Dollhouse

Chapitre 28 : Elle était restée

9884 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/01/2024 15:12

L’air me manqua, et je lui tournais le dos alors que je partais de la Grande Salle. Il fallait que je sorte de là. Il me fallait de l’air. Il fallait que je respire. Elle avait toujours su. Elle n’avait jamais oublié. Des frissons parcoururent l’intégralité de mon corps alors que je marchais aussi vite que possible hors de la Grande Salle, les pensées s’enchaînant dans mon esprit. Elle s’était mise intégralement nue devant moi, dans les vestiaires de Quidditch, juste après que je lui ai tout raconté, et que je pensais qu’elle avait oublié. 

-       Est-ce que tu es si désespérée que je te touche que ça ? 

-       Oui, avait-elle répondu avec à la fois du désir et de la tristesse dans la voix. 

Et je lui avais donné ce qu’elle voulait. Elle s’était jouée de moi. Elle s’était mise nue devant moi, à me supplier de la toucher, alors qu’elle savait. Ce n’était pas réel. Était-ce simplement une mission ? N’étais-je qu’une porte d’entrée dans le camp de son ennemi ? 

-       C’est ça que tu veux ? 

-       Oui, avait-elle encore répondu alors que son corps nu ondulait contre moi. 

Cela n’avait pas le moindre sens. Elle venait d’apprendre que j’étais un Mangemort, et visiblement elle ne l’avait jamais oublié. Je sortais de la Grande Salle alors que j’hyperventilais, ma respiration se faisant difficile. Elle savait ce que j’étais. Elle savait ce que j’étais, et elle avait fait cela. 

-       Tiens, ton stupide livre, tout ça pour avoir une stupide note aussi médiocre que ta capacité émotionnelle ! 

-       Qu’est-ce que c’est censé signifier ? 

-       Oh, je n’en sais rien Malefoy, si tu es si intelligent que ça peut-être auras-tu fais un lien entre ta prise de distance soudaine avec moi après t’être montré honnête et vulnérable pendant, oh attention, 30 secondes montre en main !

Et elle savait. Tout ce temps, elle savait. Quand elle était venue au bal avec Weasley, elle savait. Quand elle m’avait laissé la toucher au milieu de la Grande Salle alors qu’il était là, elle savait. Ça n’avait pas le moindre sens.

-       Tu veux vraiment jouer à ça, Granger ? Tu veux vraiment que je te touche, malgré Ron ? 

-       Oui. 

Elle m’avait poussé à faire tout cela. Tout le long, elle savait. Et elle m’avait poussé à faire tout cela. Tout avait-il été faux ? Avait-elle tout manipulé pour je ne savais quel objectif ? J’arrivai finalement dans la cour du château, et tentai de prendre une profonde inspiration alors que l’air froid frappait mon visage. Mais les pensées se succédaient en moi sans que je ne puisse les contrôler. Parce que ça n’avait pas le moindre putain de sens. 

-       Qu’est-ce que c’était ? 

-       Dumbledore a dit que c’était la magie de tu-sais-qui. 

-       Comment tu savais ? Quand tu m’as sauté dessus, comment tu savais ?

Elle, elle savait, et elle était quand même venu me demander. Cherchait-elle à m’offrir l’occasion de lui dire à nouveau ? Cherchait-elle à savoir si c’était de mon fait ? Et quand elle m’avait lu ce conte qui était soi-disant son préféré, à propos d’un putain d’elfe tourmenté qui était dans un environnement nocif pour lui. Est-ce que tout avait été calculé ? 

-       C’est juste du sexe. 

-       C’est juste du sexe, avait-elle confirmé la première fois que je lui avais cédé dans sa salle commune. 

Les images s’imposaient à moi en des suites de mots, de sons et d’odeurs que je ne contrôlais pas. Je saisissais mon visage de mes deux mains alors que je me forçais à respirer, tentant de garder contact avec la réalité. Quelle réalité ? Qu’est-ce qui était réel, et qu’est-ce qui ne l’était pas ? 

-       Pour quelle autre raison est-ce que tu me laisserais t’approcher de si près ? 

-       Je ne sais pas, peut-être parce que j’en avais envie. Peut-être que ça avait commencé comme ça, peut-être que je voulais savoir si oui ou non tu étais un Mangemort. Et peut-être que j’ai arrêté de chercher et de faire des rapports. 

J’allais vomir. Je tournais sur moi-même, maintenant fermement ma prise sur ma tête, essayant de ne pas la perdre. En vain. 

-       Est-ce que c’est le cas ? 

-       J’ai dit à Harry que j’étais quasiment sûre que tu n’étais pas un Mangemort, et que je ne continuerai pas de chercher à savoir si c’était le cas puisque j’étais arrivée à mes conclusions. Je ne crois pas que les choses soient aussi simples qu’elles semblent parfois l’être. Tu sais, ajouter de la complexité et rendre les choses plus intéressantes. 

Et elle savait. Elle avait su tout le long. Je l’entendis appeler mon nom dans mon dos, mais je n’étais toujours pas capable de lui faire face et de l’entendre alors que mon esprit me lâchait. 

-       Qu’est-ce qui te rend si certaine que je ne suis pas un Mangemort ? 

-       Je ne le suis pas. 

-       Mais tu as arrêté de chercher la réponse ? 

-       Je ne suis plus aussi intéressée par la réponse que j’ai pu l’être. 

-       Pourquoi ?

-       La complexité.

Cela, au moins, ça avait du sens. Elle avait arrêté de chercher depuis longtemps parce que je lui avais offert la réponse qu’elle voulait sur un putain de plateau d’argent. 

-       Est-ce que tout le monde va bien ? 

-       On a juste séché quelques cours, rien d’incroyable.

-       Est-ce que tu vas bien ? 

L’inquiétude. L’inquiétude constante prenait également sens. Mais sa présence, son besoin que je la touche, cela n’en avait pas le moindre. La façon dont elle était venue apaiser une de mes crises d’angoisse en me racontant des histoires sur sa propre enfance et les premières manifestations de sa magie. Cela n’avait pas le moindre sens. 

-       Il faut que tu restes loin de moi, Granger. Je ne joue pas. Je n’essaye pas de susciter ta curiosité, et je n’essaye pas de te repousser juste parce que j’ai peur de ce que je ressens. Je ne joue pas. Il faut que tu restes loin de moi, parce que moi je n’y arrive pas. S’il-te-plaît, reste loin de moi. 

Et elle ne l’avait pas fait. Parce que tout le long, elle avait su. 

-       Ne prenez pas le risque si ça peut mettre ta mère en danger. Entends juste que s’il y a le moindre risque, je ne veux pas que le prennes, m’avait-elle dit à propos des livres de nécromancie. 

La façon dont elle m’avait répété qu’elle n’avait pas peur de ce qu’il se passait dans ma vie. La façon dont elle avait surveillé la bouteille que nous avions offert à Slughorn. 

-       Qu’est-ce qui ne va pas avec cette bouteille ? Qu’est-ce qu’il y a dans cette bouteille Malefoy ? 

Et elle avait quitté Weasley. Elle savait, et elle avait quitté Weasley. 

-       J’ai peur. J’ai peur de ce que je ressens pour toi. 

-       Je suis désolé. 

-       Ne fait pas ça, ne me repousse pas encore. 

-       Je suis désolé. Je ne peux pas. 

-       Je ne te demande rien. Je ne te demande pas de savoir quoi que ce soit, je ne te demande pas d’être quoi que ce soit, je… je veux juste pouvoir être là, je veux juste pouvoir partager quelques moments avec toi. 

Évidemment qu’elle ne voulait pas savoir quoi que ce soit, elle savait déjà. Mais que voulait-elle de moi ? Pourquoi ne m’avait-elle pas dit qu’elle se souvenait, pendant tout ce temps ? Était-ce un plan ? 

-       Je suis un problème qui a des problèmes Granger, et il est putain de temps que tu le comprennes. Pour quelqu’un de brillant t’es bien lente à l’intégrer, je ne sais pas combien de fois je vais devoir te le répéter. 

-       Et je ne sais pas combien de fois je vais devoir te répéter que ça ne me fait pas peur. 

Est-ce que c’était cela, la simple réponse à tout cela ? 

-       Je n’ai pas peur Malefoy…

Je laissai mes bras retomber le long de mon corps, et me retournai pour lui faire face, la bouche entre-ouverte alors que je me concentrai pour respirer convenablement, mes yeux mouillés de larmes. J’étais démuni. Totalement interdit. Elle s’était jouée de moi. Et elle détenait entre ses mains les vies des personnes qui comptaient le plus au monde pour moi. Ses yeux étaient également mouillés de larmes. Cette fois, elle avait peur. Je pouvais le voir très clairement sur son visage. 

-       Comment ? demandai-je alors que je fus finalement capable de prononcer un mot. 

Elle passa doucement la langue sur ses lèvres alors que ses yeux inquiets ne lâchaient pas les miens. Elle resta à distance respectable de moi, me laissant l’espace dont j’avais absolument besoin. Je ne savais plus quel genre de femme se tenait devant moi. Elle prit une faible inspiration avant de commencer à voix très basse, faisant attention à chaque mot qu’elle employait : 

-       Quand…, quand vous êtes partis ce soir-là, j’ai compris. Je…, j’ai d’abord pris peur mais je…, je me suis rappelé t’avoir croisé dans la Tour d’Astronomie alors que tu n’arrivais pas à dormir, et j’avais vu l’état dans lequel tu étais. Je me suis rappelé les choses que tu disais, que tu avais des démons qui t’empêchaient de dormir. Je me suis rappelé ce que je voyais sur ton visage, je me suis rappelé la peur que j’avais vu en toi quand tu as eu peur pour Theodore, et ta terreur quand tu m’en as parlé plus tard ce soir-là. Quand… quand tu m’as dit qu’il t’avait déjà tellement pris, Voldemort, et que tu avais peur qu’il te le prenne lui aussi. Et je…, je me suis rappelé la façon dont tous tes amis t’avaient défendu, quand Harry t’avait accusé d’en être un, et je me suis rappelé les larmes qu’il y avait eu dans les yeux de Pansy quand elle lui avait hurlé qu’il ne savait pas de quoi il parlait. Et je savais…, je savais que tu n’étais pas quelqu’un de mauvais, chuchota-t-elle alors qu’elle pleurait. Alors, quand vous êtes partis si soudainement et que j’ai compris, j’ai décidé d’attendre, parce que je…, j’avais peur que vous ne reveniez pas. Que tu ne reviennes pas. Je voulais…, je voulais être sûre que vous reviendriez, et que vous seriez en vie. Et je savais que tu comprendrais que je savais, quand tu m’aurais découverte dans votre salle commune à votre retour, et je…, je me doutais que tu ne me laisserais pas ce souvenir, pourquoi l’aurais-tu fait ? Tu n’avais aucune raison de me faire confiance. Mais moi, je te faisais déjà confiance, chuchota-t-elle alors que les larmes ruisselaient sur ses joues, emportant avec elles le maquillage qu’elle portait pour le bal. Alors je…, j’ai fait un contre-sort sur mon esprit pour l’immuniser pendant que vous étiez partis, et j’ai attendu. Je n’ai…, je n’ai jamais rien oublié Drago, murmura-t-elle finalement. 

-       Ne m’appelle pas comme ça, tranchai-je d’une voix à peine audible alors que je pleurai. 

Pas alors qu’elle m’avait fait ça. Pas alors qu’elle m’avait menti, tout ce temps. Pas alors qu’elle détenait leurs vies entre ses mains, et qu’elle ne m’avait rien dit. Pas alors que je ne savais plus qui elle était, ni ce qu’elle me voulait. 

-       Je suis tellement désolée, chuchota-t-elle alors qu’elle pleurait de plus belle, je… 

-       … Tu comptais me le dire quand ? la coupai-je plus sèchement, mes sourcils se fronçant sur mon front et ma mâchoire se contractant alors que je me coupai d’elle. 

Elle pinça les lèvres sans quitter mes yeux, les larmes ruisselant sur ses joues. Elle était terrifiée. Mon cœur me faisait mal dans mon poitrail. Elle m’avait trahi. Elle. Elle m’avait trahi. 

-       Je ne comptai pas te le dire, chuchota-t-elle alors. 

-       Pourquoi ?

Elle prit une inspiration plus notable, comme si respirer lui devenait difficile, à elle aussi. Elle tourna le visage sur le côté un instant, quittant mes yeux. Mais je ne quittais pas les siens. Je ne savais pas qui elle était. Et elle détenait des informations qui pouvaient conduire à la mort des personnes qui comptaient le plus pour moi. Je ne la lâchai pas des yeux une seule seconde. 

-       Tu as choisi de m’enlever ce souvenir, commença-t-elle doucement, j’avais peur que tu recommences si je te le disais. Je…, je voulais pouvoir être là pour toi, murmura-t-elle alors que de nouvelles larmes dégoulinaient le long de ses joues. Tu m’avais dit toutes ces choses…, tu m’as dit à quel point tu étais seul, à quel point c’était lourd, à quel point tu n’en pouvais plus, que tu…, que tu voulais mourir… et je… je voulais juste pouvoir être là pour toi, sanglota-t-elle alors sans se rapprocher de moi. Je voulais juste que tu ais quelque chose d’autre, à côté de toute cette horreur. 

Une moue de dégoût se dessina sur mon visage, et il me sembla que les larmes qui coulèrent le long de mes joues étaient plus lourdes que jusqu’alors. Lorsque je pus parler, ma voix était tranchante : 

-       Tu me baisais parce que je te faisais pitié ? 

L’expression qui passa sur son visage, la façon dont ces mots la choquaient, la façon dont ils l’inquiétaient, la façon dont ils l’attristaient me donna l’impression qu’elle était sincère quand elle répondit : 

-       Non…, non, pas du tout je…, je le voulais, à chaque fois je le voulais. Mais je…, j’ai simplement utilisé cette porte d’entrée là parce que c’était la seule que tu me laissais, chuchota-t-elle alors. Et je me disais que… je me disais que si c’était la seule chose que je pouvais être pour toi, si ce n’était que comme ça que je pouvais être là pour toi, ça m’allait, pleura-t-elle. Même si je voulais plus, même si je voulais que tu puisses m’en parler, même si je voulais pouvoir t’aider, ce n’était pas grave. Ce n’était pas grave parce que je me disais que pendant un moment, pendant le temps que ça durait, peut-être que tu respirais un peu. Et ça m’allait, répéta-t-elle encore. 

Je fis non de la tête alors que des larmes n’arrêtaient pas de couler de mes yeux. Je ne pouvais pas la croire. Je ne pouvais pas lui faire confiance. Pas après tout cela. Pas avec ce secret-là. 

-       Pendant tout ce temps…, chuchotai-je alors avec dégoût, pendant tout ce temps tu te jouais de moi… 

Elle me regarda avec plus de peine que je ne l’avais jamais vu dans ses yeux. 

-       Tu ne comprends donc pas ? murmura-t-elle tout bas. Je ne t’ai rien dit pendant tout ce temps justement parce que je ne me jouais pas de toi. Parce que j’étais prête à n’avoir accès qu’à une infime partie de ta vie. Qu’à une infime partie de toi. 

Mes mains remontèrent sur mon visage alors que je n’étais même plus capable de savoir quoi penser. Elle avait l’air si sincère. Elle avait encore l’air si douce. Si putain d’inquiète. Mais elle savait depuis tout ce temps. Il était peut-être même déjà trop tard pour mes amis. Pour ma famille. A cause de moi. A cause de ce que j’avais ressenti pour elle. A cause de mes faiblesses et de ce que je lui avais confié. 

-       Tu te rends compte que ça ne me concerne pas que moi ? lâchai-je alors que ma respiration se faisait de plus en plus difficile. On ne parle pas que de ma vie ! m’exclamai-je alors qu’elle ne bronchait pas. 

-       Je sais, chuchota-t-elle en pleurant. 

-       On parle de la vie de ma famille ! m’écriai-je alors que ma voix retentissait dans l’intégralité de la cour du château. 

-       Je sais, répéta-t-elle doucement. 

-       De la vie de ma mère ! 

-       Je sais, murmura-t-elle alors qu’une nouvelle larme dégoulinait sur sa joue. 

-       De la vie de Blaise ! De celle de Pansy ! hurlai-je en me tenant le visage de mes deux mains alors que la panique montait en moi. 

-       Je sais, dit-elle d’une voix si basse qu’elle était presque inaudible. 

-       DE CELLE DE THEO ! hurlai-je alors que ma voix se brisait. 

Ses sourcils se froncèrent plus violemment sur son front alors que la douleur était lisible sur son visage. 

-       Je sais…

-       Tu l’as dit à quelqu’un ? réalisai-je alors. 

-       Non, chuchota-t-elle sans quitter mes yeux. 

-       Dis-moi la vérité, l’implorai-je alors que mon monde s’écroulait. 

-       Je n’en ai parlé à personne, m’assura-t-elle alors qu’elle me semblait sincère. 

Mais elle ne pouvait pas simplement me le sembler. Pas quand leurs vies étaient en jeu. 

-       Je t’en supplie, pleurai-je, dis-le-moi. 

Son visage traduit la douleur qu’elle ressentait alors qu’elle répéta : 

-       Je te le promets, je n’en ai parlé à personne. 

-       PUTAIN C’ÉTAIT QUOI CE BORDEL ?! s’exclama la voix de Pansy alors qu’elle, Theo et Blaise débarquaient violemment dans la cour de l’école. 

Theodore lança un sort pour isoler notre conversation alors qu’ils marchaient vivement vers nous, Pansy la première. Theodore vint se placer à côté de moi alors que Granger les regardaient avec terreur. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Mes amis nous regardèrent tous les deux, tour à tour, et ce fut Pansy qui demanda soudainement d’une voix bien plus basse, mais tout aussi inquiète :

-       Qu’est-ce qui se passe ? 

Je fis un tour sur moi-même, balançant mon visage en arrière alors que je cherchai de l’air. Je ne savais plus quoi penser. Je ne savais plus quoi faire. J’étais complètement et irrémédiablement perdu. 

-       Elle n’a jamais rien oublié, leur appris-je alors que je leur faisais à nouveau face. 

Blaise mit ses propres mains sur son crâne alors qu’il réalisait les implications, et le regard grave de Pansy se posa sur Granger. Theo ne broncha pas. 

-       Est-ce que tu en as parlé à quelqu’un ? demanda-t-elle sèchement, et d’une voix pressante. 

Elle fit non de la tête alors que des larmes continuaient encore de couler sur ses joues. 

-       Non, dit-elle doucement. 

J’étais incapable de penser. J’étais incapable de savoir si oui ou non elle disait la vérité. J’étais incapable de penser clairement, et de savoir quel comportement adopter. 

-       Ne me mens pas, l’avertit Pansy froidement. 

Granger réitéra son geste. 

-       Je n’en ai parlé à personne, je vous le jure, chuchota-t-elle. 

-       Putain, lâcha Blaise qui tenait toujours son visage entre ses deux mains. 

Pansy sonda celle qui se tenait devant nous un instant tandis que je demeurai incapable de quoi que ce soit. Finalement, elle lui demanda sur un ton toujours méfiant :

-       Comment tu as su, pour Dumbledore ? 

-       Je ne savais pas, répondit-elle alors qu’elle continuait de pleurer. Je…, je me doutais qu’il se passait quelque chose, quand je vous ai vus arriver avec la bouteille pour Slughorn, et quand Dr…, quand il a renversé mon verre, se reprit-elle en me regardant. Et puis je… j’ai vu, la façon dont tu me regardais ce soir, chuchota-t-elle à mon intention. 

Je me tenais toujours à bonne distance d’elle, mes mains ancrées sur mes hanches. Je portais mon visage bas, mais mes yeux demeuraient sur elle. Ils cherchaient à comprendre. Ils cherchaient à voir ce que j’avais été incapable de voir jusque-là.

-       Et quand j’ai entendu la baffe que tu avais mise à Nott, continua-t-elle vers Pansy, et qu’ensuite j’ai vu Blaise de l’autre côté de la salle s’écrouler sur le buffet, j’ai compris qu’il se passait quelque chose de grave. Je me suis demandé, qu’est-ce que Voldemort pourrait leur demander qu’il ne puisse pas faire lui-même ? Et je t’ai vu, reprit-elle vers moi, je t’ai vu te tourner vers lui, et j’ai compris. 

Et elle m’avait fait danser, devant tout le monde. Elle m’avait empêché de commettre l’irréparable. Elle m’avait empêché de nous assurer que nous resterions sains et saufs, quand nous rentrerions à Noël. Elle m’avait empêché de nous assurer qu’il ne découvrirait pas son existence dans l’esprit de Theodore. Elle m’avait empêché de nous assurer que nous serions tous en sécurité, quand nous le reverrions. Mon cœur se mit à battre plus fort dans mon poitrail et ma vision se brouilla alors que mon esprit tentait d’assimiler tout ce que cela impliquait. Elle savait. Elle en avait peut-être parlé. Je ne pouvais pas être sûr qu’elle n’ait rien dit à personne. Elle m’avait empêché de tuer Dumbledore. Dans quelques jours, nous allions rentrer. Et nous serions tous menacés. Parce que nous n’avions pas réparé l’armoire à disparaitre. Parce que nous n’avions pas tué Dumbledore. Parce qu’il savait peut-être que l’Ordre savait, si l’Ordre savait. Parce que Theodore n’était pas capable de lui fermer son esprit. L’air ne circulait plus dans mes poumons, et je suffoquais. 

-       Drago, me somma Theo qui remarqua que je ne parvenais plus à respirer. 

Tous leurs regards se tournèrent vers moi alors que j’ouvrais la bouche à la recherche d’un peu d’air, incapable d’en trouver. Parce que je nous avais tous mis en danger. Ils avaient fait ça pour moi. Ils avaient rejoint les rangs pour moi. Ils avaient vendu leurs âmes pour moi. Et je les avais mis en danger, alors que j’avais promis que quoi que je fasse avec Granger, cela n’aurait aucune incidence sur eux. Et j’avais échoué. Je leur avais fait défaut. 

-       Drago, recommença-t-il alors qu’il se positionnait face à moi, ses mains trouvant place sur mes épaules tremblantes. 

Il faisait froid, mais je mourrais de chaud. Elle m’avait trahi. Elle m’avait menti. Tout ce temps, je me torturai pour la tenir loin de moi alors que tout ce que je désirai, c’était elle. Être près d’elle. La voir. L’entendre. La toucher. Lui parler. Et je me torturai. Je me torturai, et je la maintenais aussi loin de moi que je le pouvais. Pour la protéger. Tout ce temps, je culpabilisai. Et je me torturai. Alors qu’elle savait. Tout le long, elle savait. Et elle pleurait. Je la regardai, alors qu’elle se tenait là, face à ma famille qu’elle menaçait. Ses bras croisés sous sa poitrine. Son maquillage qui avait dégouliné des larmes qu’elle pleurait encore. Ses sourcils froncés de la douleur que j’ignorai si elle la feignait ou non. Ses yeux que j’avais trouvés si doux, si chaleureux et apaisants jusqu’alors, rivés sur moi. Qui me regardaient avec la même inquiétude avec laquelle elle me regardait toujours. Comme si elle était innocente. 

-       Regarde-moi, m’ordonna Theo qui raffermit sa prise sur mes épaules. 

Je lui obéis et rencontrai ses grands yeux bleus. Ses grands yeux bleus qui étaient en danger, par ma faute. Parce que j’avais été faible. Parce que j’avais été stupide. Parce que j’avais cru être plus malin qu’elle. J’ouvris la bouche plus grand alors que je suffoquais. Je ne pouvais toujours pas respirer. Qu’avais-je fait ? Que m’avait-elle fait ? 

-       On est en vie, commença doucement Theo alors que je m’accrochai à ses yeux. Narcissa est en vie. Blaise est en vie. Pansy est en vie, énuméra-t-il fermement. Je suis en vie. Accroche-toi au présent Drago, m’ordonna-t-il. Le présent, c’est tout ce qu’on a. Il ne peut pas pénétrer Poudlard, rappela-t-il. On est tous en sécurité dans l’instant présent. 

Dans l’instant présent. Dans quelques jours, nous ne savions pas ce qui allait se produire. Nous ne savions pas ce qui allait se passer. 

-       Elle n’a pas parlé, déclara-t-il avec confiance. Si c’était le cas, Potter ne t’aurait pas attaqué de la sorte, ni Potter, ni le reste de ce qui s’est passé, me rappela-t-il alors. Ils n’auraient pas cherché à savoir, ça n’aurait pas eu le moindre sens, dit-il justement. 

Il avait raison, réalisai-je alors que je ne le lâchai pas des yeux. Weasley n’aurait pas cherché ma Marque de la sorte. Ça n’aurait pas eu le moindre sens. Elle ne m’avait pas menti. Elle n’avait pas parlé. Je ne quittai pas les yeux de Theodore, et soudain, un peu d’air passa dans mes poumons, et je pris une profonde inspiration. 

-       C’est ça, respire, me somma-t-il toujours aussi fermement. 

Il maintint sa prise sur mes épaules et prit une profonde inspiration avec moi, puis il expira, et je l’imitais. Elle n’avait rien dit. Ce que j’avais eu avec elle, ce que nous avions partagé, son aura et la mienne, c’étaient des choses qui ne pouvaient pas mentir. Il inspira une nouvelle fois, et je suivais son exemple. 

-       Respire, chuchota-t-il alors. 

Et je continuai de lui obéir. Et je réalisai. Elle savait. Elle avait toujours su. Elle n’avait rien oublié. Et elle était restée. Et elle avait voulu m’épauler. Peu importait les risques pour elle. Elle n’avait pas eu peur de moi. Elle n’avait pas eu peur de ma famille. Elle n’avait pas eu peur de ma vie. Elle n’avait pas feint ces moments. Elle n’avait pas feint son inquiétude. Elle n’avait pas feint son désir. Elle n’avait pas feint son amour. C’était réel. Plus réel que je ne l’imaginais. Parce qu’elle savait. Parce qu’elle savait qui j’étais. Elle savait ce que j’étais. Et elle était restée. Elle était restée, désespérée de pouvoir m’aider. Désespérée de pouvoir continuer d’être à mes côtés. Alors qu’elle savait. Mes jambes me cédèrent alors que je réalisai. Alors que je réalisai que cette femme-là, celle qu’elle était, celle qui me fascinait, elle me voyait. Elle m’avait toujours vu. Et elle était restée. Alors qu’elle n’aurait pas dû le faire. Alors qu’elle avait toutes les raisons de ne pas le faire. Alors qu’elle connaissait les risques. Je tombais à genoux sur le sol alors que je sanglotais de ces réalisations. Elle savait. Et elle était restée. Theodore m’accompagna dans ma chute, et s’agenouilla face à moi, et ses yeux ne me lâchèrent pas. Pour moi. Elle était restée pour moi. Alors que je ne méritai rien de tout cela. Rien de son inquiétude. Rien de son amour. Alors que j’étais un monstre. Elle était restée. 

-       Elle savait, pleurai-je alors que Theo me prit dans ses bras, enfonçant mon visage dans son épaule. 

Comme s’il n’y avait que lui et moi. Comme si les autres avaient disparu. 

-       Je sais, chuchota-t-il en me tenant fermement contre lui. 

-       Tout le long, elle savait, sanglotai-je contre lui. 

-       Je sais, répéta-t-il en plaçant une main chaude dans ma nuque. 

-       Et elle est restée, m’écroulai-je alors. 

Elle était restée. Pour moi. Elle était restée. Il me serra plus fort contre lui, et je pleurai dans le creux de son épaule. C’était trop. Elle ne voyait pas qu’un monstre. Elle n’était pas dans l’ignorance, toutes les fois où elle m’avait touché. Toutes les fois où elle m’avait embrassé. Quand elle s’était dévoilée à moi, encore et encore. Quand elle s’était abandonnée à moi, encore et encore. C’était réel. Plus encore que je ne l’imaginai. Je renfermai mes bras autour du dos de Theo, et le serrai de toutes mes forces. Toute cette culpabilité que je ressentais, celle de la toucher, celle de la désirer, celle de la mettre en danger à son insu, tout cela me quittait, et mon corps se purgeait. Et il était épuisé, autant que je l’étais moi-même. Parce que c’était trop lourd. Mais elle savait. Je ne lui avais rien fait dont elle n’était pas consciente. Elle avait choisi. En conscience. Elle savait. Et elle était restée. C’était réel. Je relevai le visage vers Theodore et retrouvai le contact de ses yeux alors que je lui demandai, démuni : 

-       Qu’est-ce que je fais maintenant ? 

Il passa une main sur mon visage alors qu’il essuyait mes larmes, et je me perdais dans ses yeux. J’étais perdu. Je ne savais plus. Je ne savais plus rien. J’avais été sur le point de tuer Dumbledore. J’avais appris qu’elle savait. Que c’était vrai. Que c’était réel. Que je n’étais pas un monstre. Que je n’avais pas à porter l’entière responsabilité de là où nous en étions, elle et moi, sur mes épaules. Parce qu’elle savait. Et moi, je ne savais plus rien. 

-       Qu’est-ce que je fais, Theo ? pleurai-je à nouveau alors que je me plongeai dans ses yeux. 

Il m’adressa un sourire tendre, et me répondit à voix basse : 

-       Maintenant, tu peux lui parler. Tu peux lui parler vraiment. 

Il effaça une nouvelle fois les larmes qui avaient coulé sur mes joues tandis que je ne lâchai pas son regard. J’étais perdu. Totalement et complètement perdu. C’était trop. C’était beaucoup trop. Je n’y arrivais plus. Je n’arrivais plus à suivre.

-       Et ensuite, chuchota-t-il, tu décideras ce que tu voudras. Et quoi que tu décides, je te soutiendrais. 

J’acquiesçai en sa direction. Il avait raison. Je pourrais décider. Je savais, moi aussi, désormais. Je savais qu’elle savait. Il me fit prendre trois nouvelles respirations profondes avec lui, puis il me demanda d’une voix toujours aussi basse : 

-       Tu es prêt ? 

J’acquiesçai une nouvelle fois. Nous nous relevions ensemble, et faisions face aux trois autres qui demeuraient présents. Elle pleurait encore. 

-       Je veux lui parler, annonçai-je à mes deux autres amis. 

Ils acquiescèrent gravement, et ils commencèrent à s’en aller sans plus de cérémonie. 

-       Je te verrai demain, lançai-je doucement à Theo qui avait plus tardé à quitter mon côté.

Il me sourit.

-       Et tous les jours d’après, répliqua-t-il tendrement avant de rejoindre les autres. 

Nous nous retrouvions soudainement tous les deux, et un silence pesant s’installa entre nous. Je la regardai, et je me demandai ce que j’allais lui dire. Elle se tenait toujours debout, ses bras croisés sous sa poitrine, par-dessus son imposante robe de bal rouge et or. Les larmes qu’elle pleurait avaient laissé des trainées noires sur ses joues, et pourtant, elle me semblait toujours aussi belle. Pour la première fois depuis longtemps, elle me semblait fragile. Comme si elle était sur le point de se briser. Comme si moi, j’avais le pouvoir de la briser. Je n’avais plus la moindre force. Ça avait été trop. J’avais été sur le point de tuer Dumbledore. J’avais appris qu’elle savait. J’avais beaucoup, beaucoup pleuré. J’étais épuisé. Mais je devais lui parler. Je ne savais pas le moins du monde ce que j’avais à lui dire. Mais je voulais lui parler. Je remarquai les frissons de sa peau sur son décolleté, et pour je ne savais quelle raison, je me sentis attendris. Peut-être était-ce la fatigue. Je lui accordai un faible sourire, mais elle ne broncha pas, ses yeux inquiets rivés sur moi. Je me défis de ma veste de costume, et la lui tendit. Elle continua de me regarder sans bouger. 

-       Ne sois pas ridicule, chuchotai-je alors avec un sourire, tu vas tomber malade. 

Elle ne me rendit pas mon sourire, et ne bougea pas d’un centimètre. Je pris une profonde inspiration, et m’approchai d’elle en silence. Elle me regarda faire. Je m’arrêtai à quelques millimètres de son corps, et déposai lentement ma veste sur ses épaules. Ses grands yeux ambrés ne me quittèrent pas. Je la regardai encore un instant. Ses yeux chaleureux. Sa bouche rouge. Ses joues noircies. Ses longs cheveux piégés sous ma veste. J’approchai une main de son visage et dégageai une mèche de ses cheveux qui tombait sur ses yeux. Elle me regarda faire, là encore. 

-       Viens, murmurai-je en m’enfonçant finalement dans la cour de l’école. 

Elle ne bougea pas. Je me retournai vers elle, et finalement elle demanda d’une voix très basse : 

-       Est-ce que tu vas me faire tout oublier ? 

Je lui souris. 

-       On sait tous les deux que tu découvrirais tout une nouvelle fois. Et ma baguette est dans la veste que tu portes, ajoutai-je en élargissant un peu mon sourire fatigué. 

Elle me sonda un instant, puis elle me suivit dans la cour de l’école plongée dans la nuit. Je pris place sur un banc plus reculé, moins à la vue de tout étudiant qui déciderait potentiellement de sortir prendre l’air, et elle s’assit à côté de moi. Pas trop près, mais pas trop loin non plus. J’expirai de façon audible alors que je tentai de rassembler mes esprits : 

-       Sacré plot twist, hein, dis-je alors avec un faible sourire. 

L’atmosphère était pesante entre nous. Incroyablement pesante. Elle avait peur de ce que j’allais dire, ou encore de ce que j’allais faire, et j’avais peur aussi. Il me semblait qu’une part de moi était incroyablement soulagée qu’elle sache, et qu’elle ait su tout le long. Cette part de moi était soulagée d’une certaine culpabilité qu’elle portait constamment. Et cela signifiait que ce qu’elle ressentait pour moi, elle le ressentait vraiment, parce qu’elle savait qui j’étais. Mais il me semblait qu’une autre part de moi était terrorisée, parce qu’elle savait. Parce que soudainement, tout changeait. Parce que rien ne serait plus comme avant. Parce que notre équilibre avait été brisé, et que je ne savais pas ce que j’allais en faire, de cette information. Parce qu’au fond, je devais quand même la protéger. Et cette incertitude flottait lourdement entre nous. 

-       Décidément, il faut toujours que tu contrôles tout, n’est-ce pas ? tentai-je encore pour essayer de détendre l’atmosphère. 

Elle me regarda gravement. 

-       Ce n’était pas une histoire de contrôle, répliqua-t-elle sérieusement. Je crois même que c’est plutôt une histoire de lâcher prise, chuchota-t-elle sans quitter mes yeux. 

Je pris une inspiration notable. Elle me faisait peur, elle aussi. Elle avait effectivement lâché prise. Elle m’avait l’air prête à être à mes côtés, malgré ce que je traversai. Comme si ce n’était rien. Comme si j’en valais la peine. Je la regardai alors que je lui demandai sur le même ton bas : 

-       Qu’est-ce que c’est, Granger ? Qu’est-ce que c’est que tu vois en moi qui vaut la peine de prendre ces risques ? 

Parce qu’elle les connaissait, les risques. Certes pas aussi clairement que moi, mais elle était loin d’être ignorante. Elle savait ce qu’elle risquait en étant dans ma vie, et même en sachant, elle voulait continuer d’être dans ma vie. Et cela, ça n’avait pas le moindre sens pour moi. Elle était inquiète, je l’avais compris. L’inquiétude qu’elle avait pour moi ne justifiait pas du fait qu’elle se mette en danger pour moi. Elle pensait que je n’étais pas quelqu’un de mauvais, je l’avais compris aussi. Mais cela ne justifiait pas non plus sa prise de risque. Pas une telle prise de risque. Elle brisa le contact de nos regards, et fixa un point face à elle alors qu’elle prit une profonde inspiration, cherchant les bons mots pour répondre à ma question. Moi, je ne la lâchai pas des yeux. 

-       J’ai beaucoup intellectualisé tout ça, moi aussi, dit-elle alors doucement. Alors dans ce sens, je peux te répondre que tu ne mérites rien de ce qui t’arrive, et tes amis non plus. Comme je te l’ai dit ce soir-là, tu n’es pas très différent de moi finalement, chuchota-t-elle en me regardant à nouveau. Toi aussi, tu te bas pour protéger les tiens. Et tu n’es pas responsable de la situation dans laquelle tu es, dans laquelle vous êtes tous, ajouta-t-elle doucement. Et ce n’est pas juste, murmura-t-elle alors qu’une nouvelle larme coula le long de sa joue. Il y a ça, et il y a ce que tu es, dit-elle en quittant mes yeux. Tu es…, tu es quelqu’un de dévoué, quelqu’un de capable de beaucoup d’amour et de loyauté. Quelqu’un de brillant, quelqu’un de drôle. Quelqu’un à qui j’ai pu dire des choses à propos de moi que je n’avais jamais dites à personne, sans que tu me juges. Quelqu’un avec qui je peux débattre pendant des heures parce que tu es cultivé, intelligent et intéressant comme… ne prends pas la grosse tête, ajouta-t-elle avec un très faible sourire, mais comme j’en ai très peu rencontré dans ma vie.

Je pouffai doucement. 

-       Mais tout ça, c’est le côté très intellectualisé de ce qui se passe, chuchota-t-elle en baissant la tête. A côté de ça, il y a tout ce que je ne peux pas expliquer avec des mots. 

Elle tourna les yeux vers moi et me sonda un instant. 

-       Tout ce que tu me fais ressentir, dit-elle avec douceur. La façon dont tu m’énerves quand tu es arrogant, commença-t-elle en fixant le sol une nouvelle fois. La façon dont tu m’impressionnes quand tu m’apprends quelque chose que je ne savais pas. La façon dont tu me rends impuissante quand tu poses tes yeux sur moi. La façon dont tu me rends fébrile quand tu me touches, chuchota-t-elle comme si elle avait peur de ce qu’elle disait. La façon dont mon cœur se brise quand je vois les conséquences qu’ont sur toi les choses que tu traverses. Et la façon dont ce même cœur est au bord de l’explosion quand je te vois sourire, finit-elle en se risquant à rencontrer mes yeux une nouvelle fois. 

Mon propre cœur était serré dans mon poitrail, et mes yeux se mouillaient de larmes. C’était trop réel. Trop. Mais la même vérité s’imposait encore à moi. Je devais la protéger. Je devais la protéger de moi. La protéger de lui. La protéger de ma vie. Elle était trop précieuse pour tout cela. Beaucoup trop précieuse pour prendre de tels risques. 

-       Je suis terrorisée de te perdre Malefoy, chuchota-t-elle alors qu’une larme perlait sur sa joue. Quand je te vois me regarder comme ça, je suis terrorisée que tu m’effaces de ta vie. 

Je posai mes coudes sur mes genoux et saisissais mon visage entre mes deux mains. Je voulais cela. Je la voulais, elle. Je voulais pouvoir lui répondre que je ressentais la même chose pour elle. Que je voulais découvrir où tout cela pouvait mener. Que je voulais passer des heures à discuter avec elle, elle installée contre moi sur le canapé de ma salle commune. Que je voulais me disputer avec elle pendant des jours et des jours sans pouvoir jamais déterminer lequel de nous deux avait raison. Que je voulais qu’elle apprenne à découvrir mes amis, qu’elle apprenne à connaître Theodore. Que je voulais qu’elle se tienne à côté de moi, dans ma salle commune, à la vue de tous. Que je voulais lui tenir la main pour nous rendre en classe. Que je voulais lui faire l’amour tous les soirs avant de la regarder s’endormir contre moi, et chaque matin avant de la regarder redevenir la Hermione Granger que tout Poudlard connaissait. Mais que je ne pouvais pas avoir tout cela. Pas quand le prix de tout cela, c’était sa vie. 

-       Ça ne change rien, chuchotai-je alors entre mes cuisses. Que tu saches, ça ne change rien. 

-       Comment tu peux dire ça ? murmura-t-elle alors que ses larmes étaient audibles dans sa voix. 

Je relevai la tête vers elle. Nous pleurions tous les deux. 

-       Je dois quand même te protéger, dis-je alors qu’une larme coulait sur ma propre joue. 

Elle fit non de la tête alors qu’elle continuait de pleurer, ses sourcils froncés témoignant de la douleur qu’elle ressentait des mots que je lui imposai : 

-       Tu n’as plus besoin de te cacher de moi, commença-t-elle alors que l’angoisse la gagnait, tu n’as plus besoin de me tenir à distance et de me mentir, tu n’as… 

-       … Tu ne te rends pas compte, la coupai-je en un murmure. 

-       Tu sais déjà que je ne dirai rien à personne, continua-t-elle, tu as… tu as la preuve que tu peux me faire confiance, tu sais très bien que je… 

-       … Ça ne change rien, répétai-je alors que je pleurai de plus belle. 

-       Je suis en danger depuis ma première année à Poudlard, depuis que j’ai rencontré Harry et que je l’ai accompagné dans toutes ses batailles contre Voldemort, je… 

-       … Tu ne te rends pas compte, répétai-je alors que mon cœur se brisait en mille morceaux dans mon poitrail. 

Elle était désespérée. Elle énumérait des faits avec des yeux pleins de larmes aussi rapidement qu’elle le pouvait, désespérée alors que je lui brisai le cœur. Et c’était trop dur. Ça faisait trop mal. Mais elle était en danger. Elle était déjà en danger par ma faute. 

-       Si, je me rends compte ! s’exclama-t-elle alors qu’elle ne pouvait s’arrêter de pleurer. 

-       Tu es déjà en danger, lâchai-je alors en baissant le visage. A cause de moi. 

Elle resta silencieuse l’espace de quelques secondes, et je n’eus pas le courage de tourner les yeux vers elle alors que mon cœur me faisait physiquement mal. Finalement, elle demanda doucement : 

-       Pourquoi tu dis ça ? 

Je pris une profonde inspiration, et maintenais mon visage bas quand je répondis alors que mon cœur battait violemment dans mon poitrail : 

-       Theo sait tout, à propos de nous. Il sait…, il sait ce que je ressens pour toi. Et il est incapable de contrôler ses souvenirs avec l’occlumencie. Quand j’ai réalisé, je les ai tous entraînés à bloquer leurs esprits face à un légilimens. Pansy et Blaise sont maintenant parfaitement prêts, et si le Seigneur des Ténèbres décidait d’aller y faire un tour, il n’y trouverait rien de compromettant, lui appris-je doucement. Et ce n’est pas une hypothèse improbable qu’il décide de le faire, que ce soit pendant les vacances de Noël ou plus tard. Mais Theo…, Theo est incapable de le faire. Et s’il pénètre son esprit, il saura tout de toi, lâchai-je en tournant des yeux rouges vers elle. Il saura qui tu es et ce que tu es, et il saura ce qu’on a partagé. Et il te tuera, dans le meilleur des cas, chuchotai-je alors. 

Elle me sonda un instant, sans rien dire. Elle n’avait pas l’air d’avoir peur. Elle n’avait pas l’air d’avoir peur une seule seconde. Elle avait l’air de réfléchir. 

-       Pourquoi est-ce qu’il n’y arrive pas ? demanda-t-elle alors comme si le danger qu’elle encourait n’était pas assez important pour mériter son attention. 

Je laissai mon dos retomber contre le dossier du banc. A ce stade, qu’avais-je à perdre à lui expliquer ? Elle méritait cette vérité, puisqu’elle était en danger à cause de moi. A cause de ça. 

-       C’est compliqué à expliquer, réalisai-je alors. 

-       Je pense que je peux suivre, répliqua-t-elle tandis que je vis clairement sur elle qu’elle avait délaissé l’émotionnel pour se concentrer sur le problème intellectuel que je lui présentai. 

Je soupirai et commençai : 

-       Je t’ai parlé du fait que son père lui avait fait vivre des horreurs quand il était gamin. 

Elle acquiesça, attendant la suite. 

-       Il l’enfermait dans leur cave pendant des jours, sans eau ni nourriture depuis son plus jeune âge, à cause de la couleur de ses yeux qui lui rappelait trop la couleur de ceux de sa mère, qui était morte en lui donnant naissance, expliquai-je alors. Au début, il pleurait, il avait froid, il avait peur, il avait faim, et il hurlait à son père de venir le chercher. Et puis il y a une fois où ça a duré trop longtemps, et où il a failli mourir, dis-je à voix basse alors que mon estomac se nouait. Il fallait qu’il trouve le moyen de s’adapter, parce qu’il savait que ça allait recommencer. Alors il…, c’est difficile à expliquer, il avait fini par réussir à se déconnecter totalement de lui-même. Quand son père le balançait dans leur sous-sol, il s’asseyait, et il attendait, sans bouger. Comme s’il n’était plus vraiment là, dans son esprit. Il se déconnectait totalement de ce qu’il ressentait, que ce soit au niveau physique ou au niveau émotionnel. Comme s’il n’était pas vraiment dans ce sous-sol, en train de mourir de faim, de froid, et de soif. Il…, je ne sais pas comment le dire autrement, il déconnectait sa tête, et il ne ressentait plus rien, c’était comme le néant. Et ça lui permettait de pouvoir supporter ça, à chaque fois. Tu comprends ? lui demandai-je alors. 

Elle acquiesça en ma direction alors que ses sourcils étaient froncés de la peine qu’elle ressentait pour mon frère. 

-       Ma mère essaye de lui apprendre l’occlumencie depuis des années, et j’ai encore essayé tout ce dernier mois, continuai-je alors. Mais à chaque fois qu’il ferme les yeux et doit se concentrer sur son esprit, il disparaît. Comme dans cette cave, il…, il fuit son esprit, et tous ses souvenirs sont libres d’être inspectés. On a essayé en lui parlant, en lui tenant les mains, en se concentrant sur des souvenirs heureux, en visant un souvenir heureux particulier dans lequel il devait rester, mais rien ne fonctionne, achevai-je doucement. Il est…, il est juste quelque part, dans le néant. 

Je tournai les yeux vers elle, démuni. Désormais, elle savait. Elle savait le danger dans lequel je l’avais mise. Elle savait ce qu’elle encourait par ma faute. Elle savait tout. 

-       Tu as été le chercher, cette nuit-là, celle qui a duré trop longtemps, la première fois qu’il a quitté son esprit pour pouvoir survivre ? me demanda-t-elle alors. Est-ce que tu as été le chercher dans ce souvenir-là ? Je veux dire, si c’est à cet instant-là qu’il est entré dans le néant, tu ne crois que c’est là qu’il est, quand il s’en va ? Dans ce néant-là ? 

Je la regardai, incrédule. Non, je n’y avais pas été. Elle le vit sur mon visage puisqu’elle continua : 

-       Au niveau théorique, si c’est à ce moment-là qu’il a quitté son corps et son esprit pour la première fois, et qu’il a pu se déconnecter totalement de lui-même probablement parce qu’il était sur le point de mourir, alors quand il est à nouveau en danger, tu ne crois pas que c’est possible que ce soit là qu’il retourne à son insu, dans ce souvenir-là ? Parce que si c’est le néant qu’il trouve là-dedans, qu’il trouve dans ce souvenir, alors ça a du sens qu’il ne sache pas vraiment où il va, où il est dans ces conditions-là. Comme si…, comme s’il était bloqué dans son passé, emprisonné dans ce sous-sol ? 

Je demeurai interdit un instant, mes yeux analysant la femme brillante qui se tenait devant moi. Non, je n’y avais pas pensé une seule seconde. Mais ce qu’elle disait avait du sens. Si effectivement c’était à cet instant qu’il avait trouvé cette escapade, cette réponse à sa souffrance, alors peut-être qu’il y retournait lorsqu’il en avait besoin. Lorsqu’il était incapable de demeurer dans son esprit. Lorsqu’il fallait qu’il contrôle son esprit. Putain de brillante. J’attrapais vivement sa main et me levai du banc en la tirant derrière-moi. 

-       Viens, lui ordonnai-je alors je l’entrainais avec moi, quelque chose que je n’avais plus ressenti depuis longtemps palpitant à l’intérieur de moi. 

De l’espoir. 


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