La cour des grands

Chapitre 9 : Galmar

1872 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:01

 

Galmar

 

     Olliver avait refusé de lui parler depuis que Galmar avait appris son affectation en tant qu'écuyer de Lord Karyl Vance, la veille. Leur projet commun de porter tous les deux l'habit noir venait de voler en éclats. Une certaine colère émanait de lui pour son frère. Mais le véritable coupable était leur père qui aimait se débarrasser un à un de ses enfants qui s'accumulaient de plus en plus. Mais il était trop tard pour se plaindre. Galmar ne se voyait pas partir pour le Mur seul mais il avait pris sa décision. Il refusait de rester plus longtemps sur ce foutu pont. Et pour qu'il puisse partir, il fallait convaincre Lord Walder mais ce-dernier voit la Garde de Nuit comme un refuge de brigands avec des serments ridicules. Ainsi, les chances de le convaincre étaient minces. Mais avant de parler à son père, il devait faire ses adieux à Olliver qui se préparait à partir. Il sortit du château et alla en direction du campement des soldats de Vance. Tout le monde attelait leurs affaires dans les chariots et Lord Karyl venait d'arriver lui aussi à son campement après avoir passé la nuit avec sa promise, Hilda, qui devait être encore en train de se préparer. Puis Galmar vît le visage de son frère qui enfilait sa nouvelle armure, faite de cuir cloutée, comme la plupart des écuyers en portent. Il s'approcha et Olliver leva la tête vers lui.

 

-Tu est venu me faire tes adieux, petit frère. Déclara-t-il.

 

-Comme j'ai vu que tu ne comptais pas me les faire par toi-même, j'ai décidé de venir te voir mettre tes nouveaux habits. Répondit Galmar, la mine déconfite.

 

-Excuse-moi. Je sais que ce n'était pas ses vêtements-là que j'étais censé porter. Et crois-moi que je le regrette. Mais tu connais notre père, il….

 

-Pourquoi ne pas lui en avoir parler ? Coupa Galmar. Tu aurais pu lui dire que nous partions tous les deux et il aurait choisi un autre de ses enfants à la place. Ainsi, il aurait pu se débarrasser d'un en plus.

 

-Tu connais le respect que porte notre père pour la Garde, non ? Déjà qu'avec un seul d'entre nous, c'est pas gagné. Alors avec deux, c'est impossible. Il préfère en voir au moins un en tant qu'écuyer. C'est plus prestigieux pour lui, tu sais.

 

     Galmar ne répondit rien et un long silence s'installa où les deux frères se regardèrent dans les yeux. Olliver posa ses affaires et s'approcha de lui.

 

-Mais tu ne dois pas abandonner pour autant. Tu as encore tes chances de partir à Châteaunoir. Je te rappelle que tu est l'un de ses enfants qu'il apprécie le moins. Peut-être sera-t-il heureux de t'expédier là-bas.

 

-Je sais que je ne vais pas renoncer. Mais cela m'étonnerait qu'il acceptera, même si je suis un gamin assez chiant pour lui.

 

     Encore une fois, leurs yeux restaient fixés l'un sur l'autre. Ils savaient que c'était un adieu et finirent par se prendre dans les bras. Leur lien fraternel semblait fort mais le destin avait décidé de les empêcher d'en profiter. Non loin d'eux, Lord Karyl cherchait son nouvel écuyer qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de rencontrer. Galmar le vît du haut de l'épaule d'Olliver et l'annonça à son frère. Ce-dernier se retourna, prît ses dernières affaires et regarda Galmar en lui disant :

 

-Accomplis notre rêve, mon frère. Je prie pour que nos chemins se croisent à nouveau.

 

     Galmar lui sourit en guise de réponse et il regarda Olliver s'éloigner vers son nouveau seigneur. Il prît alors la direction d'un pourpoint, non-loin des portes de Pont, et attendit le départ de Vance. Il réfléchissait dans le même temps aux mots qu'il allait prononcer devant son père pour le convaincre quand une main se posa sur son épaule. Il se retourna et vit sa sœur, Hilda.

 

-Je t'ai cherché dans tout le château, bougre d'imbécile. Dit-elle avec ironie.

 

-Eh bien, tu as fait tes adieux à notre maison, c'est déjà ça. Répondit Galmar en souriant.

 

-Très drôle. Je suis venu te dire au revoir. Je ne pouvais pas partir sans te l'avoir dit. Peu importe si mon mari allait m'attendre durant des heures.

 

-D'ailleurs, tu peux me dire si Lord Karyl est quelqu'un de bien ? Bizarrement, c'est une question qui m'inquiètes.

 

-Eh bien… Il a été bon avec moi jusqu'à maintenant et je sens que c'est un homme honnête. Tu n'as pas à t'en faire pour moi ou pour Olliver.

 

-Bien. Je compte sur toi pour prendre soin de notre débile de frère.

 

-Compte sur moi. Oh ! Je crois qu'il faut que j'y aille. Adieu Galmar.

 

     Ils se serrèrent dans leur bras et Hilda partit en courant vers la troupe qui s'apprêtait à partir. Galmar réussissait à voir son frère de loin, aux côtés de Vance. Ils discutaient et devait être en train de faire les présentations. Il vît sa sœur rejoindre son mari et monter sans trop de mal sur la selle de son cheval. Il resta longtemps immobile, regardant les chevaux galoper jusqu'à l'horizon où ils disparurent. Il sentit l'émotion sortir en lui mais il la calma. Il se souvînt de la promesse qu'il avait faite à Olliver et prît la direction de la salle du trône rejoindre son père. Quand il entra, les domestiques s'attelait à débarrasser encore les plats de la veille. Son père et son épouse d'une quinzaine d'année le regardait arrivé jusque devant leur table.

 

-Que viens-tu faire ici, Galmar ? N'as-tu pas d'autres occupations au lieu de nous déranger ? Commença son père.

 

-Je suis désolé, père mais il me faut vous quérir d'une affaire assez urgente.

 

-Allons bon. Que me veux-tu ?

 

     Galmar prît son inspiration et annonça sa requête.

 

-J'aimerais, si vous le permettez, rejoindre les rangs de la Garde de Nuit et partir à Châteaunoir.

 

     Lord Walder le regarda d'un air étonné mais surtout de dégoût.

 

-Tu n'est pas sérieux. Cela fait deux siècles qu'un Frey n'a mis les pieds sur le Mur et ce n'est pas aujourd'hui que ça va recommencer. Je refuse.

 

-Pourquoi pas ? Il n'y a pas de honte à protéger les Sept Couronnes.

 

-Tu veux que je te dise de quoi est composé la Garde de Nuit, mon garçon. D'une bande de brigands et de violeurs, tous abrutis les uns que les autres. Ils ne font que combattre des sauvages tout aussi dégénérés qu'eux. Tous ça avec un stupide serment de rester jusqu'à ta mort et surtout, de rester chaste à vie.

 

     Il prit son épouse, qui se laissa faire, par les fesses et se mit à les tripoter avec son air de gloutonnerie et continua :

 

-Tu t'imagines te priver de ce genre de plaisirs ? Tu vas regretter, c'est moi qui te le dit.

 

-Parce que vous pensez que rester cloîtrer dans ce château sombre est mieux, peut-être !? Dit Galmar sous un ton plus fort qui laissait entrevoir sa colère. Tous vos enfants, dont moi, se demandons lequel de nous vont être fourgué à un autre chevalier ou marié de force à un seigneur. Mais puisque vous tenez tant à vous débarrasser de nous alors vous ne devriez voir aucun inconvénient à ce que je parte du Pont.

 

-Parle-moi sur un autre ton, bâtard. Je ne t'ai pas mis au monde pour t'entendre brailler. Tu veux porter le noir et connaître un futur sans espoir et merdique ? Eh bien soit. La prochaine carriole allant à Châteaunoir sera pour toi. J'ai justement reçu une lettre hier m'annonçant de réunir deux ou trois malfrats lorsqu'elle passera. Elle vient de quitter Port-Réal et arrivera d'ici une semaine. Maintenant, va-t-en. Tu me fais honte à foutre le pied là-bas.

 

-Merci, père. Comme quoi, il m'était bon d'espérer. Conclus Galmar assez fier de lui et surtout soulagé.

 

     Walder n'osa même pas répondre, lui fît signe de partir et continua à tripoter les fesses de sa femme qui n'osa broncher. Il sortit de la salle de trône sans se retourner. Pour Galmar, c'était enfin la libération qu'il attendait. Fini d'errer dans ces couloirs sombres et de voir la mine de son père gâteux. Il sait au fond de lui qu'il ne le regrettera pas. Servir dans la Garde était plus prestigieux que de rester vivre dans ce trou pourri au milieu de cette stupide Guerre des Cinq Rois à attendre quel seigneur viendrait le chercher. Pour la première fois de sa vie, il se sentait libre même s'il devra prêter un serment et qu'il ne pourra pas retourner en arrière.

Laisser un commentaire ?