Le Dragon Noir

Chapitre 8 : Réminiscence

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:44

Réminiscence


Le dragon noir survolait des champs cultivés. Sur son dos, un jeune homme contemplait le paysage, soucieux.
L'été touchait à sa fin. Les blés avaient été fauchés, les arbres ne conserveraient pas leur feuillage très longtemps.
De fin rayons d'or éclairaient la charmante campagne sous eux. Une chaumière isolée s'y dressait, perdue au milieu de nul part
. Si la bête avait été sensible à la poésie et à la notion de beauté artistique, elle en aurait été charmée.
Mais son regard inquiet ne quittait pas l'horizon.
"On ne devrait pas rester là. Nous allons nous faire repérer."
Le Dragonnier secoua la tête, dubitatif.
"Leur base la plus proche est à plusieurs lieues. Profite du paysage, au lieu de t'inquiéter.
- Ton insouciance légendaire va finir par nous faire tuer, tu sais.
- Non, car ton esprit combatif nous sort toujours des situations les plus désespérées, n'est-ce pas ?
- Si tu parles de l'incident de Hedarth, seule la chance nous... et merde !"
Des éclaireurs. Ils avaient été repérés.
Trois masses sombres volaient droit sur eux, soleil dans le dos. Il était déjà trop tard pour fuir.
Le Dragonnier dégaina son épée, et la coucha en travers de la lourde selle de cuir. L'air joyeux qu'il avait encore arboré quelques secondes auparavant avait cédé la place à un masque de concentration.
Première charge. Première esquive.
Première morsure.
Dans la pénombre du couchant, le combat faisait rage. Déjà, un de leurs adversaires s'était écrasé au sol, mortellement blessé, surpris par l'assaut direct du dragon noir.
Ce dernier, agile, parait maintenant l'attaque maladroite de la bête qui lui faisait face.
La patte griffue ripa sur le blindage ventral.
Les deux Dragonniers engagèrent un violent combat à l'épée. Le dernier adversaire, gêné par les mouvements rapides et incessants des deux autres dragons, ne parvenait pas trouver une ouverture dans le combat.
Une boule de feu géante jaillit d'une gueule. Elle ricocha sur les boucliers magiques, et enflamma la chaumière en contrebas.
Le vif-acier mordit la chair. Un long cri d'agonie retenti.
Plus qu'un.
Trois autres silhouettes sombres se profilaient à l'horizon.
"Il en vient d'autres ! Il faut partir d'ici en vitesse !"
Croc. Griffes. Sang.
Le troisième dragon tombe, blessé à une aile. Il survivra, mais il ne pourra pas les gêner avant un bon moment.
Ils battent en retraite. Seule l'imprudence de leurs ennemis leur avait assuré la victoire - les suivants sauraient à quoi s'attendre.
Soudain, le Dragonnier sursaute, interpelé par ses sens magiques.
"Pose toi ! Il y a une femme et un enfant bloqué dans la ferme en feu !
- Tu es complètement fou ! On va se faire laminer !
- Pose toi, ou je saute !
- Très bien, tu l'auras voulu. Mais tu n'as pas plus de quelques minutes devant toi."
Le dragon noir descend, et se pose dans la cour. Déjà, la chaume du toit s'était entièrement embrasée; les poutres ne tarderaient pas à céder. Sans perdre un seul instant, l'homme saute, et se précipite dans les flammes.
C'est de la folie !
La bête releva la tête vers leurs nouveaux adversaires, et poussa un grognement de dépit. Au mieux, il pourrait les repousser - aucune chance de les tuer. Bien trop puissants.
Il se campa sur ses postérieurs, et se prépara au combat.
Une première décharge d'énergie pure atteignit le dragon le plus proche de lui. Surpris, il tarda à se défendre.
Trop tard. Il s'effondra, et alla s'écraser dans les arbres.
Mais l'effet de surprise était éventé. Le second assaut, puis le troisième, furent repoussés par de puissantes défenses.
Ils n'avaient même pas cinq minutes devant eux !
Une explosion retentit. Le bouclier magique tint bon.
Enfin, le Dragonnier ressortit de la maison, portant une femme inconsciente. Il la posa à même le sol, loin des flammes, et il replongea dans le brasier, en quête de l'enfant.
"On n'a pas le temps ! Il faut partir ! MAINTENANT !
- Retient les encore ! Je sais que tu peux !"
Une seconde explosion, plus forte encore, secoua les défenses magiques. Une gigantesque décharge d'énergie servit de réplique.
"Bien sur que je peux, c'est la suite qui m'inquiète !"
Leurs ennemis se rapprochaient de seconde en seconde. Bientôt, ils seraient assez prêt pour directement attaquer le bouclier. Et là...
Un puissant craquement sinistre résonna dans toute la maison. Le Dragonnier en sortit en courant, ses bras chargés d'un enfant d'une dizaine d'année. Derrière eux, la chaumière s'effondra, dans un tonnerre de flammes et de cendres.
L'homme posa délicatement l'enfant aux cotés de sa mère, puis, d'un bond inouï, s'accrocha à la selle du dragon.
"Décolle ! DÉCOLLE !"
Il ne se le fit pas redire une seconde fois.

Ils filaient, aux raz des arbres, frôlant ravines et collines. Un premier dragon, le plus lourd, le plus ancien, le plus puissant, ne parvint pas à suivre la cadence infernale imposée par leur proie.
Rapidement, un second poursuivant déclara forfait, après avoir heurté un rocher dans la pénombre. Une fracture, dans le meilleur des cas; il s'en remettra bien trop vite.
Mais le dragon noir fatiguait. Derrière lui, son adversaire, plus puissant et plus endurant, rattrapa rapidement son retard.
Alors, le combat s'engagea.
Les crocs ripaient contre les écailles. Les griffes ne perçaient pas le blindage.
Ils étaient expérimentés tous les deux; aucun ne parvenait à prendre l'avantage. Puis, une petit erreur, une simple fatigue; et les crocs se plantèrent dans la chair. La douleur irradia l'épaule du formidable corps du dragon noir.
Ses pattes raclèrent inutilement le ventre de son tortionnaire. Puis, une griffe s'enfonça sous le blindage.
Puis une autre.
D'un mouvement sec et violent, toute la peau et toute l'armure d'écaille s'arracha de sous le dragon brun. Il poussa un fantastique cri de souffrance, il relâcha la pression de sa gueule.
Un second mouvement d'attaque le priva d'une bonne partie de ses entrailles. Aveuglé par le sang et les tripes, le Dragonnier Noir ne parvint pas à parer l'ultime coup d'épée de son adversaire.
Le vif-acier s'enfonça profondément dans la chair de sa monture.
Puis le dragon brun chuta.
Mais les survivants du combat se trouvaient tout aussi mal en point.
"Arg ! Cet enfoiré m'a sérieusement amoché. Accroche toi, l'atterrissage va être violent !"
L'impact souleva un immense nuage de poussière.

Le Dragonnier se releva, chercha sa monture du regard.
Elle était allongée dans la poussière, la respiration rauque, une épée profondément fichée à la base de son cou. Une partie de son épaule était manquante, arrachée par la gueule de feu de leur adversaire.
Tout de suite, il se précipita pour soigner son compagnon, ignorant sa peur et ses fatigues.


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"Mes rêves deviennent de plus en plus fréquents, ces derniers temps."
Eragon releva la tête vers son apprenti, et marmonna une vague réponse :
"Mmh ? C'est normal, avec tous les massacres auxquels tu as assisté ces derniers temps.
- Je veux dire, depuis la mort de Murtagh. Et puis, ca ne ressemble pas vraiment à des rêves. Je veux dire, si c'était le cas, je ne m'en souviendrais pas, non ? Et puis, c'est bien trop précis, trop... réel. Comme des souvenirs.
- Tu crois que ça a un quelconque rapport avec ton passé ?
- Peut-être. Ou alors, c'est la mémoire d'un autre, quelqu'un qui aurait vécu pendant la Chute. Ou avant.
- Auquel cas, tu aurais presque une centaine d'années."
Noven s'assit sur le rocher devant la tente du Dragonnier, pensif :
"La mémoire est tellement volatile, tellement trompeuse... Regarde, je suis persuadé d'avoir vécu toute ma vie dans une ferme à Garzla, mais qui me dit que ce ne sont pas de faux souvenirs, montés de toute pièce par un magicien ?
- Ce genre d'intervention est possible, mais elle ne permet pas de créer autant de souvenirs aussi précis. Et la manipulation laisse d'importantes traces, ce qui la rend facilement détectable. Sois rassuré, ta mémoire est on ne peut plus authentique, tu as bien vécu ce dont tu es persuadé d'avoir vécu.
- Et bloquer des souvenirs, ce serait possible ? De les dissimuler au fin fond de l'esprit de la personne, dans son inconscient ? Auquel cas ils seraient invisibles aux examens...
- Peut-être. Cependant, pour qu'il n'y ait aucune faille dans le camouflage, il faudrait, tout d'abord, que la victime oublie qu'elle avait des souvenirs; ensuite, qu'ils soient refoulés très profondément dans l'esprit, et verrouillés par un sort; enfin, il faudrait que le lanceur de sort sache exactement, en précision et en détail, quels souvenirs dissimuler, ce qui implique une connaissance extrêmement importante de la victime. Je ne serais même pas sur de pouvoir le faire à Saphira, c'est dire...
- Mais le lanceur du sort peut être la cible, non ? Auquel cas, plus de problèmes.
- Si, et pas des plus minces : si il oublie qu'il s'est lancé un sort dessus, comment veux-tu qu'il récupère sa mémoire un jour ? Car si il n'a pas simplement détruit ses souvenirs, ce qui serait plus simple, c'est qu'il compte les récupérer ensuite. Peut-être, à la limite, un complice de confiance, avec une sorte de mot de passe, mais, au final, l'intérêt est très limité. Passer soi-même des contrôles magiques extrêmement poussés en toute impunité, pour se faire démasquer par les souvenirs de notre confident... La discrétion repassera !"
Le jeune magicien jouait maintenant machinalement avec un caillou. Puis, avisant Saphira allongée pas très loin, il tendit son esprit vers elle :
"Et toi, tu en penses quoi ?
- Je pense que, vu toutes les surprises que tu nous as réservé, dont certaines de taille..."

Elle projeta une image du superbe dragon noir qui les avait sauvé la veille.
"... je crois qu'il nous est impossible, pour l'instant, de savoir l'origine exacte de tes pouvoirs et d'une hypothétique amnésie. Tu es probablement le seul à pouvoir répondre à tes questions."
Elle remarqua soudain son air dépité, presque abattu, et elle ajouta précipitamment :
"Mais je veux bien t'aider à trouver des réponses. Je m'avoue curieuse de connaitre le pourquoi du comment de la chose."
Eragon leva les yeux et les mains du parchemin qu'il étudiait :
"Désolé, mais ça sera sans moi. J'ai hérité de toute la gestion des ressources magiques des Vardens, maintenant que Trianna est...
- ...morte.
- Oui. Enfin bref, j'ai énormément de travail. D'ailleurs..."
Il jeta un regard presque blasé à la pile de parchemin sur la table à coté de lui.
"... ca me fait presque mal de l'avouer, mais il me manque quelques rouleaux. Il faut que j'aille voir Nasuada pour les lui demander."
Mais il resta assis là, sans bouger, à contempler l'agencement anarchique des nœuds dans le bois de la table. Une scène lui revint en mémoire. Il se trouvait alors à Carvahall, dans la maison de Horst. Leur ferme venait de brûler, Garrow était mourant. Combien de temps s'était écoulé ? Dix ans ? Vingt ans ? Deux ans, à peine ? Pourquoi tout allait si vite ?
"- Eragon ? Tu m'écoute ?
- Mmh, quoi ?
- Tu vas les chercher, tes morceaux de parchemin, oui ou non ?"
Il poussa un grognement indistinct. Puis :
"Je n'ai vraiment pas envie d'aller voir Nasuada. Plus le temps passe, moins j'ai envie d'être en sa présence.
- Vois la vie du bon côté, toi tu peux te permettre de la déranger sans te faire exécuter illico presto. Je ne suis pas sûr que tous les soldats du camp puissent en dire autant."
Le jeune Dragonnier leva un sourcil. L'état des nerfs de sa supérieure s'était autant détérioré que ça ? En si peu de temps ?
Il se leva brusquement, et attrapa Brisingr sur le coffre derrière lui.
"J'y vais. J'ai besoin de ces...
- ... torchons ?
- ... rapports, et, si elle est aussi...
- ... folle ?
- ... aussi stressée que tu le dis, il faut que je la...
- ... tue ?
- Saphira, arrête ! Je n'ai pas l'humeur à ça. Il faut que je la raisonne, c'est tout."
Il passa furieusement devant la dragonne de saphir hilare. Noven, quant à lui, avait bien du mal à se retenir d'éclater de rire.
Décidément, aucun humour, ce jeune homme !


 
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Eragon marchait, particulièrement énervé. D'habitude, les blagues et calembours stupides, noirs et sanglants demeuraient du ressort de Noven; le Dragonnier les supportait tant bien que mal. Mais si, maintenant, Saphira aussi s'y mettait, la situation allait devenir intenable.
Enfin, encore plus intenable qu'actuellement, quoi.
Mais le pire, dans tout cette humour taquin et déplacé, c'était qu'ils avaient parfaitement raison. Si la chef des Vardens ne revenait pas à la raison rapidement, il n'aurait pas d'autre choix que de provoquer un coup d'État, et de l'éliminer une fois pour toute. Et la perspective ne serait alors pas très réjouissante : lui, dénudé de tout charisme et de tout sens du commandement, hériterai d'une horde de soldats déchainés et indisciplinés, pour les guider à l'assaut d'une armée bien plus nombreuse qu'eux en effectifs.
Sans compter l'hypothétique après-guerre : qui prendrait le pouvoir ? Jamais les hommes ne voudraient d'un autre dirigeant immortel - et la perspective du trône ne l'enthousiasmait guère. Roran possédait le charisme et la poigne pour régner - mais pas l'éducation. On ne dirige pas un pays sans même en connaitre sa géographie ! Jörmundur, le seul dirigeant Varden en qui Eragon ait jamais eu confiance, venait juste d'être tué par Elva - encore une perte irremplaçable ! Qui ? Qui aurait les reins et l'esprit assez solide pour une tâche aussi lourde ?
Malgré lui, le jeune Dragonnier sourit. Saphira aurait été fière de lui : il commençait à se projeter de plus en plus loin dans le futur.
Mais, au lieu des traditionnels sarcasmes et des chaleureuses félicitations de la dragonne, il n'eut que le silence.

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"Eragon, je n'ai pas le temps ! Sors de ma tente !
- Mais, ma Dame... Nasuada...
- Dégage ! J'ai du travail, moi ! Je n'ai pas le temps de discuter de conneries avec toi ! DÉGAGE !"
Vexé et particulièrement furieux de s'être fait expulsé de la sorte, le Dragonnier sorti rageusement du quartier général de toile. Il était Dragonnier, bon sang ! Pour qui elle se prenait ?
Alors qu'il écartait violemment le tissu qui formait la porte, il remarqua un trou, une fine déchirure dans un des murs de la tente. La curiosité le piqua. A quoi donc pouvait-elle bien 'travailler', au point d'ignorer son plus puissant allié ?
Il s'approcha en silence, et colla un œil attentif à l'orifice. Ses yeux mirent quelques secondes à se réhabituer à la pénombre, puis, ils purent distinguer les traits de la carte tendue sur le tableau de bois, devant lequel Nasuada s'activait, déplaçant pions et épingles. Ce ne pouvait pas être la carte de l'Alagaësia, ni aucune autre qu'Oromis avait pu lui montrer. Pourtant, elle lui semblait étrangement familière. Il avait dû la survoler, ou peut-être la traverser à pied.
Ou les deux.
Un bout de tissu tomba du coin supérieur gauche de la carte, lui permettant de lire le titre.
Eragon recula, et tomba en arrière, incrédule, ébahi : Dras-Leona !
Elle était vraiment devenue complètement folle !

 
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Pourquoi ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?
Pourquoi tant de mensonges, tant de trahison, tant de haine ?
Pourquoi tant d'assassins, tant de fous furieux, tant de massacres ?
Pourquoi tant de vaines batailles, de faux espoirs, d'inaccessibles rêves ?
Pourquoi avait-elle espéré ? Qu'avait-elle espéré, au juste ? Un miracle ?
Ceux qui ponctuent les récits des légendaires Dragonniers ?
Quelle imbécile elle avait été. Qu'avait-elle cru ? Qu'il n'aurait jamais de projets de gloire, lui non plus ?
Mais maintenant, elle voyait clair dans son jeu. Ils voulaient la spolier, hein ? Mais elle aussi, elle pouvait utiliser l'effet de surprise.
Déjà, supprimer son futur État-Major. Évidement, son cousin, et, peut-être aussi, cette sorte d'abomination qui prétendait se battre à leurs côtés depuis quelques mois. Oui, ce serait parfait.
Si ce n'était pas trop tard !
Mais quelle idiote ! Mais quelle folie !
Pourquoi avait-elle été persuadée que ses alliés la respecterait, l'aiderai ? L'appuierai dans ses plans les plus audacieux, les plus téméraires, les plus fous ? Ceux qui les mèneraient à la victoire totale et absolue !
Mais non ! Ils ne servaient que leurs propres intérêts, que leurs propres intérêts ! Mais elle aussi, elle savait faire ça ! Et elle le faisait très bien !
Fini, les conseillers corrompus, fini, les magiciens incompétents ! Elle s'était trop reposée sur d'autres, qui s'étaient retrouvés ravis de lui ôter tous ces appuis.
Mais elle avait tenu bon, bancale dans la tourmente, certes, mais encore debout !
La voix résonna encore.
Non ! Ce n'était qu'un piège. Elle le savait. Il s'était fait tué, elle avait vu son corps meurtri, si beau de son vivant, si vigoureux, si agréable dans son intelligence !
Pourquoi ? Pourquoi elle ? Pourquoi lui ?
Pourquoi eux ?
Qui, QUI ?
Pourquoi ?
Taisez-vous, taisez-vous ! Vous n'existez pas !
POURQUOI ?

Nasuada attrapa rageusement sa dague, et la planta avec la force des forcenés dans la carte, sur l'emplacement du Palais de Dras-Leona.

Ils allaient voir. Ils allaient tous voir.
Tout se déroulait selon le plan. Selon SON plan.
Et elle les enterrerait tous. TOUS !
Ils ne l'abattraient pas, ils ne l'aurait pas ! JAMAIS !

 
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"Mais... c'est moi, ou il y a plus d'énergie dans ton pendentif que avant le combat ?
- Non, tu as raison. Je m'en été étonné moi aussi, mais je pense avoir trouvé l'explication."
En l'absence d'Eragon, la discussion entre Saphira et Noven avait rapidement dérivé vers un sujet qui leur tenait tout deux à cœur. A savoir, l'incroyable métamorphose du jeune magicien.
"Ah ? Alors, d'où sort cette énergie ?
- Bon, lorsque je me transforme en... dragon, j'utilise une quantité phénoménale d'énergie.
- C'est normal, vu la taille de ton autre forme.
- Tout à fait. Cette énergie, je la puise dans le diamant, mon corps n'en contient pas assez en lui-même. C'est d'ailleurs pour ça que le sort n'est pas instantané.
- Tu parles comme si tu avais ré-essayé de te transformer."

Noven sourit, beau joueur.
"C'est le cas. J'ai profité des quelques dernières nuits pour me dégourdir les ailes. Rah, qu'est-ce que c'est agréable de voler."
Saphira poussa un grognement amusé, et approuva :
"Les autres humains ne savent pas ce qu'ils ratent.
- Enfin bref, mon corps draconique...
- Il existe, cet adjectif ?
- Non, je ne crois pas. Mais c'est une lacune de la langue, et ça m'étonnerai que les Dragonniers, dans leur immense sagesse, n'aient pas inventé un mot équivalent.
- En ancien langage, je suppose.
- Grph, oui, c'est bien possible. Donc, je disais, quand je suis sous ma forme de dragon, mon corps peut déployer une énergie beaucoup, beaucoup plus grande...
- Tu peux utiliser la magie consciemment !? Je veux dire, moi, par exemple, je ne peux pas. Enfin, pas vraiment. Pas au point de pouvoir contrôler une transformation aussi précise et délicate.
- Apparemment, je peux, comme j'utiliserai la magie en tant qu'humain. Mais tout est amplifié : je suis bien plus puissant, plus endurant... mais j'arrive encore moins à contrôler mes sorts.
- Vu les catastrophes que tu provoques en étant 'faible', je n'ose même pas imaginer les dégâts.
- Très drôle. Dans tous les cas, lorsque je reprend forme humaine, il doit y avoir un surplus d'énergie entre celle disponible et celle utilisée par le sort - et cette différence part recharger le pendentif. C'est d'ailleurs ce qui me fait penser que ma mémoire me cache quelque chose. C'est trop bien pensé, trop bien organisé pour être un hasard.
- Avec toi, rien n'est jamais un hasard. Tu finis toujours au bon moment, au bon endroit, pour trouver les bonnes personnes."

Attendri, le jeune magicien jeta un regard à la dragonne de saphir. Puis ses yeux dérivèrent, et se perdirent dans l'étendue azurée au dessus d'eux.
"Peut-être, Saphira. Peut-être."

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Arya demeurait songeuse. La folle panique qui l'avait envahie quelques semaines auparavant semblait l'avoir quitté - mais ses pressentiments macabres persistaient, tenaces. Plus que jamais, la terrible aura magique de l'autre l'inquiétait, et, même, parfois, - et elle ne se l'avouait pas sans une certaine honte - l'apeurait. Pourtant, elle savait que, si le combat devenait nécessaire, elle aurait l'appui et le soutien de ses pairs, et que, même seule, bien préparée, elle pouvait venir à bout du l'étrange et mystérieux magicien. Il n'avait pu la neutraliser, lors de son arrivé, que par une chance improbable et insolente : pressée, insouciante, elle l'avait attaqué comme elle aurait châtié un enfant trop turbulent : sans précautions, sans préparation.
Mais, maintenant, ses esprits lui étaient revenus. Tout irait bien, si elle ne baissait pas la garde.
Elle craignait cependant avoir saccagé sa crédibilité auprès d'Eragon. Étrangement, c'était ce qui l'inquiétait le plus - mais elle repoussa vigoureusement la pensée parasite. Rester concentrée. Ne pas s'égarer.
Et elle connaitrait le fin fond de l'histoire. Qui était-il ? D'où venait-il ?
Pourquoi s'isolait-t-il hors du camp, au beau milieu de la nuit ?
Dès que l'occasion se présenterait, et qu'elle serait certaine de la perfection de son camouflage, elle le suivrait. Et elle le démasquerait.
Mais, patience. Il se croyait en sécurité, fermement accroché dans la chair des Vardens comme un parasite. Il allait comprendre que même les pires sangsues pouvaient être arrachées.
En attendant, elle devait tenter de réparer sa relation si ambiguë avec le Dragonnier. Il lui était cher.
Peut-être plus qu'elle ne se l'était jamais avoué.

 
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"Mais donc, en fait, lorsque tu change de forme, tu ne modifie pas simplement l'apparence de ton corps ?
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Par exemple, si un humain, ou un elfe, se transforme en autre chose, seule l'apparence change - au final, sa nature reste toujours la même : humain ou elfe. Donc, l'énergie qu'il peut déployer demeure la même, et, au final, le magicien ne peut pas se tranformer, disons, en dragon. Ou alors il ne pourrait même pas bouger. Alors que toi, tu arrives non seulement à bouger, mais en plus à déployer une énergie magique colossale, largement au dessus des forces du plus puissant des elfes. En bref, tu deviens un vrai dragon, ou est-ce autre chose ?
- Je ne sais pas trop. Mais je crois que la première hypothèse est la bonne. Mon corps et ma force ne sont pas les seuls choses à changer : ma vision se modifie, devient plus perçante, et magnifie tous les bleus. Et j'ai l'impression que mon esprit change aussi.
- Ton esprit ? Je ne te suis pas, là.
- Mes envies, mes raisonnements, sont différents. Certains sont très nettement amplifiés - l'envie de manger un bon rôti, par exemple - alors que d'autre passent au dégout total - comme boire un potage de légumes. Je crois que je m'énerve beaucoup, beaucoup plus vite, également : hier soir, j'ai réduit un arbre en charpie juste parce qu'il m'avait accroché une aile.
- Tout ton métabolisme est différent, en somme. Tu deviens un pur dragon. Je ne sais même pas comment tu fais."

Noven tapa de son doigt sur sa tempe :
"Les réponses sont là-dedans, Saphira. Et je compte bien les trouver."

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"Nous partons. Notre tâche est achevée - et tu l'as accomplie sans nous. Nos semblables ont surement besoin de notre aide, alors que les Vardens t'ont toi."
Eragon pensait avoir eu son compte de mauvaises surprises, avec la préparation secrète du siège complètement dément de Dras-Leona. Mais non. Le sort s'acharnait sur lui, ce jour-là : maintenant, Lupushänghren venait lui annoncer le retrait des douze magiciens elfes chargés de sa protection, et de l'épauler dans ses combats magiques contre Murtagh, et, plus tard, Galbatorix.
Ils semblaient réellement vexés d'avoir été laissés à l'écart du récent combat entre Dragonniers, et, plus généralement, de toutes ses activités depuis qu'il avait commencé l'entrainement de Noven.
Mais, peut-être que leur égo foulé du pied n'était pas la seule raison de leur départ.
"Très bien, comme vous voudrez. Je ne peux pas m'opposer à votre décision - et je sais que vous serez à mes cotés lors de l'assaut sur Uru'Baen. Quand vous verrez Islanzadí, saluez-là de ma part..."
Puis, il continue via son esprit :
"... et surtout, avertissez-là que la cohésion des Vardens est particulièrement menacée par le comportement anormal de son chef."
Lupushänghren acquiesça, et décida de jouer le jeu :
"Très bien, nous lui transmettrons ton bonjour et tes craintes sur la situation. Je ne cacherai pas que nous l'avions vu, nous aussi : c'est, entre autre, une des principales raisons de notre départ.
- Alors, si vous n'êtes pas encore après de la reine, c'est que vous n'imaginez même pas les orages qui se profilent à l'horizon. Elle prépare en secret un assaut sur Dras-Leona. De front, et très bientôt."

Les pupilles de l'elfe s'écarquillèrent imperceptiblement, alors qu'il tentait de contenir sa surprise.
"Nous n'avons que trop tardé. Adieu, Tueur-d'Ombre ! Nous nous reverrons surement plus tôt que prévu... et, à ce moment-là, tu devras peut-être prendre une douloureuse décision. Commence déjà à y réfléchir."
Eragon grimaça :
"J'y pense déjà depuis bien longtemps. Et plus les jours passent, plus mes certitudes se renforcent. Mais je ne pense pas être réellement prêt à ça un jour, dusse-je y passer vingt ans. Et nous n'avons pas ce temps devant nous..."



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"Noven, crois-tu au Destin ?
- Au Destin ? Tu parles de la divination, des prophéties et de tout ce bazar ?
- Oui. Enfin, plus généralement, que nos tous nos actes sont, au final, déjà décidés et écrits.
- Pourquoi tu me demandes ça ?"

La dragonne posa un immense œil saphir sur le jeune homme, et poussa un long soupir.
"Parce que tout serait alors plus simple. Nous sommes écrasés sont le poids de nos responsabilités - moi encore plus qu'Eragon.
- La vie n'est jamais simple, Saphira. Et puis, je sais que ton orgueil et ton pragmatisme de dragon ne te permettra jamais de croire à ce genre de foutaises.
- Je ne sais pas. Nous croyons tous bien à la magie, et nous l'utilisons même - pourtant, elle défierai l'imagination de quelqu'un qui le l'aurai jamais vue par ses yeux. Peut-être que le Destin est quelque chose de semblable : hors de portée de notre compréhension, intangible, invisible, mais nous pouvons l'utiliser à notre profit. Enfin bon, je dois t'avouer que c'est surtout Eragon qui croit à toutes ces histoires.
- Si une telle force existait, pourquoi lutter ? Pourquoi vivre notre vie de tous les jours ? Il suffirait simplement de ne faire que ce qui nous plait, en toute quiétude : après tout, si on le fait, c'est que c'était prévu, et que l'on ne pouvait rien faire pour l'éviter. C'est trop facile ! C'est la solution des faibles pour justifier leur propre manque de volonté, se poser en pantin de forces dont ils ignorent, en définitive, jusqu'à l'existence !
Le premier bêta venu devrait pouvoir faire voler en éclat cette théorie : si on apprend son destin, et qu'on se suicide, sans l'accomplir donc, il se passe quoi ? A-t-on uniquement modifié notre destin individuel ? Et si le mort était un soldat, un futur assassin ou bourreau, un futur mari et père de famille, un inventeur et un génie en devenir ? Tous les gens, dont il aurait dû influer sur la destinée, voient donc leur destin changer ? Les répercutions peuvent être titanesques ! Donc, non, le destin n'est certainement pas immuable.
- Peut-être qu'il n'est pas possible de connaitre son destin à l'avance...
- Auquel cas le 'vrai' destin mentionnait le suicide. Je suis d'accord avec toi, mais il n'empêche : la théorie est bancale, et ne s'appuie sur aucun autre fait que sur la superstition et sur la volonté hypocrite de l'humanité d'échapper au poids de leurs décisions. Ces gens-là sont des sots, Saphira : je ne pense pas que tu puisses réellement fuir tes responsabilités de cette manière.
Malgré tout, je pense que le Destin existe. Mais pas sous la forme communément admise : je considère que le destin n'est que la somme des actes futurs d'un individu. Ce n'est pas le destin qui guide les choix, mais bien les décisions de chaque instant qui modifient et modèlent notre destiné. Dès lors, prédire l'avenir de quelqu'un consiste à essayer de savoir, avec une précision toute relative, les décisions que cet individu, confronté à un choix, pourrait bien prendre, et, donc, au final, une partie de ses actes futurs. Ce n'est pas de la divination, c'est de la devinette. Et ça signifie qu'ici bas, chacun devrait être responsable de ses actes.
- Je vois qu'on est sur la même longueur d'onde. Il ne manque plus qu'à résonner Eragon, en fait.
- Ça sera difficile, je crains. Je ne le connais que depuis peu, mais il me semble peu apte à adopter une vision du monde purement pragmatique et froidement logique.
- Il a toujours été un romantique et un sentimental. Je suis son subconscient résonné et raisonnable; il est ma conscience morale et spirituelle.
- Personnellement, je dirais que tu perds au change.
- Peut-être. Ou peut-être pas. Le monde serait bien fade sans fine couche de sentiments."

Un mince sourire amusé étira les joues de Noven.

 
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L'acier de la lame siffla dans l'air, alors que la hampe de la hache séparait sa cible en deux, dans le sens de la longueur. Puis, Roran attrapa une autre buche, et recommença son mouvement.
L'hiver touchait à sa fin, certes, mais il fallait toujours du bois pour les feux de veille de nuit. La tache de la surveillance, de la récolte et de la préparation des buchers incombait à chaque unité Varden, qui devaient organiser, chaque soir, les tours de veille d'une petite partie de l'enceinte. Les bucherons étaient désignés chaque jour par tirage au sort dans l'unité de Roran - encore une excellente idée d'équité de la part du jeune commandant. Sauf que, maintenant qu'il suait sang et eau à débiter des centaines de buches, il commençait à regretter de ne pas s'être lui-même exempt de service. Il n'avait jamais été très chanceux.
Un de ses hommes vint soudain l'interrompre dans son labeur. Roran posa sa hache, essuya la sueur qui perlait à son front malgré le temps frais, et fit signe au soldat de délivrer son message. Il leva un sourcil lorsqu'il prit en prit connaissance. Pourquoi Nasuada convoquait-elle tout les officiers, même les moins gradés comme lui ?
Il jeta un regard peiné à la montagne de bois qui l'attendait. Il devait finir avant la nuit, peut-être que, si il ne répondait pas à la convocation, son absence passerait inaperçue. Ce ne devait être qu'un simple changement dans les hautes sphères de l'Etat-Major, une fois encore.
Puis, une idée déplaisante lui traversa la tête. Dans le doute, il interrogea le messager :
"Sais-tu si les magiciens - et Eragon - sont, eux aussi, convoqués ?"
Ce dernier se retourna, et, sans s'arrêter, répondit par l'affirmative.
Roran jura, et donna un violent coup de pied à une innocente buche qui avait eu l'audace de se trouver devant lui. En plus de ne pas diminuer sa colère, la douleur l'empêcha de marcher correctement pendant plusieurs minutes.



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"Noven ? Nasuada nous as convoqué à sa tente de commandement, ainsi que tous les officiers. Roran compris.
- Tu as la moindre idée de la raison ? Je n'ai pas trop envie de traverser le camp pour rien."

Le magicien put ressentir la contrariété de son interlocuteur, et devina qu'elle n'était pas dirigée contre lui.
"Oui, j'ai bien une idée. Et si j'ai raison, tu ne sera pas de trop pour éviter que Nasuada se fasse tailler en petit morceaux.
- Par Roran ?
- Non. Par moi. Roran se contente d'écraser la tête des gens, en règle générale. Je suis beaucoup plus soigné.
- Bon, j'arrive tout de suite."


 
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Lorsque Noven arriva devant la tente de commandement, une foule compacte - il y avait vraiment autant d'officiers dans cette armée ? - l'empêcha de prime de rejoindre Eragon et Roran, aux premiers rangs. Une minuscule boule de feu crépita quelques secondes au dessus des têtes, et un chemin apparut comme par magie en travers de la masse humaine. Ça ne le rendrait pas très populaire, mais bon, pour le peu qu'ils pouvaient servir...
Enfin, il arriva en vue de l'estrade de fortune. Dessus, Nasuada se tenait devant une carte, masquée en grande partie par un théâtral tissu rouge - au prix du pourpre, s'en servir de rideau ! La dirigeante était seule. Eragon ne semblait pas tenir à la rejoindre, et restait dans la foule, aux côtés de Roran. Noven s'arrêta près d'eux, et attendit le début du spectacle.
Soudain, sans signe avant-coureur, elle commença.
Elle parla longtemps, de courage, de sacrifice, de devoir. Elle semblait passer de la joie, les victoires passées, aux larmes, les défaites futures, sans transitions, argumentant, persuadant les masses. Plus le temps et les paroles coulaient hors de sa bouche, plus Noven présentait une révélation tout bonnement énorme - sa démission, avec un peu de chance. Curieusement, quand il sonda les esprits des autres hommes autour de lui, il semblait être l'un des rares à ne pas être complètement absorbé par le discours épique mais fantaisiste de Nasuada. Il bailla bruyamment, sans aucune réaction.
Puis, enfin, elle en vint au sujet principal, après une introduction d'une trentaine de longues minutes.
Et là, elle fit une révélation, effectivement, tout bonnement énorme. Voire même gigantesque. Ou stellaire.
La plus farfelue, la plus téméraire, la plus incroyable, la plus stupide, la plus folle, la plus catastrophique, la plus désastreuse, la plus apocalyptique, la plus... Noven commençait à se trouver à court de superlatifs.
Et, autour de lui, seules quelques voix s'élevait pour critiquer la décision arbitraire et irraisonnée de leur chef - mais elle ne s'élevaient pas très haut, dépassant rarement le rang de murmure : elle avait le fouet facile, depuis quelques temps.
Enfin, Eragon, l'unique personne à pouvoir réagir sans risquer la peau de son dos, prit la parole pendant un court moment de silence :
"C'est très bien tout ça. Mais, ce n'était pas toi qui m'avait parlé de la folie d'attaquer de front une ville fortifiée avec moins de soldats qu'eux en ont ? Et, plus important encore, à ton avis, que diront nos alliés lorsqu'ils apprendront cette folie stratégique ?"
Nasuada darda sur lui un regard de braise, dans lequel semblait bruler la flamme de la démence :
"Depuis quand as-tu voix au chapitre ? J'ai daigné te laisser participer à cette réunion, de par l'importance diplomatique que tu représentes auprès des nains et des elfes, mais je te rappelle que tu n'es même pas officier. Même l'avis de ton cousin serait plus légitime que tien.
D'autres objections ?"
Le Dragonnier, suffoqué, tarda à répondre. Et son trait se perdit dans la masse des conversations qui s'étaient soudainement matérialisées entre les officiers.
Comme d'habitude, Noven arborait un sourire goguenard :
"Elle est complètement tarée, mais au moins, elle a de la répartie. Tout repose sur tes épaules maintenant, Argetlam : éviter que nos alliés nous lâchent à très court terme, que la folie de Nasuada n'entraine pas la défaite des Vardens à long terme, et que nous survivions tous à l'assaut sur Dras-Leona à moyen terme. Je te fais confiance pour les deux premiers, mais pour le troisième je crains que tu n'ai quelques difficultés, au vu de la haine tenace qu'elle entretient contre ton cousin, et probablement aussi contre moi. On ne sait jamais, un accident est si vite arrivé, sur un champ de bataille..."
Le cynisme morbide du magicien provoqua un frisson glacial dans le dos du Dragonnier.

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