Rencontres entre Dieux, esprits et mortels

Chapitre 11 : Trois histoires banales

1875 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 07/12/2023 12:02



Début novembre 2008


Un Canadien anglophone vers la trentaine se promène comme un touriste dans le village d'Eleonas. Tous les villageois le regardent avec curiosité. Bien que la plupart d'entre eux savent assez bien l'anglais, ils refusent de parler avec lui... Le touriste canadien, répondant aux noms de Hunter Clayton, se promène au marché, où il aperçoit une femme qu'il trouve séduisante : Tricia Soomekh-Spengler, une femme élégante de trente-trois ans. Il se présente à elle et lui fait la cour. Tricia lui montre avec insistance son alliance, mais le prétendant persiste. Kotharat, la Déesse cananéenne du mariage et de la grossesse, fâchée d'un tel affront à sa protégée, apparaît à la droite de Tricia sous l'apparence d'une jeune mariée. Elle lance au touriste : « Touriste et escroc, dégagez de ma vue ! Si vous osez porter atteinte à cette noble dame, vous n'êtes plus vivant ! C'est compris ? »

Le touriste, effrayé, répond un « Oui » à peine audible. Hunter continue à déambuler dans le marché, en regardant de loin Tricia.

Hermès, sous l'apparence d'un marchand d'âge mûr, l'aborde en ces termes : « Monsieur, n'êtes-vous pas intéressé par mes produits artisanaux ? Ils sont magnifiques ! »

Hunter Clayton regarde les objets que le pseudo-marchand vend. Comme il décide d'acheter une arme, Hermès le taquine : « Monsieur le menteur pense tromper le Dieu des voleurs et des marchands ! C'est trop drôle ! Vous avez entendu ça ? » Tous les gens présents au marché s'attroupent autour du touriste canadien. Ce dernier est gêné d'avoir autant de paires de yeux qui le fixent, comme s'ils n'attendaient qu'un faux pas pour le condamner. Mais il est déjà déçu que son plan tombe à l'eau. Hunter Clayton tente de s'éloigner du pseudo-marchand, sauf qu'il tombe nez-à-nez avec un jeune policier musclé : nul autre qu'Arès. Le Dieu de la Guerre le maîtrise facilement.

Hermès nargue le Canadien : « Monsieur Hunter Clayton, ou plutôt, Robert Langowski, n'oubliez pas que le chasseur peut être à son tour une proie. Révisez votre mythologie grecque avant de prétendre être un plus grand chasseur qu'Apollon et Artémis... L'orgueil ne se pardonne pas... »

Puis, les mains derrière le dos, Arès traîne (ou plutôt, pousse) Robert Langowski/Hunter Clayton à l'extérieur d'Eleonas. Déçu, l'escroc se promène dans la forêt, sauf qu'il n'a même pas le temps de faire trois pas que deux flèches l'atteignent directement dans la poitrine : les traits sont tirés par les archers divins Apollon et Artémis, qui sont vraiment fâchés de l'hubris dont ce mortel manifeste. « Agamemnon s'était aussi vanté d'être un meilleur chasseur que moi, » commente Artémis à son frère, « et sa position de roi ne l'avait pas sauvé d'une punition de ma part... À quoi donc ce pauvre mortel anonyme s'attend alors ? » Hermès fait un signe à l'âme de Robert Langowski/Hunter Clayton de le suivre et il l'amène auprès de Charon. Ensuite, Le Dieu psychopompe rejoint Artémis et Apollon, et tous les trois regagnent le ciel sous l'aspect de cygnes blancs. Voilà comment les Dieux punissent un mortel arrogant...




Fin novembre 2008.

Richard Payne, en route vers l'Université de Delphes, rencontre en contre-sens une femme vers la fin quarantaine aux yeux bruns et aux cheveux brun clair ramassés en chignon. Cette femme lui semble familière : sa ex-petite copine, Nina Haley. Étonné, le professeur la salue ; elle le salue à son tour. Il lui dit : – Nina, que viens-tu faire ici à Delphes ? Il me semblait que tu vis à Athènes depuis notre rupture ?

– Je te cherche, Rick !

– Pour quelle raison ?

– Mon fils, Elliott, veut s'inscrire à la Faculté de Théologie de l'Université d'Athènes... Sauf que je ne peux pas, en tant que mère monoparentale, payer pour son inscription et ses cours.

– Tu me dis que je serais le père d'Elliott ? Avant d'accepter de financer ses études...

– Il est intelligent comme toi ! C'est ton fils ! Hors de doute !

– J'exigerai quand même un test de paternité... Ce qui est sûr est sûr...

– D'accord, puisque tu es si méfiant...

Elle lui fait un signe de la main de la suivre. Inutile de préciser la réaction de Kate Payne : l'épouse est jalouse de savoir que son mari a fait un bâtard à une petite-copine avant leur mariage... L'esprit errant joue avec le petit foulard que Nina a autour du cou. La ex-copine présente au professeur son fils Elliot, un jeune homme de vingt-et-un ans, aux mêmes yeux et cheveux que sa mère. Quand à savoir les traits de son père, ils sont difficiles à déterminer, tellement il ressemble à sa mère. On dirait un portrait craché au masculin de Nina Haley. Richard Payne l'observe attentivement, mais il n'est pas certain. Les deux hommes se saluent. Peu après, une Déesse se manifeste à la droite du professeur: Héra. Elle arrive dans un flot spectaculaire de lumière et est accompagnée d'une odeur sublime non-identifiable aux mortels (qui est son parfum d'ambroisie). La Déesse salue les trois mortels, leurs Génies et l'esprit errant qu'est Kate Payne. Elle dit : « Monsieur Richard Payne, je peux vous dire avec certitude qu'Elliott n'est point votre fils, mais celui de votre collègue Agáthōn Petrákos. De ce fait, Madame Kate Payne, votre jalousie est injustifiée. »

Nina Haley rougit. Kate Payne est rassurée.

Le professeur pense : « Ceci signifie donc que Nina, peu après notre rupture, alors que j'ai connu Kate, a connu Agáthōn, duquel elle est restée enceinte... Et elle veut me faire passer son fils pour le mien, simplement pour que je paie les études universitaires de son bâtard... Quel affront ! Quelle audace de sa part ! Quel dévergondage ! »

Héra, comme si elle a lu ses pensées, les confirme d'un mouvement positif de sa tête et commente : « Vous pouvez vous considérer chanceux d'avoir choisi Kate, car bien qu'elle vous a été infidèle, au moins, elle n'a pas eu de bâtard avec son collègue Aléxandros Alaoglu... » Ainsi parle la Déesse, qui disparaît dans les cieux pour regagner l'Olympe sous l'aspect d'un aigle royal.

Richard Payne regarde Nina et dit : « Je pense alors que nous n'avons rien à faire ensemble, Nina. Bonne journée à toi et à ton fils ! »

Nina dit timidement : « Bonne journée à toi, Rick ! »

Sur ces mots, ils se quittent. Kate Payne, elle, part dans la Lumière quelques jours plus tard, après avoir embrassé une dernière fois son époux. C'est Élie James qui est le témoin de ce départ et qui le dit à son collègue. Richard Payne est simplement ému de son dernier bisou.





Avril 2009.


Paul Eastman reçoit la visite de l'âme errante d'une fillette de dix ans, prénommée Ioulía. Elle est morte à l'hôpital d'Aigion il y a quatre mois. Elle veut que le passeur d'âmes dise à ses parents qu'elle est désolée d'avoir empoisonnée sa meilleure amie Lily, défunte depuis un an. De plus, il semblerait que Ioulía soit responsable d'un message électronique frauduleux. Le policier l'apprend par ouï-dire de ses collègues. Il semblerait que quiconque lit ce message électronique est la prochaine victime d'un esprit maléfique. Les rumeurs disent que vingt-quatre ou quarante-huit heures plus tard, le malheureux qui n'a pas jeté ce message électronique tombe malade ou meure. Paul Eastman remarque en effet une coïncidence entre le collègue qui lit le message frauduleux et son absence au travail le lendemain ou le surlendemain. Ceci lui met la puce à l'oreille au bout d'une semaine. Lorsqu'il voit un message depuis une adresse officielle de l'hôpital d'Aigion, il refuse de le lire et le jette simplement dans la corbeille de sa messagerie électronique. Paul Eastman n'est pas le seul qui se montre si prudent : le juge Thomas Gordon aussi jette systématiquement les messages suspects.


Paul demande à Ioulía d'arrêter son jeu; ce n'est pas drôle de rendre malades les gens parce qu'elle collabore avec un sombre esprit du Moyen Âge. Le passeur d'âmes apprend d'Hermès toute l'histoire : Ioulía communique avec l'esprit errant d'une sorcière médiévale, une certaine Agathoníkē Phokaina, qui a été brûlée en 1656 à Delphes. Le Dieu psychopompe conseille à Paul Eastman de ne pas se mêler à cette histoire d'esprits, car Agathoníkē Phokaina joue sur la culpabilité de Ioulía pour la manipuler et continuer son œuvre occulte, à savoir d'entraîner plus de gens dans les griffes du Mal. « Le seul conseil que je peux vous donner est le suivant: protégez-vous de ces mauvais esprits. Vous ne pourrez aider Ioulía que si elle se repent sincèrement... »

Paul Eastman suivra le conseil de son protecteur, en s'armant de branches d'aubépine, de saule pleureur et de charme. Et il conseille les habitants de la ville qu'il rencontre au cours de ses patrouilles de se protéger de la sorte et de ne pas lire des messages suspects. Ceux qui écoutent ses recommandations se sont sauvés d'un malheur. Ioulía recherchera l'aide de Paul Eastman un an plus tard, sincèrement attristée des malheurs dont elle était indirectement responsable. Le passeur d'âmes, lorsqu'Hermès lui donne le feu vert pour aider cette pauvre âme perdue, discute avec Ioulía puis avec ses parents pendant une semaine pour comprendre toute son histoire. La fillette voulait simplement offrir un remède à son amie Lily, pour la guérir. Elle lui avait alors offert des baies dans le jardin près de l'hôpital. Sauf qu'elle ignorait dans quel état était son amie, qui était aussi malade qu'elle. Ioulía et Lily étaient des enfants atteints de leucémie. Et ce sont des conséquences de la maladie que les deux fillettes sont décédées. Après, ce n'était qu'une coïncidence entre la portion de baies et la mort de Lily. Sauf que Ioulía relie ces deux événements selon une causalité. De sorte, que prise de remords, car elle se considère responsable de la mort de son amie, Agathoníkē Phokaina en profite pour l'utiliser à d'autres fins.

Maintenant que la fillette est sincèrement désolée d'avoir été ainsi instrumentalisée, Paul Eastman la rassure et lui explique la prochaine étape : la Lumière. Le visage de Ioulía s'illumine. Agathoníkē Phokaina, furieuse, tente de la dissuader d'écouter le passeur d'âmes, mais disparaît rapidement, car Hermès arrive au secours de son protégé en agitant son caducée. Voilà Ioulía, apaisée avec elle-même, part dans la Lumière. Paul Eastman pense : « Un esprit errant de moins ! Mission accomplie ! »


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