La ville éternelle

Chapitre 13 : Tout nouveau

759 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/10/2023 19:45

Tout nouveau

まっさら

 

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Minami s’inclina, et sortit de son étui son nouveau compagnon de route. Elle avait tant attendu ce moment ! Toutes ses économies étaient parties dans cet achat, mais elle savait qu’elle ferait un long, très long voyage à ses côtés. Le violon avait d’ores et déjà bien vécu, cela se voyait au vernis un peu plus foncé par endroits et aux légères rayures mais, à ses yeux, il était comme neuf. Le chevalet avait été changé, et les cordes ne l’avaient pas encore trop creusé. En parlant des cordes, elles étaient toutes détendues, et il lui faudrait bientôt les réaccorder comme il le fallait.

L’étui venait sans archet – elle avait déjà le sien, tout comme le coussin qu’elle viendrait glisser sous son menton et sur sa clavicule lorsqu’elle en jouerait. Elle avait essayé l’instrument voilà quelques jours de cela et, le temps de le payer, elle n’avait pu s’ôter de l’esprit son son si clair et distinct. Elle qui adorait composer des mélodies que personne n’avait jamais entendues auparavant, elle savait d’ores et déjà qu’elles seraient sublimées par l’âme de cet instrument aussi majestueux que difficile à maîtriser.

La jeune femme s’empressa de serrer le violon dans ses bras et, une fois les salutations faites, le saisit de sorte à pouvoir l’accorder. Assise sur une chaise, le fond de la caisse de résonnance collé à sa cuisse, elle pinçait les cordes et resserrait les chevilles de sorte à rapprocher le plus possible la fréquence de celle qu’elle souhaitait atteindre. Quand le la frôla le 440, elle fronça les sourcils, rassemblant toute sa concentration dans le vissage sur le cordier afin que la note fût parfaite.

Son fidèle archet vint rapidement balayer les cordes dont la quinte, harmonieuse, illumina la pièce. L’harmonie était tout bonnement parfaite, rien ne saurait l’ébranler. Minami retint difficilement son impatience de tester tout cela et, une fois qu’elle s’eût assurée que tout était impeccable, elle se mit en position. Le coussin maintenait le violon bien en place, allant de concert avec son menton enfoncé dans l’espace prévu à cet effet. Son archet, enduit de colophane pour l’occasion, n’attendait plus que de se poser sur les cordes. Son bras, en suspens dans les airs, n’attendait plus que le signal pour se lancer.

Mais celui-ci ne vint pas.

Manami se tint debout de longs instants, respirant profondément et doucement, n’écoutant que le bruit de son souffle et le battement de son cœur. Le violon, dans ses mains, prenait vie. Bientôt, il commencerait à chanter. Mais quelle chanson choisirait-il ?

Elle s’imaginait sur scène, face à un immense public qui n’attendait plus qu’elle ne commençât à jouer. Voilà de cela bien longtemps qu’elle n’avait pas ressenti un tel trac – pas depuis ses premières représentations plus officieuses, à l’université. Le succès qu’elle avait rencontré avait été modéré, mais présent. Une petite maison de disques indépendante avait senti qu’elle avait sa place dans ce monde, et elle avait enregistré quelques petits singles et autres EP sans grande prétention, mais qui avaient su trouver un public dans sa préfecture natale…

Et voilà qu’elle se trouvait à présent à deux pas de remplir une immense salle de concert. Autrice, compositrice et interprète, elle avait su marquer les esprits par sa voix atypique et le violon qui la prolongeait une fois les refrains achevés. Celui-ci était le point de départ de sa nouvelle vie. Partie pour la capitale, où elle s’installerait désormais puisque sa carrière était bien lancée, elle avait souhaité marquer le coup en achetant un nouvel instrument, qui serait la nouvelle marque de fabrique de sa discographie. Ce violon serait la surprise de sa prochaine représentation, ouvrant le spectacle sur un morceau inédit, et tout à fait original parmi tout ce qu’elle avait su composer jusqu’alors.

C’était un véritable tournant pour elle. Un tout nouveau départ.

Les crins de l’archet vinrent effleurer les cordes. Elle savait ce qu’elle entonnerait. La toute première mélodie de son nouveau violon serait celle avec laquelle tout avait commencé. Et celle avec laquelle tout s’achèverait, dans une sublime synesthésie indescriptible.

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