Audacieuse

Les transferts sont bouche bée quand ils arrivent à la Fosse. Ils en observent les moindres recoins, et une fille, effrayée, hurle :

- Attention ! Les enfants vont tomber !

Il est vrai qu'il n'y a pas de gardes-fous. Mais les enfants sont habitués. Je me retourne en rétorquant :

- Ils sont habitués. Vous devrez vous habituer aussi. Une chose typique aussi, c'est de faire ça.

J'avance vers la rambarde qui surplombe les jets d'eau. Je me mets en appui et marche en équilibre sur la rambarde de moins de 2 centimètres d'épaisseur. Je saute avec agilité et précision. Les novices me regardent tous. Je replace une mèche de mes tresses et je lance :

- Bon allez, on continue.

Ils me suivent tous pour aller changer leurs vêtements. Je leur présente le dortoir, qui comme d'habitude, fait de l'effet aux plus pudiques. Je leur ai donné de nouveaux habits correspondant aux Audacieux. Ils se changent en vitesse et je les amène à la cafétéria. Theo est déjà installé avec Keiynan et Terry. Je montre aux novices comment tout fonctionne et je rejoins mon groupe. Theo m'accueille :

- Alors ? Ca te plaît ?

- Cette partie est la plus ennuyante. On va dire que le training va être vingt fois plus marrant.

- Tu commences par quoi ?

- Par t'embrasser.

C'est vrai, on n'a pas eu le moindre contact physique depuis le grand saut, et aucun bisou depuis l'aube. Je prends son cou dans mes mains pour le rapprocher et je l'embrasse. Ses lèvres se font pressantes. Je sens sa langue sur mes lèvres. Et je reviens à la réalité, et je me rends compte que nous sommes en public. Au milieu de centaines d'Audacieux. Mes novices me regardent, et quand je croise leur regard, ils rougissent et détournent le regard. Je détache mes cheveux qui tombent en cascade sur mes épaules jusqu'au milieu de mon dos. Mes tresses ont laissé mes cheveux ondulés. Je regarde Keiynan, et lui demande :

- T'as fait quoi aujourd'hui ?

- Hum... Lancer de couteaux. C'était pas mal, surtout que les gamins étaient contents d'avoir de vraies armes.

- Tu as dit gamins alors qu'ils n'ont que deux ans de moins de toi, observe Theo.

- C'est pas faux, mais d'un autre côté, je suis le boss.

- Tes chevilles sont enflées, Keiynan, dis-je sur le ton de la rigolade.

- Bon, ça va.

Nous finissons notre repas, et comme toute bonne instructrice, je vais m'installer à la porte du dortoir pour vérifier que tous mes novices vont se coucher. Autrement, ils vont m'entendre. Theo me rejoint, ainsi que Keiynan et Terry. Theo s'assoit à côté de moi et me prend la main. Je lui réponds d'un sourire discret. Keiynan me demande :

- Pourquoi tu es là ?

- Je vérifie que tous mes novices rentrent. D'ailleurs, où dorment les tiens ?

- Chez leurs parents, ou chez des amis. Ils ont le sens de la débrouillardise Audacieuse, si je puis dire.

- Les miens, je me demande parfois si il ne faudrait pas que je leur tienne la main jusqu'au dortoir.

La discussion s'arrête là, car un premier groupe de novices arrive, trois anciennes Erudites, il me semble. J'entends qu'elles parlent de gènes. Je les interromps :

- On est pas chez les Erudits.

- Oui, mais on parlait des gènes qui nous ont poussées à vous rejoindre.

- Je m'en fous. Chez les Audacieux, on ne parle pas de ça. Bannissez ce vocabulaire ou vous serez accusées de trahison.

- Ca n'a rien d'une trahison...

- Un point pour la bravoure de me contredire, moins dix pour me provoquer. Je te conseille de te taire, maintenant.

Celle-là ne survivra pas longtemps. Il est 20 heures 30, et je m'impatiente. Seulement trois personnes sur dix-sept sont revenus. Je leur avais dit de revenir au moins ce soir. Après, ils n'auront pas de couvre-feu. Sauf si ils ne respectent pas la règle de revenir avant 20 heures 45.