Généalogie alternative et histoires de famille

Chapitre 5 : Les esprits errants de la famille Clancy 2

15841 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/04/2023 14:15



« Chaque bonne action, chaque bonne pensée de l’homme augmente la force de l’esprit du Bien, de même que chaque mauvaise pensée augmente l’empire du Mal. »


Ernst Cassirer, La philosophie des formes symboliques, tome II, La pensée mythique, traduction de l’allemand et index par Jean Lacoste, Paris, Les Éditions de Minuit, 1972, p. 151.







Résumés des chapitres précédents : Mélinda et Jim savent que les Eastman et les Clancy connaissent les Slavski, par alliance, car Ielena (Hélène) est mariée à Radimir Christianovitch Eastman, l'oncle paternel de Mélinda, tandis que sa sœur, Irina, est mariée à Jack Clancy, l'oncle paternel de Jim. Ils savent aussi que Elijah Bloch s'est marié à Susan Clancy puis à Vera Boguslawiak.

Ils savent de Faith et de Aiden Clancy que Henry Clancy s'est marié à Olivia Berg par intérêt, car elle est la descendante d'une famille aristocratique russo-germanique. Olivia elle-même n'aimait pas son mari et se trouvait des amants qu'elle tuait avec un couteau de cuisine après une courte relation d'au plus trois mois. Henry, lui, fermait les yeux sur ces infidélités ; il s'arrangeait, avec l'aide d'un cercle de sorcières et de diseuses de bonne aventure de trouver des boucs émissaires pour ces péchés, qui ne sont nul autres que son fils aîné, Aiden, et sa fille benjamine, Jennifer. Résultat de ce transfert de mal : Aiden meurt en 1977 d'une balle perdue alors qu'il se trouvait près d'une bande de petits criminels payés par Karl Neely, le père du détective Carl Neely ; Jennifer, elle, est resté vieille fille, connaissant plusieurs hommes, mais sans parvenir à en marier un.

Jim et Mélinda ont rencontré le détective Carl Neely, qui travaille comme policier à Grandview depuis le mois d'août 1997 et qui s'est remarié en secondes noces en 2001 à une veuve, Marianne Bazra, qui traîne avec elle sa fille de son premier mariage, Caitlin Mahoney, âgée en 2003 de 8 ans. Le détective a déjà connu un premier mariage à Longview (à 5 km de Grandview) en 1989, avec Sara Blumenfeld, une douce femme provenant d'une famille juive d'origine allemande, avec laquelle il eut trois enfants, prénommés David, Daniel et Jeanne, nés respectivement en 1990, 1991 et 1992. Sa femme et ses enfants meurent dans un accident de voiture le samedi 12 juillet 1997.

Jim et Mélinda, eux, savent très bien qu'ils doivent maintenant comprendre les différents liens qui unissent leurs familles. Pour ce faire, ils doivent enquêter sur la famille de Jim Clancy. L'enquête sur sa famille maternelle est réglée. Il ne manque plus que la branche paternelle, au risque de raviver des mauvais souvenirs (la mort d'Aiden et de Daniel Clancy pour Jim, ou encore celle de Sara Blumenfeld-Neely pour Carl) et de presque perdre des amis. Parviendront-ils à régler ces histoires de famille bizarres sans perdre aucun allié ?






Rappel de la généalogie de Jim Clancy


Aiden Clancy (†) + Faith Clancy, née Smith = Daniel Clancy (†) et Jim Clancy




Du côté paternel


Henry Clancy (†) + Olivia Clancy, née Berg (†) = Aiden Clancy, Susan Clancy, Jack Clancy et Jennifer Clancy


Susan Clancy-Bloch + Elijah Bloch = Helen Bloch et Jacob Bloch


Jack Clancy + Irina Slavski-Clancy = Wiliam Clancy, Jean-Paul Clancy et Mary Clancy






30 juin 2003, Verylongview, département de police, 13h.


Paul Eastman, à son bureau, n'ayant reçu aucun appel de Carl Neely depuis trois jours, décide de l'appeler à son numéro de téléphone de travail. Il tombe sur sa boîte vocale. Il lui laisse un message : « Monsieur Carl Neely, je vous invite à poursuivre l'enquête sur la famille Clancy. Avez-vous débuté ? Merci de me le faire savoir. »

Une fois le téléphone raccroché, Daniel Miloshevitch apparaît devant son bureau.

Assis sur la chaise en face de lui, il dit : « Il ne vous répondra pas de la journée, car il n'est pas en état de poursuivre l'enquête. Il est trop désespéré, étant influencé par Adrian Neely, qui le tourmente avec l'idée d'être le meurtrier de sa première épouse et de leurs enfants. Il se noie alors dans l'alcool à son bureau, entre le vin et la šljivovica. Comme il n'est pas habitué à boire, il est rapidement ivre. En ce moment, il dort, affalé sur son bureau. » Et l'esprit policier disparaît de sa vue.

Trois minutes plus tard, Sara Blumenfeld apparaît devant Paul. Elle dit tristement en allemand : « Mon mari ne s'est jamais montré aussi désespéré. Ceci ne lui ressemble pas! Il est trop influencé par Adrian! Pouvez-vous faire quelque chose? »

Paul Eastman hausse les épaules.

Sara poursuit son discours en allemand : « Je vous supplie de faire quelque chose avant qu'Adrian ne commence à agir sur sa seconde épouse, qui est, par ailleurs, une vipère, ce qui risque d'empirer la situation. »

Puis Sara disparaît, laissant le policier perplexe. Il sort son icône portative du Prince des Anges et prie avec ferveur, dans l'espoir de trouver une solution pour aider son collègue. Perdu dans ses pensées, car il imagine toute sorte de solutions, il ne remarque pas le temps qui passe.

Après une demie-heure, il voit face à lui son frère Radimir. Paul comprend qu'il s'inquiète pour lui et qu'il est témoin d'un phénomène de bilocalisation. Son âme lui dit en russe : « Prends deux branches d'aubépine avec toi et laisses tes armes dans ton bureau. N'oublies pas de désarmer ton collègue et de lui mettre sous les yeux l'icône de l'Ange Michel. » Puis la projection de l'âme de Radimir disparaît. Paul Eastman, content, se débarrasse de ses armes (mais conserve néanmoins son gilet pare-balles, par précaution), puis sort de son bureau en trombe. Il court chez lui pour couper deux branches d'aubépine qu'il amène avec lui, se signe puis embarque rapidement dans son véhicule de fonction et se rend en vitesse à Grandview (bien sûr, en respectant les limites de vitesse à certains endroits).


Une fois rendu devant la porte du bureau de son collègue, il colle son oreille droite contre la porte. Il n'entend qu'Adrian Neely parler à voix haute. Tout à coup, Carl se réveille ; Paul Eastman, après une prière rapide à l'Archange Michel (dont il place l'icône dans une poche externe de sa veste, de manière à ce qu'elle soit un peu visible), force la porte.

Carl, étonné, lui dit d'une voix pâteuse : – Monsieur... Voulez-vous... Euh... décliner votre identité... et... la raison de votre intrusion.

Après une courte pause, influencé par Adrian, il se verse d'une main tremblante de la šljivovica.

Le père de Mélinda remarque aussitôt le désordre qui régnait sur le bureau : des feuilles étaient éparpillées, certaines étaient mouillées.

Paul Eastman répond rapidement : – Je suis votre collègue, Paul Eastman. Et je viens pour votre sécurité, car vous ne semblez pas en état de travailler.

Échauffé par l'alcool, Carl lui réplique une insulte en serbe et commence à siroter son petit verre de šljivovica. Sa main droite tremble tellement qu'il doit porter son verre à ses lèvres avec ses deux mains. Paul, brandissant les deux branches d'aubépine devant lui dans sa main droite, remarque qu'Adrian se détourne de lui et se rapproche de son petit-fils. Profitant de la situation, il le possède.

Silence lourd. D'un geste rapide, Carl, ne sachant pas consciemment ce qu'il fait, saisit la bouteille de šljivovica. Paul le retient le bras d'un geste rapide. Ce contact enrage l'esprit. Le vieux policier, voyant que l'âme de son collègue est sortie de son corps lors de la possession, lui demande pardon. Paul, pour toute réponse, opine du chef. Carl, possédé et échauffé par le mauvais esprit et l'alcool, dépose la bouteille sur le bureau et frappe son collègue avec ses jambes, mais celui-ci le renverse doucement de sa chaise et le maintient au sol. Et Paul place les deux branches d'aubépine comme deux barres horizontales sur la poitrine du Carl, en plus de lui mettre sous les yeux son icône du protecteur des policiers. Il semble comme cloué au sol ; seul un cri inhumain et de l'écume s'échappent de sa bouche. Adrian Neely le supplie d'arrêter la torture, car il a mal au cœur. Le corps de son petit-fils commence en effet à cracher du sang.

Paul Eastman dit : – Oui, à la condition que vous arrêtiez de torturer votre petit-fils.

Adrian, parlant par la bouche de Carl : – Oui, ça me convient.

– Vous me promettez de ne pas le déranger une fois revenu à lui ?

– Oui.

Et Adrian sort du corps de Carl Neely, dont l'âme regagne son corps. Adrian, après quelques secondes, disparaît comme aspiré par le souterrain. Une fois Adrian disparu, deux autres esprits se manifestent à la gauche de Carl Neely. Nul autre que Milan et Mila Bogdanović, ses grands-parents maternels, sauf que Paul Eastman ignore leur identité.

Lorsque le jeune policier se réveille, étonné de voir son collègue penché au-dessus de lui, ferme aussitôt les yeux. Il a un terrible mal de tête en raison de l'alcool ingéré. Paul l'aide à se relever en écartant de lui les branches d'aubépine. Appuyé sur lui, Carl se lève et bredouille des excuses sur son comportement. Sara Blumenfeld et Daniel Miloshevitch apparaissent à sa droite. Son collègue relève la chaise et le regarde d'un air sévère. Il s'écroule (plus qu'il ne s'assied) sur sa chaise de bureau. Silence lourd. Carl sort de son tiroir son revolver qu'il dépose devant Paul Eastman de manière à ce qu'il puisse prendre l'arme ; il pousse la bouteille de vin, qui se brise en mille morceaux. Il range rapidement la bouteille de šljivovica et le verre dans un tiroir à sa droite. La tête appuyée entre se mains tremblantes, il fixe son collègue, qui remarque ses yeux rougis de larmes.

Miloshevitch dit : « S'il vous plaît, ne le laissez pas revenir chez lui dans cet état. Il fait vraiment pitié. »

Sara ajoute : « Surtout qu'un tel état pourrait donner des idées meurtrières à sa vipère de femme. »

Paul réplique aux esprits : – Pourtant, vous saviez que Carl ne peut pas rester dans son bureau, car si l'un de ses collègues le surprend dans cet état, il le dénoncera et pourra alors perdre son emploi pour faute grave.

Carl intervient et dit d'une voix pâteuse : – Monsieur... si vous voulez que... je démissionne... je vous donnera demain... ma lettre de démission.

Paul Eastman : – Il n'en est pas question. Monsieur Neely, vous devez plutôt vous remettre des effets de l'alcool.

– C'est... peut-être... l'alcool... qui... me monte à la tête... C'est vraiment... bizarre. Jer ne podnosim alkohol... Euh... Parce que... je... ne... tiens pas... l'alcool... Tant pis pour moi !

Il s'affale sur le bureau, en poussant le revolver vers son collègue. Ce dernier saisit l'arme et la dépose loin de lui.

Paul Eastman : – Monsieur Neely, êtes-vous sûr de ne pas vouloir dormir sur un canapé chez moi?

L'interpellé relève sa tête, étonné. Il répond d'un signe de tête négatif et ajoute : « Ne vous laisser pas... déranger avec... une vermine... de mon espèce. Je ne suis qu'un bon à rien ! » Et il balaye son bureau de ses bras, faisant voler les feuilles sur les côtés latéraux du bureau. Voyant que son interlocuteur ne réagit pas, il se lève de sa chaise. Paul aussi se lève. Silence lourd.

Carl Neely soupire, comme s'il est vaincu. Ses grands-parents maternels l'encadrent. Il se murmure à soi-même : « Ah! Vermine! Salaud! Ubica! Meurtrier! » Il fouille dans ses tiroirs, mais Paul le maîtrise et murmure sévèrement : « Assez avec votre pseudo-culpabilité! Vous vous ennuyez vous-même à imaginer la même scène. Tournez la page une fois pour toutes et tout sera correct! »

Étonné, il s'exclame, comme dégrisé : – Monsieur Eastman! Je suis vraiment désolé! Mais sachez que je vous laisse terminer l'enquête sur les Clancy. Je ne suis pas intéressé, surtout quand j'ai appris que mon propre père est impliqué...

Paul l'interrompt : – Et le mari de votre sœur, Denis Appelbaum ?

Carl rugit de sa voix enrouée par l'alcool : – Quoi ?

Il s'écroule sur sa chaise. Après quelques minutes de silence, il s'éclaircit la voix et dit : – Je vous demanderais de quitter mon bureau, Monsieur Eastman.

– Et vous ? Vous ne pensez quand même pas rester ici ?

– Non, je reviendrais chez moi.

Comme Sara Blumenfeld désapprouve d'un signe de tête l'idée de son époux, Paul essaie de le convaincre de passer la soirée chez lui puis il le raccompagnera demain à Grandview. Hésitant, Carl refuse son idée, ce qui inquiète sa première épouse, qui propose à Miloshevitch de surveiller son époux, puis elle disparaît de la vue du chuchoteur d'esprits.

Paul ajoute : – Pour votre sécurité, je quitterais le dernier votre bureau.

Carl bredouille une série de propos incohérents en serbe. Les deux esprits à sa gauche l'influencent, mais Paul Eastman place l'une des branches à l'horizontal sur le bureau, mais le jeune policier passe en-dessus, glissant sur les feuilles de papiers et le vin. Il se blesse les mains sur le verre mais il n'en a cure. Influencé par les deux esprits à sa gauche, Carl supplie son collègue de tenir loin de lui les branche d'aubépine. « La seule chose que vous pouvez faire », dit-il cyniquement, « c'est me transpercer le cœur avec! » Et il s'affale sur les morceaux de verre, se blessant les mains et les poignets.

Milan dit : « Comme il est adorable ! Vous voyez bien qu'il accepte de mourir pour la famille ! »

Puis l'esprit errant, un sourire machiavélique sur le visage, chuchote à l'oreille gauche de Carl Neely, qui, machinalement, essuie ses mains contre sa veste, la salissant du sang qui sortait de ses blessures, à la hauteur de sa poitrine. Les deux esprits errants, alléchés par le sang, le lèchent avant qu'il ne sèche complètement. À ce moment-là, Adrian Neely apparaît, amenant avec lui sa femme, ses parents et ses beaux-parents. Lorsque le détective remarque que ses mains et sa veste sont propres, il jette un regard interrogateur à Paul Eastman. Ce dernier lui explique calmement ce que les deux âmes errantes ont fait. Du sang coule encore de ses blessures, alléchant toutes les âmes errantes autour de lui.

Paul, prit de pitié pour son jeune collègue, interpose une branche d'aubépine devant lui. Les âmes reculent, effrayées. Ensuite, le vieux policier le relève par les épaules pour qu'il ne se blesse pas d'avantage sur les morceaux de verre et le soutient pour qu'il se déplace de quelques pas loin du danger. Puis il place l'autre branche derrière lui. Ainsi, les âmes errantes, affolées, tournent en sens anti-horaire autour de Carl, encadré des deux branches, qui est immobile. Son collègue se tient devant lui. Silence. Le jeune policier, les mains tremblantes, les lèvent vers ses yeux et remarque aussitôt qu'elles sont propres de sang, à l'exception de son annulaire gauche, comme si du sang coule sous son alliance, ce qui le fait tressaillir. Il montre sa main gauche à Paul, pour s'assurer qu'il n'hallucine pas. Comme son collègue confirme la présence visuelle de sang, sa mine s'assombrit. Carl soupire puis murmure pour lui-même : « Ah! Un autre mariage qui se terminera mal! Je le savais bien que je suis maudit! »



Malheureusement, Carl Neely ne gardera aucun souvenir de ce monologue. Ce n'est que plusieurs années plus tard, en novembre-décembre 2008, que le sens de cette crise d'ivresse se révélera en quelque sorte prophétique, alors que ses ancêtres peuvent encore agir sur lui. Ce n'est qu'à ce moment qu'il comprend que ses ancêtres le veulent comme bouc émissaire de la famille. Et ce n'est que le 10 janvier 2009 que Carl Neely divorcera de Marianna Bazra, puisqu'il aura compris à quelle femme il s'est marié. Quant au sang contre sa veste, ce geste sera responsable, beaucoup plus tard, du quasi succès de la tentative d'empoisonnement par Marianne, car il survivra le 4 janvier 2009 à une crise cardiaque causée par les médicaments qui se trouvera dans sa nourriture.



Parlant à voix haute, Carl Neely poursuit son monologue : « En plus d'être traqué sans relâche, pire qu'une fauve dans la forêt. Je le sais bien que je suis aussi salaud que mes ancêtres! Comme le dit l'expression « l'abîme appelle l'abîme », ce qui semble bien être mon cas. Après un meurtre, l'alcoolisme, et après, que sais-je? Je dis comme Job : Périsse le jour où je suis né, et la nuit qui dit: Un enfant mâle est conçu! Ce jour! Qu'il se change en ténèbres, que Dieu n'en ait point souci dans le ciel, et que la lumière ne rayonne plus sur lui! Que l'obscurité et l'ombre de la mort s'en empare... » Il s'interrompt lui-même, pour reprendre son monologue après quelques minutes de pause : « Pourquoi ne suis-je pas mort dans le ventre de ma mère? Pourquoi n'ai-je pas expiré au sortir de ses entrailles ?... Je serais couché maintenant, je serais tranquille, Je dormirai... Ce que je crains, c'est ce qui m'arrive; Ce que je redoute, c'est ce qui m'atteint. Je n'ai ni tranquillité, ni paix, ni repos, et le trouble s'est emparé de moi. »

Carl se tait, comme épuisé. Il fixe son collègue en face de lui, le regard dans le vague, et dit : « Monsieur, suis-je encore normal ? Il me semble que non... »

Paul dit doucement : – En tout cas, Monsieur Neely, vous êtes normal si vous n'êtes pas sous l'influence de l'alcool et des mauvais esprits qui vous entourent... Je dois vous avouer que je ne vous ai jamais faire si triste mine. Ceci ne vous ressemble pas. Je vous demande si vous voulez que j'appelle mon gendre pour soigner vos blessures, car vous êtes quand même tombé dans des bris de bouteille, ce qui est dangereux. Ensuite, vous vous reposez et nous reprenons notre enquête, c'est entendu ?

Paul ajoute, à l'adresse des âmes errantes, qui tournent encore autour du détective comme des lions affamés autour d'une proie : « Et vous, je vous demanderai, s'il vous plaît, de ne pas influencer votre descendant ! Laissez-le décider par lui-même ! »

Les âmes errantes, étonnées du ton, s'immobilisent et attendent. Elles fixent le détective, qui est visiblement désorienté. Carl bredouille : « Monsieur Eastman, vous avez peut-être raison. J'irai me reposer chez moi. »

Paul : – N'avez-vous pas vu vos mains ? Elles sont blessées par les morceaux de verre. Ne bougez pas, j'appelle à l'instant mon gendre. Mais, si ce n'est pas trop indiscret, puis-je vous poser une question ?

– Oui.

– Qu'est ce qui vous a pris pour boire ainsi de l'alcool ? Je vous pensais modéré...

– Sauf ça !

Et Carl Neely sort de sa veste d'uniforme son portefeuille et montre à son collègue une photographie de famille ; sa première épouse, leurs trois enfants et lui-même. Il ajoute : – C'est pour l'horrible acte que j'ai fait envers eux que je suis dans cet état aujourd'hui. De plus...

– Pourriez-vous compléter votre pensée ?

Adrian Neely répond : – Il doit mourir !

Carl, comme s'il sait la réponse de son grand-père paternel, dit : – Je comprends que je suis le dernier de la photographie à périr. Autant mieux provoquer ma propre mort.

Puis les âmes errantes éclatent à l'unisson d'un rire diabolique ; le jeune policier rit d'un rire dément, inhumain. Il écarte les branches d'aubépines et les lancent à Paul Eastman qui les attrapent. Les âmes errantes s'approchent de leur descendant, mais Daniel Miloshevitch s'interpose entre elles et lui ; elles disparaissent, sauf les grands-parents maternels et paternels. S'ensuit une lutte entre les cinq esprits errants. Les quatre âmes disparaissent, comme aspirées par le souterrain, après avoir soufflé diverses idées à Carl Neely. Ce dernier s'assied sur sa chaise de bureau, perplexe. Paul s'empare du téléphone sur le bureau pour appeler son gendre, lui disant qu'il doit venir au bureau de Carl Neely, car il est blessé.

Cinq minutes plus tard, Jim Clancy fait irruption dans le bureau de son ami détective, étonné du désordre qui règne et de l'état de celui-ci (son haleine de prune trahit sa consommation de šljivovica). Paul Eastman lui explique brièvement la situation ; l'ambulancier sort les petits morceaux de verre des mains et des poignets du jeune policier, qui ne manifeste aucune opposition en raison de la fatigue qui suit sa consommation d'alcool, tandis que le policier plus âgé passe le balai sur les débris de la bouteille de vin et dépose sur le bureau les feuilles de papiers qui ne sont pas mouillées par le vin (tandis que celles qui sont mouillées sont simplement jetées dans la poubelle). Une fois que l'ambulancier a désinfecté les plaies laissées par les morceaux de verre, il salue les deux policiers, qui le remercient, puis Jim sort du bureau.

Avant de sortir, il se retourne et dit : « J'espère que ce n'est pas avec de la šljivovica que vous enquêtez ! Je vous demanderais de reprendre vos esprits et de ne pas lâcher l'enquête sur ma famille paternelle, car je reçois la visite d'Henry et d'Olivia Clancy, qui me menacent. Je voudrais bien que vous me fournissez les pièces manquantes à mon puzzle d'histoire familiale. Et dans ce cas, votre collaboration m'est précieuse. Merci de votre compréhension! »

Après ces paroles, l'ambulancier sort discrètement du bureau, laissant son ami penaud. Carl cache son visage avec ses mains ; Paul s'approche de lui et le réconforte, lui assurant qu'il ne perdra pas son amitié ni celle de son gendre : « Il faut simplement poursuivre et ne pas abandonner la partie », dit-il, « car il n'y a que les amateurs qui abandonnent. Or, vous êtes loin d'être un amateur ! »

Neely, baisse ses mains de son visage puis lève les yeux vers son interlocuteur, étonné. Il dit : « S'il vous plaît, Monsieur Eastman, ne me flattez pas ! Je veux retourner chez moi... Comme je ne peux pas conduire dans cet état, voulez-vous m'accompagner? »

Paul répond affirmativement, et les deux policiers se rendent jusqu'au véhicule de fonction que le vieil policier a stationné devant la station de police de Grandview. Il conduit son jeune collègue jusqu'à son adresse. En cours de route, Paul Eastman lui demande naïvement : – Monsieur Carl Neely, puis-je vous demandez où aviez-vous laissé votre icône portative de notre protecteur ?

– À vrai dire... Je ne le sais pas... En tout cas...

Le jeune policier fouille toutes les poches de sa veste et de ses pantalons, sans trouver l'icône. Il dit : – Je ne l'ai pas sur moi. Peut-être que je l'ai laissé sur mon bureau.

À ce moment, Daniel Miloshevitch apparaît entre les deux policiers (Paul est le conducteur, Carl le co-conducteur) et dit que l'icône de l'Ange Michel se trouve dans l'un des tiroirs du bureau, plus précisément, le dernier vers la gauche. Le conducteur rapporte à son plus jeune collègue les propos. Carl Neely est visiblement rassuré.

Une fois rendus devant la maison de Neely, Paul Eastman l'aide à sortir du véhicule, lui souhaite un bon rétablissement, le salue et revient chez lui.


Une fois revenu à Verylongview, Paul embrasse tendrement sa femme puis s'enferme dans son bureau et prie l'Ange Michel pour que Carl Neely retrouve ses esprits et sa volonté d'enquêter.


Carl Neely, lui, doit s'appuyer sur sa femme pour se rendre jusque dans leur chambre, où il se jette sur leur lit. Il s'endort aussitôt d'un sommeil profond sans rêve. Lorsque Marianne comprend qu'il est ivre, ceci lui donne une idée. Elle met son plan à l'exécution dès le lendemain midi : glisser une très faible dose de calmant dans le vin de son mari, afin qu'il soit un peu assommé, mais fonctionnel (pour qu'il ne remarque pas qu'elle est une vipère). Cette ruse sera pratiquée jusqu'au 6 novembre 2007, assurant une stabilité dans leur mariage. Le seul inconvénient est l'effet cumulatif de ces doses : dépendance physique, somnolence et diminution de vigilance. Par contre, depuis que Carl Neely aura vécu son expérience de mort imminente qui l'amène à découvrir sa réception olfactive des âmes, il s'est désillusionné à l'égard de Marianne. C'est pourquoi il ne serait pas simple de l'assommer et qu'il refuse tout alcool depuis.




Carl Neely revient le lendemain (le 1er juillet 2003) à son bureau. Il rencontre son ami ambulancier qui lui rappelle gentiment de poursuivre son enquête sur sa famille. Le policier lui répond par un sourire et les deux hommes se saluent. Jim se rend à l'hôpital Mercy, Carl à son bureau au département de police. Avant de se rendre à son bureau, influencé par Adrian Neely, il achète une bouteille de scotch whisky au magasin le plus proche. Il cache la bouteille dans son sac de travail et arrive à son bureau. Le jeune policier, une fois assis sur sa chaise, regarde les papiers qui traînent sur son bureau. Heureusement, les feuilles de l'enquête de Jim Clancy sont là. Adrian, à sa gauche, l'influence. Carl, machinalement, sort son portefeuille et regarde la photographie de sa première épouse. D'une main tremblante, il dépose son portefeuille puis son sac sur le bureau, perdu dans ses pensées. Il pense : « Je ne veux pas mener l'enquête sur les Clancy, surtout après ce qui m'est arrivé hier... » Carl Neely soupire. « Je laisserais Paul Eastman terminer cette enquête. »

Content de son idée, il s'empare du téléphone et appelle son collègue, l'informant de sa décision et de sa visite à son bureau pour lui remettre les noms des individus sur lesquels l'enquête doit être faite.

Paul lui réplique : – Monsieur Neely, êtes-vous sûr de vouloir me transmettre des données aussi confidentielles ? Ce n'est pas un comportement très professionnel !

– Je le sais, mais je me désiste de cette enquête, c'est tout.

– Pour quelle raison ?

– Motif personnel.

– S'il vous plaît ! Reprenez courage !

D'un ton résigné, Carl dit : – Facile pour vous ! Je ne reviens pas sur ma décision. Et j'arrive dès que je raccroche le téléphone. À tantôt !

– À tantôt !

Et le jeune policier range soigneusement ses feuilles de note dans son sac et file dans un véhicule de fonction.


Une fois rendu à la station de police de Verylongview, Carl Neely retrouve rapidement le bureau de Paul Eastman et y entre. Son collègue le salue. Il remarque qu'Adrian Neely et ses autres ancêtres forment un demi-cercle derrière lui.

Paul pense : « Ceci n'annonce rien de bon pour mon collègue. » Il lui dit doucement : « Mon fils, je vous en pris, n'abandonnez pas cette enquête ! Soyez plus optimiste en pensant à une bonne action que vous avez faite et reprenez votre esprit combatif! Bien que vous êtes naïf au sujet du monde des Esprits, vous êtes intègre. »

Carl Neely, étonné, lui réplique avec un faible sourire : – Bien essayé, Monsieur Eastman, de me convaincre en ma bonté, car je n'y crois pas moi-même... C'est pourquoi je vous laisse terminer sans moi cette enquête. Je ne voudrais pas être un fils ingrat.

– S'il vous plaît! Ne soyez pas si pessimiste ! Ce pessimiste ne vous sied pas. Il provient des âmes errantes qui vous influencent négativement. Reprenez votre optimisme, au nom de notre amitié.

Rien n'y fait. D'un geste résigné, Carl Neely sort la demande de requête de Jim Clancy et la dépose sur le bureau. Les âmes errantes qui l'accompagnent éclatent d'un rire diabolique et pousse Carl Neely à sortir rapidement du bureau de Paul Eastman, ce qu'il fait immédiatement, mû par une impulsion soudaine. Il salue le père de Mélinda et sort discrètement. Celui-ci pense : « Que Dieu et l'Ange Michel l'éclairent! » Il range les papiers que son jeune collègue lui a remis dans un tiroir, puis sort son icône portative du protecteur de la police pour prier pour Carl Neely.

Trois minutes plus tard, Paul appelle son gendre pour l'informer de la situation, sans lui cacher ses inquiétudes concernant son collègue.


Carl Neely, lui, poussé par ses ancêtres, revient rapidement à son bureau à Grandview. Trop déprimé en raison de l'influence des âmes errantes, il s'assied sur sa chaise de bureau, sort ses bouteilles de scotch whisky et de šljivovica ainsi que son petit verre. Il se verse un peu de scotch whisky qu'il boit rapidement. Il se verse ensuite un verre de šljivovica. Au moment où il approche le verre de ses lèvres, il entend un craquement dans le dernier tiroir du côté gauche. Carl Neely dépose son verre et ouvre le tiroir. Aveuglé par la lumière qui se dégage de l'icône du Prince des Archanges, il couvre ses yeux de ses mains et se prosterne devant l'icône. Il sort cette dernière du tiroir d'une main tremblante et la dépose sur le bureau, poussant le verre sur le bord. Le policier se rassied sur la chaise qu'il rapproche du bureau et regarde, perplexe, l'icône et le verre. Son regard se promène de l'un à l'autre. Les âmes errantes l'encerclent et lui suggèrent de boire l'alcool. Il hésite. Il pense « Sara, Šalom Saru tražim, gubim [Sara, Shalom Sara, que je cherche, que je perds ; extrait de la chanson d'Ibrica Jusić Šalom Sara]. Et bien, je peux alors me perdre moi-même, bon à rien ! »

Vaincu par les suggestions des méchantes âmes, Carl range machinalement l'icône dans le tiroir dans lequel elle s'y trouvait. Il sirote lentement son verre de šljivovica. L'alcool commence à lui monter à la tête : Carl pense qu'au moins, noyé dans l'alcool, il oubliera sa triste condition de meurtrier. Il soupire et se verse un verre de scotch whisky qu'il vide d'un trait. Assommé par l'alcool, le policier se lève de sa chaise, saisit un des papiers d'une enquête secondaire (une histoire de meurtre), et débute sa recherche sur ce cas-là. Il fronce des sourcils quand il comprend que cette enquête est une menace qui lui est directement adressée ; il tressaille et se verse un autre verre de šljivovica. Ne tenant plus l'alcool, le policier interrompt ses recherches après avoir noté d'une main tremblante les résultats sur une feuille de papier. Ensuite, il range ses bouteilles d'alcool et au moment où il s'apprête à sortir de son bureau, quelqu'un frappe à cette porte.

Étonné, Carl regarde par la serrure; Paul Eastman et Jim Clancy, tous deux en uniforme. Il feint de ne pas avoir entendu et revient à pas de loup vers sa chaise, sur laquelle il se rassied. Paul force la porte, car Daniel Miloshevitch l'a informé que son collègue est encore sous l'influence de ses ancêtres. Comme il craint le pire, il jugea préférable d'amener son gendre avec lui.

Les deux hommes font irruption dans le bureau, laissant Carl mort de frayeur (expression, qui, dans les faits, est celle des âmes errantes autour de lui).

Il leur demande d'une voix enrouée qui trahit son ivresse : – Que faites-vous ici ?

Paul Eastman lui réplique : – Et vous dans cet état ?

– Je comprends que vous me traitez comme votre fils, mais je n'ai pas besoin d'un père sur-protecteur ! D'ailleurs, je vous ai donné les pleins pouvoirs pour continuer comme bon vous semble cette enquête ! Je suis fatigué de votre curiosité ! Je suis...

Et Carl Neely, hors de lui et influencé par Adrian Neely et ses grands-parents maternels, sort sa bouteille de šljivovica et en remplit son verre d'une main tremblante. Il fixe son collègue et son ami en sirotant tranquillement son verre.

Paul, exaspéré, lui demande : – Qu'est-ce qui vous prend pour ainsi agir ? Il me semble que vous ne vous laissez pas si facilement démoraliser. S'il vous plaît, reprenez courage, car j'ai bien apprécié votre collaboration.

Jim intervient : – Moi aussi, Monsieur Neely, j'ai apprécié votre intégrité lorsque vous avez aidé a femme sur son enquête familiale, et pour ma famille maternelle. Il ne vous reste que ma famille paternelle et vous avez réglé les enquêtes que je vous ai soumis. Comme je sais que la charge est importante, je vous ai proposé l'aide de mon beau-père. S'il vous plaît, ne nous abandonnez pas.

Carl demeure silencieux, le regard baissé sur son verre, qu'il remplit machinalement de šljivovica, car Adrian et son grand-père maternel agissent sur lui.

Paul dit aux esprits errants : – Pouvez-vous le laissez en paix ? Vous l'ennuyer et vous m'ennuyer avec ce comportement répétitif!

Adrian lui réplique : – Allez-vous-en et laissez-nous régler nos histoires de famille sans la présence d'étrangers!

Paul : – Il n'en est pas question!

Au bout de certain temps, à force de boire machinalement des verres d'alcool, Carl s'affale sur le bureau, ivre mort.

Adrian en profite pour le posséder. Sauf qu'il n'a pas prévu une lutte avec son âme, qui est vraiment fâchée contre lui. Ses grands-parents maternels, Milan et Mila Bogdanović, s'approchent de lui ; s'ensuit une lutte, sauf que Carl dû battre en retraite. Son âme, se tient, penaude, devant Paul Eastman, le suppliant de faire quelque chose, car elle est vraiment fatiguée des petits jeux de ses ancêtres. Trop tard. Adrian possède son corps, faisant en sorte qu'il se lève de sa chaise et lance une série d'insultes aux deux hommes devant lui. Même Jim comprend que son ami est possédé (ce qui est perceptible par la voix, qui est différente), il préfère attendre les instructions de son beau-père. Paul prie rapidement Saint Michel, ce qui enrage Adrian, faisant en sorte que Carl lance le verre contre son collègue, qui, heureusement, se déplace rapidement pour éviter le coup fatal.

Paul dit à Adrian de cesser tout de suite son jeu, sinon il tâtera à nouveau l'aubépine, mais aussi du charme. L'esprit éclate d'un rire diabolique, et la pauvre âme du détective se concentre pour rassembler ses forces et pour revenir à son propre corps. Les âmes errantes que sont ses grands-parents maternels et sa grand-mère paternelle l'entourent aussitôt. Un esprit noir apparaît à sa gauche : nul autre que Romano, ce qui pousse Paul Eastman à sortir d'un sac qu'il a amené avec lui plusieurs branches d'aubépine et de charme. L'âme de Carl Neely frémit à la vue du sombre esprit, qui lui dit être coupable du meurtre de sa femme et de ses enfants. Mais lorsque Eastman étale les branches des arbres dans la pièce, Romano disparaît, comme blessé par leur effet ; de même pour les autres âmes errantes. Seul Adrian, qui possède encore le corps de Carl, essaie une dernière diversion, mais doit s'avouer vaincu. Il sort du corps en l'agitant beaucoup, comme une crise épileptique, faisant en sorte qu'il se rapproche du débris du verre. Heureusement, Jim le retient amicalement, alors que le mauvais esprit est déjà sorti, laissant la voie libre à l'âme du détective de regagner son corps propre.

Paul est vraiment perplexe. Son gendre de même.

Carl Neely se réveille et se libère de l'emprise de son ami, confus. Il revient en titubant vers sa chaise.

Une fois assis, il dit d'une voix enrouée et pâteuse : « Je m'excuse, bien que je sais que vous... ne me pardonneriez jamais mon comportement... En fait, à vrai dire... je ne sais rien... Sauf... que je ne suis qu'un misérable ver de terre! Je propose de mettre fin à notre amitié, afin de ne pas vous encombrez avec un faible d'esprit manipulable à souhait, doublé d'un meurtrier. »

Silence. Carl, d'un geste incertain, pousse la bouteille de šljivovica loin de lui et s'endort, en frappant lourdement sa tête contre son bureau. Paul Eastman fait un signe discret à son gendre et les deux sortent discrètement du bureau, après avoir ôté les débris du verre de la pièce. Le policier préfère laisser les branches, pour éviter le retour des mauvaises âmes errantes.


Une fois rendus chez Jim, où Mélinda les attend, Paul dit en russe : – Avec Monsieur Carl Neely, je peux dire que j'ai vu tout ce qui est possible dans le monde des Esprits. Vraiment, la possession de ses ancêtres est terrible. Mais surtout le plus horrible est sans doute le fait qu'ils boivent son sang.

Son gendre et sa fille manifestent leur compréhension par une grimace.

Paul poursuit : – Avec autant de dangers autour de lui, j'espère qu'il saura leur tenir tête. Il serait dommage de le perdre, surtout lorsque nous sommes à deux doigts de terminer l'enquête sur votre famille, Jim. Je dois t'avouer que Carl me laisse perplexe, mais, à mon avis, il ne faut pas s'embrouiller avec lui. Sinon, nous perdrons un allié précieux.

Jim intervient : – Il nous restera seulement à espérer qu'il ne nous fuira pas lorsqu'il reprendra ses esprits.

Paul : – Je l'espère aussi. Mais si vous le voulez, je peux néanmoins débuter l'enquête, puis dès que Carl nous rejoindra (je l'espère bientôt, sinon, j'essaierais de le convaincre), je lui laissera une partie de la recherche.

Jim répond d'un signe de tête affirmatif. Son beau-père le salue et revient chez lui à Verylongview.


Le lendemain, Paul Eastman débute son enquête sur des sites internet de généalogie et des archives de la ville de Hauteview. Ainsi, il repère des numéros de dossiers qui présentent un certain intérêt, en plus de repérer l'adresse où vivait Henry et Olivia Clancy. Ils vivaient Belview (qui est, d'ailleurs, leur ville natale) jusqu'en 1936 ; l'année suivante, ils déménageaient à Hautview, où leurs enfants sont nés. Il profite du mois de juillet pour se promener entre les différentes villes en vue d'indices suspects dans les maisons où les grands-parents paternels de Jim ont vécu. De plus, le policier passe aux archives pour faire une photocopie des dossiers les plus intéressants. À chaque fois qu'il revient à son bureau, où il laisse les documents et ses notes dans un tiroir sous clé, Paul Eastman prie devant son icône de Saint Michel pour son collège de Grandview.




Au cours du mois de juillet, Carl Neely s'occupe d'autres enquêtes. Sinon, il passe du temps à jouer avec sa belle-fille Caitlin Mahoney (qui fréquente l'Elementary school de Grandview, équivalent de la troisième année au primaire ou du CE2 ; elle a ses vacances estivales) dans le parc de Grandview. Il l'affectionne comme si elle était la sienne, car il sait que Marianne n'est pas intéressée à avoir un enfant de lui, bien qu'il essaie de la persuader de son point de vue (en vain). Malgré que le détective ne se souvienne pas de tout ce qui s'est passé lorsqu'il était ivre, il en garde un certain malaise qui lui fait craindre le pire pour son amitié avec Paul Eastman et Jim Clancy. Il préfère alors les éviter, ce qui lui était assez facile, compte tenu que Paul ne vit pas à Grandview ; pour éviter son ami ambulancier, il fait exprès de ne pas passer près de l'hôpital Mercy, et de filer de sa maison à son bureau et inversement. Encore plus lorsque le 12 juillet est aussi un samedi, ce qui lui rappelle douloureusement la mort de sa première épouse et de leurs enfants. Au lieu de se noyer dans l'alcool, mais néanmoins influencé par ses grands-parents maternels et paternels, il essaie diverses tentatives de suicide (un choc électrique, le rasoir près de la gorge, entre autres), mais sans succès. Il se contente alors de pleurer sur la photographie et de prier devant son icône portative pour que sa Sara trouve enfin la paix dans l'au-delà. Celle-ci, émue, se manifeste à sa droite et lui communique des pensées positives, ce qui le rend plus joyeux. Au moins, le détective Carl Neely reprend comme d'habitude son travail. Il se débarrasse des bouteilles de scotch et de šljivovica, mais il s'est habitué, à son insu, au verre de vin et aux calmants que sa Marianne lui prépare. Cette dépendance lui causera quelques ennuis : des crises de somnolence diurne irrégulières, qui surviennent lorsqu'il enquête machinalement, créant une monotonie qui l'endort au bout de quelques minutes de travail. Parfois, il remarque une diminution de sa vigilance. Lorsque le détective remarque ses crises de somnolence et la diminution de concentration, il met ça sur sa mauvaise conscience de meurtrier ou encore sur la fatigue et décide simplement d'accepter moins de requêtes. Cette diminution de performance au travail ne l'inquiète point; au contraire, il l'accepte avec une sorte de fatalité, comme une punition de la mort de sa première épouse et de leurs enfants. Évidemment, nous pouvons très bien deviner ici l'influence de ses grands-parents maternels et paternels, en plus de Romano qui l'a repéré grâce à l'aide d'Adrian Neely... Et bien sûr, ces méchants esprits machiavéliques comptent bien profiter de la situation : une crise de somnolence au volant, alors que Jim Clancy conduit en contre-sens son véhicule d'ambulance... Sauf qu'ils n'ont pas prévu que Jim changera d'idée au dernier moment, sur l'impulsion de son propre père et de Daniel Miloshevitch, laissant de ce fait ses deux collègues, Tim Flaherty et Bobby Tooch, conduire. Bien sûr, le policier a eu sa crise de somnolence, perdant le contrôle du véhicule de fonction, et heurte l'ambulance. Tim Flaherty, co-conducteur, est blessé, de même pour Carl Neely, qui s'est réveillé en raison du choc de l'accident (mais, encore embrumé de sommeil, il préfère fermer ses yeux). Bobby se dépêche d'appeler des collègues et les deux blessés sont aussitôt pris en charge. Jim voit les blessés lorsqu'ils sont rapidement transférés de la civière sur un lit d'hôpital ; lorsqu'il remarque ses deux amis, il s'en étonne, mais ne dit aucun commentaire. Heureusement, les blessures ne sont pas graves, et les blessés reviennent quelques jours plus tard au travail.


Sans oublier que le policier détective Carl Neely reçoit au cours du mois de juillet des visiteurs inattendus à son bureau, des hommes vêtus en noir ou en vert olive et qui visiblement le connaissent. Il reçoit la visite d'un espion du CIA, un du FBI, un du MI6 (Military Intelligence, section 6, une branche des services secrets du Royaume-uni), un de la Služba državne sigurnosti (l'agence de sécurité nationale croate), un agent de la Bezbednosno Informativna Agencija (BIA ; agence d'information de la sécurité en Serbie), un agent du SWAT (Special Weapons and Tactics, unités de forces de polices spéciales aux États-Unis d'Amérique), un de la Specijalna policija Republike Hrvatske (la police spéciale de la République de Croatie) et un agent de la Specijalna Antiteroristička Jedinica (SAJ, l'Unité spéciale antiterroriste, unité spéciale de la gendarmerie serbe). L'agent du SAJ lui propose de travailler pour la SAJ, ou pour la gendarmerie serbe (Žandarmerija) ou encore la Protiv Teroristička Jedinica (l'unité antiterroriste, unité spéciale de la police serbe). À tour de rôle, chacun de ces agents (lorsqu'ils viennent le visiter à un intervalle de quatre-cinq jours) essaie de persuader Carl Neely de travailler pour l'une de ces agences. N'osant pas se mesurer à eux, notre policier détective préfère répondre « Je réfléchira à votre proposition, merci Monsieur. Passez une bonne journée ! » Ces visites le fatiguent et il demande l'avis de sa femme qui l'embrasse pour toute réponse. Il la serre dans ses bras pour se rassurer. Carl préfère ne pas répondre à leur demande, puisqu'il comprend la menace voilée en cas de refus. Il élude systématiquement les réponses. Mais il est conscient d'être suivi, ce qui l'ennuie beaucoup. Le détective en discute ouvertement avec Marianne, alors que Caitlin joue dans sa chambre, insouciante. Elle lui propose de ne pas accepter, à moins que le travail soit moins exigeant et que le salaire soit meilleur que celui qu'il gagne, car surtout depuis qu'il a diminué ses enquêtes, et que son salaire à elle, en tant que secrétaire à temps partiel pour l'entreprise locale Grandview's cigares, le revenu familial est un peu minimal, surtout avec Caitlin à leur charge, qui grandit. Carl hésite, et cette hésitation ne lui permet pas de dormir pendant les nuits suivant les visites de ces agents. Il se rassure en comptant sur sa somnolence diurne, qui, d'ailleurs, ne fait qu'empirer, surtout depuis qu'il s'est décidé à prendre un verre de vin de plus que d'habitude, dans l'espoir de trouver un moyen de trouver le sommeil.


Au lieu de répondre aux agents, le détective préfère poursuivre son travail comme s'ils ne sont jamais venus, jusqu'au jour où il reçoit une visite surprise d'un agent de la BIA... qui lui demande en serbe s'il n'est pas intéressé à travailler pour eux, et bien sûr, pour un salaire double et les avantages sociaux, en plus d'un accès à des cliniques privées en cas de problèmes de santé.

Carl Neely lui répond encore une fois évasivement, mais son interlocuteur réplique : – Monsieur Neely, sachez que dans les faits, en acceptant notre proposition, vous aurez deux salaires, celui en tant que policier de Grandview et celui en tant qu'agent de la BIA aux États-Unis, sans oublier la possibilité de voyager dans toutes les régions de la Ex-Yougoslavie entièrement aux frais de la BIA par l'intermédiaire d'une agence de voyage privée. De plus, vous pourrez bénéficier d'un double pour votre poste de policier, ce qui vous éviterez des crises de somnolence au volant, en plus d'un conducteur privé. Si vous refusez, vous vous voyez suspendre votre permis de conduite pour somnolence et manque de vigilance au volant, car vous êtes dangereux sur la route. Et nous ne pouvons pas vous protégez si vous n'êtes pas l'un des nôtres. À vous de choisir maintenant.

Le détective regarde attentivement son interlocuteur, un homme vêtu de noir, avec une cagoule noire sur la tête qui lui cache la moitié du visage. Silence. Carl Neely, pendant quelques minutes, tâtonne nerveusement son icône portative qu'il a glissé dans la poche droite de son pantalon d'uniforme, dans l'espoir de trouver la bonne solution sans empirer son cas. Il ne faut pas oublier la présence de ses ancêtres qui tentent de l'influencer, ainsi que celle de Daniel Miloshevitch et de Sara Blumenfeld ; chacun des deux parties veulent l'influencer, soit d'accepter la proposition faite, soit de la refuser. Il hésite pendant quelques minutes, car l'offre est intéressante, au point de vue rationnel, mais, en il en ressent néanmoins un malaise à l'accepter, ayant l'impression de vendre son âme au Diable, ce qu'il ne veut point. Mais, Carl Neely se décide et dit d'un ton assuré : – Oprostite, Gospodine, ne prihvaćam vaš prijedlog. [Désolé, Monsieur, je refuse votre proposition].

L'agent de la BIA réplique : – Ćete to požaliti [Vous le regretterez] !

Et l'agent sort discrètement du bureau du détective et disparaît comme il est venu.


Trois jours après, Carl Neely, à peine assis sur la chaise de son bureau, entend quelqu'un ouvrir violemment la porte : quatre hommes masqués en noir arrivent face à lui. Ils pointent leurs revolvers vers le policier, qui leur demande de décliner leur identité et la raison de leur visite. L'un d'eux répond, en anglais avec un fort accent slave : – Vous avez refuser l'offre de notre collègue de la BIA. Seriez-vous alors intéressé à travailler pour la Služba državne sigurnosti ? Nous vous proposons un salaire triple au vôtre, avec la possibilité de voyager en toute sécurité dans toute la ex-Yougoslavie.

Carl Neely refuse clairement leur proposition ; les quatre hommes tirent, mais il se glisse sous son bureau. L'un des agents tire sous le bureau, l'atteignant à l'épaule, mais il se déplace pour éviter une autre balle. Cal Neely prie l'Archange Michel pour qu'il parvienne à sortir de cette situation. Mais les quatre parviennent à l'acculer contre un mur... À ce moment-là, la porte du bureau s'ouvre violemment ; cinq hommes en vert de la tête aux pieds font irruption et somment aux agents de la Služba državne sigurnosti de lâcher leurs armes. Ceux-ci, lorsqu'ils se retournent, comprennent qu'ils ont affaire à des agents du SWAT. Ils lâchent leurs armes et sortent du bureau du détective, accompagnés de quatre agents du SWAT. Le dernier salue respectueusement Carl Neely et rejoint ses collègues. Notre policier est très perplexe. « Je n'apprécie pas leur intérêt pour moi », pense-t-il, « par ailleurs, pourquoi les polices spéciales et les agences de renseignements s'intéressent-elles à un policier ordinaire. À moins que mon passé de meurtrier les intriguent? » Il soupire.

Les hommes que Carl Neely prenait pour des agents du SWAT sont des individus du réseau de contre-espionnage de Paul Eastman, qui étaient au courant des visites des différentes agences de renseignements et polices spéciales. Ils sont accourus pour le protéger.


Cinq jours après cet incident, l'ami détective de Jim reçoit la visite à son bureau de son supérieur, John Wellington. Ce dernier, une fois assis sur la chaise en face du policier, dit : – Pouvez-vous m'expliquer, Monsieur Carl Neely, cette activité inhabituelle à votre bureau, des va-et-vient d'hommes masqués? Seriez-vous par hasard un double agent pour le FBI ou la CIA? Seriez-vous impliqué dans un trafic quelconque? Vous saviez que ceci est une atteinte à l'intégrité de notre département.

– Je le sais, Monsieur John Wellington que de telles activités est une atteinte à l'image de la police de Grandview. Je vous rassure que je ne suis point impliquer dans aucune des activités mentionnées. Ce sont des agents qui veulent me convaincre de rejoindre leurs rangs, ce que j'ai refusé.

– Merci de votre réponse.

John Wellington sort discrètement du bureau. Carl Neely, lui, débute une enquête sur un cas d'inceste. Après quelques minutes, il s'endort, vaincu par une crise de somnolence. Lorsqu'il se réveille, un homme en vert est assis sur la chaise en face de lui. Le policier, étonné, se cale bien sur sa chaise et dit après s'être éclaircit la voix : – Monsieur, qui êtes-vous et pourquoi êtes-vous venu ici ?

L'homme lui répond avec un accent britannique : – Pour savoir si vous êtes intéressé à travailler pour la MI6, car il me semble que vous avez eu le temps de réfléchir à la proposition que je vous ai faite il y a quinze jours. Votre dossier du meurtre de votre première épouse sera effacé et vous pourriez bénéficier des avantages sociaux et d'un salaire triple au vôtre.

– Sachez, Monsieur, que je ne suis pas intéressé par votre proposition.

– Merci de votre réponse Monsieur Carl Neely.

L'agent britannique sort du bureau après avoir gribouillé sur une feuille d'un calepin qu'il sort de sa poche.



L'agent de la MI6, deux jours plus tard, contacte Marianne Bazra-Neely à son bureau à l'entreprise Grandview's cigares, pour lui transmettre un paquet scellé, en lui expliquant qu'il s'agit de médicaments (midodrine (qui augmente la pression artérielle), carteolol (médicament hypotenseur bétabloquant qui diminue les effets cardiaques), l'atropine, la conicine, la curare du poison du protoplasma (qui paralyse le cerveau et les nerfs)) à administrer à son mari au cas où il représente un danger. Il lui recommande, par ailleurs, de varier les somnifères pour en raison de son accoutumance afin d'avoir le même effet. L'agent s'est aussi assurer de son entière collaboration au cas où Carl Neely fourre son nez dans certaines enquêtes. Content, il salue respectueusement Marianne et disparaît comme il est venu, à bord d'un véhicule noir blindé.



Carl Neely, lorsqu'il revient chez lui, décide de regarder sa belle-fille jouer. Elle l'invite à jouer avec elle, mais il refuse le sourire aux lèvres. Au moins, en regardant la fillette s'amuser avec son insouciance enfantine, Carl Neely évite de penser à sa situation désespérée. Le soir, il en parle avec sa femme, qui l'enlace pour toute réponse. Il ne parvient pas à dormir, car Adrian Neely lui communique la pensée d'accepter la proposition de l'agent du FBI, mais pour être honnête avec lui-même, il ne veut point travailler avec des espions, « car, déjà, je suis très loin de la perfection, et on dit bien que l'enfer est pavé de bonnes intentions », pense-t-il. « Pas besoin de perdre encore plus mon amitié de Jim Clancy, de Mélinda Eastman-Clancy et de Paul Eastman. » Rassuré, il enlace Marianne, et s'endort. Il rêve qu'un agent le cherche pour le tuer. Il lui échappe et se réveille brusquement. Sa femme dort paisiblement à ses côtés. Il l'enlace pour se rassurer.





En attendant les résultats de l'enquête de Paul Eastman, Jim et Mélinda reçoivent la visite d'Henry et d'Olivia Clancy. Ils comprennent qu'Henry a consulté plusieurs diseuses de bonne aventure qui lui confirment une seule chose : l'un de ses petits-fils représente une menace pour lui. C'est pourquoi il prend toutes les précautions possibles pour s'assurer que ses petits-fils soient aussi méchants que lui. Seuls Daniel et Jim ne le sont pas, ce qu'il compris lors d'une visite à son fils Aiden, alors qu'ils étaient en bas âge. De plus, Henry menace Jim qu'il est le prochain à périr pour la famille. Il lui imagine toute sorte de scénarios en rêve : frappé par un véhicule ; accident avec son véhicule d'ambulance ; mort par balle ou par couteau. Parfois, Jim revit en rêve la mort de son propre père ou de son frère. À chaque fois, il se réveille en sueur. Mélinda le réconforte doucement. De plus, Jim, un jour, en conduisant une ambulance pour une intervention d'urgence, il perd le contrôle du véhicule ; il soupçonne que c'est son grand-père et d'autres esprits semblables. Heureusement, il est légèrement blessé et sort de l'hôpital le lendemain.


Le couple reçoit aussi au cours du mois de juillet un coup de téléphone de Sofia Eastman, de Filip Eastman et de François Debord. À différentes journées, ils appellent Mélinda pour l'avertir de faire attention à un policier qui est malintentionné, mais aussi de faire attention aux espions qui rôdent autour d'un policier. Elle et son mari sont perplexes, car ils ne connaissent pas beaucoup de policiers... Et ils espèrent que Carl Neely ne s'est retourné contre eux. Mélinda Eastman décide de téléphoner à son père pour lui demander une rencontre familiale d'urgence. Il accepte qu'elle vienne le rencontrer chez lui.

Le jeune couple se rend alors à Verylongview, où Élizabeth et Paul Eastman les accueillent. Celui-ci, affichant un air sérieux, invite sa fille et son gendre au salon.

Chacun des couples étant assis face à face, Paul s'éclaircit la voix et dit en russe : – Je sais que vous venez en raison de vos inquiétudes relatives à votre ami Carl Neely. Je sais que plusieurs services d'espionnage le recherchent et veulent l'embaucher. Nous savons tous que s'il accepte l'une de ses offres, nous avons un ennemi en première ligne.

Silence.

Le policier poursuit : – Mais j'ai confiance en son jugement. À vrai dire, il est très chanceux.

Mélinda et Jim à l'unisson : – C'est-à-dire?

À ce moment-là, Daniel Miloshevitch apparaît à droite de Paul, suivit de Sara Blumenfeld. Les trois passeurs d'âmes tournent leur têtes vers les deux esprits errants.

Miloshevitch prend la parole et dit avec un anglais impeccable : – Monsieur Carl Neely a beaucoup de chance, grâce à nous (des collègues qui sont des bonnes âmes errantes, Madame Sara Blumenfeld-Neely et moi-même, avec le renfort de Monsieur Christian Eastman). Nous savons que les espions et les agents des unités des polices spéciales des États-Unis, du Royaume-Uni et de la ex-Yougoslavie voulaient le contacter alors qu'ils seront certains de lui arracher une réponse affirmative, ce qui ne peut survenir que si son corps est possédé par une mauvaise entité, alors qu'il est ivre. Comme ces agents du Mal sont en contact avec son père, qui le suit de très près et qui a la collaboration de John Wellington, le supérieur à notre ami détective, voilà les informations de première main ! Comme nous savons leur plan, nous avons brouillé leur ordinateurs et émetteurs-récepteurs portatifs, empêchant toute communication entre eux. De ce fait, ils sont venus plus tard le rendre visite, alors que nous nous sommes assurés qu'il ne sera pas sous l'influence de l'alcool. Néanmoins, avec ses crises de somnolence, je crains qu'ils parviennent à exercer une forme de chantage sur lui, mais j'espère qu'il aura assez de courage pour ne pas céder à leur pression.

Et les deux âmes errantes disparaissent de leur vue. Mélinda résume les propos de Daniel Miloshevitch à son mari. Puis elle dit en russe : – Mais père, sais-tu qui est le police malintentionné qui cherche à saboter votre enquête ?

Paul répond : – Je pense qu'il s'agit du propre père de notre ami détective, qui est vraiment prêt à tout pour cacher la vérité et pour brouiller notre ami avec nous. Il faut alors être vigilants et espérer que notre ami Monsieur Carl Neely reprendra notre enquête, car il doit m'aider, car je ne peux pas y arriver seul. À mon âge, j'ai moins de patience et je suis moins endurant physiquement. C'est pourquoi je compte beaucoup sur son aide.

Un silence lourd suivit de propos si graves.

Après quelques minutes de silence, Mélinda le brise en remerciant son père de l'informer de la situation. Elle et son mari saluent le vieux couple et sortent de la maison. Ils reviennent chez eux. La seule chose qui leur reste à faire c'est de prier Saint Michel et Dieu pour que leur ami soit éclairé dans sa décision. Une seule chose inquiète le jeune couple : comment savoir si Carl Neely est un agent double ou non? Jim et Mélinda sont conscients de l'impossibilité de l'interroger à ce sujet, car même s'il est un agent double, il continuera à se faire passer pour leur ami. Ils préfèrent attendre l'avis de Paul Eastman, qui évaluera la situation.




Le père à Mélinda, est relativement content : l'enquête sur les Clancy avance, car il a trouvé des dossiers et des faits intéressants en filant certains cousins et oncles de Jim (plus précisément, Jack et Jean-Paul), en plus de questionner Faith Clancy sur les morts de son mari et de son fils aîné, mais Carl Neely lui manque, car son aide permettra une meilleure organisation.


Paul Eastman décide le 10 août en après-midi, bien qu'il s'agit d'un dimanche, de se rendre directement au bureau de Carl Neely. Chemin faisant, il remarque Karl Neely en civil (un vieil homme maigre de 69 ans) qui déambule dans les rues de Grandview, accompagné de plusieurs mauvais esprits. Paul compris aussitôt qu'il recherche le bureau de son fils. Paul accélère pour se rendre au bureau de Carl Neely avant le père de ce dernier. Une fois rendu devant la porte, il frappe doucement.

Le détective dit : « Entrez ! »

Paul entre et dit : – Bonjour, Monsieur Carl Neely !

Étonné, l'interpellé, écoutant d'un air distrait, baisse les yeux sur son bureau : – Bonjour, Monsieur Paul Eastman! Quelle est la raison de votre visite?

– Vous.

Son interlocuteur lève timidement les yeux vers Paul et dit d'un ton grave : – Je sais que nous nous sommes pas vu depuis environ un mois...

– Et bien justement, mon fils, je m'inquiète pour vous.

– Pourquoi ?

– Des agences qui cherche à vous recruter, des crises de somnolence, vous vous en sortez assez bien.

– Merci de me flatter, mais je suis votre fils ingrat. Et comment va votre enquête sur les Clancy ?

– Elle va très bien. Mais je vous supplie de revenir. À deux, l'organisation sera meilleure. S'il vous plaît, reprenez l'enquête.

– Pourquoi ? Puisque vous vous organisez bien, mon père, sans moi, vous n'avez pas besoin de mon aide. Je ne veux pas être un fardeau pour vous.

– Non, mon fils, vous n'êtes pas un fardeau. Au contraire, vous m'êtes un précieux allié.

– Désolé de vous décevoir, mais je suis un piètre allié, en raison de mes crises de somnolence imprévisibles. Je ne suis pas capable de tenir longtemps un travail monotone. Et de plus, j'ai des espions et toute sorte d'agents à mes trousses qui me surveillent. J'ai parfois l'impression...

Carl s'interrompt.

Paul intervient : – Au contraire! En m'assistant, ceci brisera votre monotonie.

– Mais je ne voudrais pas que vous soyez en danger pour un salaud de mon espèce.

– Sortez-vous cette idée de votre tête!

– D'accord, j'ai compris et j'accepte de vous aider.

– Alors, venez tout de suite à bord de mon véhicule et partons.

Et les deux hommes sautent dans le véhicule de fonction du policier de Verylongview. Ainsi, Karl Neely n'a pas vu son fils et trouve son bureau fermé à clé. Déçu, il communique à un agent de la CIA que son fils est absent. Et il revient chez lui, à Longview.


En chemin vers Verylongview, dont Paul Eastman conduit le véhicule, son jeune collègue lui demande : – Monsieur Eastman comment puis-je vous aider?

– En filant des individus de la famille Clancy qui vivent à Hauteview, à Belview et Monbellview. Pour ce faire, je vous propose d'être mon invité le temps de l'enquête, car de Verylongview, nous sommes plus près des villes en question.

– Mais, Marianne s'inquiètera pour moi...

– Non. Vous n'avez qu'à lui dire depuis une cabine téléphonique que vous menez une enquête pour une durée indéterminée et que vous reviendrez à elle dès que vous aurez terminé.

Carl Neely répond d'un signe de tête affirmatif.


Une fois arrivés à Verylongview, le jeune policier appelle sa Marianne depuis une cabine téléphonique pour l'informer qu'il mène une enquête à l'extérieur de Grandview et qu'il reviendra dès qu'il aura terminé. Sara Blumenfeld se manifeste à sa droite. Elle sourit tristement lorsqu'il communique sa tendresse à Marianne. Elle disparaît et réapparaît devant Paul et Élizabeth Eastman. Elle dit en allemand : – Vous saviez que sa femme est une vipère. Qu'attendez-vous pour le lui dire?

Paul répond en allemand : – Vous savez très bien, Madame, que je ne peux pas lui dire comme ça la vérité. Sinon, il me traitera de menteur. Ceci risque un contre-effet que nous devons éviter. Il faut simplement attendre qu'il le réalise par lui-même, en espérant qu'il ne sera pas trop tard... À moins que vous voulez l'avertir au moyen d'un rêve...

– D'accord, mais pouvez-vous au moins lui rappeler de reprendre contact avec ma famille ?

– Oui, dans quelques jours. Je dois lui laisser le plaisir de reprendre son enquête.

L'esprit errant disparaît alors de sa vue.



Remarque : Carl Neely réalisera que sa Marianne est une vipère qu'en décembre 2008, alors qu'il mènera l'enquête sur la « disparition » de sa belle-fille Caitlin Mahoney. Ceci coïncide avec la découverte de son expérience olfactive des âmes errantes et avec l'arrêt de consommation de vin dans lequel est dissous sa dose de calmants « habituels », auxquels le détective est devenu dépendant.



Carl Neely est accueilli chaleureusement par Paul et Élizabeth Eastman. Ils lui montrent sa chambre d'invité, une pièce au premier étage, puis lui présentent les principales pièces de leur maison (la cuisine et le salon), sans oublier une visite de la cour arrière, qui est entourée d'aubépines et qui contient un pommier, un cerisier, un poirier, un prunier ainsi que des tomates et des haricots dans un coin. Une fois revenus au salon, Paul propose à son collègue de poursuivre leur enquête demain matin. Celui-ci accepte la proposition avec joie. Le repas du soir, des pierogis, ont été préparés par les amphitryons. Du vin est proposé à leur hôte, qui accepte machinalement. Après le repas, Paul, Élizabeth et Carl font la vaisselle ; Paul lave, les deux autres l'essuient.


Le soir, chacun dort dans son lit, le couple enlacé dans le leur. Carl Neely n'a pas une nuit tranquille; il revit l'accident du 12 juillet 1997, mais de loin, comme de l'extérieur. Au moins, il comprend que le conducteur n'est aucunement fautif de la perte de contrôle du véhicule, puisque deux espions cachés derrière des buissons près de la route ont tiré sur les pneus, et qu'auparavant, un collègue a payé l'homme qui faisait le plein d'essence pour le service de location de voitures pour y verser une essence incompatible. Et si le conducteur est le seul survivant, c'est parce qu'un esprit-policier du siècle passé (nul autre que Daniel Miloshevitch, sauf qu'il ignore son identité) le protège, lui permettant d'éviter le choc fatal. Le détective se réveille lorsqu'il comprend ce dont il est question. Il est étonné et confus, mais rassuré ; au moins, il cessera de se culpabiliser.




Le lendemain, le 11 août 2003, comme convenu, Paul Eastman et Carl Neely poursuivent leur enquête sur la famille Clancy. Paul lui montre les dossiers qu'il a trouvé ainsi que les adresses avec les noms de leurs propriétaires. À mi-mots, ils se divisent la tâche : Eastman filera Irina Slavski-Clancy ainsi que ses enfants, Wiliam, Jean-Paul et Mary, Neely filera Suzan Clancy-Bloch, Helen Bloch, Jacob Bloch et Jennifer Clancy. Ensuite, ils fouilleront ensemble les dossiers d'archives sur Henry et Olivia Clancy ainsi que sur Aiden et Daniel Clancy.

Le soir, Sara Blumenfeld avertit en rêve son mari au sujet de Marianne. Carl Neely est perplexe, mais se refuse à croire que sa seconde épouse est une vipère.


Au bout d'une semaine, n'ayant pas sa dose de calmants, des symptômes de sevrage se manifestent chez Carl Neely: insomnie, dysphorie, fatigue de journée, tremblements et problème de concentration. Il met ça sur le compte de sa nervosité à reprendre l'enquête sur les Clancy ; au moins ses crises de somnolence se font rares. Ces symptômes inquiète son collègue, qui lui propose d'appeler Jim pour vérifier son état de santé, ce qu'il refuse, lui assurant qu'il doit simplement ne pas trop se surmener au travail. Carl trouve simplement bizarre la manière dont son collègue le regarde, comme s'il le prend en pitié. Lorsqu'il lui en demande la raison, Paul élude la réponse. Carl Neely, dans cette condition, aide du mieux qu'il peut son collègue, sauf qu'il doit un peu ralentir la cadence le temps que les symptômes de sevrage disparaissent au bout de deux mois.


Les deux policiers poursuivent leur enquête pendant quatre mois, soit du 11 août au 11 novembre 2003. À la fin août, Jim et Mélinda reçoivent une lettre signée de leur ami Carl Neely. Intrigués, ils la lisent. Il leur écrit que l'enquête se passe bien et qu'ils viennent chercher les documents trouvés à son bureau au Département de police. Cependant, deux détails curieux ; tout le texte est dactylographié, à l'exception de la signature et la dernière phrase qui dit: « Dans tous les cas, je le saurais si vous passeriez à mon bureau, même si je suis à Verylongview pour continuer l'enquête. »


Cette lettre, dans les faits, est une fausse missive de la part de Karl Neely, qui, ne parvenant qu'à imiter la signature de son fils, la rédige à l'ordinateur, avec l'aide d'une équipe d'espions de la CIA. Par ailleurs, il enverra par la suite d'autres lettres trompeuses (le 10 septembre, le 20 septembre, le 30 septembre, 15 octobre et 30 octobre) qui sont très réalistes, instillant le doute chez les jeunes gens quant à l'honnêteté de leur ami policier, surtout lorsque l'une semble rédiger comme s'il s'agit d'un code secret entre espions, ou une autre qui comprend une menace voilée. De plus, les deux dernières sont manuscrites, car Karl Neely s'est suffisamment exercé à imiter l'écriture de son fils avec l'aide de son équipe d'espions. Cependant, à la réception de chaque lettre, Aiden Clancy apparaît devant sa bru pour lui dire qu'il s'agit d'une lettre trompeuse rédigée par Karl Neely (avec un K), en l'occurrence son meurtrier, pour brouiller son mari et elle, avec leur ami détective. De plus, le jeune couple ne connaît pas de nuit tranquille lorsqu'ils reçoivent ces lettres. Inquiets, Jim et Mélinda attendent avec impatience le retour des deux policiers à Grandview.




Verylongview, 2 novembre 2003.

Il ne reste plus à Paul Eastman et à Carl Neely qu'à enquêter sur les morts du père et du frère de Jim Clancy. À ce moment-là, le vieil policier rappelle à son jeune collègue de reprendre contact avec les Blumenfeld. Gêné, il hésite pendant quelques secondes, mais il se rend à l'argument de Paul Eastman. Ce dernier lui indique aussi l'enquête sur Daniel Miloshevitch et lui remet le papier sur lequel il a inscrit les numéros de dossiers à chercher. Carl lui dit qu'il s'occuperait de ce cas lorsqu'il aurait terminé avec les Clancy.


Les deux policiers se rendent dans les archives de Hauteview, où Miloshevitch apparaît devant eux et dit : « Attention ! Un tireur d'élite est sur le toit de la bâtisse ! » Puis il disparaît. Paul communique aussitôt l'information à son collègue, qui soupire. Alors qu'ils cherchaient les dossiers, le vieux policier remarque que l'âme de l'un de ses amis de son réseau de contre-espionnage est à ses côtés. Elle lui dit de ne pas s'inquiéter du tireur d'élite, car l'un des leurs l'a à l'œil; s'il ose pointer son arme sur l'un d'eux, il est mort. Paul le remercie de l'information et la communique à son collègue. Cependant, lorsqu'ils trouvent les documents, Paul est transporté dans une vision à partir de laquelle il comprend que les dossiers sont falsifiés. Il en informe son collègue mais en fait néanmoins une photocopie. Ensuite, il contacte un ami du service de contre-espionnage pour savoir comment retrouver les copies originales des dossiers sur Aiden et Daniel Clancy. Puis les deux policiers sortent de la salle d'archives sains et saufs, car le tireur d'élite a raté son coup et tombe du haut du toit, atteint par un autre tireur d'élite qui l'observait depuis le toit de la bâtisse voisine.


Deux jours plus tard, l'ami du service de contre-espionnage indique aux deux policiers où retrouver les copies originales : dans un coffre fermé à clé dans la demeure des Clancy à Belview. « Faites preuve de prudence, car c'est un lieu dangereux! Des policiers et des agents armés jusqu'aux dents s'y cachent et recherchent Monsieur Carl Neely. Sans oublier les nombreuses âmes errantes qui hantent l'endroit », ajoute leur informateur. Paul Eastman en informe son collègue, qui insiste quand même pour y aller. Les deux hommes, équipés de leur gilet pare-balles, de leur revolver et de leur icône, se rendent à l'endroit en question. Une fois rendus, ils prient chacun devant son icône portative et se signe avant d'inspecter les lieux. C'est une grande maison en pierre, avec une grande cour arrière dans laquelle des vignes et des lierres se côtoient. À leur gauche, un peu en retrait, se trouve un puits.

Carl Neely ne peut pas s'empêcher de frémir. Paul jette un coup d'œil rapide : Adrian est trop près de son collègue, accompagné de sa femme, des grands-parents maternels de Neely et de Romano. Il dit aux esprits errants : « Je vous recommanderais de nous laisser tranquille. »

Adrian lui réplique : – Vous n'allez pas dicter notre conduite!

Romano ajoute : – Surtout en un lieu si familier. C'est plutôt à vous de quitter cette demeure si vous ne voulez pas devenir fous! Mais laissez-nous avec votre collègue, car il nous appartient.

Et les esprits encadrent le pauvre Carl Neely, mais heureusement, Daniel Miloshevitch apparaît entre lui et les méchants esprits devant lui reculent. Paul avertit son collègue, qui ne sourcille pas. Le passeur d'âmes remarque qu'il y a des esprits errants, qui, apparemment ont connu une mort violente dans cette demeure. Paul ne peut s'empêcher de frémir. Romano s'adresse aux âmes errantes : « Voici un corps! Un peu de vie est la bienvenue! »

Paul en avertit Carl Neely en traduisant les propos du sombre esprit en allemand. Son collègue tremble légèrement, mais lui propose naïvement de poursuivre la recherche des lieux. Tout à coup, Carl tombe devant lui, atteint d'une balle à l'épaule droite et une à la jambe gauche, mais son collègue le rattrape ; Miloshevitch lui dit que des policiers bien exercés sont cachés, et leur indique les lieux sûrs. Paul traîne Carl Neely, immobilisé en raison de la douleur, mais étant encore conscient, insiste pour marcher, et les deux amis s'avancent ainsi jusqu'à un lieu sûr. Mais les méchants esprits ont fait éclater plusieurs vitres des fenêtres, suivit par une salve de balles des policiers ennemis, mais Carl et Paul s'en sortent bien. Heureusement, ils protègent leurs visages en se tournant à contre-jour. Henry Clancy apparaît devant eux, un sourire machiavélique sur les lèvres, puis disparaît après quelques secondes.


Une fois que Carl Neely est assis sur une chaise en un lieu sûr, son collège s'assure de placer un large meuble devant lui pour le protéger. Miloshevitch apparaît à sa droite et dit : « Monsieur Eastman, je vous recommanderais de récupérer au plus vite les documents qui vous intéressent et de sortir de ce lieu sinistre. »

– Mais je ne vais quand même pas laisser Monsieur Carl Neely seul, car ils le tueront certainement.

Le jeune policier, ayant entendu cette remarque réplique : – Monsieur Eastman, votre dévouement est apprécié, mais laissez-moi régler mon compte avec ces policiers. Je vous l'ai bien dit que je ne suis qu'un rabat-joie. C'est plutôt moi qui doit s'excuser. Par ailleurs, si je mérite bien de vivre, nous nous reverrons, sinon tant pis pour moi.

Miloshevitch approuve d'un signe de tête et ajoute : – Il doit s'en sortir seul. Moi-même je ne dois pas l'aider. Il doit s'en sortir par lui-même. Je ne sais pas comment, mais faites-lui confiance.

Paul Eastman hoche de la tête, donne une accolade paternelle à son collègue et lui à voix basse en allemand : – Mon fils, j'espère que tout ira bien. Revenez bien vivant.

Carl Neely, ému, réplique : – Dans tous les cas, vous me reverrez, mon père.


Et le vieux policier inspecte les lieux, guidé par Daniel Miloshevitch, et il repère des indices suspects et trouve les documents dans le coffre. Paul ne se laisse pas intimider par Henry Clancy, qui apparaît devant lui, alors qu'il est dans la pièce où se trouve ce coffre. Il contourne l'esprit et part avec le coffre. Daniel Miloshevitch nargue Henry Clancy puis disparaît pour réapparaître devant la demeure. Paul Eastman, avant de quitter l'endroit, demande à l'esprit-policier des nouvelles de son jeune collègue. Celui-ci répond : « Il va bien, sauf qu'il est entouré de policiers et d'agents de renseignements, en plus des esprits qui veulent le blesser pour boire son sang et peut-être le posséder. Nous attendons le résultat, car la lutte s'annonce intéressante. » Et Miloshevitch croise ses bras sur sa poitrine et dit à Paul : « Quant à vous, je vous recommande de lire les documents pour que votre gendre ne soit plus en danger. » Le vieux policier confirme sa compréhension d'un signe de tête et revient à Verylongview avec le coffre. Il explique à sa femme la situation, puis file à son bureau lire les documents puis prier devant son icône portative. Paul attend nerveusement des nouvelles de Carl Neely. Élizabeth, elle, s'affaire dans la cuisine.




Verylongview, maison de Paul et d'Élizabeth Eastman

Paul lut pendant plusieurs jours les documents. En reliant les différents indices avec les faits des documents, il remarque qu'il lui manque une pièce pour résoudre toute l'histoire de la famille Clancy. Mais il décide néanmoins de contacter sa fille et son gendre pour leur transmettre toutes les informations de leurs recherches. Paul leur donne rendez-vous le 13 novembre et précise qu'il leur apportera tous les documents. Les jeunes gens, contents d'avoir des nouvelles, acceptent avec joie la visite du policier.




4 novembre 2003, maison des Clancy, Belview.

À l'extérieur, Daniel Miloshevitch attend de voir Carl Neely sortir vivant de ce piège. Il est rejoint par Sara Blumenfeld. Les deux âmes attendent le résultat de la lutte.

À l'intérieur, derrière le meuble qui le cache, Carl Neely sort son revolver et attend. Il est conscient que les policiers ne tarderont point à le repérer. Il entend des bruits de pas étouffés. Quelqu'un tire vers sa direction, trouant le meuble. Il réplique, puis entend un juron. Puis il sort de sa cachette et voit que trois hommes en noirs lui font face ; ils tirent vers sa direction, mais il se cache à nouveau derrière le meuble.

Carl Neely entend en écho « Proklet bio izdajica/ Svoje domovine! [Maudit soit le traître / de sa patrie! [les deux derniers vers de l'hymne de la Yougoslavie Hej Sloveni]] » Il comprend alors qu'il a affaire à des agents de la Služba državne sigurnosti et de la BIA, ainsi qu'aux policiers de la Specijalna policija Republike Hrvatske et de la SAJ. Il garde son sang-froid dans la mesure du possible, et décide de pousser le meuble, faisant reculer les trois hommes qui appellent aussitôt des renforts. Le détective se traîne comme il peut, mais tombe nez-à-nez avec quatre hommes, mais il se jette par terre pour tirer sur leurs jambes. Le policier est encerclé. Il attend. Au moins, il parvient à se retourner pour voir ses ennemis en face. Sept hommes en noirs masqués, leur armes pointés vers lui, attendent un faux-mouvement de sa part pour tirer. Carl lâche alors son revolver. L'un des hommes communique au moyen d'un émetteur-récepteur portatif : « Našli smo ga. U prostoriju na desno od ulaznih vrata. [Nous l'avons trouvé. Dans la salle à droite de la porte d'entrée] »

Quelques minutes après, d'autre hommes armés arrivent, formant un deuxième cercle autour de Carl Neely. Ce dernier prie rapidement l'Archange Michel, mais, à vrai dire, ne s'illusionne pas quant à ses chances de survie.

Silence lourd. Personne ne bouge. Il ne faut pas oublier la présence des âmes errantes, qui rendent l'air plus oppressant. Un des hommes s'avance vers le détective, se penchant au-dessus de lui et dit : « Gospodine Carl Neely, imate izbor : ili prihvačajte raditi za Služba državne sigurnosti i za Bezbednosnu Informativnu Agenciju, sa plaće koje svake vam nudi, ili moramo vas ubiti jer ste previše opasne. [Monsieur Carl Neely, vous avez le choix: soit vous acceptez de travailler pour la Služba državne sigurnosti et la Bezbednosno Informativna Agencija, avec les salaires respectifs dont chacune vous promet ; soit nous vous tuons parce que vous êtes trop dangereux] ».

Silence.

Après quelques minutes, le détective répond d'un ton qui n'affiche aucun doute : « Ne dolazi u obzir da se prodajem za novac [Il n'est pas question que je me vends pour de l'argent] ! »

Et il se relève à demi, saisit son arme de la main droite, mais son interlocuteur le maîtrise et lui prend son revolver, qu'il pointe sur sa tempe et lui murmure ironiquement : « Sretan put [Bon voyage] ! ».

Il lâche le détective, qui tombe lourdement sur le sol, et rejoint les autres espions et policiers. À son signal, une salve de balles blesse mortellement Carl Neely, qui est cliniquement mort. Ayant constater l'absence de signes vitaux et ses yeux vitreux, les espions quittent les lieux. Seule son âme est simplement sortie de son corps. Elle remarque ses grands-parents maternels et paternels, mais aussi d'autres âmes errantes qui regardent avidement le sang coulé des blessures de son corps ; certaines commencent même à lécher le précieux liquide.

L'âme de Carl Neely leur dit : « S'il vous plaît, laissez-moi regagnez mon propre corps! »

Romano arrive devant lui et dit : « Pourquoi, vous voulez encore tué une autre épouse? »

– Je sais que je ne suis pas le meurtrier de ma chère Sara!

Étonné, le méchant esprit réplique : – Ça va, j'ai compris! Par contre, si vous voulez revenir à la vie, il vous faudra accepter une possession temporaire de l'un ou de plusieurs d'entre nous pour, disons... un an, puis vous pourriez regagner votre corps.

Toutes les âmes fixent Carl Neely, qui les observe attentivement. Après quelques secondes, il donne l'autorisation à une pauvre âme à posséder son corps ; cette âme est un jeune valet mort dans cette maison pour avoir déplu à Henry Clancy qui s'appelle Vladimir Pavlovitch Lvov. Cette âme se tient loin du corps et ne semble pas intéressée par le sang. Et Carl Neely revient animer son corps. Vladimir Pavlovitch Lvov le suit. Étant grièvement blessé, il se traîne sur le ventre dans le château, laissant une traînée de sang. Il se rend jusqu'aux toilettes pour panser quelques blessures. Et son âme sort de son corps, qui se trouve alors possédé par son hôte, qui pousse autant que le corps le permet, jusqu'à une pièce au rez-de-chaussée dans laquelle il trouve un indice intéressant pour son enquête sur les Clancy. Il s'empare de l'objet (une petite boîte brune), qu'il dépoussière et range dans l'une des poches internes de sa veste d'uniforme, puis se dirige lentement vers la sortie.


Une fois à l'extérieur de la maison, Lvov, agissant sur l'impulsion de Romano, marche jusqu'au puits... Mais Miloshevitch s'approche de lui, faisant reculer l'esprit, qui agit de même sur le corps et il sort de ce dernier, permettant à l'âme de Carl Neely de regagner son corps. Sara Blumenfeld, ému, disparaît et réapparaît devant Paul Eastman pour l'informer que son collègue est encore en vie. Carl Neely, lui, corps et âme, s'achemine très lentement, car le moindre mouvement est douloureux, voire même qu'il s'aide d'un grosse branche d'un arbre pour marcher. Il se rend, poussé par Daniel Miloshevitch, qui le possède temporairement, jusqu'à une cabine téléphonique pour appeler les urgences.

Les ambulanciers arrivent aussitôt et le détective est amené à l'hôpital de la ville de Belview. Il n'en sort que deux mois plus tard, le 9 janvier 2004. Il connaît plusieurs possessions de la part de Vladimir Pavlovitch Lvov, lui permettant de s'habituer à son hôte; ceci explique des changements de comportements, ce que, consciemment, il trouvait bizarre. L'âme du détective, voyant ces possessions d'un mauvais œil, décide, le 10 novembre 2003, d'en avertir son collègue Paul Eastman. Par contre, entre le 26 décembre 2003 et le 6 janvier 2004, le pauvre Carl Neely n'a pas de nuits tranquilles, puisque Romano ainsi que ses grands-parents et arrières-grands-parents maternels et paternels lui rendent visite, sauf qu'il oublie tout à son réveil ; seulement, il est plus fatigué. Une fois, vers la fin du mois de décembre, comme le docteur qui s'occupe de Carl Neely, qui n'est nul autre que Jacob Bloch, lui administre des médicaments, qui l'amène dans un état de somnolence, état duquel en profite Adrian Neely, au grand désespoir de l'âme de Carl. Elle essaye de chasser son hôte indésirable, sans succès.




Le 10 novembre 2003, Verylongview, Département de police.

L'âme du détective Carl Neely apparaît alors devant Paul Eastman, alors qu'il se trouve à son bureau.

Lorsque le vieux policier l'aperçoit, il dit d'un air inquiet : – Mon fils, êtes-vous sûr que tout va bien de votre côté ?

L'âme lui répond : – Techniquement, je suis vivant, seulement mon corps est possédé par mon grand-père paternel. Il doit encore se faire soigner à l'hôpital de Belview. C'est pourquoi je viens pour vous informer au sujet du dernier indice manquant. J'ai réussi à récupérer une petite boîte brune, qui contient des papiers relatifs aux activités d'Henry Clancy.

Puis l'âme du détective décrit à Paul Eastman ce que contient la boîte. Celui-ci prend des notes et le remercie de sa collaboration. Et l'âme de Carl ajoute : « Et s'il vous plaît, pouvez-vous récupérer mon icône portative de notre protecteur, car je crains le pire maintenant que, possédé comme il est, ce corps a jeté l'icône dans un cul-de-sac près de l'Hôpital de Belview. » Paul Eastman lui assure qu'il ira la récupérer et qu'il la lui remettra dès que son âme aura regagné son corps. L'âme de Carl Neely, contente, disparaît de sa vue et apparaît devant Mélinda, alors dans la cuisine. Inutile de dire qu'elle sursaute, mais l'âme du détective la rassure et l'informe de la situation.

Le lendemain matin, le vieux policier se rend près de l'Hôpital de Belview et retrouve l'icône portative de son collègue. Il la nettoie (car elle est un peu salie) puis la garde dans son bureau en attendant son retour.




13 novembre 2003, 13h15, Grandview.

Paul Eastman est accueillit par sa fille et son gendre afin de leur remettre les fruits des recherches sur les ascendants de Jim. Il leur communique aussi son absence de nouvelles de son collègue ; la dernière fois qu'il l'a vu, c'est dans la demeure des Clancy à Belview, alors qu'il était en danger. Et il sait que son corps est possédé par d'autres esprits, ce qui explique comment il a vu l'âme de son collègue. Mélinda informe alors son père des lettres et de la visite de l'âme de Carl Neely. Au moins, Paul la rassure sur les fausses lettres, mais tous les trois sont inquiets pour leur ami policier; ils ne comprennent pas pourquoi il a accepté des possessions, ce qui leur fait craindre le pire. Mais Paul Eastman demeure optimiste et rassure sa fille. De plus, il communique ses conclusions concernant l'enquête, salue le jeune couple et sort discrètement.


Voici en résumé, les histoires de la famille Clancy, à partir des documents, des rêves précédemment mentionnés et des visions de Mélinda et de Paul Eastman : Henry Clancy, bien qu'il fermait les yeux sur les infidélités de sa femme, Olivia, la tua en 1996, car il voulait s'assurer d'obtenir l'héritage de ses beaux-parents. D'ailleurs, il meurt lui-même d'une mort violente, par le couteau d'Adrian Neely, alors que chacun prétendaient être favorisé par Mirjana Vragović, une sorcière émigrée de la Croatie, qui est réputée à Belview. Elle est défunte depuis 1999. La mystérieuse boîte contenant la correspondance entre Henry Clancy, Mirjana Vragović et Adrian Neely. Susan Clancy-Bloch, elle, s'est initiée dans la fabrication de philtres d'amour par l'entremise de la même sorcière. La fille de Susan, Helen Bloch, elle, travaille comme serveuse dans le bar Vincent's Vine à Monbelview. Dans les faits, elle est recrutée par les espions de la CIA pour empoisonner les clients trop gênants. Mariée depuis 1993 à David Wellington, le frère aîné de John Wellington, qui est chef de la police de Monbelview, qui, lui aussi, travaille pour le FBI. Le couple a deux enfants, Mary et Christopher, nés respectivement en 1995 et 1997. Jacob Bloch est un médecin réputé pour être sadique envers ses patients : il les rend malade, puis les soigne partiellement, afin d'en faire des clients pour des années. L'important est qu'il semble être un bon médecin de l'hôpital de Belview. Jack Clancy est mécanicien à Hauteview, sauf qu'il tua plusieurs de ses assistants, jaloux de leur compétences. Chacune de ces morts sont camouflées en « accidents » de voiture. Il sabote des voitures avec le concours de mauvais esprits, avec lesquels il a commerce. C'est pourquoi un espion de la CIA fait appel à ses services pour éliminer des gens indésirables. Irina Slavski-Clancy, sœur d'Hélène Slavski-Eastman, est une bonne femme au foyer, de surcroît voyante, qui a bien avertit son mari et ses enfants de ne pas se mêler aux services d'espionnage et avec des mauvais esprits, mais personne ne l'écoute. De plus, son mari la frappe lorsqu'il lui rappelle ce fait. Mais depuis ces derniers temps, elle se plaint de migraines, migraines occasionnées par un rituel d'aveuglement afin qu'elle ne voit pas la suite des sordide activités de la famille. Paul Eastman la rencontre dans le cadre de son enquête, alors que son mari est au travail et lui révèle le danger dans lequel elle se trouve. Irina Slavski-Clancy le remercie: elle décide de divorcer de son époux en novembre 2003. Wiliam Clancy est policier à Hauteview, qui a contact avec les espions de Karl Neely. Jean-Paul Clancy, lui, sert de médium aux mauvais esprits, pour aider son frère Wiliam; ainsi, Karl Neely est indirectement informé de ce qui se passe dans les villes environnantes. Mary Clancy vit avec son petit copain (Zacharie Meyer, né en 1973) dans un petit appartement de Monbelview qu'elle a rencontré en 1995. Celui-ci travaille comme assistant aux cours de chimie depuis 1997 à l'Université de la ville, où il poursuit ses études de maîtrise, qu'il termine en 1999. Depuis 2000, il travaille à temps partiel comme chargé de cours en chimie au Collège de Monbelview.

Quant à la mort d'Aiden Clancy, il meurt le 7 novembre 1977, officiellement d'une balle perdue près d'un cul-de-sac à Hauteview, alors que trois criminels de rang inférieur ont été payés par Karl Neely en personne pour simuler une dispute, alors que l'un d'eux le visait, l'atteignant dans la poitrine. Daniel Clancy, lui, est mort le 9 septembre 1983, happé par un véhicule, alors que son frère et lui traversait sur une zone piétonnière. Le conducteur qui l'a frappé était possédé par Henry Clancy, son grand-père. Il voulait aussi tuer Jim, sauf que Aiden l'a protégé en le dépêchant de traverser la rue. C'est ainsi qu'en se retournant, le mari de Mélinda, alors âgé de 16 ans, voit son frère, de deux ans son aîné, mourir sous ses yeux. Jim se décide à être ambulancier pour pouvoir aider les gens en difficulté.


Lorsque Jim et Mélinda lisent les documents et apprennent les derniers détails concernant la famille paternelle de Jim, la jeune femme remarque que quatre âmes sont à leurs côtés : Henry, Olivia, Aiden et Daniel. Les deux premières, furieuses disparaissent comme aspirées par le souterrain, pour ne plus jamais déranger leur descendant. Aiden et Daniel, eux, sont très contents et partent dans la Lumière après avoir adresser leur derniers adieux à Faith et à Jim.





Entre-temps, lors de l'hospitalisation du détective Carl Neely, Mélinda Eastman-Clancy, Jim Clancy et Paul Eastman reçoivent la visite en rêve de Romano et de quelques autres esprits semblables, qui leur font des cauchemars dans lesquels ils veulent leur faire croire que Carl Neely est contre eux. Le jeune couple est vraiment perplexe. Après quelques nuits avec le même cauchemar avec des variations, Mélinda décide de téléphoner à son père pour savoir s'il a des nouvelles de leur ami policier. Paul lui répond qu'il n'a pas encore de nouvelles. Par ailleurs, mais sans le dire à sa fille, il a contacté des individus de son réseau de contre-espionnage pour avoir des nouvelles, mais personne ne lui a fournit ne réponse claire. Ils répondent évasivement, question de sécurité pour Carl Neely. Le vieux policier se dit à lui-même qu'il attendrait de rencontrer son collègue en espérant le voir corps et âme (autrement dit, que son âme réintègre son corps, au lieu d'être possédé par d'autres esprits).







Maintenant que les histoires de famille sont réglées, Jim et Mélinda dorment mieux. Ils n'attendent que le retour du détective Carl Neely, avec beaucoup d'impatience, partagés entre la joie de retrouver un ami et la déception de voir en lui leur ennemi de première ligne.


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