Golden Sun NP

Chapitre 3 : Le temple de Sol

Chapitre final

9470 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 26/02/2016 23:05

Le Mont Alpha était gardé en permanence par les Anciens, des hommes qui avaient consacrés leurs vies aux mystères du Mont Alpha et qui ne laissaient personne approcher sans autorisation du prêtre du village.

Pourtant, malgré tout le zèle que pouvaient manifester les deux Anciens qui gardaient ce jour-là le temple de Sol, le groupe de Vlad, n’eu aucun mal à tromper leur vigilance. Garet attira l’attention du premier en déplaçant quelques branches avec sa psynergie et Vlad n’eut qu’à déclencher de petites secousses sismiques sous les pieds du second pour le voir partir en courant, terrorisé à l’idée qu’un rocher tombe du Mont Alpha comme trois ans auparavant. Les adolescents et le savant se glissèrent alors silencieusement vers le temple.

Tandis qu’ils se rapprochaient, Vlad se perdit dans la contemplation de la façade. Autour de l’entrée principale, la roche était couverte de marbre sculpté représentant le soleil et la lune. Les portes étaient gravées de lignes symbolisant des rayons solaires et qui paraissaient provenir de mystérieuses runes au dessus de l’entrée, lesquelles étaient elle-même surmontées d’un large soleil sculpté. Le parvis était couvert de marbre bleu-vert au milieu duquel un disque blanc avait été inséré. Tout autour, quatre statues d’érudits semblaient monter la garde, solennelles. Les individus représentés arboraient des oreilles pointues qui rappelèrent immédiatement à Vlad, non sans un certain malaise, Salamandar et Phoenixia.

Quand ils eurent monté les quelques marches qui menaient à l’entrée, Vlad et Garet durent combiner leurs efforts pour ouvrir les lourdes portes de marbres et pénétrer dans le vestibule du temple. A l’intérieur, le sol était couvert d’un dallage irrégulier et les murs de luisaient d’une lueur surnaturelle. De petites pierres précieuses roses enchâssées dans la pierre permettaient d’éclairer la pièce. Alors que Vlad s’approchait pour les observer de plus près, leur éclat s’intensifia, comme si elles percevaient sa présence.

− Tu n’étais jamais venu avant n’est-ce pas ? souffla Thélos derrière lui.

− Non, confirma le garçon, émerveillé.

− Et tu n’as encore rien vu ! dit le scientifique avec un sourire ravi tandis qu’ils se dirigeaient vers la pièce suivante.

− Attention ! les prévint Lina devant eux.

La quasi-totalité de la salle était occupée par un immense bassin d’eau agrémenté de dalles disparates. Vlad prit les devants et, sautant de dalles en dalles, parvint à rallier l’autre extrémité de la pièce. Alors que les autres progressaient à sa suite, il remarqua que l’éclat des pierres lumineuses murales s’intensifiait, comme pour lui, à l’approche de Lina et Garet. En revanche, la présence de Thélos ne suscitait aucune réaction de la part des gemmes. Elle ne réagisse qu’en présence de mystiques, comprit le garçon. Sans nous, le temple serait plongé dans le noir. Ce qui signifiait également que le savant n’aurait jamais pu visiter le temple en leur absence… Le garçon n’aimait pas être manipulé mais il appréciait trop Thélos pour lui en vouloir réellement. Aussi garda-t-il le silence tandis que ses amis le rejoignaient.

Quand ils furent tous réunis, ils poursuivirent leur route dans un interminable couloir au sol bleu et aux murs de couleur sable. Sur les côtés, les pierres lumineuses diffusaient désormais une couleur bleutée tandis que des motifs aquatiques agrémentaient les dalles sous leurs pieds. Tandis que Thélos s’extasiait à haute-voix sur la beauté de l’architecture, Vlad remarqua plusieurs hauts-reliefs représentant des têtes de taureaux.

− Ah ! Ça ! s’exclama Thélos quand il lui en fit la remarque. Il s’agit probablement de références au minotaure. C’est une vieille créature mythologique qui garde les labyrinthes. Vous avez vu la précision de la sculpture, d’ailleurs ? L’artiste qui a fait ça devait…

Le savant continua son monologue et ne parut pas percevoir le malaise que sa réponse avait généré chez son élève. C’est endroit n’a rien d’un labyrinthe. Pourquoi avoir placé ces sculptures ici ?se demandait à juste titre le garçon.

 Il s’interrogeait encore quand ils atteignirent une nouvelle salle occupée par un bassin dallé. Cette fois, l’éclairage était assuré par de petites sphères lumineuses qui flottaient dans des niches murales. De l’autre côté du bassin, ils trouvèrent un petit couloir qui prolongeait la pièce. Son sol était en partie couvert de mousse fluorescente et ils manquèrent de tomber à plusieurs reprises sur le sol humide.

− La salle suivante n’est plus très loin, voulut les rassurer Thélos après s’être raccroché de justesse au mur.

Mais quand ils atteignirent l’extrémité du couloir, ils ne trouvèrent qu’un mur et une nouvelle sculpture de minotaure.

− C’est un cul de sac, remarqua Lina.

− Je ne comprends pas, murmura Thélos, déconcerté. Il y a toujours eu un passage ici. Je me souviens parfaitement de la salle suivante. Et d’où peut bien sortir cette sculpture ?

Tandis que le scientifique réfléchissait, Vlad observa attentivement la tête sculptée et  remarqua une pierre précieuse enchâssée dans l’orbite gauche. L’orbite droite, quant à elle, était vide. Il ouvrit la bouche pour en faire la remarque mais une voix l’interrompit :

 − Regardez ce que je viens de trouver ! s’exclama Garet dans son dos.

Le grand gaillard brandissait une gemme blanche similaire à celle de la sculpture.

− C’était dans la mousse. J’ai failli tomber en trébuchant dessus. Vous croyez que ça vaut combien ?

− Garet ! protesta Lina.

Avec un sourire, Vlad prit le joyau des mains de son ami et l’inséra dans l’emplacement qui lui était réservé. Il y eut un clic puis le mur coulissa lentement, révélant l’accès à la pièce suivante.

− Mais oui, bien sûr, murmura Thélos. Bien joué, Vlad !

− Quoi ? Mais c’est moi qui aie trouvé la gemme ! protesta Garet.

− Et bien… oui… évidemment. Merci à toi aussi, tenta de se rattraper le savant.

Vlad vit Lina pouffer discrètement devant la confusion du savant et ne put retenir un sourire devant l’indignation de son ami.

Ils franchirent le passage secret et ils trouvèrent un sol en damier composé d’énormes dalles de  marbre violettes et grises. D’imposantes statues de samouraïs ornaient les murs de la salle, épées en main. Les sculptures étaient bien plus grossières que celles qu’ils avaient rencontrées sur le parvis, mais contrairement à ces dernières, elles semblaient représenter des humains normaux.

Thélos parut soudain soucieux et arpenta la pièce avec un air ennuyé.

− Qu’y a-t-il Thélos ? demanda Garet.

− Et bien, regarder autour de vous ! C’est un cul de sac…

Le savant avait raison : aucune issue n’était en vue. C’est bizarre, pensa Vlad. A l’extérieur, il avait pourtant eu le sentiment que la structure était bâtie sur plusieurs niveaux.

− Vous en êtes- sûr ? demanda Lina.

Le savant acquiesça.

− Je suis venu à de nombreuses reprises avec les anciens et jamais nous n’avons dépassé cet endroit. Je les ai interrogés bien sûr, mais ils m’ont toujours assuré que le temple s’arrêtait ici.

Il se mit alors à arpenter la salle d’un pas agacé.

− J’ai toujours trouvé cet endroit bizarre, poursuivit-il. Le temple de Sol a été construit en hommage au soleil, et pourtant, à part la façade, il n’y a aucune référence à cet astre dans le bâtiment. Jamais je n’aurai pensé que les choses seraient ainsi avant d’entrer…

− Où voulez-vous en venir ? demanda Lina qui préférait que les gens aillent droit au but.

Le savant se tourna vers elle.

− Ces deux-là, Salamandar et Phoenixia, ils m’ont dit qu’il y avait un passage secret dans cette pièce. Et après ce qui nous est arrivé avec le minotaure, je commence à croire qu’ils ont raison. J’ai toujours trouvé cette pièce étrange à dire vrai… S’il y avait un passage secret ici, peut-être qu’il mènerait à…

Il s’interrompit soudain, comme s’il en avait trop dit et se retourna.

− Bien, je crois que nous devrions le trouver, dit-il d’une voix ferme en commençant à sonder les murs.

Bon sang, Thélos ! Qu’est-ce que vous nous cachez ???

− Tu crois qu’on devrait l’aider Vlad ? demanda Garet à voix basse.

Visiblement son ami roux commençait aussi à s’interroger sur l’étrange comportement  de leur professeur. Lina se rapprocha d’eux. Elle semblait les avoir entendus.

− On ne peut pas le laisser seul, fit-elle remarquer. Ses pierres ne s’éclairent qu’en notre présence. Sans nous, Thélos sera plongé dans le noir ! Et puis, j’ai l’impression qu’il nous cache quelque chose… Il vaut sans doute mieux qu’on reste avec lui pour le surveiller.

Vlad jeta un regard en coin au savant qui examinait frénétiquement les murs. Elle avait probablement raison… Nous étions censés venir ici pour nous assurer que ces deux étrangers n’étaient pas une menace pour le temple. Mais si ça continue, il va falloir qu’on le protège de Thélos…

− Vlad ! Viens par ici ! s’exclama soudain Thélos surexcité.

Il s’était collé à une statue, non loin de là et souriait de toutes ses dents.

Le garçon soupira et s’exécuta, suivi de ses amis.

− Ecoute ça ! le pressa le savant.

Dans un premier temps, Vlad, n’entendit rien. Puis, il parvint à distinguer une vague murmure. Soupçonneux, il s’avança un peu plus et sentit un filet d’air sur son visage. Ils avaient trouvé leur passage secret. Le garçon se concentra et déplaça la sculpture avec sa psynergie, révélant un escalier dissimulé.

− Formidable ! s’exclama Thélos en s’engouffrant à vive allure dans le passage.

Les adolescents échangèrent un regard impuissant avant de le suivre. De fait, ils ne mirent pas longtemps à rattraper le savant ; l’escalier était interminable et le vieil homme ne pouvait tout simplement pas maintenir ce rythme très longtemps.

Quand ils atteignirent le premier étage, ils comprirent enfin la raison pour laquelle le bâtiment était rempli de minotaures ; le niveau était constitué d’un ensemble de couloirs similaires qui ne cessaient de s’entrecroiser et dans lequel le petit groupe eut bien du mal à se retrouver. Heureusement, Thélos gardaient toujours toutes sortes de choses utiles dans ses poches et eu l’idée de marquer les murs à la craie afin qu’ils puissent retrouver leur chemin.

Ce fut également au premier niveau que le groupe aperçut ses premiers monstres : des chauves-souris surdimensionnées et quelques vermines un peu trop grosses au goût de Lina. La jeune fille trouva rapidement une solution au problème en projetant des boules de feu chaque fois qu’elle apercevait une créature ; au bout d’un certain temps, les monstres parurent se résigner et le groupe put progresser à nouveau sans être inquiété.

Après une éternité, ils trouvèrent enfin une issue au dédale et débouchèrent dans une petite salle longitudinale en partie occupée par un nouveau bassin. Ce dernier s’étendait sur toute la longueur de la pièce, séparant l’entrée du mur du fond et de ses statues. L’endroit ne comportait en apparence aucune autre issue que le labyrinthe mais aucun d’entre eux ne fut dupe. En s’approchant autant que possible du bord, Vlad et Garet utilisèrent leurs psynergies pour déplacer méthodiquement les statues qui ornaient le mur du fond. Pendant ce temps, Lina engageait la conversation avec le savant.

− Dites-moi, Thélos, dit-elle. Pourquoi est-ce que je ne peux pas déplacer les objets avec ma psynergie  comme les garçons?

− Et bien, j’imagine que ce genre de pouvoir dépend du type de mystique…

− Mais Vlad et Garet ne maîtrisent pas le même élément, fit-elle remarquer, et pourtant ils partagent ce pouvoir.

− C’est vrai, mais la classification des mystiques ne se limitent pas simplement à l’élément qu’ils maîtrisent. D’après mes observations, deux mystiques d’un même élément peuvent avoir des pouvoirs totalement différents en fonction de leurs origines. Certaines capacités peuvent être acquises par apprentissage ou grâce à de vielles reliques, bien sûr, mais la plupart sont héréditaires. Cependant, tout comme certaines caractéristiques physiques diffèrent au sein d’une même famille, les psynergies peuvent varier d’un individu à l’autre, un peu comme la couleur des cheveux, par exemple. Si je me souviens bien, ton frère était un mystique de Vénus comme ton père, non ?

− Oui… Il l’était…

Le savant dut réaliser sa bourde car un silence de mort s’ensuivit.

Après quelques minutes d’efforts, Vlad trouva un escalier à l’extrémité de la pièce, derrière une statue massive. Heureusement, le bassin n’était pas très large à cet endroit et on pouvait aisément atteindre le passage en sautant. Il appela le reste du groupe et s’élança en premier, prêt à recevoir les autres.

− Je suis trop vieux pour ces bêtises, marmonna Thélos après avoir glissé sur le bord et manqué de finir dans le bassin.

Vlad retint un sourire tandis que le savant franchissait d’un bond l’obstacle. Il est plus en forme qu’il n’y parait, mine de rien. Mais quand il vit la mine sombre de Lina son sourire disparu.

Une fois que Garet les eut rejoints, ils montèrent l’escalier et trouvèrent un nouveau labyrinthe.

− Ça ne finira donc jamais ? lâcha le roux, exaspéré.

Mais ils réalisèrent bien vite que ce nouveau dédale n’était pas leur seul souci. Au bout de quelques minutes, ils entendirent des lamentations, à la limite de la zone lumineuse que créaient les sphères murales.

− Qu’est-ce que c’est ? demanda Lina, inquiète.

Ils s’arrêtèrent et les lamentations se turent instantanément. Puis, alors qu’ils reprenaient leur route, elles reprirent de plus bel.

− Bon sang !

Garet envoya une boule de feu dans les ténèbres révélant ainsi une dizaine de formes spectrales qui les fixaient de leurs yeux avides. Le visage de Lina perdit soudain toutes ses couleurs.

− Qu’est-ce que c’est, Thélos ?

Mais le savant secoua la tête visiblement aussi effrayé qu’eux.

− Garet, dit rapidement Lina, s’ils s’approchent, on génère un mur de flammes ensemble. D’accord ?

Le gaillard hocha la tête, sans pouvoir quitter les ténèbres des yeux.

Ils se remirent en route, avançant avec prudence, scrutant les ténèbres et tentant en vain d’ignorer les cris des spectres. Le dédale était plus complexe que le précédent et ils tombèrent un nombre incalculable de fois sur des culs-de-sac, ce qui eut le don d’augmenter leur angoisse. Heureusement, Garet et Lina n’eurent recours aux flammes qu’à quelques rares occasions, quand la lumière faiblissait trop, permettant aux spectres de se rapprocher. Vlad savait cependant combien cette forme de psynergie puisait dans leurs forces. Ils ne tiendront pas éternellement. Si ça continue, on va devoir faire demi-tour…

Au moment où cette pensée lui traversait l’esprit, une ouverture lumineuse apparut au détour d’un couloir. Imperceptiblement, ils se mirent tous à accélérer.

La salle dans laquelle ils pénétrèrent était profondément différente de celles qu’ils avaient traversées jusqu’à présent. Les murs, tout d’abord, étaient constitués d’un matériau étrange qui faisait penser à du grès mais qui émettait une lueur diffuse. Quant au sol, s’il était majoritairement composé de marbre violet, il comportait également, au centre de la pièce, quatre énormes dalles grises sur lesquelles était gravé un soleil et qui brillaient d’une manière surnaturelle. Quatre statues d’anges portant des orbes lumineuses, entouraient le motif, contribuant également à l’éclairage de la pièce.

− Nous l’avons trouvé ! s’exclama Thélos excité. C’est la marque du soleil ! Le cœur du temple de Sol !

Il se tourna vers eux, un sourire ravi sur les lèvres.

− C’est comme je l’avais imaginé ! Ces étrangers disaient la vérité !

− S’ils disaient vrais alors ce sont des voleurs ! remarqua Lina, qui n’avait pas oublié le but de leur expédition. Il faut prévenir les anciens !

Mais le savant ne fit pas mine de bouger.

− Qu’y a-t-il Thélos ? demanda Garet.

Le savant secoua la tête et leur tourna le dos.

− Nous sommes si près…, murmura-t-il si bas que les adolescents eurent du mal à l’entendre.

− Près de quoi ? demanda Lina, sèchement.

− Nous avons fait tout ce chemin dans le temple… Faire demi-tour et partir maintenant…

Vlad eut soudain un très mauvais pressentiment. Il avait voulu croire que leur professeur les avait poussés à venir par simple curiosité scientifique, lui qui n’avait eu que de rares occasions de pénétrer dans le temple. Mais il était désormais certain que le savant était en fait venu dans un but bien précis…

− Ҫa te pose un problème ? demanda Garet visiblement énervé. Sans vouloir te vexer, Thélos, on a déjà eu du mal à tenir ces monstres à distance tout à l’heure. J’ai pas envie de savoir ce qui se passera quand on arrivera à cours de psynergie.

Vlad vit le savant se raidir.

− Les monstres ne nous suivront pas ici. Il y a bien trop de lumière.

Il disait vrai, à l’instant où ils avaient pénétrés dans la pièce, les lamentations avaient cessé et, en se retournant pour contempler le couloir, Vlad fut incapable de distinguer leur silhouette fantomatique. Ce qu’il remarqua en revanche, et que le savant ne mentionnait pas, c’étaient des formes affaissées dans les coins les moins éclairés de la pièce, des silhouettes qui ressemblaient affreusement à des cadavres… Prudent le garçon préféra ne pas les mentionner pour ne pas faire paniquer les autres.

− Le temple de Sol est la source de l’alchimie, marmonnait Thélos. Ce serait dommage de…

Le reste se perdit dans un marmonnement inintelligible et les adolescents se lancèrent un regard entendu.

− On s’en va, Thélos, lança Lina.

A ces mots, le vieillard se retourna brusquement et, pour la première fois depuis qu’il le connaissait, Vlad put voir la colère déformé son visage.

− Alors vous pouvez tous rentrer au village sans moi ! lança-t-il avec froideur.

Vlad, recula, abasourdi. Mais qu’est-ce qu’il lui prend ?!? Ce ne sont que des ruines ! Maintenant qu’il connait les passages secrets, il pourra revenir avec les anciens !

− Thélos, tu sais bien qu’on ne peut pas te laisser seul…, tenta Lina.

Mais le savant resta de marbre et leur tourna résolument le dos.

− On peut peut-être continuer encore un peu avec lui, finit par suggérer Garet après quelques minutes de vaines tentatives pour raisonner le savant. Il finira bien par se lasser.

Il n’y avait pas grand-chose à faire de toute façon... L’idée de devoir ramener le scientifique de force, ne plaisait pas à Vlad. Il préférait éviter cette solution autant que possible. De toute façon, si nous sommes bien au cœur du temple, il ne doit plus y avoir grand-chose à explorer. 

− Thélos, appela le garçon.

Comme le savant restait immobile, leur tournant toujours le dos, il se rapprocha.

− Promettez de rentrer avec nous si les choses tournent mal.

Thélos daigna enfin se retourner.

− Alors vous acceptez de m’aider ?

Vlad acquiesça.

− Merci ! Vous ne le regretterez pas ! Je vous le promets !

Comme Vlad le fixait avec insistance, il finit par ajouter, non sans réticence :

− Très bien, nous ferons demi-tour si ça devient trop dangereux...

Le scientifique se dirigea alors vers une ouverture sur la gauche, suivi des adolescents. Celle-ci s’ouvrait sur une salle similaire à celle qu’ils venaient de quitter mais dont le motif central était un croissant de lune. Le dessin ainsi que les globes lumineux portés par les statues diffusaient une lueur foncée qui éclairait à peine l’endroit.

− Qu’est-ce que c’est que cette pièce ? demanda Thélos, stupéfait en se précipitant vers le centre de la pièce.

Il contempla le motif central, intéressé.

− Une représentation de Luna… Cette pièce symbolise la nuit…

Il se tourna vers les adolescents.

− Ces deux pièces sont certainement liées ! Je suis sûr qu’elles doivent renfermer un secret. Mais lequel…

Il parut réfléchir un moment puis demanda :

− Vous voulez bien  aller voir au-dessus ?

Se faisant, il désigna un escalier dérobé au bout de la pièce.

− Mais Thélos…, protesta Lina.

− Ne vous inquiétez pas pour moi. Je vous l’ai dit : les monstres ne s’approchent pas de ces pièces. Dites-moi si vous trouvez quelque chose.

Vlad hésita mais en se retournant, il remarqua que la salle de Sol était toujours aussi lumineuse, même après qu’ils l’aient quitté. Visiblement son éclairage ne dépendait pas de la présence des mystiques ; le savant serait donc à l’abri des spectres même sans eux.

Tandis que Thélos déambulait dans la pièce, plongé dans ses pensées, il fit signe à ses amis de le suivre vers l’escalier. A l’étage, ils trouvèrent une salle de dimensions identiques à la précédente et qui abritait un motif lunaire similaire. Contrairement à la pièce inférieure cependant, la gravure était entourée d’un petit bassin d’eau claire et les statues d’anges semblaient bien plus éloignées des dalles de pierre.

La différence majeure était cependant toute autre…

− Regardez où on est ! s’exclama Lina émerveillée.

Au fond de la salle, le mur laissait place à de vastes ouvertures qui donnaient sur le vide. Après tout ce temps sous terre, les trois adolescents se précipitèrent vers elles pour  profiter de l’air et admirer la vue. Ils étaient à plusieurs centaines de mètre du sol et de là où ils étaient, ils pouvaient contempler toute la vallée qui séparait le Mont Alpha du reste de la chaîne montagneuse. A intervalles réguliers, des nuages passaient devant les ouvertures, obstruant la vue mais apportant leur lot de fraîcheur.

− Nous devrions peut-être reprendre nos recherche, finit par suggérer Vlad après une éternité.

Les autres acquiescèrent et, avec un soupir, s’arrachèrent à la vue pour explorer la pièce.

En longeant les murs, Vlad aperçut une ouverture sur la droite qui débouchait sur une autre salle similaire. Son motif central représentait cependant un soleil et ses statues étaient agencées différemment. L’une d’entre elles, plus imposantes que toutes celles qu’il avait vu jusqu’à présent représentait un ange soulevant un bouclier de pierre. En contempla la salle, le garçon réalisa soudain que les deux pièces du niveau avaient exactement les mêmes dimensions que les salles inférieures de Sol et de Luna et qu’elles se situaient précisément au dessus de ces dernières.

Il se tournait vers les autres pour en faire la remarque quand ses yeux tombèrent sur un étrange motif mural entre les deux salles. Le bas-relief représentait une montagne surmontée d’une gemme dorée et entourée de quatre tours bleue, verte, violette et rouge. Au dessus des tours trônaient des pierres précieuses rondes de la même couleur qu’elles et d’où des rayons semblaient partir en direction de la montagne. Qu’est-ce que ça peut bien signifier ?

Des éclats de voix le tirèrent de sa réflexion. En se retournant, il vit Lina se diriger vers lui à grandes enjambées, visiblement énervée.

− Lina, s’il-te-plaît ! appela Garet en essayant de la rattraper.

Elle se retourna vers le gaillard et sortit d’un ton acide :

− Je t’ai déjà dit que je ne voulais pas en parler. Si tu es trop idiot pour continuer, débrouilles-toi tout seul !

Et sur ces mots, elle poursuivit sa route vers la seconde salle en fulminant. Vlad lança un regard interrogateur à son ami.

− C’est… C’est à cause de cette gravure là-bas, tenta de se justifier le garçon. Elle représente le Mont Alpha… Tu sais, quand il y avait encore le rocher... Du coup ça m’a fait pensé à la tempête et...

Il ne termina pas sa phrase, visiblement accablé. Si seulement tu réfléchissais avant de parler…  ne put s’empêcher de penser Vlad.

− Je vais lui parler, soupira le garçon. Toi, continue à chercher.

Garet le remercia, visiblement soulagé que son ami prenne les choses en main.

Vlad trouva Lina près de la cinquième statue, entre les colonnades. Elle s’était installée au bord du vide et contemplait la vallée, pâle et les yeux perdus dans le vague. Comme quand elle regarde la rivière…

Il s’installa à proximité d’elle sans un mot et l’imita.

Après une éternité, elle finit par rompre le silence :

− Garet est un imbécile.

Il resta prudemment silencieux.

− Ce matin, quand je suis allé le chercher, on a un peu parlé de son entraînement, poursuivit la jeune fille.

Elle leva les yeux vers le ciel et tenta en vain de prendre une posture décontractée.

− Il m’a reparlé de ce qui s’est passé il y a trois ans et j’ai vu dans son regard qu’il s’en voulait encore de ne pas avoir sauvé mon frère… Mais ni mes parents ni mon frère ne reviendront.

Elle se tourna finalement vers Vlad.

− Je veux juste oublier ce jour. Si seulement tout le monde pouvait faire pareil…

Vlad ferma les yeux. Oublier ce jour, oui. Mais comment ? Lui qui avait assisté à la mort de son père savait combien il était dur de passer à autre chose. Il avait eu beau essayer de ne plus y penser, sans cesse les souvenirs revenaient, l’asseyant jusque dans ces rêves. Il avait fini par se résigner à vivre avec. Mais pour Lina, les choses étaient différentes. Ce jour-là, elle n’avait pas perdu que son père,  mais toute sa famille.

− On ne peut pas oublier. On ne doit pas.

Sa propre voix le surpris. Il ne s’était pas attendu à dire ça tout haut.

Il commença alors à parler, encore et encore. Un flot continu de paroles accumulées depuis près de trois ans se libéra brutalement, le submergeant. Il raconta la souffrance qui l’avait assaillit après la mort de son père, mais aussi celle qu’il avait dû supporter chaque jour dans le regard de sa mère. Il parla de la lutte qu’il avait dû mener contre leurs deux chagrins pour remonter la pente, de la culpabilité qui le tenaillait sans cesse et qui l’avait poussé à s’entraîner, comme si cela pouvait changer quelque chose. Puis il raconta comment cette culpabilité s’était transformée en une certitude : celle que le passé ne pouvait être effacé, mais qu’en devenant plus fort, il pourrait peut-être empêcher une nouvelle tragédie de se reproduire. De la souffrance issue du passé, il avait tiré une force pour l’avenir, pour avancer et honorer la mémoire de son père. Et cette certitude, cette force, qui était devenue sa ligne de conduite et qui lui avait permis de vivre une vie normale, avait d’une certaine façon aussi aidé sa mère à passer le cap. Sans elle, il ne serait probablement jamais venu ce jour-là, au Mont Alpha, terrorisé à l’idée de perdre quelqu’un d’autre.

Quand enfin le flot de paroles se tarit, Lina détourna le regard et ils restèrent encore un moment silencieux, assis au bord du vide, à contempler l’ombre des nuages sur la plaine en contrebas.

− Tu sais, c’est la première fois en trois ans que je t’entends parler aussi longtemps, finit par déclarer Lina avec un petit sourire gêné.

Vlad sentit le sang lui monter aux joues et détourna le regard.

− C’est parce que je ne trouve pas grand-chose à dire.

− Ou bien c’est parce que tu es plus sage que nous…

Il l’entendit se lever à ses côtés.

− En tout cas, merci d’avoir fait un petit effort pour moi, dit-elle doucement.

Il se leva à son tour et lui fit face. Leurs yeux se croisèrent et, pendant un instant, une étrange chaleur envahit Vlad tandis qu’elle lui souriait.

− Hé ! Je crois que j’ai trouvé quelque chose ! cria Garet derrière eux.

Garet… abruti…

Avec un soupir, il rompit le contact visuel et se dirigea vers l’autre salle, suivie de son amie.

− Regardez ça ! leur lança le rouquin en les voyant pénétrer dans la salle. On dirait un interrupteur !

 Vlad se rapprocha. La dalle qu’il désignait, placée au bord du bassin, était légèrement sous-élevée et, quand Garet monta dessus, elle parut coulisser sous son poids comme pour enclencher quelque mécanisme. Vlad jeta un coup d’œil aux alentours et remarqua trois autres dalles similaires toutes placées à un coin du bassin. Etrangement, il ne put s’empêcher de remarquer une similitude entre leur disposition et celle des tours sur le bas relief qu’il avait examiné un peu plus tôt…  

Mal à l’aise, Vlad leva les yeux et aperçut la gravure qu’avait mentionnée Garet après sa dispute avec Lina. Instinctivement, le garçon s’en approcha. Comme l’avait dit son ami, la gravure représentait le mont Alpha tel qu’il était avant la chute du rocher mais entouré de nuages et d’éclairs. Cependant, en examinant la sculpture de plus près, Vlad réalisa que ce n’était pas un rocher qui surplombait le pic, mais une lune qui semblait se superposer à l’image d’un soleil. Il fit un pas en arrière et son sang se glaça quand en baissant les yeux, il remarqua de minuscules motifs de crânes au bas de la gravure.

− Ton poids n’a pas l’air de suffire, Garet, remarquait Lina derrière lui. Essayons tous les deux.

Ce n’est rien, tenta de se convaincre Vlad en s’éloignant de la gravure. C’est juste une image, rien de plus.

A ce moment, un éclat métallique attira son attention au coin de la pièce. Il hésita quelques instants puis se dirigea vers lui.

− On devrait peut-être pousser l’une de ces statues, disait Garet derrière lui.

Le reflet qu’il avait aperçu venait d’une vieille pièce d’armure vide et couverte de poussière qui avait dû être abandonné bien des années auparavant. Elle était étrangement taillée, comme pour laisser les bras de son porteur exposé. Tout autour le sol était recouvert d’une étrange poudre noire, comme si quelque chose avait brûlé.

− Tu as raison, utilise ta psynergie, acquiesçait Lina pendant ce temps.

Vlad se baissa et passa machinalement sa main sur le métal pour enlever la poussière de l’armure. Quand son bras se retira, dévoilant l’emblème familier gravé sur le métal, il fut soudain prit de vertiges et une foule de sensations mêlées de souvenirs lui revinrent soudain. « Nous sommes les seuls survivants » murmurait la voix Salamandar. « Cet interrupteur. C’était un piège » disait la voix de Phoenixia, affligée.

− GARET ! NON ! cria Vlad en se retournant violemment.

Trop tard. Avec un clic sonore, la dalle disparu dans le sol écrasé par le poids d’une statue. Un rayon parti de la sphère que tenait la sculpture et vint frapper l’une des dalles qui constituaient le motif lunaire ; l’instant d’après, celle-ci se retournait et laissait apparaître un des quatre fragments qui composaient Sol.

Puis l’enfer se déchaîna. Des claquements et des grincements de fin du monde retentirent puis un vent violent traversa la salle et des éclairs d’énergie commencèrent à traverser la pièce de toutes parts rebondissant d’un mur à l’autre. L’un d’entre eux frôla la cape de Vlad, et la désintégra en partie. Garet et Luna se réfugièrent près du mur terrorisés tandis que le garçon se précipitait vers le bassin, projetant sa psynergie pour frapper la statue. Pendant quelques fractions de secondes, il crut avoir échoué, puis la sculpture s’écroula dans l’eau et l’interrupteur reprit sa position initiale. Aussitôt les éclairs s’interrompirent et les claquements cessèrent. Avec un crissement, la dalle au centre de la pièce se retourna à nouveau, reconstituant le motif lunaire.

Ils restèrent un bon moment immobiles, encore trop choqués pour parler.

− Qu’est-ce qu’il s’est passé ? finit par demander Garet d’une petite voix qui ne lui ressemblait pas.

Vlad ne pouvait détacher ses yeux de l’interrupteur. Dans son esprit, les fragments de souvenirs finissaient d’émerger, reconstituant la discussion qu’il avait surpris trois ans plus tôt.

− Tout le monde va bien ? cria la voix de Thélos derrière eux.

Vlad se retourna pour voir le savant surgir de l’escalier, sa barbe grise légèrement noircie. Pour la première fois depuis leur entrée dans le temple, il semblait inquiet. Il voulut dire quelque chose mais Vlad le devança :

− Vous aviez raison, Thélos, dit le garçon. Salamandar et Phoenixia sont bien venus ici. Il y a trois ans.

 

− Alors c’est ce qu’il s’est passé, murmura Thélos d’une voix funeste quand Vlad leur eut tout raconté.

− Je ne me souviens toujours de rien, dit Garet. Mais ça parait familier…

− Alors, s’est à cause d’eux que mes parents et mon frère sont morts, lâcha Lina avec froideur.

Vlad remarqua non sans inquiétude que des petites flammèches étaient en train d‘apparaitre autour de son bâton de psynergie.

 − Mais pourquoi avoir placé un piège pareil ici ? demanda Garet qui ne cessait de jeter des coups d’œil fréquents à l’interrupteur, comme pour s’assurer qu’il n’allait pas se s’enclencher tout seul.

− Il ne s’agit pas seulement de cette salle, dit sombrement Thélos. Ces rayons ont bien failli me tuer dans la salle de Luna et j’en ai aperçu aussi dans la salle de Sol.

Il jeta un regard circulaire autour d’eux avant d’ajouter.

− Et visiblement, ils ont été conçus pour détruire uniquement les intrus.

En suivant son regard, Vlad remarqua que ni les murs, ni les anges de pierre ne semblaient avoir été endommagés par les arcs d’énergie. Il a raison : c’est bien nous qui étions visés. Avec un frisson, il jeta un coup d’œil à sa cape et au trou béant qui y était apparu Pas étonnant que seul Salamandar et Phoenixia aient survécu. C’est déjà un miracle que nous nous en soyons tous sortis.

Une question cependant le hantait : si ces étrangers avaient originellement déclenché le piège et la tempête, qui avait bien pu déplacer la statue pour le désactiver ? Salamandar et Phoenixia était sortie avant la fin du sinistre, il ne pouvait donc pas s’agir d’eux. Avec un frisson, il songea qu’il y avait peut-être bien plus que le piège, le labyrinthe et les spectres  pour protéger le temple.

− Mais pourquoi tout ça ? demanda Lina irritée. Qu’est-ce que qu’il y a de si important ici, Thélos ?

Le savant détourna le regard mais la jeune fille vint se planter devant lui.

− Ma famille a été détruire à cause de ce temple, Thélos ! Vous me devez des explications.

Le savant serra les dents mais céda :

− Je n’en suis pas sûr, mais je pense que vos ancêtres ont caché les secrets de l’Alchimie ici.

Après un instant de silence général, il finit par ajouter :

− Je n’aime pas dire ça, mais après ce qu’il vient d’arriver, je comprendrais que…

− Quel genre de secrets ? le coupa Vlad.

Le savant parut surpris.

− Je ne sais pas, peut-être des connaissances… Ou bien des choses plus dangereuses…

− Comme… ?

− Comme des reliques très puissantes, lâcha le vieil homme, les plongeant de nouveau dans le silence.

− Alors ils seraient venus pour le pouvoir ? finit par demander Garet.

Le savant grimaça.

− Je n’en suis pas sûr. En tout cas, il y a une chose ici qu’ils veulent récupérer…

Il jeta un coup d’œil à Vlad avant d’ajouter :

− …et ils sont prêts à tout pour ça.

Vlad ferma les yeux, pressé par des sentiments contradictoires. Sa conscience lui enjoignait de faire demi-tour, de prévenir les anciens et de les aider à sceller cet endroit à tout jamais pour que les secrets du temple restent en sécurité et que l’interrupteur ne soit plus jamais activé… Mais maintenant que ses souvenirs étaient revenus, il voulait savoir pourquoi son père était mort. Et s’il devait risquer sa vie pour ça, et bien il était prêt.

− Vous avez une idée d’où se trouvent les reliques ? demanda la voix de Lina.

Vlad rouvrit les yeux et croisa son regard. Il y lut de la colère mais aussi une détermination identique à la sienne.

− Alors, Thélos ? s’impatienta la jeune fille.

Tandis que Garet la regardait, bouche bée, le savant parvint à se ressaisir :

− Et bien, je suppose qu’elles se trouvent dans une salle spéciale, mais pour ce qui est de l’atteindre….

Il commença à arpenter la pièce, songeur, examinant au passage les deux bas-reliefs et les interrupteurs.

− Avant que ses éclairs n’apparaissent, rumina-t-il, l’une des dalles qui composait le motif de Luna a changé : on aurait dit qu’elle était remplacée par une partie du motif de Sol.

− C’est arrivé ici aussi, confirma Garet.

− Les deux salles doivent être connectées, renchérit Lina.

Le scientifique se dirigea vers la pièce adjacente, s’arrêta entre les deux salles et commença à ruminer en examinant chacune des pièces à tour de rôle. Après quelques instants,  il finit par revenir vers eux.

− Mon intuition me dit que ces motifs sont la clé… Il nous faut activer les interrupteurs.

Il leva la main alors qu’ils ouvraient la bouche pour protester.

− Il doit y avoir un moyen de les activer sans déclencher le piège. Peut-être un mécanisme de désamorçage… Je me demande si c’est lié à cette cinquième statue de l’autre côté.

Durant les minutes suivantes, ils inspectèrent minutieusement la seconde salle et finirent par trouver deux autres interrupteurs à proximité de la statue au bouclier.

− C’est sûrement ça ! s’exclama Thélos, excité, quand les adolescents lui firent part de cette découverte. Il faut les activer pour désamorcer le piège !

Vlad et Garet échangèrent un regard puis se mirent en devoir de pousser deux statues pour activer les mécanismes. Prudents, ils bandèrent cependant leur psynergie, prêts à pulvériser les anges de pierres et désamorcer les interrupteurs en cas de danger. Sous le poids des sculptures, les deux interrupteurs s’enfoncèrent et les sphères tenues par les sculptures s’illuminèrent pour frapper le sol à côté du motif solaire. Il y eu un crissement, puis une ouverture ovale apparut brusquement dans le sol. Dès qu’il la vit, Vlad sut que le bouclier tenu par le cinquième ange devait s’encastrer parfaitement dedans.

Il s’approcha de la dernière statue puis se tourna vers ses amis.

− Soyez prêts à courir si nécessaire, dit-il en priant pour que tout se passe bien.

Il vit Lina tressaillir et détourner les yeux tandis que Garet se crispait. Même Thélos, qui affichait pourtant un air confiant, paraissait légèrement tendu. Retenant son souffle Vlad se tourna vers la statue et utilisa ses pouvoirs afin de l’attirer vers le trou. Avec un bruit retentissant, elle glissa dans l’ouverture et Vlad put entendre distinctement un clic sonore.

Pendant quelques instants, ils restèrent tous figés, prêts à subir un nouveau déluge d’éclairs mortels. Mais rien ne se passa.

− Et bien, j’imagine qu’il ne nous reste plus qu’à vérifier que le piège est bien désamorcé, dit Thélos d’une voix où se mêlait soulagement et inquiétude à l’idée d’activer de nouveau le mécanisme qui avait failli tous les tuer.

Les adolescents acquiescèrent en silence puis se dirigèrent vers la première salle. Alors qu’il se rapprochait d’un des interrupteurs, Vlad se demanda si tout ça en valait vraiment le coup finalement. Sa curiosité valait-elle de risquer leurs vies à tous ? En théorie, avec sa psynergie, il serait en mesure de désamorcer l’interrupteur… Mais s’il n’était pas assez rapide… Je dois tenter le coup… Il faut que je sache.

Il activa sa psynergie et poussa une statue sur le dispositif. L’orbe que tenait la sculpture s’illumina comme auparavant et ses rayons furent projeter sur le motif lunaire. Comme précédemment, une dalle se retourna pour laisser apparaitre un fragment du motif de Sol. Attention ! C’est maintenant ! Vlad banda sa volonté, prêt à frapper la pierre… Pendant une terrible seconde d’angoisse, il crut que les éclairs allaient s’abattre à nouveau. Puis il réalisa que rien ne se passait et qu’ils étaient tous indemnes.

− On a réussi ! Beau travail, Vlad ! s’exclama Thélos.

Ils s’accordèrent quelques minutes de répit pour évacuer la tension accumulée puis déclenchèrent les deux interrupteurs suivants, transformant peu à peu le symbole de Luna en celui de Sol. Au final, les deux garçons unir leurs psynergies afin de remonter la dernière statue que Vlad avait projeté dans l’eau un peu plus tôt et activer le dernier interrupteur.

A leur grande surprise, quand le symbole de Sol eut enfin remplacé celui de Luna, rien ne se produisit.

− Cette étrange, murmura Thélos en contemplant le motif, ils ont mis un piège ici et c’est tout ce qu’il se passe.

− Venez voir ça ! appela Garet.

Il les emmena dans la deuxième salle où le motif de Sol avait disparu au profit de celui de Luna.

− Les symboles ont aussi dû changer dans les pièces en dessous ! s’exclama Lina.

− Allons voir ! s’exclama Thélos.

Ils se précipitèrent  vers l’escalier.

Comme l’avais supposé Lina, les symboles, ainsi que la lumière avaient été échangés dans les deux pièces du niveau inférieur. L’ancienne salle de Luna s’était considérablement éclaircie tandis que celle de Sol ne contenait plus qu’une lueur diffuse qui rappelait celle du ciel nocturne. Du motif lunaire, qui avait remplacé celui du soleil, partait un rayon lumineux qui frappait le mur en un point précis.

− Vraiment, il doit y avoir quelque chose dans cette pièce, murmura Thélos.

Intrigué, Vlad se rapprocha du rayon et suivit sa trajectoire vers le du mur où il trouva un petit symbole de lune. Quand il le toucha, le rayon se concentra subitement et Vlad recula d’un bond tandis que le mur se mettait à osciller lentement, comme agité par un liquide invisible.

− Ah ha ! Ҫa doit être ça ! s’exclama Thélos. Allons-y !

A ces mots, il fonça sur la paroi et disparut littéralement dans le mur.

− Thélos ! s’exclama Lina.

Sans attendre, Vlad se précipita dans le vortex à sa suite. L’air ondula tout autour de lui et pendant quelques étranges secondes il eut l’impression d’être suspendu dans le vide.

Quand enfin il sentit à nouveau le sol sous ses pieds, il n’était plus dans le temple de Sol.

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