La cour des grands

Chapitre 34 : Mitor

3605 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/07/2017 13:59



Mitor



Mitor se réveilla ce matin encore en sursaut. Ce rêve était aussi intense que le précédent. Mais cette fois, ses pensées douloureuses s'éloignèrent bien vite de son esprit lorsque sa douleur à l'arrière du crâne réapparut de plus belle. Il voulut presser sa tête avec ses mains par reflex mais ces dernières semblaient liées par des chaînes fixées à un mur. Mitor ne comprit que longtemps après qu'il s'était endormi debout, attachés à ce mur devenu humide à cause de sa sueur. Quand sa mémoire revint, il écarquilla les yeux et émit des sortes de cris étouffés. Son entrée dans le QG des Partisans, son chemin silencieux jusqu'à la salle des Torturées, cet homme qu'il avait tué, la peau du visage de sa victime qui pendait dans sa main et cet autre visage qui avait remplacé celui d'Apa dar Lijus. Comment cela était-il possible ? Comment un visage pouvait-il en cacher un autre ? L'homme qu'il avait assassiné était-il bien sa cible ? Le coup qu'il avait reçu derrière son crâne après la découverte de ce corps au double-visage semblait diminué au fur et à mesure des secondes, des minutes, des heures qui passaient. Mitor n'avait plus aucune notion du temps qui s'écoulait. Il était plongée dans le noir absolu. Aucune trace de lumière et l'atmosphère était lourde et brûlante. Il étouffait dans ce four humain. Il entendait cependant le crépitement des torches qui devaient se trouver derrière une quelconque porte.


Mitor était en train de se demander comment réagirait Rasar s'il apprenait que son esclave-assassin avait échoué dans sa mission lorsqu'il entendit des pas approcher. Une porte s'ouvrit devant lui et la lueur des torches lui empêchait de voir qui était son visiteur, ou plutôt son geôlier.


-C'est lui, monsieur. Annonça une voix nasillarde.


-Bien. Laisse-moi seul avec lui. Ordonna une voix familière.


La porte se referma, laissant Mitor et cet homme seul à seul. Celui-ci posa sa torche sur un support fixé sur le mur à la droite de son prisonnier et se plaça devant lui. Même s'il était à plus d'un mètre, Mitor sentait son souffle. Son regard s'habitua peu à peu à la lumière du feu et distingua clairement le visage de sa cible. C'était Apa dar Lijus, tenant sur ses deux jambes et arborant un regard bien plus sévère que celui, affolé, qu'il avait lorsque sa carotide venait d'être tranchée et où tout son sang s'échappait. Cette carotide était d'ailleurs en très bonne état. Apa, en voyant l'air étonné de son prisonnier, ne put s'empêcher de lâcher un sourire et son expression ainsi que sa posture devinrent plus détendu.


-Je n'arrive pas à imaginer le genre de sentiment que tu dois ressentir en ce moment même. Commença Apa. Est-ce agréable, confus ou bien cela te met-il en colère ?


-Je… Je ne sais pas. Répondit timidement Mitor.


-Tu es donc confus, hein ? Cela se comprend. On voit rarement des personnes que l'on a tué revenir à la vie.


-Mais… vous étiez censés être mort. Comment cela est-il possible ? Qui ais-je tué ?


-Un prisonnier que nous détenions ici même. C'était un pirate qui avait osé nous aborder lors d'un voyage. Très charmant qu'il était. Quand je lui ai demandé s'il pouvait porter mon visage durant quelques temps en échange de sa libération, il a tout de suite accepté.


-Mais, comment vous faîtes ?


-Comment je change de visage, tu veux dire ? Je ne vais pas t'expliquer la procédure. Ce serait te raconter une trop longue histoire. Retiens juste ceci : Je suis ce que l'on appelle un Sans-Visage, des êtres humains qui, après plusieurs étapes, ont droit de changer de visage à leur guise tout en donnant leur vie au Dieu Multiface.


Mitor avait déjà entendu parler de ce Dieu qui possédait son temple à Braavos dans la Demeure du Noir et du Blanc. Mais Mitor et les Dieux n'avaient pas germés de grandes amitiés au fil du temps, bien que croyant en eux. Aussi, Mitor avait même fait grandir une certaine haine envers ceux-ci car, s'ils existaient, pourquoi le monde n'était-il donc pas meilleur ?


-Parlons d'autres choses, veux-tu ? Reprit Apa d'une posture plus droite et d'un ton plus sérieux. Tout ces détails ne changent rien à un fait. Tu t'es infiltré dans notre QG dans le but de me tuer. Sur ton chemin, tu as assassiné un garde à l'entrée ainsi que mon «remplaçant». J'aimerais te dire que je suis hors de moi et que j'ai actuellement envie de te fracasser le crâne mais…


Il se retourna vers la porte et l'ouvrit.


-…j'ai besoin, avant, de savoir si tu en es à ton premier coup d'essais ou si tu fais ça depuis longtemps. Je te laisse quelque temps seul. C'est l'heure de dîner. Je te laisse aussi la torche. Ça te permettra d'occuper ton regard au lieu de le perdre dans le vide du noir absolu. À tout à l'heure.


Il referma la porte. Mitor savait que cet homme faisait sans doute référence à ses anciens assassinats. Il ne pouvait pas avouer. Qui sait ce qu'il pourrait lui faire ? L'exécuter probablement, ou le torturer, le forcer à donner des informations qu'il n'aurait pas. Peut-être devra-t-il dévoiler que leur membre, Rasar dar Rika, a décidé de changer de camp et qu'il a formé son esclave pour tuer ses anciens camarades ? Impossible. Il ne pouvait livrer le nom de son maître. Qui sait ce que ce dernier a prévu de lui faire s'il osait le dénoncer ? Bien que les punitions avaient diminuées depuis que son maître l'avait engagé en tant qu'assassin, celui-ci n'en était pas devenus plus clément dans sa tête. Au moindre faux pas de son esclave, Rasar pourrait toujours faire preuve d'une cruauté sans pareil. Mais jamais physiquement. C'était souvent des interdictions de manger, de boire ou de dormir dans la maison qu'il subissait. Et ces punitions pouvaient durer plusieurs jours, jusqu'à une semaine entière. Mais peu importe. Mitor, en se faisant attraper, avait commis un faux pas. Rasar l'avait sans doute déjà deviné en ne le voyant pas revenir chez lui. Et il a certainement déjà prévu la punition qu'il lui infligera lorsqu'il rentrera. Si tant est que Mitor puisse revenir un jour.


Apa était donc en vie. La personne qu'il avait tué dans la Salle des Torturées n'était pas sa cible mais un simple pirate qui espérait qu'on le libère. Cette histoire de Sans-Visage, jamais il n'en avait entendu parler, bien qu'il connaissait de nom le Dieu Multiface. Cela semblait irréaliste. Des personnes pouvant changer de visage à volonté ? C'était absurde ! Mais c'était pourtant la vérité. Il en avait été témoin lui-même. Rasar savait-il que l'intendant des Partisans à Lys était un Sans-Visage ? Probablement pas. Une chose pareille, rare doivent en être les personnes au courant, même au sein de leur organisation. Que pensait Apa en ce moment même, pendant qu'il mangeait certainement sur l'estrade de la Salle des Torturées ? Réfléchissait-il sur la façon de faire avouer Mitor sur son «activité» ? Il venait de lui rendre visite juste deux minutes. S'il est allé le voir tout à l'heure, alors qu'il aurait très bien pu attendre l'heure du déjeuner, c'était sans doute pour le jauger. En effet, aux yeux de cet intendant, comment un gamin pouvait-il posséder de si bon talent d'assassin ? Apa allait arriver d'une minute à l'autre et le crépitement de la torche à ses côtés tendait à l'apaiser. Il s'endormait presque quand la porte se rouvrit et qu'Apa se remit en place devant lui. Celui-ci arborait un regard plus détendu que lorsqu'il était rentré la première fois. Il respira profondément et regarda les poignets de son prisonnier, menottés au mur.


-Cela doit te faire mal à partir d'un certain temps, n'est-ce pas ? Ça tombe bien. J'ai apporté les clés qui déverrouillent ces menottes. Reste tranquille, je n'en ai pas pour longtemps. N'essaye pas de tenter quoi que ce soit, cela aboutirait forcément à un échec.


Apa s'approcha en sortant de sa veste un trousseau de clé rouillé. Il actionna avec l'une d'entre elles les menottes qui s'ouvrèrent automatiquement, et laissait Mitor tomber sur le sol. L'esclave bougeait ses poignets libérés pour faire circuler le sang. Ceux-ci étaient rouges vifs et très marqués. Mitor se doutait que ce geste de bonté de son geôlier ne servait qu'à le mettre dans de bonnes dispositions pour avouer par la suite. Il était cependant soulager d'être libre de ses mouvements à présent.


-Si tu permets, je vais m'asseoir sur ces pierres. Dit Apa en montrant un banc creusé dans le mur de pierre. Mes vieilles jambes se fatiguent. Place-toi en face. Nous n'en serons que plus à l'aise pour parler.


Mitor s'assit donc sur le banc de pierre opposé à celui d'Apa et les deux hommes se regardèrent fixement durant quelques secondes. Mitor laissait échapper un regard neutre qui empêchait Apa de mettre en place une psychologie quelconque. Celui-ci l'ayant remarqué, il trouvait ainsi son assassin amusant. Il garda son regard détendu et reprit la conversation.


-Dis-moi. Qu'as-tu ressenti en observant l'intérieur de notre QG ? De l'admiration ? Du dégoût ? Ou bien, l'architecture t'était-elle indifférente ?


-Un mélange des trois. Répondit Mitor qui voulait garder une sorte de défense psychologique contre Apa grâce à la neutralité de ses propos, de ses gestes et de son apparence.


-Comment cela ?


-Cette structure est ancienne et a nécessité sans doute de nombreuses et longues mains d’œuvres. Mais elle reste caché aux yeux de tous et n'est pas admirable lorsque celle-ci est dans le noir. Cela n'a cependant pas d'importance car je ne suis pas venu ici pour admirer les pierres et la taverne du dessus est toujours une meilleure destination que sa «cave».


-De l'ironie, hein ? C'est preuve de bonne santé, soi-disant. Je vois quel jeu tu joues. N'espère pas pouvoir me duper dans le domaine de la psychologie. Je connais l'esprit humain mieux que toi. Cependant, tu n'es pas en bonne santé car tu es un esclave. Et tu sais autant que moi qu'un esclave en bonne santé, cela n'existe pas. Mais tu n'es pas un esclave comme les autres, non. Toi, tu es plus intelligent, plus réfléchi. La preuve en est que tu essaye de me duper en utilisant la psychologie, ce qu'aucun esclave n'a fait jusqu'à maintenant. Toi, tu as été éduqué. Si tu ne l'avais pas été, tu n'aurais sans doute même pas pu rentrer dans ce QG.


Il marquait un point, pensait Mitor.


-La question est : Qui t'as éduqué ? Continua Apa. Dis-moi le nom de ton maître, s'il te plaît.


-Croyez-vous que c'est mon maître qui m'a ordonné de m'infiltrer dans votre QG pour vous tuer ? Demanda Mitor qui savait pertinemment où Apa voulait en venir.


-J'en suis persuadé. Affirma Apa avec un sourire.


-Dans ce cas, j'ai le regret de vous dire que vous avez tort. Mon maître n'est même pas au courant de ce que j'ai fais. Mentit Mitor avec une honnêteté qui l'étonna lui-même.


-Je vois. Dit Apa qui ne semblait pas croire à cette réponse. Passons à une autre question, alors. En es-tu à ton premier coup d'essai ? Si tu mens, je le saurais, et je ne risquerais plus d'être si gentil. J'aime me montrer détendu mais si tu te paye ma tête, tu risques de vivre l'un des pires moments de ta vie.


Le ton changeant d'Apa venait de procurer à Mitor une extrême frayeur et il ne put s'empêcher d'arborer un regard effrayé, montrant à Apa qu'il venait de l'intimidé. Mitor répondit alors sans plus tarder :


-Non. Cela va faire deux semaines que j'ai commencé à…. à assassiner des gens.


-Le massacre du «Loup des mers», est-ce toi le responsable ?


-Ou…oui.


-Impossible.


-Pourquoi me posez-vous la question alors, si vous comptiez ne pas croire à ma réponse ?


-Tu n'es qu'un gamin. Un gamin, qui plus est un esclave, ne peut causer un massacre semblable. À moins que tu ais été entraîné. Qui t'as entraîné ? Ton maître, n'est-ce-pas ? Dévoile-moi son nom !


Mitor ne répondit rien et Apa n'insista pas. La conversation était dure à tenir pour Mitor qui ne pensait qu'à fuir le plus loin d'ici possible. Il réentendit alors, comme venant d'une source lointaine, le cri de la jeune fille exécutée. Pourquoi lui troublait-elle l'esprit maintenant ?


-Je reviendrai dans quelques minutes. Dit Apa qui venait de se lever. Je te laisse réfléchir jusqu'à mon retour. Dis-moi, comment t'appelles-tu ?


-Liso. Mentit Mitor. Je m'appelle Liso.


-Réfléchis bien, Liso. Tu pourrais sortir de cette salle plus vite si tu fais le bon choix.


Et Apa sortit. Mitor avait menti sur son identité car son véritable nom pourrait mener les Partisans jusqu'au nom de Rasar. Le cri de la jeune fille occupait dorénavant tout son esprit. Impossible de le faire sortir. Il revoyait les chaînes s'étirer et le sang couler. Il sentait encore le silence de la foule et cette douleur qu'il avait ressenti dans son cœur lorsque le corps démembré était retombé sur le sol. Il se tînt la tête fermement par reflex et finit par hurler :


-VA-T-EN !!!


Apa avait entendu son cri, ouvrit la porte et vit Mitor, ou plutôt Liso, qui s'était retrouvé par terre, suant de tout son corps et lui jetant des yeux affolés. Il le replaça sur le bac de pierre et lui dit :


-Que t'arrive-t-il ? Es-tu donc fou ? Calme-toi, Liso.


Et Mitor se calma, lentement. C'était la première fois que sa crise de folie apparaissait de façon si soudaine. C'était aussi la première fois où elle apparaissait lorsque Mitor était réveillé. Apa se replaça sur son banc, en face de Mitor, et examina le jeune esclave qui reprenait peu à peu une respiration normale et des yeux moins fous.


-C'est la première fois que ça t'arrive ? Demanda Apa d'un regard interrogateur.


-Non, mais cela n'a jamais été si soudain et puissant.


-Et qu'est-ce qui a causé ces crises ? Tu le sais ? Depuis quand en as-tu ?


-Je… je ne sais pas.


-Je ne cherche qu'à t'aider, Liso. Ne me mens pas.


-Vous ne pouvez pas m'aider. Moi seul peut me sortir de ça.


-Très bien. Tu es le garçon le plus étrange et le plus intéressant que j'ai pu voir dans ma vie, on dirait. Je n'en ai pas fini avec toi. Comme je te l'ai dis tout à l'heure, je te laisse réfléchir quelques temps pour que tu me dévoiles le nom de ton maître. Mais si un jour, tu requiers mon aide pour te sortir de tes tourments, j'ai, au sein des Partisans, quelqu'un qui pourrait t'aider. À plus tard.


Apa ressortit et laissa Mitor qui se coucha sur le banc. Il avait dorénavant repris entièrement le contrôle de son esprit et le cri de la jeune fille s'en était allé. Pour le reste, la décision de Mitor était claire. Il ne dévoilerait pas le nom de Rasar aux Partisans. Certes, il avait peur de son maître et de sa punition, mais il était aussi fermement décidé à ne prendre part à aucun des deux camps qui s'opposait dans cette guerre idéologique. Il n'avait tué des Partisans que par obligation et dévoiler le nom de Rasar signifiait prendre parti dans cette guerre. Sa décision était prise et il attendit calmement le retour d'Apa. Quand celui-ci revînt, Mitor venait de prendre un air sérieux et déterminé, ce qu'Apa ne put s'empêcher de remarquer.


-Je vois que ton expression change rapidement, comme moi. Dit-il en se rasseyant à sa place habituelle. Nous sommes deux êtres versatiles et intéressés dans l'art de la psychologie. Chacun de nous essaye de manipuler l'autre et laisse transgresser, ou pas, ses émotions dans le seul but d'impressionner l'autre grâce à nos expressions faciales et nos gestes. Je suis même venu à me demander si ta crise n'était pas une tentative de manipulation à mon égard. Mais le regard que tu avais tout à l'heure ne pouvait te trahir. Tu es donc officiellement un fou. C'est bien car les fous sont intéressants et sont toujours un bon exercice pour un amoureux du mentalisme. Les gens sans aucun troubles sont bien trop ennuyeux pour quelqu'un comme moi.


-Je ne suis pas un fou. Répondit Mitor alors qu'il savait parfaitement au fond de lui qu'Apa avait raison.


-Et moi, je ne suis pas un vieux. Cette nouvelle me réjouirait tant. Mais passons. Tu ne veux toujours pas me dévoiler le nom de ton maître ? Non, bien sûr que non. Mais cette fois, je crois te connaître assez pour te faire cracher le morceau. Dis-moi, mon garçon. Sais-tu ce qu'est que l'aliénation ?


-Non. Répondit Mitor qui n'avait jamais entendu ce mot de sa vie.


-Ce n'est pas étonnant. Laisse-moi t'expliquer. L'aliénation, c'est quand un individu est dépossédé de son être par une autre personne. C'est quand on crée un décalage entre la nature propre de l'individu comme sa personnalité, son métabolisme, son caractère, etc, et ce qu'on lui impose, sur cette nature propre, comme une autorité extérieure, des ordres qu'il se sent obligé de suivre, à cause de l'éducation qu'on lui a donné généralement. Prenons un exemple. Mikev conçoit des vêtements en tissus pour une enseigne de Tyrosh. Il touche un salaire qui lui permet de se fournir le minimum vital. Il est dans une cité libre et il a donc des droits en tant que travailleur permettant à la cité de fonctionner. Mais il va refuser de défendre ses droits, pour ne pas perdre une journée de salaire voire son travail. À ton avis, pourquoi Mikev est une personne aliénée dans ce cas-là ?


-Je ne sais pas. Répondit Mitor qui n'arrivait pas cette fois où Apa voulait en venir.


-Parce qu'il renie ses acquis sociaux pour le moule du monde du travail. Pire des fois, il empêche les autres de le faire et va jusqu'à dire que ses défenseurs le prennent en otage, alors que c'est l'idée de ne pas avoir son salaire qui le prend en otage. Parce que l'aliénation fait que sur cette personne, son travail, et par extension l'argent, passe avant sa nature propre et sa santé. Tu comprends, maintenant ?


-Je crois, oui. Mais où voulez-vous en venir ?


-Mettons que Mikev rejoigne une secte, une communauté qui va lui imposer un genre sur la pensée, sur l'alimentation, sur l'intégrité physique ou autre. Il sera aliéné par cette secte car il renie sa nature propre pour s'adapter à ce qu'on lui demande.


Mitor commençait enfin à voir ce qu'Apa essayait de lui faire passer comme message.


-Durant son enfance, Mikev était un esclave à Meereen jusqu'à ses vingt ans. C'était quelqu'un qui subissait son maître comme n'importe quel esclave. Très souvent, il lui ordonnait d'aller lui chercher sa nourriture auprès des marchands qui livraient leurs produits à leurs clients en passant par leurs esclaves. Mais Meereen est une très grande cité. Mikev pourrait s'enfuir sur le chemin entre la maison de son maître et la diligence du marchand. Ce n'est pas les cachettes qui manquent là-bas. Pourquoi Mikev ne s'enfuit-il pas alors qu'il en a maintes fois l'occasion ?


-Il est aliéné. Sa nature propre est soumise aux règles et aux menaces de son maître s'il lui désobéit.


-Très bien, Liso. Tu comprends vite. Alors maintenant, écoute-moi bien. Te considères-tu comme quelqu'un d'aliéné ? Es-tu dans la même situation que Mikev ?


La question sonnait comme une véritable explosion dans le cœur de Mitor. Il ne pouvait répondre autrement que par :


-Oui. Je suis aliéné.


-Tu peux donc te mettre à la place de Mikev. Tu sais ce qu'il ressent au fond de lui. S'il écoutait ce que je suis en train de te dire actuellement, et qu'il comprenait mes paroles comme toi tu les comprends, il aurait donc les mêmes sentiments que toi en ce moment. Comment réagirait-il s'il apprenait qu'il pouvait briser ses chaînes en disant simplement le nom de son maître à l'ennemi de ce dernier ?


-Il lui dirait. Répondit Mitor qui reconnut sa défaite et la raison d'Apa.


-Qui est ton maître, Liso ?


Mitor poussa un soupir et baissa le regard.


-Rasar dar Rika.


Apa resta silencieux durant quelques secondes. Il se leva alors et, avant d'ouvrir la porte, le remercia. Mais alors qu'Apa commençait à s'aventurer dans le couloir, derrière la porte, Mitor lui avoua :


-Au fait, Apa. Je ne m'appelle pas Liso. Mon nom est Mitor. Je m'appelle Mitor.


Apa sourit et lui avoua à son tour.


-Et moi, mon véritable nom, c'est Mikev. Je m'appelle Mikev.


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