elle m’en a parlé au téléphone rapidement, avoua-t-il. Seulement, elle ne pouvait pas rester longtemps.

« Vous en avez peut-être entendu parler aux informations. Mais ce n’est pas le pire. Tenez-vous bien. Je pensais que tout serait plus calme désormais. Mais ici aussi, nous avons été attaqués ! Rain s’est aussi manifestée. J’ai cru devenir folle. Je n’ai pas encore vraiment réfléchi au « pourquoi du comment », comme le dit Agathe, ici (c’est la maman de Linda). Nous verrons ça à mon retour, dans une semaine.

« Vous me manquez terriblement.

« Bon, Kero, veut vous passer le bonjour. Mais il se trouve bien pris, parce qu’avec ce clavier, il a beaucoup de mal ! Alors je vous transmets son salut. Il adore la France et n’arrête pas de se goinfrer ! Il est venu en sac, il va repartir en malle, tellement il grossit à vu d’œil. C’est vrai que les plats que nous cuisine Agathe sont un régal et tellement différents de ce qu’on mange chez nous. Par exemple, la viande n’est vraiment pas chère !! J’aime bien leur crêpe, aussi. Et j’ai goûté le cidre ! C’est drôlement bon !

« Demain nous partons pour l’Espagne et c’est de là-bas ensuite que nous reviendrons au Japon, tous ensembles ! Papa est très satisfait de ce qu’il a découvert ici. Apparemment, il a beaucoup avancé. Mathieu et Thomas partent souvent pour des journées entières d’expédition. Pour tout vous dire je n’ai vu Yue que deux fois depuis notre arrivée.

« Ce mail commence à être long. Mais comme je ne sais pas quand je pourrai t’écrire de nouveau, Tiffany, je préfère m’attarder. J’ai appris que le courrier mettrait trop de temps à te parvenir, alors ce moyen était le plus simple. J’espère que tout le monde va bien. Passe le bonjour à Suzanne de ma part. Et bien sûr a tous nos camarades de classe. En espérant mon petit secret bien gardé.

« Embrasse enfin très fort Lionel pour moi. Pas trop quand même, hein ?

Il sourit.

« Vous me manquez énoooormément !

« Bon, je crois que c’est tout pour le moment. Il y a tant de choses que je voudrais vous dire. C’est surprenant comme la distance est déchirante. Dis à Lionel que les paroles de Katya sont comme un petit rayon de soleil chaque soir et qu’elles m’arrachent à ma tristesse. Je pense fort à lui. Et il est vraiment bête s’il ne s’en doute pas ! Mais dis-lui quand même, les garçons sont si tête en l’air, parfois. Et quand je pense à toutes nos discussions à propos de...

Il releva le nez vers Tiffany qui le dévisageait, les sourcils hauts. Il ne dit rien et se replongea dans les lignes.

 « Et quand je pense à toutes nos discussions à propos de mes sentiments un peu mélangés, je me dis qu’il a besoin qu’on le lui répète. Je le comprends très bien. C’est quelqu’un qui est sensible mais qui n’aime pas le montrer, comme tu me l’expliquais. Quand j’y réfléchis, je ne pense pas que j’aurais pu aimer Brice, à cette époque. Mais il me fallait un électrochoc, comme tu le disais. Il fallait une gifle, une claque, un coup de balai dans ma tête. Brice en nous éloignant a su me montrer à quel point j’avais été maladroite envers celui que j’aimais plus que tout. Et nos discussions m’ont également aidée à comprendre que les agissements de Brice pourraient se révéler bénéfiques. 

- Tout ce temps... murmura Lionel.

« Il m’a tellement reproché de ne pas être assez avec lui, croyant sûrement que j’étais avec...

- Brice, souffla Lionel en se tournant vers Tiffany, une moue de gêne arrondissant sa bouche. Tout ce temps, elle le passait avec toi à discuter... de moi ?

- Ben oui.

- J’avais imaginé...

- Je sais, Lionel.

« ...ou en tout cas que nous discutions de Yaln et de mes sentiments pour lui. Je ne veux pas le perdre une seconde fois. Dis-lui. Dis-lui que je l’aime. Du plus profond de mon cœur. Dis-lui. Ou... Laisse-le lire ce message.

Lionel sentit les larmes humidifier ses yeux, mais il les retint.

- Tout ce que je pensais... tout ce qui m’a éloigné... toute la colère que je ressentais n’était donc basé sur... rien !

- Pas sur rien, lui confia Tiffany en posant une main sur son épaule.

- Si, sur rien. Je me suis imaginé des choses et j’étais trop buté pour ne pas lui en parler, articula-t-il en frappant modérément la vitre du poing. J’ai souffert de ça durant trois années entières et elle en a souffert aussi. Je suis le seul fautif.

- Vous n’avez pas discuté, expliqua Tiffany. Et sans parler, comment résoudre les problèmes ? Tu es parti. Ca a mis toute cette histoire en pause. Ton retour a permis de rouvrir cette brèche et de l’aider à cicatriser.

Il n’avais pas relevé la tête, une larme longea son nez et s’écrasa au sol.

- Excuse-moi, je suis si...

Elle passa un bras dans son dos et prit sa tête pour la poser contre son épaule. Les différents groupes riaient chacun de leur côté et elle les regarda distraitement.

- Si tu as encore du chagrin pour ça, continua-t-elle. Il est normal qu’il jaillisse à un moment ou à un autre. Tu ne savais pas, lui murmura-t-elle. Tu ne dois surtout pas t’en vouloir. Ce serait élever un nouvel obstacle devant vous. S’il y a quelque chose que je sais, c’est que vous êtes faits l’un pour l’autre. Même Thomas l’a reconnu. Tu ne crois pas que c’est déjà un sacré signe ?

Il sourit et acquiesça timidement.

- Peut-être.

- Moi, je te le garantis !

- Merci... Tu es une véritable amie.

Elle posa une main sur sa joue et le dévisagea.

- Je ferais tout pour Sakura. Je te l’ai déjà dit : son bonheur passe par toi. Tu le sais. Elle le sait. Ne gâchez pas cette chance.


Yolis s’avançait dans la salle vide. Il chercha un instant une trace de pouvoir, mais il ne restait rien. Il sortit et retrouva sa forme d’emprunt. Katya l’aperçut à l’autre bout du jardin alors qu’Anthony était accoudé au balcon en pierres à l’étage. Il approcha et Katya le désigna du doigt. Anthony lui sourit et quitta la terrasse en hauteur pour descendre.

Il arriva près du gardien et le salua.

- Je suis heureux de te revoir enfin, mon ami.

- Je suis avec Sakura. Elle est de l’autre côté de cette mer.

- Je m’en doute...

- Alors, ce que Clow avait prédit est arrivé.

- Tu as bien vu, je ne t’ai même pas senti arriver.

- Je suis triste pour toi, Anthony, confia Bianka.

- Non, non. C’est un repos bien mérité, tu ne crois pas ? Et puis, il me reste sa mémoire !

Katya les rejoignit avec un plateau qu’elle posa sur la table qui trônait sur la terrasse. Bianka leva les yeux vers elle et elle croisa les bras. Il évita de regarder l’objet et secoua la tête.

- Non, Anthony. Je venais pour toi. Pour savoir comment le maître allait.

- Il ne vit plus en moi. Mais le nécessaire a survécu, sourit Anthony. Ailleurs...

- Bien. Nous nous reverrons quand j’aurais besoin de ça, précisa-t-il en jetant un coup d’œil à Katya.

Ses cheveux fins et soyeux s’élevèrent dans la brise et la brume envahit peu à peu le jardin. Le jeune homme s’éloigna et Anthony se tourna vers Katya. Elle acquiesça en réponse à son regard.

- Oui, il est parti, dit-elle en descendant les marches. La vraie vie commence pour toi.

- En quelque sorte. Mais pour d’autres, elle risque d’être mouvementée. Dis-moi, ça te dirait un petit voyage au Japon ?

Elle sourit.

- Nos affaires sont déjà prêtes.


- Et alors, conclut Nadine, l’ogre dévora ses filles à la place du petit Poucet. D’un coup, sans s’en rendre compte ! Toutes !! rajouta la jeune fille dans de grands gestes. Simplement parce que le petit Poucet avait eu l’idée de les coiffer des bonnets de ses frères prisonniers !

- Mais tout ça reflète de façon évidente un rappel de notre société de consommation, s’élança alors Yvan.

- Pourvu qu’il ne brode pas autour, souffla Sandrine, je crains le pire !

- ... qui, rappelons-le, pousse à la consommation en dissimulant toujours un peu plus les vrais aliments que nous mangeons. « Je vous conseille de toujours vous préoccuper de ce que vous mangez, si vous ne voulez pas être trompé par un emballage joli, coloré et alléchant », c’est ce que semble nous conseiller ce jeune garçon génial qui s’enfuit grâce aux bottes de sept lieues ! Voilà.

- Bravo, applaudit le professeur.

- Au fait, vous ignoriez peut-être que les bottes de sept lieux étaient en fait un...

Tous éclatèrent de rire et il tira la langue :

- Je plaisante !

Sandrine releva les yeux vers lui et il lui fit signe. Elle le dévisagea et lui sourit.

- Tu vois, il était génial ! lui souffla Tiffany.

- C’est le mien, lui confia-t-elle, taquine. Pas touche !

Elles éclatèrent de rire et applaudirent en même temps que les autres.



Episode 23.3 : Tous les deux.


Le jour se levait et on frappa à la porte de la chambre de Lionel. Il s’étira et se redressa, encore un peu endormi. On frappa de nouveau. Il haussa les sourcils.

- Lionel ?

Alison ? Il poussa les draps et enfila sa robe de chambre. Puis il alla ouvrir.

- Bonjour. Je te réveille peut-être ?

- Non, non, je... oui, en effet, sourit-il finalement.

- Je suis désolée. En fait, voilà, dans la fin de la matinée, la classe part faire du ski de fond sur une des pistes. Alors on ne pourra pas skier ensemble, comme prévu.

- Ce n’est que partie remise, souffla-t-il en passant sa main dans ses cheveux.

- Est-ce que... commença-t-elle, timidement, de sa petite voix. Est-ce que ça te dirait qu’on y aille maintenant ? Comme ça on serait revenu pour le parcours avec la classe. Après, qui sait si on aura le temps ?

- Eh bien, je ne sais pas trop...

- Mais si je te réveille, c’est que tu étais fatigué, peut-être... Je...

- Non, non... la retint-il.

Elle le dévisagea sans émotion et il se perdit un instant dans la pâleur de sa chevelure.

- Tu m’attends quelques minutes, j’enfile ma combinaison et on va skier.

Son visage s’illumina d’un coup et il en fut touché. Elle lui fit un signe du menton et recula vers la large baie vitrée non loin de sa chambre. Lionel referma la porte et soupira. Il avait beau faire pour se convaincre qu’elle avait en elle quelque chose de louche, elle le touchait de façon incompréhensible. Il courut vers l’armoire et sortit des affaires.


Ils étaient les premiers sur le remonte-pente, sûrement. Ils survolèrent les pistes désertes, rendues vierges par la neige qui était tombée durant la nuit. En quelques longues minutes, ils longèrent la pente et aperçurent le sommet.

- Je n’ai pas regardé les pistes en bas, avança-t-il.

- Je crois qu’elles sont indiquées là-haut. Et puis, j’ai pris un plan du village.

- Bonne idée.

Elle serra ses mains sur ses bâtons et baissa les yeux un instant.

- C’est gentil d’avoir accepté de skier si tôt.

- Tu avais l’air d’y tenir... Et puis, ce sera calme. Toute la montagne à nous deux !

Elle acquiesça et descendit la première, arrivé au relais. En effet, un large panneau indiquait les pistes et notamment celle qu’ils avaient choisie la veille.

- On est parti ? demanda-t-il.

- Vas-y, je te suis.

- Honneur aux dames...

Elle sourit et repositionna ses lunettes avant de s’élancer.


Tiffany bâilla et se retourna dans son lit. Dans la chambre, ses amies dormaient encore. Elle tira vers elle l’appareil photo et vérifia le nombre de photos prises la veille. Sous l’objet gris, la lettre de Sakura. Elle sourit en songeant à ce couple si heureux, désormais. Plus rien ne pourrait les éloigner. Tout du moins, quand Sakura serait revenue ! Elle les revit se disputer les premières cartes, dans la cour de leur école, des années auparavant. Elle songea encore à ce jeune garçon sauvage et froid qui était venu pour capturer les cartes et être jugé par Yue. Le chemin parcouru par les deux enfants étaient bien hors du commun, et désormais ils en étaient là... Tous les deux.

Une silhouette la traversa alors et elle ferma les yeux pour la deviner sous ses paupières. Le souvenir doré était gravé en elle. Cette chevelure blonde, presque incandescente. Ce regard profond. Elle était folle. Elle était folle de ressentir ce genre de sentiment pour un... pour une peluche. Mais comment se faisait-il que son cœur pût s’émouvoir ainsi au simple et innocent premier regard ? Etait-ce... est-ce qu’elle l’aimait... ?! Non, c’était impossible... On ne peut aimer un être magique qui n’a rien d’humain. Mais alors, quelle était cette attirance mystérieuse ?

Elle tira les draps sur son épaules et soupira de plus belle. « Tu es folle, ma fille, se murmura-t-elle. Folle... »


Lionel suivait sa partenaire de près. Elle bifurqua soudain vers la droite et commença à skier entre les talus totalement vierges.

- Alison ! C’est déjà une piste sérieuse, reviens donc par là.

- On s’ennuie, tu ne trouves pas ? Tu skies aussi bien que moi, non ? Tentons notre chance par ici, lança-t-elle dans un éclat de rire qui l’intimida.

Cette fille en qui il avait tant douté semblait heureuse et comblée. Se serait-il trompé durant tout ce temps ? Il se mordilla la lèvre, connaissant les risques du hors-piste mais se résigna à ne pas la laisser partir seule à l’aventure. Il se dirigea vers un talus et sauta en contre bas vers le sous-bois. Alison n’était pas très loin et en quelques efforts, il la rattrapa.

- Restons raisonnables, quand même, conseilla-t-il.

- Lionel, avec toi, je me sens tellement en sécurité, se mit-elle à rire gaiement, comme portée par ses sentiments.

Il rougit un peu et détourna les yeux.


Sandrine se pencha vers Tiffany au petit-déjeuner :

- Lionel n’est pas là non plus ?

- Pourquoi « non plus » ?

- Alison n’était pas dans la chambre quand Emilie s’est réveillée. Et il semblerait que ses skis aient été retirés au club.

- Une ballade en amoureux ? proposa Benjamin qui avait écouté.

Tiffany sourit en haussant les épaules :

- En amis, le corrigea-t-elle.

- C’est vrai, ajouta Nadine. Lionel est fidèle à Sakura !

- C’était juste une idée, lança le garçon en se replongeant dans son déjeuner.

- Pas de craintes, si il est avec elle, confia Tiffany aux autres. Sakura ne vous l’a pas dit mais s’il est venu au japon au départ, c’était pour devenir le maître des cartes que Sakura utilise. Seulement c’est elle qui a été choisie ! Mais il a des petits pouvoirs sympa lui-aussi !

- C’est quand même surprenant, murmura Sandrine. Elle qui avait peur des choses surnaturelles était en fait celle qui nous en protégeait.

- Et dire que nous avons raté tout ça, soupira Nadine. Ca devait être... effrayant !

Tiffany se redressa et se pencha vers elle :

- J’ai tout filmé !

- C’est vrai ?!!

- Ce doit être vraiment intéressant, souffla Yvan. On pourra y jeter un œil... à notre retour ?

- Et comment ! Vous verrez toutes les tenues que je lui ai préparée ! Sakura est tout simplement divine, vous verrez ! J’en frémis d’avance, s’excita-t-elle sur sa chaise, les mains rejointes en prière et les yeux inondés par les larmes de joie. Elle est si belle !

- En tout cas, lança Sonya, ça a l’air de te plaire, à toi !

- Vouiiii...


Alison se pencha pour éviter les branches mais l’une d’elles se plia contre elle et se tordit en avant. Elle sentit le bois se courber et quand elle s’éloigna, le morceau se détendit et gifla Lionel qui la suivait de trop près, il trébucha sur une racine saillante et roula dans la poudreuse. Alison, se retourna pour vérifier qu’il n’avait pas de mal et s’entrava dans un tas de petit bois et chuta en contre-bas, face contre terre.

Lionel se redressa, secoué. Sa joue était en sang. Le coup cinglant lui avait coupé la peau sur toute la joue. Il prit un peu de neige pour refroidir la plaie et stopper le saignement léger. Quand il leva les yeux et qu’il chercha autour de lui, il ne vit pas Alison. Il l’appela et se leva. Il aperçut la dénivellation et s’approcha du fossé au fond duquel gisait la jeune fille, inerte.

- Alison, ça va ?!

Elle ne répondit pas. Il ôta ses skis et les jeta en bas, avant de se laisser glisser vers elle. Il la retourna et chercha son pouls. Sous son épaisse écharpe, il sentit les vaisseaux sanguins frémir et il soupira. Il fallait la réveiller et la ramener. Quelle manque de chance !


- Monsieur, Alison n’est toujours pas revenue.

Monsieur Corentin dévisagea ses collègues et réfléchit.

- Nous allons annuler, suggéra mademoiselle Humbert. Il faut les retrouver. Le jeune Yvan est aussi parti tôt, à ce qu’on m’a dit.

- Je propose que par groupe de trois ou quatre, vous fassiez le tour du village, lança le professeur de Mathématiques. Nous allons avertir les responsables et ils chercheront le long des pistes avec l’hélico. Ne vous éloignez pas et prévenez-nous si vous avez du nouveau !

- Allez ! Allons-y, conclut Sally Humbert.

Les groupes se formèrent assez vite et les lycéens partirent dans toutes les directions.


Brice fit quelques pas dans la neige, devant le chalet et sentit le sol gronder sensiblement. Quelque chose se préparait. Mais son pouvoir du Gel étant éteint, il ne pourrait rien.

« Pourvu que ce ne soit pas cette Force-là. Pas celle-là » souffla-t-il en serrant un poing contre son cœur.

- Je peux vous aider, lança-t-il aux professeurs qui se dirigeaient vers le poste de garde.

- Deux enfants se sont perdus, se retourna monsieur Loren

- Je sais, fit-il. J’ai un don de... voyance.

- Monsieur, nous ne plaisantons pas.

- Moi, non plus, affirma sèchement Brice. Je crois qu’ils sont sur la troisième piste mais qu’ils s’en sont écartés...

L’homme le dévisagea un instant et rejoignit les autres.

Brice se tourna vers le sommet de la montagne et aperçut le voile soyeux de neige qui se dessinait sous l’effet des vents d’altitudes à la cime des monts. Le mauvais temps arrivait. Fallait-il obéir au Cercle ? Leurs derniers ordres étaient clairs mais...

Mais Clow, lui, qu’aurait-il fait ? Son ami et rival... cet homme droit et sensé...

Qu’aurait-il choisi ?

 

(A suivre)

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