La ville éternelle

Chapitre 9 : Le point d’accroche de Cassiopée

711 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 20/10/2023 22:26

Le point d’accroche de Cassiopée

カシオピア係留所

 

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Yōhei leva le nez et admira la silhouette de son grand-frère tandis que ce dernier ouvrait le sachet de feux d’artifice dans un bruissement de plastique très agréable à l’oreille. Dans un sourire, Satoshi prit l’un des précieux bâtons à faire brûler et le lui tendit. Le garçonnet tendit les deux mains, recevant avec joie et gratitude ce présent qu’il avait hâte de voir se consumer dans des éclats lumineux.

L’été était une si belle saison ! Les cigales chantaient, et se trahissaient elles-mêmes, indiquant leur position sur des troncs bruns, n’attendant que les filets des enfants pour qu’ils les attrapassent. Elles finissaient leur journée enfermées dans des petites caisses transparentes, le temps que ces mêmes enfants pussent montrer leurs prises à leur famille ou leurs amis, avant d’être relâchées dans un bruissement d’ailes et une stridulation tant agréables.

C’était aussi l’époque de l’année où les festivals avaient lieu. Durant toute la période des vacances scolaires, et parfois même un peu avant, les matsuri égayaient les rues et les quartiers, animés par de sublimes lampions colorés et autres décorations festives. Il y avait aussi les célébrations propres à chaque temple, et leur fête sainte qui pouvait s’étendre sur plusieurs jours.

Mais ce que Yōhei avait toujours préféré était cette soirée annuelle qu’il faisait depuis tout petit avec son grand frère – ils se mettaient en marge du festival du quartier, dans un parc aux collines un peu hautes et, sur un chemin de pierres, brûlaient les senkō hanabi achetés avec l’argent de poche donné par leur mère, juste tous les deux. Les bâtonnets, semblables à ceux d’encens qu’ils disposaient sur l’autel de leurs grands-parents décédés, se consumaient seconde après seconde, des gerbes d’étincelles illuminant faiblement leurs visages encore ronds et leurs yeux pétillants.

Yōhei s’écriait toujours tant il adorait ce spectacle, et cet instant de complicité fraternelle. Satoshi avait un peu plus de retenue, mais son visage s’éclairait tout autant de joie. Les feux d’artifice qu’ils faisaient brûler ensemble, sous la supervision de l’aîné qui allumait lui-même au briquet son bâtonnet avant de transmettre la flamme à son cadet, avaient beau être éphémères, le souvenir et la joie qui naissaient de ces courts instants s’ancrait dans leurs mémoires et leurs esprits, et ne les quitterait pas avant de longues, très longues années.

Tôt ou tard, leur sachet de feux d’artifice serait vide. Lorsque ce moment arriverait, ils s’étendraient sur l’herbe un peu humide et, bercés par le brouhaha du festival voisin, contempleraient le ciel étoilé qui s’étirait au-dessus de leurs têtes. Là, ils s’adonneraient à la seconde activité préférée de Yōhei ; ils observeraient les constellations, et Satoshi lui apprendrait tout ce qu’il savait de ces astres illuminant le ciel.

Il lui pointerait du doigt les plus brillantes étoiles, et tracerait les lignes imaginaires qui les liaient entre elles. Il partait toujours de la même, la première qu’il avait apprise à Yōhei, l’ayant lui-même apprise de leur père. Cassiopée, et sa forme de W, dont la pointe centrale dirigeait le regard vers la Petite Ourse, ou encore l’étoile polaire, à la queue de celle-ci. Ils pouvaient alors suivre du regard la ligne imaginaire, et retomber sur la Grande Ourse. Et à partir de là…

Yōhei se mit à rire. Il ne connaissait rien à l’astronomie, et le nom des étoiles ainsi que celui des constellations était parfois bien trop difficile à prononcer et retenir pour lui. Mais ces soirées passées avec son frère le ravissaient plus que tout au monde. Et dire que bientôt il faudrait retourner à l’école…

Tant que Cassiopée brillait au-dessus de leur tête, il se sentirait bien. Ces moments passés à deux comptaient tant pour lui.

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