Golden Sun NP

Chapitre 2 : Une visite chez Thélos

Chapitre final

5356 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 20:07

C’était une belle journée d’automne, comme on en voyait rarement à Val. Une petite brise transportait une douce fragrance dans l’air, les arbres avaient pris de joyeuses teintes multicolores et quelques feuilles tournoyaient paresseusement avant de se poser en douceur sur le sol. Ҫa et là, sur les différents plateaux qui constituaient le village, les habitants vaquaient à leurs occupations ou discutaient paisiblement en profitant du beau temps tandis que leurs enfants couraient entre les bâtisses et s’amusaient à grand renfort de cris.

Une voix tira Vlad de sa contemplation.

− Tu n’as pas encore fini de réparer le toit ?

Le garçon soupira.

− J’ai presque terminé, cria-t-il en direction de l’échelle.

Il se pencha de nouveau sur la brèche qui déchirait le toit de chaume en regrettant que sa mère ne se montre pas un peu plus patiente ; le toit était plus endommagé qu’il n’y paraissait ; certaines pièces de la charpente avaient été détruites et le garçon avait dû rafistoler les chevrons comme il pouvait avec de vieilles lattes du grenier. Si seulement cet imbécile de bucheron avait fait attention !

Dans le lointain, une voix familière poussa un cri de guerre. Vlad sourit. Garet s’entraîne encore, on dirait. En temps ordinaire, les deux garçons s’exerçaient ensemble, mais avec l’approche de l’hiver, la réparation du toit était devenue une priorité. Alors que Vlad se permettait un rapide un coup d’œil vers leur terrain d’entraînement, il aperçut la chevelure rose de Lina qui se déplaçait dans cette direction. Son sourire s’évanouit aussitôt. La jeune fille, avait visiblement décidé d’aller chercher Garet en premier pour lui laisser le temps de finir son travail. Ce qui signifiait que ces deux amis allaient se retrouver seul à seul…

Trouvant là une excellente source de motivation, Vlad se remit au travail de plus bel. Il appréciait beaucoup Garet, mais ces temps-ci, son ami se rapprochait un peu trop de Lina à son goût…

Très vite, la dernière pièce de charpente fut réparée. Le garçon se redressa et se concentra. Les bottes de paille qu’il avait entreposées sur le côté s’élevèrent et vinrent se placer sur les chevrons nouvellement restaurés. C’est de plus en plus facile, songea Vlad. Son entraînement au maniement de la psynergie avait porté ses fruits. Ses pouvoirs se développaient de jour en jour et déplacer les objets sans les toucher ne lui demandait plus aucun effort désormais. Si seulement je m’y étais mis avant la tempête…Peut-être que j’aurai pu…

Son cœur se serra dans sa poitrine tandis qu’il disposait et alignait la paille en sorte de combler le trou. Il n’avait quasiment gardé aucun souvenir de l’accident. Il se rappelait être allé chercher de l’aide avec Garet pour sauver Pavel. Ensuite… ensuite le rocher était tombé. Puis le trou noir. On les avait retrouvé inconscients et couverts de brûlures sur le chemin de la grande place. Les anciens pensaient qu’ils avaient été attaqués par des monstres du Mont Alpha fuyant la tempête, mais Vlad était sûr qu’aucune créature des environs ne pouvait infliger de telles blessures. Quelque chose d’autre était arrivé… mais quoi ?

Il prit des écorces de ronces et commença à serrer la paille, toujours plongé dans ses souvenirs. Grâce aux pouvoirs des guérisseurs de Val, ses blessures n’avaient mis que quelques heures à disparaître. Mais aucun pouvoir au monde ne pouvait lui rendre ce qu’il avait perdu ce jour-là… Trois ans plus tard, on avait toujours pas retrouvé le corps de son père ni ceux de Pavel et des parents de Lina. C’était sans doute mieux ainsi… Il ne devait pas en rester grand-chose de toute façon…

  − Beau travail, Vlad, dit Dora derrière lui.

Perdu dans ses pensées, le garçon n’avait même pas réalisé qu’il avait fini les réparations. Il se redressa pour contempler son œuvre. On voyait que le travail avait été réalisé par un amateur, mais, au moins, la maison serait protégée des intempéries.

Il entendit sa mère grimper à l’échelle derrière lui et explorer le toit pour vérifier tous les détails mais préféra ne pas se retourner ; Dora connaissait suffisamment son fils pour savoir interpréter chaque mimique de son visage et il valait mieux qu’elle ne sache pas à quoi il pensait  un peu plus tôt.

− Nous sommes parés pour l’hiver, dit Dora, satisfaite. On peut compter sur toi, Vlad. Comme sur ton père.

Vlad ne put retenir un frisson. Sa mère parut le remarquer.

− Tu penses encore à l’accident, n’est-ce pas ? demanda Dora.

− Non, mentit Vlad.

Mais sa mère ne fut pas dupe.

− Garet et toi, vous vous êtes démenés pour maîtriser la psynergie depuis trois ans…

Elle vint se camper devant lui.

− Tu penses vraiment que les choses auraient été différentes si tu avais été plus fort ?

Il ne répondit pas, mais il sut à l’expression de sa mère qu’elle avait lu la réponse dans ses yeux.

− La mort de ton père, m’a fait beaucoup souffrir aussi. Il m’a fallu du temps…

Ҫa oui, il le savait. Dans un premier temps, la mort de Kyle avait tellement ravagée sa mère que la famille de Garet avait dû accueillir Vlad pendant deux semaines. Même après qu’elle soit venue le récupérer, Vlad savait combien la tristesse et les remords l’avaient rongée. Elle avait tout fait pour masquer son chagrin mais, souvent, la nuit, il l’avait entendu pleurer alors qu’elle le croyait endormi. Le gouffre qui avait suivi la mort de son père n’en avait été que plus dur à surmonter.

−J’ai perdu ton père, mais je t’ai toujours, Vlad, dit doucement Dora, interrompant ces sombres souvenirs. Tu ressembles beaucoup à Kyle au même âge. Je me demande ce que la vie te réserve, mon chéri…

− Madame !

La tête de Lina surgit soudain au-dessus de l’échelle, mettant fin à leur conversation.

− Bonjour, Lina, salua aimablement Dora.

Elle avait bien changé depuis trois ans. Ses cheveux avaient foncé et se rapprochaient plus du mauve que du rose, désormais. Ses traits s’étaient affinés et ses yeux noisette avaient pris lentement la même teinte que ses cheveux. Son regard était devenu plus ferme aussi et elle pouvait parfois se montrer froide, même si Vlad savait très bien que c’était juste une manière de cacher sa tristesse.  

Elle non plus ne s’était pas complètement remise de l’accident. Depuis trois ans, elle vivait chez ses grands-parents au bord de la rivière, près de son ancienne maison, et Vlad savait qu’elle passait parfois des heures à contempler l’eau quand elle pensait que personne ne la regardait.

− Bonjour, Vlad, dit Lina en lui souriant.

Elle tira discrètement la cape violette qui recouvrait ses vêtements roses pour dévoiler le bâton qui pendait à sa ceinture. Elle a pris son bâton de psynergie. Bien.

Pendant ce temps, Garet se hissait à son tour pour les rejoindre. Le grand gaillard avait changé lui aussi. C’était désormais le plus grand des villageois et l’un des plus costauds. Avec le temps, ses cheveux avaient perdu de leur éclat rouge et étaient devenus si rigides que, malgré leur demi-pied de long, ils s’élevaient comme une flamme au-dessus de sa tête. Ce jour-là il avait revêtu une cuirasse de cuir bouillie et passé un petit couteau à sa ceinture ; une tenue qui était loin de passer inaperçue…

 − Mais c’est Garet ! s’exclama Dora non sans mirer ses vêtements avec suspicion.

Vlad pria intérieurement pour que son ami ne fasse pas de gaffe.

− Où comptez-vous aller aujourd’hui ? dit sa mère avec un air détaché.

− Nous allons au Mont Alpha avec Thélos, répondit le rouquin sans réfléchir.

Le visage de Dora s’assombrit. Garet ! Espèce d’abruti ! pensa Vlad. Du coin de l’œil, il vit le visage de Lina se crisper.

− Vous allez juste faire un peu d’escalade, hein ? demanda Dora avec un ton qui indiquait qu’elle ne croyait pas une seconde à cette possibilité.

− Non ! intervint Lina. Cela fait partie de nos études.

− Ah, oui… L’alchimie…

Dora les dévisagea les uns après les autres. Quand son regard se posa sur son fils, une lueur douloureuse apparut dans son regard.

− L’alchimie, je me demande à quoi elle sert… reprit-elle, amère.

− Et bien, c’est la source de la psynergie, rappela Garet.

Mais Dora secoua la tête et se tourna vers son fils

− Tu sais ce que je pense de tout ça. Mais je suppose que tu iras, de toute façon. Tu es aussi têtu que ton père.

Elle s’avançait pour ajouter autre chose quand son pied glissa, manquant de la faire tomber. Vlad vit Garet se précipiter pour l’aider. L’instant d’après, un terrible craquement retentissait et le grand gaillard se retrouvait plongé jusqu’à la taille dans la chaume.

 Passé le premier instant de stupeur, Vlad réalisa que son ami venait juste de détruire son travail. Il serra les dents pour se contenir. Sur le côté, Lina se détourna et Vlad eut le temps d’apercevoir la colère sur son visage. Dora, quant à elle, resta immobile,  indéchiffrable.

− Je suis vraiment désolé, s’excusa Garet tandis que Vlad l’aidait à s’extirper en se retenant de lui hurler dessus. C’est ma faute. Je vais vous aider à réparer…

− Non, ça ira. Je vais m’en occuper, l’interrompit Dora. Allez plutôt à votre rendez-vous. Ce ne sont qu’une ou deux lattes, ça ne devrait pas prendre trop de temps. Maintenant descendez tous de ce toit avant que cette vieille maison ne s’écroule !

Les trois adolescents obéir. Mais alors qu’il commençait à descendre, Vlad capta une lueur découragée dans le regard de sa mère et comprit que ces nouveaux dégâts l’embêtaient plus qu’elle ne voulait l’admettre. Une fois à terre, il faillit hurler sur Garet, mais ce dernier affichait une contrition si sincère qu’il se contenta d’un regard noir. Dans un silence pesant, les trois adolescents se dirigèrent alors vers le nord pour rejoindre la chaumière de Thélos.

Ils n’avaient pas fait la moitié du trajet, quand, au détour d’une maison, un petit rouquin faillit leur rentrer dedans. Le gamin interpella Garet :

− Tu devrais te cacher, grand frère. Kay est furieuse.

Garet le contempla, ahuri.

− Tu as écrasé ses fleurs quand tu as déplacé ce rocher avec tes pouvoirs, dit le garçon en réponse à son incompréhension. D’ailleurs, tu ferais mieux d’éviter d’en parler aux parents aussi. Il y a des étrangers dans le village. Et tu sais que la psynergie est interdite quand il y a des étrangers…

Le rouquin fit mine de reprendre sa route mais son frère se ressaisit et l’arrêta :

− Attends, une minute ! Où est-ce que tu vas, Aaron ?

Le gamin se retourne et lui lança un sourire espiègle.

− L’un des étrangers est resté à l’auberge et il parait qu’il porte un masque bizarre. Je vais jeter un coup d’œil, juste pour voir.

Et avant que son frère n’ait eu le temps de le retenir, il disparut entre les maisons. Résigné, Garet poussa un profond soupir et fit signe à ses amis qu’ils pouvaient continuer.

Alors qu’ils faisaient un large détour pour éviter la sœur aînée de Garet, Vlad ne put s’empêcher de penser, non sans une certaine excitation, à ces étrangers dont avait parlé Aaron. Val se situait à l’écart des routes commerciales et les étrangers étaient donc rares. La plupart des Valois les traitaient avec méfiance car la psynergie était considéré comme de la sorcellerie dans de nombreux pays, mais les plus jeunes ne pouvaient s’empêcher d’aller à leur rencontre, impatient d’entendre parler du monde extérieur. Car, pour protéger le secret de leurs pouvoirs, les Valois avaient établis des règles très strictes et la plus dure était sans aucun doute l’interdiction de quitter la ville sans l’autorisation du maire.

 Alors qu’ils traversaient le pont, Vlad jeta un coup d’œil au Mont Alpha, supposé être la source des pouvoirs des habitants. Le pic montagneux surplombait paisiblement la ville, ce jour-là. A part une déchirure dans son flanc et la disparition du rocher que Vlad avait connu durant toute son enfance, rien n’indiquait que la montagne avait causée une tragédie trois ans plus tôt. Il détourna les yeux pour ne pas y penser et aperçut un prêtre qui montait la garde sur le chemin qui menait à la montagne. Ҫa va compliquer les choses.

Les légendes disaient que le Mont Alpha était l’origine de toute alchimie. Un temple avait été construit à son pied par une ancienne civilisation et les prêtres veillaient constamment à ce que nul ne s’en approche. Seuls quelques rares privilégiés avaient déjà eu l’opportunité d’y pénétrer et hormis Thélos, qui était un illustre savant dans le domaine de l’alchimie, aucun étranger ne pouvait même s’en approcher.

Vlad appréciait beaucoup le vieil homme. A la suite du drame qui avait frappé le village trois ans plus tôt, il avait accordé de nombreuses heures aux trois adolescents pour leur apprendre ce qu’il savait de l’alchimie et son soutien avait été d’une grande aide quand Garet et Vlad avait commencé à s’entraîner pour maîtriser leurs pouvoirs. Bien qu’il ne disposât d’aucun pouvoir, le savant semblait avoir rencontré de nombreux mystiques lors de ces voyages et avaient donc, malgré tout, quantités de conseils à leur prodiguer. C’était lui qui avait appris à Vlad qu’il était un mystique de Vénus et que ses pouvoirs étaient liés à l’élément terre. Garet et Lina, quant à eux, avaient été identifiés comme des mystiques de Mars et maîtrisaient à merveilles le pouvoir des flammes.

Dora n’avait pas apprécié que son fils développe ainsi sa maîtrise des éléments. Depuis la mort de Kyle, elle n’utilisait quasiment plus ses propres pouvoirs et préférait voir son fils grandir en homme ordinaire plutôt que de maîtriser des pouvoirs potentiellement mortels. Elle l’avait cependant laissé faire, voyant que les leçons de Thélos aidaient son fils à se remettre de la mort de son époux.

Soudain, des voix chargées d’un accent étranger tirèrent brutalement Vlad de ses pensées. Les trois adolescents n’étaient alors plus qu’à quelques mètres de la maison de Thélos. Il s’arrêta net et fit signe à ces deux amis de faire de même. Lina et Garet lui jetèrent un regard étonné mais l’imitèrent.

− … Il ne semble pas au courant des mystères du temple de Sol, disait une voix masculine.

− Thélos… Je ne sais pas si on peut lui faire confiance. Tu crois vraiment qu’on a besoin de son aide ? demanda la voix d’une femme.

− Ses connaissances sont vastes, répondit la première voix, il peut nous être utile. Nous devons essayer, tu sais ce qui est en jeu.

− Mais il est si têtu...

Tandis que la conversation se poursuivait, Vlad ne put s’empêcher de frissonner. Ses deux voix et leur accent lui étaient familiers. Mais où les avait-il entendus ? Alors qu’il fouillait dans sa mémoire, la main de Lina se posa brusquement sur son épaule. Surpris, il redressa la tête et la vit, pâle, lui faire signe d’écouter. Il se rendit compte avec horreur que des bruits de pas se rapprochaient.

Avant que Vlad  ait eu le temps de réagir, deux individus passèrent l’angle du chemin.

− S’il ne vient pas de son plein gré, disait une femme blonde,  nous devrons sans doute…

Elle s’arrêta net en voyant les trois adolescents, imitée par son compagnon.

Pendant un instant, le temps parut se suspendre tandis que les deux groupes se dévisageaient.

En un regard, Vlad comprit que ses interlocuteurs n’étaient pas complètement humains. Les peintures qui couvraient leurs visages ne suffisaient pas à atténuer l’éclat rouge de leurs yeux et leurs oreilles, qui se détachaient anormalement de leur visage, se divisaient en deux pavillons effilés qui leur donnaient des airs bestiaux. Leurs peaux étaient étrangement teintées : rose pour la femme et bleu pour son compagnon. Ils portaient tous deux des tenues chaudes agrémentées de pièces d’armure qui laissaient leurs bras à découvert. Ces derniers étaient couverts de plaques d’écailles épaisses et, à l’extérieur de ses bras, l’homme arborait même des protubérances osseuses qui lui donnaient un air de dragon.

Je les connais, réalisa soudain Vlad. Mais il était incapable de dire d’où.

− Vous nous écoutiez ? demanda la femme en s’avançant.

 Vlad nota que son armure et celle de son compagnon arboraient un symbole identique, probablement le blason d’une ville ou d’un pays. Il eut l’intuition que les deux inconnus étaient des guerriers bien entraînés et que leurs intentions étaient loin d’être pacifiques…

− C’est vous qui nous espionniez ! s’exclama Garet, interrompant sa réflexion.

Pour le coup, Vlad fut aussi surpris que les étrangers.

− Espionner ? demanda l’homme stupéfait. Qui es-tu pour m’accuser ?

Il y avait dans sa manière de s’exprimer quelque chose de noble et une assurance que rien ne semblait pouvoir ébranler. Avec ses bras musclés, ses cheveux pâles et son regard rusé, l’homme dégageait tout à la fois une impression de force et d’intelligence.

La femme, qui semblait de nature plus agressive, les dévisagea les uns après les autres avec méfiance. Une lueur de compréhension passa soudain dans son regard.

− C’est avec vous que Thélos a rendez-vous ? demanda-t-elle.

− Exact, on a rendez-vous dans quelques instants, confirma Lina.

Les deux étrangers parurent se détendre légèrement.

− Et vous pensez que votre rendez-vous est plus important que le nôtre ? demanda l’homme.

Reprenant contenance, Vlad hocha la tête. L’homme le contempla un moment, comme pour le jauger.

− Alors, allez-y, dit-il finalement en s ‘écartant.

− Vous nous laissez partir ? demanda Lina, stupéfaite.

− Es-tu sûr, Salamandar ? demanda la compagne de l’homme.

Il hocha la tête

− Nous n’avons aucune raison de retarder ces enfants, Phoenixia. De toute façon, Thélos avait l’air pressé de nous voir partir. Nous reviendrons plus tard.

La femme hésita, les contempla à nouveau puis finit par reculer elle aussi.

− Allez-y ! Ne faites pas attendre Thélos ! dit Salamandar en se fendant d’un rictus qui passait pour un sourire.

Après un instant d’hésitation, les trois adolescents reprirent leur route. Non sans un certain malaise, Vlad eu le sentiment que les étrangers les suivaient du regard.

La chaumière de Thélos avait été construite à l’écart du reste du village. Le savant prétendait qu’il avait besoin de calme, mais Vlad soupçonnait plutôt les habitants d’avoir voulu l’isoler, au cas où il lui prendrait de faire des expériences bizarres. Non pas que les expériences du savant les inquiétassent, mais il valait mieux être prudent…   

Les trois adolescents trouvèrent le savant en train de faire les cent pas devant sa porte.

− Qui étaient-ils ? ruminait le vieux savant, qui avait une malheureuse tendance à réfléchir à voix haute. Ils en savaient trop au sujet du temple de Sol… des choses que même les anciens ne savent pas….

Les adolescents se rapprochèrent sans que le scientifique, plongé dans ses réflexions ne les remarquent.

− Et ce qu’il disait au sujet des éléments… On aurait dit qu’ils voulaient rompre l’équilibre… Et les étoiles élémentaires en seraient la clé ? Je ne comprends pas…

Vlad finit par s’éclaircir la gorge.

Le savant sursauta et se tourna vers le groupe.

− Oh, Vlad ! Je ne vous avais pas entendu arriver, navré…

− On dirait que quelque chose t’ennuie, Thélos, remarqua Lina.

− C’est à cause de ces étrangers ? Salamandar et Phoenixia ? renchérit Garet.

− Quoi ? Ils sont encore là ? Je croyais avoir été clair ! grogna le scientifique.

Visiblement, le vieux savant n’avait pas quitté les étrangers en très bons termes...

− Ils semblaient vouloir te demander quelque chose, Thélos, fit remarquer Lina.

− Je crois oui. C’était assez étrange à vrai dire. Il parlait du Mont Alpha et du temple Sol comme s’ils y étaient déjà allés. Pourtant, les anciens ne laissent rentrer personne, même avec une bonne raison.

Le premier instant de surprise passé, Vlad comprit soudain ce que le savant voulait dire.

− S’ils sont rentrés subrepticement, alors ils doivent être des voleurs ! lâcha Lina qui avait visiblement suivi le même raisonnement.

− Nous devons prévenir les anciens ! s’exclama Garet.

Dans le doute, c’était ce que leur devoir de Valois leur dictait de faire. Les trois adolescents échangèrent un regard entendu puis se tournèrent vers le temple où officiait les prêtres.

− Attendez ! les arrêta Thélos. Rien ne prouve que ce qu’ils disent est vrai. On ne peut rien faire sans en être certains.

Vlad se retourna, surpris. De quoi parlait-il ? Il s’agissait juste de prévenir les anciens pour qu’ils fassent attention, au cas où.

Il remarqua soudain que le savant se tordait les mains d’une façon très étrange. Qu’est-ce que tu mijotes, Thélos ?

− Et que devons-nous faire, d’après vous ? demanda Lina.

− Nous devons entrer dans le temple pour vérifier, bien sûr ! déclara le scientifique, plongeant les adolescents dans la stupeur.

− Mais c’est interdit ! finit par s’exclamer la jeune fille.

− On va juste voir s’ils sont allés dans le temple, c’est tout, protesta le savant. De toute façon, nous avions prévu d’aller au Mont Alpha, aujourd’hui. Je vois d’ailleurs que vous vous êtes tous équipés en conséquence.

C’était vrai, la tenue de combat de Garet, le bâton de Lina et l’épée Vlad que dissimulait discrètement sous sa cape… Tout ça, ils l’avaient pris en prévision de leur sortie au Mont Alpha et de ces dangers.

−  Tout se passera bien si les anciens ne nous voient pas nous approcher du temple, insista Thélos.

Il ajouta avec un petit sourire.

− Je sais que vous mourrez d’envie d’y aller de toute façon.

Alors c’était ça… Le vieux savant était plus rusé qu’il n’en avait l’air. Ses quelques excursions au mont Alpha et dans le temple – sous bonne garde et après des années passées à gagner la confiance des anciens – ne lui avait visiblement pas suffit. Il voulait en voir plus et ces étrangers lui donnaient une bonne excuse pour s’introduire sans autorisation dans le lieu sacré.

D’un côté, Vlad pouvait le comprendre. Vivre si près du temple sans pouvoir y entrer, était tout ce qu’il y avait de plus frustrant. Lui-même n’avait jamais pu voir l’entrée de la structure et il avait bien souvent rêvé de contourner la garde des anciens pour s’y infiltrer en douce. Alors pour Thélos, qui était un féru d’alchimie, ce devait être tout simplement insupportable.

Malheureusement, les choses n’étaient pas aussi simples que cela. Le Mont Alpha était habité par des monstres de petites tailles qui pouvaient se révéler dangereux, raison pour laquelle les adolescents s’étaient équipés en vue de l’expédition. Et si l’extérieur de la montagne avait mauvaise réputation de ce point de vue, ce n’était rien comparé au temple lui-même.

Devant la dangerosité du projet, Vlad s’apprêtait à opposer un refus au vieillard quand il croisa soudain le regard excité de Lina. Il l’avait rarement vu aussi souriante depuis trois ans. Visiblement, l’idée de partir à l’aventure la ravissait.

− Ce sera notre petit secret, dit-elle sans paraître envisager une seule seconde qu’il puisse refuser.

Les résolutions de Vlad fondirent immédiatement.

− D’accord, capitula-t-il.

− C’est décidé alors ! s’exclama Thélos visiblement satisfait. Attendez ! Il faut que j’aille chercher quelque chose.

Il disparut quelque secondes et revint en sifflotant sans donner plus d’explications. Tandis qu’ils se dirigeaient ensemble vers le mont Alpha, Vlad ne put se départir du sentiment que le savant mijotait quelque chose. Et il était sûr que ça n’allait pas lui plaire.

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