Dollhouse

Chapitre 31 : La vulnérable, l'ingrat et le pourri gâté

17183 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/02/2024 20:06

Il ne me semblait pas que qui que ce soit qui n’avait pas connu la douleur de perdre un parent pouvait comprendre réellement la douleur et le désarroi que traversait Blaise. Il y avait bien des sortes de peines, de chagrins, de choses difficiles que l’on pouvait traverser dans une vie. Mais cela, lorsque l’un de nos parents nous était pris sous nos yeux, parce quelqu’un avait décidé de nous laisser le regarder souffrir en demeurant impuissant, et pouvant simplement observer alors que l’on voyait la vie quitter le corps de la personne qui nous l’avait donnée, cela était d’un ordre tout autre. Cette impuissance de ne rien pouvoir faire que de pleurer l’être qui nous était enlevé, cet être qui nous avait élevé, au risque de notre propre vie, et la culpabilité qui s’en suivait, parce qu’effectivement, nous n’avions rien fait. Parce qu’effectivement, une des personnes les plus chères à nos yeux avait besoin de nous, de notre aide, que nous la sauvions, et que nous n’avions pas le droit de le faire, au risque de le payer notre propre vie. Et ensuite, il fallait vivre non seulement avec la mort de ce parent, mais en plus le constat immonde que nous nous étions choisis nous-mêmes, au lieu d’essayer de sauver la personne qui nous avait été enlevée. Cette personne qui nous avait donné la vie. Qui avait fait de nous la personne que nous étions désormais. Et sa mère, cette femme qui avait tout fait pour lui, n’était plus. C’était une dimension particulière du deuil, une dimension que je m’appliquai d’ailleurs à éviter avec acharnement en m’interdisant absolument d’y penser, celle de perdre une des deux personnes qui était censée nous guider dans notre vie. Cette personne à qui nous pouvions toujours demander si nous étions sur le bon chemin. Cette personne qui nous remettait les idées en place lorsqu’il le fallait. Cette personne qui réglait nos problèmes lorsque nous faisions des bêtises, et que ces bêtises avaient des conséquences. Cette personne qui nous préparait un bon repas, quand nous étions tristes. Cette personne qui gérait les choses pour nous quand nous n’étions pas en état de le faire. Cette personne vers qui nous nous tournions, quand nous étions perdus et que nous ne savions plus. Et cette personne, pour Blaise, n’était plus. Il ne pourrait plus jamais demander l’avis de sa mère à propos de ses choix. Il ne pourrait plus jamais entendre les histoires remplies de sagesse et d’expérience qu’elle avait encore à lui raconter, ni toutes les leçons qui lui restaient à lui enseigner. Il ne pourrait plus jamais l’entendre rire à ses blagues alors qu’elle lui servirait un bon repas qu’elle avait cuisiné pour lui. Il ne pourrait plus jamais se tourner vers elle lorsqu’il était perdu, ni retourner auprès d’elle lorsqu’il aurait besoin de se ressourcer. Il était orphelin, désormais. Il n’y avait plus personne au-dessus de lui pour prendre soin de lui. Il n’y avait plus personne qui allait réparer ses bêtises. Plus personne qui s’assurerait qu’il resterait sur le bon chemin. 

Alexa Zabini était beaucoup de choses, et avait souffert de beaucoup de maux dans sa trop courte vie, mais elle était une excellente mère. Elle n’avait pas été parfaite, certes. Elle avait fait son lot d’erreurs et il y avait bien des démons, y compris les siens, dont elle n’avait pu protéger Blaise. Mais elle avait toujours, toujours fait tout ce qu’elle pouvait pour rappeler à son fils qu’il était brillant, qu’il était capable, et qu’il était aimé. Et il me semblait que c’était là le plus important. A la mort de son père, Blaise et Alexa étaient devenus inséparables. Il avait toujours été le petit fils à sa maman et leur relation avait toujours été particulière, mais cela s’était accentué quand il n’y avait plus eu qu’eux deux, et au fur et à mesure des maris d’Alexa, au final, il n’y avait quand même qu’eux deux qui demeuraient. Lorsqu’elle n’était pas la victime de sa propre santé mentale, Alexa Zabini était une femme passionnante, intelligente et particulièrement aimante. Et toujours, toujours elle riait aux blagues de Blaise, peu importait à quel point elles pouvaient parfois être inappropriées. A la force de son amour, de sa dévotion et de sa patience, elle avait fait de Blaise l’homme incroyable qu’il était aujourd’hui. Peu importait le nombre de bêtises qu’il faisait quand il était petit, puis quand il a grandi, elle ne lâchait jamais, jamais ses nerfs sur lui. Les trois quarts du temps elle lui expliquait calmement et avec amour pourquoi il ne fallait pas faire ce qu’il avait fait, puis elle le saluait pour sa créativité, et cette détermination incroyable dont il faisait toujours preuve pour trouver de nouvelles conneries à faire. Je supposai que s’il était aussi courageux que cela aujourd’hui, c’était parce qu’elle l’avait laissé vivre pleinement. Qu’elle l’avait laissé faire ses expériences et ses bêtises, et qu’il savait que quoi qu’il se passait, sa maman serait toujours là pour le relever, et prendre soin de lui. Plus maintenant. Désormais, elle ne serait plus là pour lui expliquer pourquoi il valait mieux ne pas faire telle ou telle connerie. Désormais, elle ne serait plus là pour le relever et prendre soin de lui lorsqu’il tomberait. Elle ne serait plus là pour rire à ses blagues, et il ne verrait plus jamais cet air aussi faussement choqué qu’amusé sur son magnifique visage. 

J’avais cru, l’espace d’un instant, que les choses iraient bien. Que nous nous en sortirions avec quelques cicatrices, mais que les choses iraient bien. Que je pouvais m’autoriser à aller bien, à respirer, à explorer ce que je partageais avec Granger. Mais la vie m’avait rappelé que non, je n’avais plus le droit à tout cela désormais. Que le risque constant, et qui ne prévenait jamais, c’était que mes proches, que toutes les personnes qui partageaient de près ou de loin ma vie, soient soudainement assassinées sous mes yeux. C’était cela, la seule vérité tangible qui constituait ma vie désormais. Il avait tué mon père de la sorte. Il avait torturé Theodore. Il avait torturé la mère de Pansy. Il avait tué la mère de Blaise. Et toutes ces personnes-là étaient non seulement des personnes de Sang Pur, mais également des personnes qui pouvaient lui être utiles, d’une façon ou d’une autre. Alors il me semblait qu’il était temps de lever le déni dans lequel j’étais quant à ce qu’il ferait à une Sang de Bourbe membre de l’Ordre du Phoenix. Le postulat même que tout irait bien tant qu’il ne saurait pas ne tenait même plus debout. Il finissait toujours par tout savoir, et cela l’expérience me l’avait largement démontré. Je n’avais plus le droit à l’erreur, et mes amis non plus. Nous n’avions plus le droit à rien, rien d’autre que d’être ses parfaits petits soldats. Et il était temps que nous le devenions vraiment, parce qu’il continuerait de tuer tout le monde autour de nous tant que nous ne lui donnerions pas ce qu’il voulait. Et il en voudrait toujours plus. Il n’y avait pas de porte de sortie. Il n’y avait pas d’avenir à envisager. Pas de regrets à avoir. C’était trop tard. C’était scellé. La seule vérité qui demeurait était celle-ci : nous lui appartenions désormais. Et tant qu’il ne serait pas mort, nous serions ses putains, complètement et irrémédiablement à sa merci. Il était hors de question que je vois encore une fois une telle douleur sur le visage de mon ami. Il était absolument hors de question que j’entende encore de tels cris sortir de lui, lui qui riait toujours. Il était impossible que je sois à nouveau témoin du corps de Theodore gisant sur le sol, recouvert de son sang. Il était non envisageable que je vois à nouveau le visage de Pansy inondé de larmes alors qu’elle était obligée de torturer celui qu’elle aimait, ou de jouer du putain de violon avec les cheveux de la mère de son meilleur ami qui était assassinée sous ses yeux. Il était hors de question que je revois ma mère dans un tel état, alors que je lui disais au revoir. Que je la vois pleurer de la sorte, détruite, impuissante, et brisée devant moi sans être capable de dire un mot pendant des heures, me regardant faire mes affaires et quitter sa maison, notre maison, encore une fois. Que je revois Theodore la serrer contre lui, alors qu’ils pleuraient tous les deux, incapables de savoir s’ils se reverraient un jour ou non. Que je sente à nouveau son corps tremblant contre le mien alors que je la serrai contre moi, une boule insoutenable écrasant mon poitrail en priant pour qu’elle ne me soit pas prise, elle aussi. 

-       Je dois faire ce qui est attendu de moi, lui avais-je chuchoté alors que ses ongles s’enfonçaient dans mes épaules. Je ne peux pas te perdre toi aussi, avais-je ajouté alors que des larmes coulaient le long de mes joues. 

-       Je suis tellement désolée…, avait-elle pleuré contre moi. Je suis tellement désolée que tu sois dans cette situation à cause de nous…, je suis tellement désolée Drago… 

-       Ça va aller, avais-je mentis en caressant ses cheveux, tout va bien aller maman. Je gère, lui avais-je assuré alors qu’une nouvelle partie de moi s’éveillait. 

Je venais de voir la mère de mon ami mourir sous mes yeux. Je venais d’enterrer cette mère qui avait été quelqu’un d’important pour moi également. Je venais de passer plusieurs jours à voir mon ami se morfondre, incapable de se relever. Je venais de me rappeler que je n’avais pas le droit à quoi que ce soit d’autre que cela, dans cette nouvelle vie qui était la mienne. Je devais faire ce qui était attendu de moi. Je n’avais pas d’échappatoire. Je n’avais pas de choix. Je n’avais pas d’options. Je devais faire ce qu’il fallait, et tous mes états d’âmes, tous mes désirs, toutes mes peines, toutes mes angoisses n’avaient plus lieu d’être. Parce que tout cela était quelque chose qu’il pouvait utiliser non seulement contre moi, mais surtout contre les miens. Et avec ces constats, une partie de moi avait commencée à se fermer, et à s’éteindre. Parce qu’il fallait faire ce qui devait être fait. 

Et pourtant, alors que je me tenais à Poudlard dans mon dortoir, à côté de mon lit face à mon carnet, je ne pouvais empêcher mon cœur de se serrer dans mon poitrail alors que les messages désespérés que Granger m’envoyait défilaient sous mes yeux. Je n’avais pas ouvert ce maudit carnet depuis le soir de Noël. Je n’avais pas pu. Mais ils étaient là. Ils étaient tous là. Et je me prenais son inquiétude, son désespoir et sa souffrance en plein visage, en me rappelant que je ne pouvais plus lui donner quoi que ce soit de moi. 

« Joyeux Noël Malefoy. »

« Le réveillon s’est bien passé ? »

« Tout se passe toujours bien ? Tout le monde va bien ? »

« Est-ce que tout va bien ? » 

« Malefoy, qu’est-ce qu’il se passe ? »

« Tu peux me parler, je suis là. »

« Je t’en prie, réponds-moi, je veux juste savoir si tu vas bien. » 

« S’il-te-plaît, dis-moi juste si tu es en vie, ça fait des jours, je m’inquiète. »

« Tu ne peux pas me laisser sans réponse comme ça Malefoy, je t’en supplie dis-moi que tu vas bien. »

Je ne contrôlais pas les larmes qui montaient à mes yeux au fur et à mesure que les messages apparaissaient et s’effaçaient devant moi. Je ne pouvais pas l’avoir. Je réalisai concrètement en cet instant, alors que je me prenais en pleine gueule toute l’inquiétude qu’elle ressentait pour moi, que je ne pouvais pas l’avoir. Je ne pouvais plus l’avoir. J’avais cru que cela, quoi que c’était, serait possible, d’une façon ou d’une autre. J’avais cru que je pourrais m’abandonner à elle. Elle savait ce que j’étais, et elle était restée. Elle continuait de rester. Et j’avais goûté à ce que c’était, que de l’avoir près de moi. Que de pouvoir me reposer sur elle. Que de pouvoir m’ouvrir à elle. Et tout cela était terminé. Non pas parce que je ne le voulais pas, ni même parce qu’elle, elle ne le voulait pas. Mais parce que je ne pouvais pas. Parce que je n’y avais pas droit. Et alors que son dernier message s’effaçait sur mon carnet, une boule intense se forma dans mon poitrail, et les larmes coulèrent sur mes joues tandis que je réalisai vraiment, concrètement, que c’était terminé. Un hurlement teinté de ma rage, de ma douleur et de mon désespoir sorti de moi alors que je balançai le carnet à l’autre bout de mon dortoir, pleurant de plus belle. Les bras de Theodore se renfermèrent autour de moi, tout droit sur mon cœur, et alors que son torse rencontrait mon dos, il me serra fort tandis que je baissai le visage dans tout mon désespoir, et pleurait les dernières larmes qui me restaient à verser.  

Je n’avais pas eu besoin d’expliquer à Theodore que je devais tout arrêter avec Granger. Je n’avais pas eu besoin de lui expliquer pourquoi je pleurai, ni comment je me sentais. Il le savait, et je savais que comme moi, une partie de lui s’était encore éteinte le soir où la mère de Blaise avait été tuée sous nos yeux. Je l’avais vu, le regard qu’il avait posé sur lui. J’avais vu la façon dont il avait physiquement retenu Blaise. La force avec laquelle il lui avait dit de ne pas craquer. La force avec laquelle il s’était assuré qu’il ne lui sauterait pas dessus, pour qu’il ne périsse pas à son tour. La force avec laquelle il lui avait dit de garder cette douleur, cette rage à l’intérieur de lui. Parce que tout ce que nous lui donnions, il pouvait l’utiliser contre nous. Parce que nous devions être vides pour lui. Nous devions être vides pour faire ce qui devait être fait. Et je savais que s’il y avait une personne sur cette planète capable de comprendre, de ressentir, et de savoir ce que c’était que cette responsabilité-là, celle de devoir faire l’impensable, celle de devoir être prêt à tout sacrifier en une seule seconde pour sauver ceux que l’on aimait, c’était lui. Alors je n’avais rien eu à lui expliquer. Parce qu’il savait. Parce que personne ne venait pour nous sauver. Il était trop tard pour nous. Jusqu’à présent, et quand bien même Blaise, Pansy et moi étions là-dedans également, tout le monde savait que celui qui était prêt à tout, que celui qui ferait ce que les autres ne pourraient pas faire, c’était Theodore. Mais ce soir-là, et les jours qui avaient suivi, alors que j’avais vu mon ami perdre sa mère, alors que je l’avais vu lui-même perdre de la vie, et alors que nous l’avions enterrée, cette mère partie trop tôt et trop violemment, la partie de moi qui avait peur avait commencé à s’éteindre, et laissait la place à quelque chose d’autre, quelque chose de plus dangereux. Parce qu’il n’y avait plus la place pour la terreur, pour le doute ou l’espoir. Nos proches mourraient autour de nous. Ce n’étaient pas que des menaces. Nous ne nous en sortirions pas toujours indemnes, comme lorsque Pansy avait été forcée de torturer Theodore. Non. Les gens que nous aimions mourraient. Ils mourraient réellement. Alors il fallait faire ce qu’il y avait à faire. Pour protéger les miens. 

C’était le premier soir de notre retour à Poudlard, juste après l’enterrement d’Alexa. Le Seigneur des Ténèbres avait été clair sur le fait qu’il fallait que nous trouvions une solution pour mener à bien les tâches qu’il nous avait confiées au plus vite, alors nous étions rentrés directement. Le château était pratiquement vide. C’étaient les fêtes de fin d’année, et même les élèves avec des familles dysfonctionnelles rentraient chez eux pour l’occasion. Nous avions nos dortoirs pour nous seuls, ainsi que notre salle commune, pour ne pas dire l’intégralité du château. Blaise s’était déjà installé à sa place, et avait entamé une bouteille de whiskey. Je supposai que ce soir-là, nous sauterions donc tous le repas. Pansy avait préparé des verres pour nous autres et les amenaient sur la table basse alors que Theodore et moi les rejoignons. L’ambiance était lourde. Tout était devenu lourd. Blaise ne faisait plus la moindre blague, et il me semblait que nous réalisions seulement maintenant à quel point il nous était essentiel, dans la personne qu’il était, et pour ce qu’il apportait à notre groupe. Il nous permettait de respirer, ne serait-ce que le temps de quelques secondes, en racontant une connerie plus grosse que lui. Il apportait un peu de lumière, un peu de légèreté dans toute cette noirceur, et Pansy suivait avec lui, à sa manière un peu plus sombre. Mais Blaise ne parlait toujours pas, pas vraiment, et il était loin de plaisanter. Par respect pour lui ainsi que pour sa défunte mère, nous faisions de même, et nous ne parlions pas vraiment. Nous l’attendions, et l’accompagnions à son rythme. Présents, comme nous le pouvions. 

-       Je sais qu’on a des choses sur lesquelles il faut qu’on bosse, alors ne vous gênez pas pour y réfléchir à cause de moi, déclara Blaise en buvant une importante gorgée de son verre. 

-       Ça peut attendre demain, répondis-je alors en prenant place sur le canapé à côté de lui. 

Il pouffa sans la moindre joie. 

-       Vraiment ? demanda-t-il avec aigreur. Alors qu’est-ce qu’on fout là ? 

Pansy pinça ses lèvres et baissa les yeux, je fronçai les sourcils et Theodore fixait notre ami sans dire un mot. Il se rendit compte de son agressivité, baissa la tête et soupira doucement : 

-       Désolé, s’excusa-t-il. 

-       T’en fais pas, le rassura Pansy à voix basse avec un sourire qu’elle voulut chaleureux. 

-       Non, vous n’arrêtez pas de faire tout ce que vous pouvez depuis…, s’arrêta-t-il en fixant son verre dont il finit par prendre une nouvelle importante gorgée, vous savez. Vous méritez pas que j’vous parle comme ça. 

Pansy se leva de son fauteuil et se blottit contre lui sur le canapé. Il l’entoura de son bras musclé alors que le visage de Pansy reposait sur son épaule, et il finit son verre d’une traite alors que je le resservais en m’installant en face d’eux, sur le fauteuil de Pansy à côté de celui de Theodore. Contrairement à Theo, Pansy et moi, lorsque Blaise avait des cernes, elles ne consistaient pas en des marques noires sous ses yeux. Pour lui, elles étaient creusées sous ses yeux, comme si sa peau s’enfonçait en lui, épuisée, à la recherche d’un peu d’énergie au fond de lui, sans pouvoir en trouver. Je l’avais déjà vu fatigué, et je l’avais déjà vu tourmenté par ce que nous traversions, mais cet état, ce visage marqué et meurtri que j’avais face à moi, cela je ne l’avais jamais vu sur lui. Il laissa l’arrière de sa tête rencontrer le dossier du canapé et inspira profondément un instant, puis il but à nouveau. Finalement, il baissa les yeux sur son verre qu’il tenait entre ses cuisses, et avec une moue de colère mélangée à de la pure tristesse, il commença difficilement, Pansy toujours lovée contre lui : 

-       Avant il y avait la famille de ma mère, et il y avait la famille de mon père. J’avais…, tenta-t-il alors que ses yeux se remplissaient de larmes, j’avais des tantes, des oncles, des cousins, des grands-parents. Quand mon père est mort ça a commencé à être le bordel, et quand elle s’est remariée ça a été pire, expliqua-t-il en fixant son verre déjà bientôt vide. Au début on faisait toujours des repas de famille avec eux, parce qu’elle voulait que je puisse connaître ma famille même si mon père était mort. Elle s’en prenait plein la gueule pendant les repas, se rappela-t-il avec colère. J’avais beau ne pas être très impressionnant encore, je la défendais déjà bec et ongle, murmura-t-il en regardant dans le vide, emporté par ses souvenirs. Parce que je savais que c’était quelqu’un de bien, ma maman, et qu’elle méritait pas ça. Ils ont commencé à tous nous tourner le dos de ce côté de la famille, et quand elle a développé ses problèmes mentaux ça a été la crise. Le peu qui nous parlaient encore ont fini par disparaître de nos vies, et la famille de ma mère a commencé à essayer de me récupérer pour que je vienne vivre avec eux. J’ai refusé, chuchota-t-il alors qu’une larme perlait sur sa joue. 

Il leva les yeux au plafond et ses sourcils se froncèrent de douleur alors qu’il tentait de s’empêcher de pleurer, en vain. 

-       C’était ma maman, lâcha-t-il alors difficilement. 

Il but l’intégralité de son verre en une gorgée, et Theo le resservit à son tour alors qu’il continuait de dire ce qu’il avait besoin de dire : 

-       Ils lui ont tous tourné le dos. C’était…, c’était elle et moi, juste…, juste elle et moi. Et maintenant, j’ai plus de famille, pleura-t-il de plus belle. 

Pansy se releva de son épaule et s’assit plus droite à côté de lui alors qu’il baissait le visage pour ne pas qu’on le voit pleurer de la sorte. Elle attrapa sa main gauche de ses deux mains, et le regarda alors que ses propres yeux se remplissaient de larmes. 

-       J’ai plus de père, j’ai plus de mère, j’ai plus personne… Il n’y a…, il n’y a plus personne au-dessus de moi, continua-t-il avec difficulté. Et ça fait peur, chuchota-t-il finalement en passant sa main droite sur son visage mouillé de larmes. 

Il s’enfonça de plus belle dans le canapé et son bras se libéra des mains de Pansy pour la saisir à nouveau par les épaules, et la serrer contre lui alors qu’elle pleurait sur son torse. Les larmes perlaient sur les joues de notre ami, et Theodore autant que moi, je le savais, était trop fermé pour sentir la peine monter en nous. Je pouvais sentir mon estomac incroyablement noué, mais alors que je regardai mes deux meilleurs amis pleurer, blottis l’un contre l’autre, se serrant dans les bras en essayant d’apaiser un peu de leur douleur atroce qu’ils partageaient, tout ce que je voulais c’était me battre. Tout ce que je voulais c’était qu’il meure, et en cet instant, cela ne m’inquiétait pas de témoigner du fait que je n’avais pas en moi ce qu’il fallait pour pleurer avec mon ami. Pour partager sa peine à un niveau émotionnel que j’avais normalement en moi, en ce qui concernait cette famille qui était la mienne. Il n’y avait plus de place pour cela à l’intérieur de mon corps, et encore moins à l’intérieur de ma tête. Je passai dans autre chose, je devenais autre chose, et je pouvais le sentir physiquement. 

Blaise serra Pansy dans ses bras alors qu’il pleurait pendant un moment, puis alors qu’il était trop ivre pour se lever lui-même, je le levai du canapé et l’aidait à aller se coucher. 

Le jour suivant, Theo et moi avions passé notre journée à la bibliothèque tandis que Pansy restait avec Blaise. Nous avions cherché tout ce qui pourrait nous être utile sur les explorations d’autres dimensions, d’espace-temps différents et la possibilité de les pénétrer, et d’en revenir, en vain. Nous avions passé tout notre temps, oubliant jusqu’à manger, à tenter de trouver quelque chose qui demeurait inexploré dans la littérature sur tout ce qui pouvait se rattacher à de la physique, mais il s’avérait que les sorciers y étaient mauvais. Ils étaient si intrigués par la magie qui existait déjà dans notre monde à nous qu’aucun ne semblait s’être intéressé, de près ou de loin, à l’exploration d’éventuelles autres dimensions. Alors encore une fois, nous essuyions échec sur échec pour tenter de trouver un putain de moyen de réparer cette satanée armoire à disparaître en pouvant en revenir. 

Le lendemain était le jour de la Saint Sylvestre, où du Nouvel An. Theo et moi avions pris la décision de faire l’aller-retour au manoir ce soir-là pour ne pas laisser ma mère seule au milieu de tout un tas de Mangemorts qui la voyait comme faible depuis que mon père était mort, et d’autant plus maintenant que sa super copine était décédée également. Nous avions discuté du fait de rester chez nous pour les deux jours qui séparaient notre départ avec le Nouvel An, mais Theodore avait refusé de laisser Pansy seule avec Blaise pendant deux jours. Il savait l’effet que cela lui faisait, à elle aussi, de porter la peine de son meilleur ami sur elle de la sorte, et d’être disponible pour lui et un soutien sans faille, comme elle le pouvait, à toute heure du jour et de la nuit. Il était inconcevable pour Theodore de ne pas pouvoir l’épauler, alors nous avions décidé de rentrer tous ensemble, et que Theo et moi ferions l’aller-retour pour la soirée de la Saint Sylvestre que ma mère était obligée d’organiser. Pansy, quant à elle, resterait à Poudlard avec Blaise à qui nous ne pouvions pas demander de nous accompagner. Je sortais de la salle de bain, douché et habillé d’un costume noir des plus sobres pour le Nouvel An et rejoignais mon dortoir pour retrouver Theo quand je les entendis chuchoter. Je m’appuyais discrètement contre l’encadrement de la porte entre-ouverte, et observai en silence alors que Pansy, assise sur le bord du lit de Theo, arborant un air explicitement triste était questionnée par son amant, à genoux devant elle, lui également habillé d’un costume noir : 

-       Tu n’as qu’un mot à dire et je reste, lui chuchota-t-il alors. 

Un faible sourire peu convainquant se dessina sur le visage fatigué de Pansy, et elle fit non de la tête. 

-       Ça va aller, lui murmura-t-elle en retour, il faut que tu y ailles. Tu dois être là pour Narcissa, et pour Drago. 

-       Si tu as besoin de moi je…

-       … Je te dis que ça va, le coupa-t-elle avec douceur, t’en fais pas. 

Il porta une main à son visage, qu’il caressa doucement. Elle se languit de son touché en s’autorisant à fermer les yeux un instant alors que sa main demeurait sur sa joue. 

-       Je déteste l’idée de ne pas commencer l’année avec toi, lui chuchota-t-il. 

Elle leva vers lui des yeux dans lesquels l’amour enivrant qu’elle ressentait pour lui était explicite, et lui répondit sur le même ton : 

-       Ça n’a pas d’importance, tu les finiras toutes avec moi. 

Elle se leva finalement du bord du lit, et approcha ses mains de son col pour nouer son nœud papillon. Il la laissa faire, puis il encadra son visage de ses deux mains puissantes, se pencha vers elle alors que son dos s’élargissait visiblement, et l’embrassa tendrement. Elle ouvrit lentement les yeux pour se noyer une nouvelle fois dans les siens, et murmura à ses lèvres : 

-       Je serai là quand tu rentreras. 

Un sourire félin se dessina sur les lèvres de Theodore tandis qu’il tenait toujours son visage entre ses mains. Il laissa sa main droite glisser le long de la joue de Pansy pour la loger sur sa gorge. Elle ne pouvait toujours pas lâcher ses yeux. 

-       Où d’autre pourrais-tu aller ? 

Il se baissa une nouvelle fois vers elle et déposa un baiser bien plus langoureux et possessif sur ses lèvres que le précédent. Je sentis un pincement dans mon cœur que je tentai d’ignorer, mais ne pouvait m’empêcher de penser que moi aussi, j’aurais pu avoir cela. Mais que je n’y avais pas droit. Je me râclai la gorge de façon audible en chassant cette pensée afin de leur annoncer ma présence, et pénétrai le dortoir. Ils se tournèrent tous deux vers moi, et les yeux graves de Theodore rencontrèrent les miens. 

-       Prêt ? lui demandai-je alors. 

Il acquiesça, et ensemble, Kira nouée sur ses épaules, nous partîmes en direction des Sombrals pour rejoindre ma mère dans la fosse aux serpents. 

Le manoir avait été superbement décoré pour l’occasion. L’intégralité de l’extérieur était décorée de petites boules de magie blanches flottant autour de celui-ci, et des bougies menaient de l’entrée du manoir en un chemin éclairé, continuant dans le grand escalier, jusqu’à la salle de réception. La salle était décorée de grands rideaux argenté brillant encadrant les fenêtres donnant sur le jardin, et les mêmes petites boules de lumière blanches flottant tout autour de nous illuminaient la pièce. Notre grande table à manger avait été poussée dans le fond, et les elfes de maison avaient fait apparaître multiples petits fours, verres et boissons sur celle-ci. Des espaces dans les coins de la salle avaient été aménagés avec des fauteuils, canapés, et chaises en tout genre pour les personnes qui souhaiteraient s’asseoir éventuellement. La pièce était déjà remplie de Mangemorts, mais alors que Theo et moi sondions les environs, ma mère n’était nulle part. Les yeux se tournèrent vers nous au fur et à mesure que nous avancions à la recherche de ma mère, mais nous les ignorions. Mint apparue devant Theo et moi alors que nous nous dirigions tous deux vers les escaliers : 

-       Maître Drago ! s’exclama-t-elle. Maître Theo ! 

-       Bonsoir Mint, la saluai-je plus fermement que nécessaire. 

J’étais absolument et totalement fermé à l’intérieur de moi-même. Ma maison était remplie de Mangemorts. J’étais là pour m’assurer que personne ne s’attaquerait de quelque sorte que ce soit à ma mère. Ce n’était pas une promenade de santé. Je devais être sur mes gardes. Ce genre de réceptions pouvaient rapidement tourner au vinaigre, et les derniers événements m’avaient appris qu’à tout instant, et cela sans prévenir, les choses pouvaient prendre un tournant sanglant.

-       Ma mère est dans sa chambre ? lui demandai-je alors en notant que Theo, qui n’avait pas salué Mint, était dans le même état d’esprit que moi. 

L’elfe de maison acquiesça frénétiquement. 

-       Dois-je prévenir Maîtresse de votre arrivée ? 

-       Non, nous allons la rejoindre, tu as bien assez à faire, lui répondis-je alors que Theo et moi étions déjà en direction de sa chambre. 

Nous traversions la salle de réception en ignorant les invités jusqu’à l’escalier qui menait à nos chambres, Kira rampant à côté de Theodore, et nous enfoncions dans le couloir gauche jusqu’à la porte de sa chambre. Je toquai doucement, et la porte s’ouvrit quasi immédiatement, une mine effrayée sur le visage parfaitement maquillé de ma mère qui s’évanouit rapidement quand elle nous découvrit sur le bas de sa porte : 

-       Oh, s’étonna-t-elle avec un sourire, vous êtes venus. 

-       Bien sûr, chuchotai-je en l’enlaçant. 

Theo imita mon geste. 

-       Vous n’auriez pas dû vous embêter, tout va bien, j’ai l’habitude de ces réceptions, tenta-t-elle alors qu’elle finissait d’arranger ses cheveux. 

Elle portait une magnifique robe argentée qui allait parfaitement avec la décoration qu’elle avait choisi. Elle salua le serpent de Theo en lui caressant la tête. Quand ni Theo, ni moi ne répondions à ces mots elle finit de se préparer rapidement en nous demandant : 

-       Comment va Blaise ? 

Theo et moi échangions un regard. Que pouvions-nous répondre à cela ? Il venait de perdre sa mère. 

-       Pansy s’occupe bien de lui, dit alors Theo avec un sourire qu’il forçait pour elle. 

Elle acquiesça en s’inspectant une dernière fois dans le miroir. 

-       C’est bien, dit-elle doucement alors qu’elle tentait de ne pas se laisser déborder par ses émotions tandis qu’une bonne trentaine de Mangemorts occupaient sa maison. 

Elle avait l’air puissante. Son corps était affaibli, mais elle s’était coiffée, habillée et maquillée comme la femme puissante qu’elle était. Une femme de la haute société qui avait la tête sur les épaules, et qui était prête à tout pour protéger sa famille. Une femme qu’il valait mieux ne pas embêter. Ma mère. Elle se retourna vers nous et nous adressa un faux sourire. 

-       Tu es prête ? lui demandai-je alors. 

Elle prit une profonde inspiration, puis elle acquiesça. Nous sortions tous trois de sa chambre, Theo prit le bras droit de ma mère, et moi son bras gauche, et ensemble nous nous dirigions vers les escaliers qui donnaient sur la salle de réception, Kira suivant derrière nous. Dans le passé, la présence de mon père ainsi que sa position sociale à la fois dans le monde magique mais également dans celui des Mangemorts avait permis à ce que ma mère et moi nous développions avec confiance. Nous n’avions, jusqu’à peu, jamais eu peur des personnes autour de nous, mon père autrefois imposant respect et autorité. Il avait travaillé toute sa vie de sorte à ce que nous soyons en sécurité, quoi qu’il se passait. Il avait presque réussi, jusqu’à ce que tout parte en vrille à la fin de sa vie. Et désormais, lorsque nous traversions une salle pleine de Mangemorts, nous étions les agneaux qu’ils voulaient tous déchiqueter, juste pour le plaisir, et juste parce que nous avions vraiment l’air si affaiblis que cela. La chute sociale avait été incroyablement difficile pour notre famille. Ce n’était pas tant que c’était important pour ma mère et moi, c’était surtout que nous n’étions plus en sécurité. C’était ainsi que les choses fonctionnaient, dans le monde des Mangemorts : lorsque vous aviez pouvoir et respect, que vous inspiriez crainte et soumission, vous étiez relativement en sécurité. Quand bien même de temps à autre il fallait rappeler aux troupes qui vous étiez et pourquoi il ne fallait pas vous emmerder, vous aviez à ce stade tellement de ressources, de personnes sur qui compter, de personnes qui vous craigniez que globalement vous étiez tranquilles. Mais la mort sociale d’une famille telle que la nôtre, alors qu’autant de Mangemorts avaient toujours été jaloux des possessions, rôles et missions de mon père, de tous nos privilèges à la fois auprès du Seigneur des Ténèbres ainsi que du Ministre de la Magie, cela faisait de nous des proies faciles, et les Mangemorts étaient sanglants. Je supposai ma mère en sécurité : elle avait la maison que le Seigneur des Ténèbres utilisait pour ses réunions et réceptions officielles, et il semblait satisfait de l’hôtesse qu’elle était. De plus, elle ne représentait une menace sociale pour aucun d’entre eux, elle ne faisait pas même parti des rangs. Theodore, de son côté, était plutôt vu par la plupart comme ce garçon bizarre qui vivait avec les Malefoy, et qui semblait plutôt sombre. Tout ce qu’ils voyaient de lui c’était son visage de Mangemort, plus froid et fermé que n’importe lequel des leurs, et à mon avis, dix fois plus terrifiant. Je supposai que si Theo avait grandi avec son père, et qu’il faisait toujours concrètement parti de la famille Nott, il serait probablement craint et respecté dans les rangs comme peu à notre âge pouvaient aspirer à l’être, si ce n’était aucun. Mais il nous avait choisi nous, et il était désormais ce garçon bizarre qui était toujours chez les Malefoy, délaissant son propre pauvre Mangemort de père qui lui, inspirait encore respect. Cette position mettait donc Theodore en danger. Quant à moi, c’était encore une autre histoire. J’étais l’héritier unique de la fortune Malefoy, et de tout ce qui allait avec. 

Mes ancêtres étaient arrivés en Grande-Bretagne aux côtés de Guillaume le Conquérant, lors de l’invasion de l’armée normande. Armand Malefoy, évidemment déjà un sorcier, avait fait quelques petites choses louches et tues pour Guillaume le Conquérant, et avait reçu une terre de choix dans le Wiltshire, terre de choix dans laquelle nous nous tenions ce soir même. Tout cela s’était donc déroulé dans les années 1060, soit plus de 900 ans avant ma naissance. Mon ancêtre Armand était donc devenu conseiller du Roi d’Angleterre, et ce rôle de second au commandant du pays, qu’il soit Roi, Ministre, ou Seigneur des Ténèbres, s’était transmis de père en fils. Ainsi, lorsque je disais être le seul hériter de la famille Malefoy, je parlais donc de neuf siècles de fortune accumulée aux côtés des hommes les plus influents d’Angleterre. Beaucoup, beaucoup étaient jaloux de la famille Malefoy et de nos privilèges, ainsi que de notre fortune qui nous assurait le peu de protection qu’il nous restait maintenant que mon père était mort. Et je n’étais que l’enfant pourri gâté incapable de quoi que ce soit et beaucoup trop protégé durant son enfance dorée pour pouvoir être un Mangemort qui tenait la route pour reprendre après mon père de façon crédible, j’étais donc une proie non seulement facile, mais surtout de choix. Alors je serrai le bras gauche de ma mère parfaitement apprêtée, et levai mes murs d’occlumencie aussi haut que je le pouvais pour afficher le visage le plus convainquant de Mangemort que j’avais en moi, Theo faisant de même au bras droit de ma mère, et ensemble nous descendions les escaliers menant à la salle de réception, nous jetant dans la fosse à serpents.

Le brouhaha ambiant de la foule de Mangemorts raisonnait dans nos oreilles alors que nous descendions ensemble les marches pour les rejoindre à notre tour. Au fur et à mesure que nous les descendions, de plus en plus de regards se tournaient vers nous, la plupart étant des regards désapprobateurs. La veuve vulnérable, la pièce rapportée ingrate et l’incapable pourri gâté. Je faisais tout mon possible pour garder le regard droit et froid, mais je ne pouvais m’empêcher de noter à quel point tous étaient parfaitement vêtus. La foule qui se tenait devant nous avait l’air d’être composée des personnes de haute société, de personnes importantes et de bonne famille. Ils étaient en vérité tous des assassins, des assassins fanatiques déguisés de belles robes et costumes de soirée, des sourires malicieux dessinés sur leurs lèvres trahissant leurs véritables intentions. Les décorations flottantes de ma mère donnaient une ambiance presque romantique, magique à la pièce, comme si elle n’était pas remplie des personnes aux âmes les plus sombres qui soient. Et j’en faisais partie, désormais. Je ne pouvais plus me permettre d’être le garçon incapable pourri gâté. Je n’avais plus le droit d’avoir des doutes et la baguette tremblante. Je ne pouvais plus avoir les larmes aux yeux et le regard fuyant. Je devais être fermé, si fermé que plus la moindre hésitation, plus le moindre sentiment, plus la moindre peur ne me traverse jamais. Je devais être fort et ancré, et je devais faire ce qui était attendu de moi en leur montrant à tous que l’héritier Malefoy était plus terrifiant encore que son prédécesseur. Parce que sinon ils nous élimineraient. Pour ma famille. 

Mint apparu devant nous et nous offrit une coupe de champagne à chacun lorsque nous arrivions en bas des marches, et ma mère leva le menton comme elle savait si bien le faire avant de prendre la parole : 

-       Très chers amis, commença-t-elle à voix haute alors que Theo et moi nous tenions toujours à ses côtés, c’est comme toujours un grand honneur, ainsi qu’un immense plaisir de vous accueillir dans ma demeure pour qu’une nouvelle fois, nous démarrions cette nouvelle année ensemble. Je remercie chacun et chacune d’entre vous d’avoir répondu présent à mon invitation, comme vous le faites toujours, pour que tous ceux et celles qui partagent les mêmes visions ainsi que les mêmes valeurs puissent se retrouver comme la grande famille que nous sommes. Je propose que nous honorions le Seigneur des Ténèbres comme il se doit, levons nos verres à son succès actuel, et celui à venir dans l’année que nous célébrons ce soir ! déclara-t-elle faussement enthousiaste en levant son verre. 

La foule de Mangemort imita son geste tout aussi faussement, aucun d’entre eux ne la prenant au sérieux ni ne pensant qu’elle était sincère dans ses mots. Et ils avaient raison. Elle ne l’était pas le moins du monde. Mais la famille Malefoy n’avait plus le choix de rien. Alors, Theo et moi levions nos verres à notre tour, et alors que l’assemblée trinquait au Seigneur des Ténèbres, nous entamèrent les festivités les plus sombres auxquelles je n’avais jamais participé. 

Quelques secondes plus tard, le brouhaha ambiant reprit, et Walden Macnair, un Mangemort travaillant encore au Ministère de la Magie dans l’examen des Créatures Dangereuses vint nous saluer alors que nous ne nous séparions pas tous trois. 

-       Étant donné les dernières nouvelles qui me sont parvenues, je croyais que vous aviez des devoirs à l’école, les enfants ? provoqua le vieux Mangemort vers Theo et moi. 

Je lui adressai un sourire en coin qui n’avait rien d’amical. Walden Macnair était réputé parmi nos rangs pour être un réel détraqué, et étant donné la norme du groupe ce n’était pas peu dire. Torturer et tuer les créatures dangereuses du Ministère était sa passion de substitution, lorsqu’il ne pouvait pas s’en prendre aux êtres humains en toute impunité. Il était également un grand adepte des bordels des Mangemorts, tel l’immonde pervers qu’il était. 

-       Je te remercie de noter l’importance primordiale des missions que le Seigneur des Ténèbres nous a confiées, et comme je ne doute pas que tu l’auras également entendu, deux autres membres proéminents de l’Ordre sous tombés grâce à nous, rappelai-je à son intention. Nous sommes simplement de passage pour prendre un verre avec nos amis, lui souris-je alors en levant mon verre vers lui. 

-       Oui, renchérit-il en me rendant mon sourire, j’ai cru comprendre que vous étiez bloqués sur cette armoire à disparaître qu’il vous faut réparer, et que cela n’enchante guère le Seigneur des Ténèbres. Peut-être n’aurait-il pas dû donner une telle mission à des enfants aussi inexpérimentés en magie noire !

-       Est-ce que tu remets en question les décisions du Seigneur des Ténèbres, Macnair ? demandai-je sur un ton plus ferme. 

-       Je n’oserai pas Drago, répliqua-t-il sans effacer son sourire, je remets simplement en question votre capacité à mener à bien les tâches qu’il vous a confiées. Après tout, n’oublions pas que c’est simplement parce que vous êtes les seuls à avoir accès à Poudlard que vous avez été désignés, chuchota-t-il presque. Ce n’est pas qu’il vous a choisi, c’est qu’il n’a pas eu le choix. 

Theodore s’approcha lentement de lui, sa mâchoire serrée, alors que je gardai mon sang froid. Il enfonça ses grands yeux bleus dans ceux de Macnair qui ne broncha pas, et maintenu son sourire alors qu’il regardait à présent Theo qui se tenait à quelques centimètres de lui, le surplombant de sa hauteur, Kira grimpant lentement le long de la jambe de son maître pour se loger sur ses épaules, prête à attaquer l’homme qui se tenait face à eux et qui zieutait les mouvements du reptile avec appréhension : 

-       Ta mémoire semble te faire défaut Walden, commença Theo de sa voix si calme de prédateur, puisqu’à moins que je ne me trompe, Severus Rogue se trouve à Poudlard depuis bien plus longtemps que nous. Si tu as des doutes concernant les choix du Seigneur, peut-être que tu devrais lui en parler à lui, plutôt que de nous insulter dans notre propre maison. 

-       J’oubliai que tu vivais au crochet des Malefoy comme si tu n’avais pas ton propre père, Nott, se permit-il de rétorquer. 

-       Je ne cherche pas les problèmes Walden, mais par contre je peux te dire comment ça va se terminer si tu continues à me provoquer, finit Theo d’un ton aussi tranchant que glacial. 

Macnair n’effaça pas son sourire narquois de son visage, mais son anxiété le trahit alors qu’il avalait sa salive à l’écoute des mots de Theo. Je lui souris et le saluait : 

-       Passe donc une belle soirée Macnair. 

Il acquiesça en notre direction avec un sourire pincé, et s’écarta rapidement de notre chemin, plus énervé qu’autre chose. Après tout, Theo avait raison. Ils étaient chez nous. Il ne fallait pas l’oublier. 

Ma mère, Theo et moi traversions la foule pour saluer au fur et à mesure les Mangemorts qui la composait quand une main froide et osseuse saisit fermement mon bras. Ma tante tirait ma mère et moi, suivis de Theodore, à l’écart, la rage marquée sur son visage squelettique et effrayant. 

-       Qu’est-ce que vous faites là ?! s’énerva-t-elle en chuchotant aussi bas qu’elle le pouvait. 

Je me défaisais de sa prise en tirant mon bras près du reste de mon corps. 

-       Ils ne sont là que pour la soirée Bella, ils repartent ce soir, la rassura froidement ma mère qui portait son visage haut. 

-       Ils étaient censés être à Poudlard, continua-t-elle de murmurer entre ses dents noires serrées. 

-       De quoi s’agit-il, très chère tante ? lui demandai-je à voix basse, lasse.

Elle posa ses grands yeux fous sur moi, sa mâchoire se contractant. 

-       Il va venir, lâcha-t-elle alors, ce soir. Et vous étiez censés être à Poudlard pour faire ce que vous avez à faire, cracha-t-elle. 

Mon estomac se noua dans mon ventre alors qu’elle nous apprenait qu’il viendrait dans notre maison, d’ici quelques instants. Généralement, il n’apparaissait pas dans les réceptions officielles où officieuses des Mangemorts. Il ne se déplaçait que pour les réunions de travail, jamais pour les festivités. Un coup d’œil dans la direction de Theo, qui lui me regardait déjà, m’apprit que lui non plus, il ne s’y était pas attendu. Il ne montrait aucun signe d’angoisse quelconque, mais il avait soudainement l’air plus alerte encore qu’il ne l’était il y avait quelques secondes de cela.  

-       Nous ne faisons l’aller-retour que pour quelques petites heures, nous défendis-je alors. 

-       Suggères-tu qu’il vaut mieux qu’ils s’en aillent maintenant ? lui demanda ma mère. 

Ma tante regarda attentivement autour d’elle. 

-       Non, chuchota-t-elle d’une voix tranchante. C’est trop tard, tout le monde les a vus, bande d’idiots que vous êtes, il a certainement déjà été prévenu des présents, cracha-t-elle en notre direction. Si tu cherches à rejoindre ton père Drago, continue comme ça, t’es sur la bonne voie, lâcha-t-elle finalement avant de nous abandonner pour retrouver les siens. 

Ma mère se tourna vers Theo et moi, le visage explicitement inquiet sur ses traits délicats. 

-       Qu’est-ce qu’on fait ? demanda-t-elle à voix basse alors que ses yeux paniqués passaient de Theo à moi. 

-       On retourne avec les autres, dis-je alors, et on sourit. 

Je lui tendis mon bras, et elle prit une notable inspiration avant de le prendre, et de me suivre auprès de nos invités, Theo à nos côtés, Kira sur nos talons. 

Nous saluions encore quelques Mangemorts qui ne nous prenaient ni au sérieux, ni ne nous considéraient autrement que comme des proies de premier choix, mais nous demeurions ancrés dans nos positions, abordant les airs les plus fermés et assurés que nous pouvions, quand soudainement nous nous retrouvions face à lui. Hector Nott. Le géniteur de Theo. Son agresseur. Celui qui l’avait négligé et maltraité pendant toute son enfance. Le fidèle coéquipier de mon père pendant de longues années. Je pris une inspiration marquée par le nez alors que je sentis mon poitrail se serrer violemment, au même titre que ma mâchoire alors que mes yeux se posaient sur lui, s’approchant de nous un verre de champagne à la main, un sourire insolent sur son visage encore trop peu abimé par la vie. Je tournai rapidement les yeux vers Theodore et observai son corps se tendre alors qu’il approchait de nous. Je gonflais automatiquement mon poitrail alors que mes yeux s’enfonçaient froidement dans les yeux marrons d’Hector. C’était un homme qui avait une certaine allure, pour un monstre. Il devait bien approcher d’une petite soixantaine, et il se pavanait toujours comme s’il était un homme d’une grande classe. Beaucoup de ceux qui ne savaient pas qui il était réellement lui trouvaient du charme, moi je n’en voyais plus aucun. C’était un homme grand à la carrure athlétique qui s’était affinée avec le temps, un visage que je trouvais dur aux traits marqués quand bien même il abordait une petite barbe grisonnante assortie à ses cheveux. Il me semblait que l’intégralité de la beauté de Theodore ne pouvait être qu’attribuée à sa mère, quand bien même l’on pouvait deviner la mâchoire carrée d’Hector sous sa barbe. Il n’existait que très peu de situations que Theodore n’était pas capable de gérer en première ligne, mais je savais que celle-ci en était une. Il n’était plus en danger, pas à cause de lui en tout cas. J’étais là désormais. J’étais adulte désormais. Je pouvais le tuer s’il le fallait désormais. 

-       Narcissa, salua-t-il d’abord ma mère avec un sourire qu’il voulut charmant, se permettant d’incliner le visage en sa direction. 

-       Bonsoir Hector, lui rendit ma mère aussi poliment qu’elle le pouvait, sa tension et sa haine pour lui implicite dans le ton de sa voix pour quiconque la connaissant vraiment. 

-       Drago, acquiesça-t-il ensuite en ma direction sans perdre l’audace de son sourire. 

Je demeurai de marbre, n’adressant pas le moindre mot, signe de tête où esquisse d’un sourire. Tout cela était bien plus que ce que je pouvais donner à cet homme. Il pouffa très discrètement en me regardant avant de poser les yeux sur son propre fils tandis que la rage bouillonnait en moi. Les yeux de Theodore étaient rivés sur le sol. Je pus entendre mon cœur battre violemment jusque dans mes oreilles alors que ma bouche demeurait aussi close qu’elle le pouvait en une moue colérique. Kira était enroulée sur elle-même à côté de Theodore, sa tête malgré tout rivée sur l’homme qui représentait une menace face à nous. 

-       Theodore, lui dit-il alors plus bas, ses yeux à lui se permettant de le sonder. 

Il n’effaça pas son sourire, il s’étendit même plus encore. Cet enfoiré était ravi de constater que son fils demeurait toujours incapable de le regarder dans les yeux, après tout ce temps. Qu’après tout ce temps, il ne se sentait toujours pas assez en sécurité pour lever les yeux vers lui. Que malgré tout ce que nous avions fait pour le sauver, face à lui il demeurait le petit garçon effrayé qui se faisait maltraiter. Theodore était l’homme le plus impressionnant, le plus intimidant et à bien des égards probablement l’un des hommes les plus dangereux que je n’avais jamais rencontré, et pourtant, face à lui, il redevenait cet enfant terrifié. Et je détestais cela du plus profond de mon âme. 

-       Père, le salua difficilement Theo en ne lâchant pas le sol des yeux. 

-       Je suis content de constater que tu sembles bien te porter malgré que le bruit coure que la fille Parkinson t’a longuement torturé, se permit-il sans le quitter du regard, savourant le fait qu’il ne pouvait le lui rendre. 

-       C’est fou, n’est-ce pas ? dis-je alors sèchement. Les choses dont on est capable de se remettre quand quelques personnes s’occupent convenablement de nous. 

Le regard pervers d’Hector se tourna lentement vers moi tandis que son putain de sourire ne quittait toujours pas ses lèvres fines. Il permit à l’un de ses sourcils de s’élever sur son visage, marquant son scepticisme face à mes mots, et son regard retrouva le visage de son fils qui demeurait incapable de le regarder. 

-       Je suppose que je ne peux que te prendre au mot, lâcha-t-il. 

Mon corps réagit malgré moi, avant même que mon esprit ne puisse le contrôler, et un mouvement de saut en avant vers lui m’entraîna tandis que ma mère me bloqua de son bras, me maintenant ancré à côté d’elle. Le sourire d’Hector s’élargit, dévoilant ses dents blanches. 

-       C’est drôle, continua-t-il plus doucement, ton père disait toujours de toi quand tu étais petit que tu ne serais jamais un guerrier, que tu étais trop sensible et que ta mère te couvait trop. Que tu étais faible et angoissé. On dirait que passer autant de temps avec mon fils t’as apporté un semblant de virilité, observa-t-il insolemment. De rien pour ça, se permit-il d’ajouter en souriant. 

Je pouvais physiquement sentir le sang bouillir dans mes veines. Je l’aurais tué. Putain d’ici et de maintenant. Je l’aurais tué. Pour tout ce qu’il avait fait à mon frère, et tout ce qu’il lui faisait encore. Pour le culot sans nom qu’il avait de l’insulter sous mon toit. Pour le simple putain de fait que Theo demeurait incapable de lever les yeux vers lui. Je l’aurais tué. 

-       Je sais que tu étais très habitué à côtoyer mon père, commençai-je alors sur un ton glacial, et que celui-ci était particulièrement politiquement correct, mais tu vois Hector, s’il y a bien une chose que Theodore m’a apprise, c’est que parfois rien ne vaut une bonne dose de violence. Je ne suis plus le gamin que j’étais, lui rappelai-je, et tu n’es plus non plus l’homme impressionnant que tu étais dans le passé, alors je te propose d’aller plutôt passer une bonne soirée avec les tiens, avant que je ne te montre toutes les choses incroyables que mon frère m’a apprise. 

Il pouffa une nouvelle fois, et il ne perdit pas son sourire ni n’eut l’air d’avoir ne serait-ce qu’à peine peur de moi où de ce que j’étais prêt à lui faire, mais il ne chercha pas à causer plus de problèmes que cela. 

-       Ne fais pas l’erreur de donner aux Malefoy ta confiance aveugle Theodore, ajouta-t-il cependant avant de s’éloigner de nous, soudainement tu te retournes et tu réalises qu’ils t’ont pris tout ce que tu avais. 

Il adressa à ma mère et moi un regard incendiaire avant de nous quitter, et je pouvais à nouveau respirer normalement, la tension dans mon poitrail s’allégeant doucement. Je me tournais immédiatement vers Theodore, dont la mâchoire serrée se contractait violemment alors qu’il continuait de fixer le sol. 

-       Tu veux sortir prendre l’air un moment ? proposai-je doucement sans pouvoir imaginer ce qu’il devait ressentir en cet instant. 

Alors qu’il venait d’être en face de son agresseur, celui qui l’avait torturé pendant toute son enfance. Alors qu’il venait de réaliser qu’il demeurait incapable de rencontrer son regard, autant de temps après. 

-       Et lui donner la satisfaction de voir qu’il continue de me contrôler en se tenant simplement face à moi ? me demanda-t-il sèchement alors qu’il tentait de se contrôler. Non, répondit-il donc. 

Ma mère passa une main réconfortante bien que discrète dans le dos de Theodore, et nous prirent tous trois le temps de prendre une grande inspiration avant de retourner au milieu de la foule, et de continuer de jouer nos rôles. 

Soudainement la température ambiante de notre salle de réception changea, et tous autant que nous étions, nous le sentirent arriver. Il faisait toujours cela, un effet glacial, comme un fracas froid qui frappait de plein fouet, sans que l’on ne s’y attende, et qui emportait avec lui toute vie et toute chaleur, ne laissant que la mort et le froid. Nous avions tous senti sa présence avant qu’il ne nous soit visible, et nous nous étions tous figés. Prêts, et terrifiés. Ils pouvaient tous ici dire ce qu’ils voulaient, si effectivement certains le suivaient parce qu’ils croyaient réellement en ce qu’il entreprenait, tous ici étaient absolument et totalement terrifié par lui. Peu importait à quel point ils l’admiraient. Ils n’en demeuraient pas moins terrorisés. Alors toute discussion ambiante cessa, et tous les regards se tournèrent vers l’entrée de la salle de réception, attendant son arrivée. Mon esprit se vida de toute pensée, comme il avait l’habitude de le faire quand il savait qu’il approchait. Pour sa propre survie. Je fermais mon esprit à tout sentiment, à toute peur et à toute attente, prêt à n’importe quoi. Parce que c’était cela, qu’il fallait avec lui. Rien de plus et rien de moins. Simplement être littéralement prêt à absolument n’importe quoi, à n’importe quel moment. La foule se rassembla en arc de cercle autour de l’arrivée de nos escaliers en marbre qui menaient de l’entrée à la salle de réception, lui laissant l’espace dont il aurait besoin pour venir jusqu’à nous et posséder l’entièreté de notre attention. 

Ce fut d’abord un corps de femme en lévitation que nous virent arriver des escaliers jusqu’à nous, encore vivante bien qu’en pauvre état. Je me concentrai pour ne pas remarquer le nœud qui s’était formé dans mon estomac et forçai mon regard à demeurer inchangé, de marbre et fermé alors que je regardai le corps de cette jeune femme qui m’était inconnue voler jusqu’à nous. Il suivit peu de temps derrière, sa baguette pas même levée vers le corps de la femme, son visage inhumain aussi froid qu’animal nous sondant alors qu’il gravissait les dernières marches jusqu’à nous sous les applaudissements assourdissants de ses rangs, sa robe de sorcier verte volant derrière lui, Nagini rampant à ses côtés. Je me forçais à applaudir au rythme des autres, déconnectant mon cerveau et me rappelant de ce qu’il se jouait pour moi et ma famille alors qu’il prenait place au milieu de nous, ses bras grands ouverts alors qu’il accueillait nos acclamations, la femme amochée lévitant toujours au-dessus de lui. Theo, ma mère et moi étions un peu plus reculés que d’autres qui se trouvaient au premier rang. Protégés. Il tourna au centre de la pièce pour laisser ses yeux apprécier la présence de ses plus proches fidèles, il bascula le visage en arrière, prit une profonde inspiration alors qu’il demeurait acclamé, puis il baissa le visage à nouveau vers nous et le silence régna alors qu’il en donnait l’ordre implicite. 

-       Mes amis…, commença-t-il en laissant ses yeux défiler sur les corps qui se tenaient devant lui, me voilà ravi de vous voir réunis pour célébrer une nouvelle année à mes côtés…. Je sais que je n’ai pas pour habitude de me joindre à vous pour ces petites occasions, mais je voulais vous apporter un cadeau cette année, puisque vous avez bien travaillé…

Les applaudissements reprirent un instant et quelques cris enthousiastes retentirent dans la foule de Mangemorts avant que le silence ne règne à nouveau. Dès que ce fut le cas, il cessa le sortilège de lévitation sur le corps de la jeune femme, et son corps rencontra violemment le sol dans un bruit sourd. Elle n’eut pas même la force d’hurler. Je me forçais à ne pas la regarder, et gardai mes yeux rivés sur le Seigneur des Ténèbres qui se tenait juste là, devant nous. De nouveaux applaudissements retentirent lorsque le corps de la fille rencontra le sol, et je m’appliquai à les joindre. Le Seigneur des Ténèbres nous fit signe de cesser et il commença en continuant de nous regarder tour à tour, son immense serpent à ses côtés, sur ses gardes :

-       En cette nouvelle année placée sous le signe du renouveau, il m’a semblé important de venir vous voir ce soir pour vous faire part de quelque réflexion que j’ai murement nourrie. 

Il s’appropriait l’espace, comme à son habitude, flottant entre nous, ses pieds nus marchant sur mon parquet, Nagini suivant à côté de lui comme si elle pouvait anticiper le moindre de ses mouvements. Le corps de la jeune femme demeurait immobile, bien qu’un peu tremblant, derrière lui, mais nous l’ignorions tous royalement, comme si elle n’était rien. Et elle n’était plus rien. Elle serait tuée ce soir, cela était certain. Il valait mieux se dire qu’elle n’était rien. Elle n’était plus, de toute façon. 

-       Nous entrons dans une nouvelle aire pour les Forces du Mal, mes amis, continua-t-il avec entrain. La Guerre est juste devant nous, chuchota-t-il presque, faisant rouler chaque mot sur sa langue comme s’il pouvait les déguster, je peux le sentir. 

Il prit une nouvelle inspiration profonde en fermant les yeux alors que quelques Mangemorts continuaient de l’acclamer dans les rangs. Il porta une main fine à ce qu’il restait de ses lèvres et les caressa lentement en rouvrant ses yeux rouges : 

-       Et nous devons nous tenir prêts à attaquer. Nous devons être plus forts, nous devons être plus violents, nous devons être plus intransigeants que la dernière fois…, continua-t-il en arpentant les rangs avec plus de hâte. Voulez-vous que vos enfants continuent d’être mélangés avec des Sang de Bourbe dans les écoles ?! demanda-t-il aux rangs à voix bien plus haute. 

La foule dont je faisais partie marqua sa désapprobation en des hurlements négatifs. Des insultes et onomatopées diverses exprimant le dégoût le plus ultime qui soit retentirent dans la pièce. 

-       Doit-on continuer de laisser des sorciers et sorcières de sang impur voler nos postes à haute responsabilité ?! Nos places au Ministère ?! Nos places à la tête de ce pays ?! 

Nous exprimions une nouvelle fois notre colère à ces idées, et il s’en délecta avant de continuer : 

-       Nous devons surprendre le monde entier, ce monde entier qui croit nous avoir vaincu dans le passé ! Et qui croit pouvoir nous vaincre à nouveau ! Nous devons nous montrer sans pitié, mais nous devons nous montrer bien, bien plus intelligent qu’eux, dit-il alors qu’il continuait de sonder l’assemblée. Nous devons innover mes amis, nous devons nous renouveler, renforcer ce qui a déjà fonctionné, le perfectionner, et changer ce qui nous a fait défaut. Nous devons être au fait des dernières avancées, des dernières découvertes, des dernières méthodes, nous devons tout savoir, nous devons toutcontrôler, nous devons tout posséder ! s’écria-t-il sous nos encouragements. C’est pour cette raison, reprit-il à voix plus basse, malgré la surprise de certains d’entre vous je le sais, que j’ai décidé d’apporter de la nouveauté dans nos rangs cette année. 

J’avalai difficilement ma salive. 

-       Des regards plus frais, du sang plus neuf, des personnes peut-être moins expérimentées que certains parmi vous qui ont déjà combattu une Guerre à mes côtés, mais des personnes qui peut-être, si elles ont ce qu’il faut, et si elles nous le prouvent, peuvent nous apporter quelque chose que nous n’avions pas alors. Vos places dans mes rangs demeurent, et elles ne peuvent être menacées tant que vous me servez avec loyauté et dévotion, continua-t-il à son assemblée. Tant que vous me montrerez que vous les méritez, personne ne pourra vous les voler ! 

La foule s’emballa une nouvelle fois, visiblement rassurée.  

-       Comme vous le savez tous, la position de Grand Intendant, autrefois occupée par Lucius Malefoy, demeure libre depuis qu’il nous a quitté, amena-t-il alors qu’un silence pesant retombait. Étant donné l’importance sans pareille du Grand Intendant dans mes rangs, ou plutôt devrais-je dire à mes côtés, continua-t-il alors que nous pouvions entendre la moindre mouche voler, il était, et demeure, hors de question que j’honore l’un d’entre vous de ce titre dans la précipitation. Le Grand Intendant représente mon visage, ma force, mes convictions, ma violence et mon pouvoir dans le monde entier, il doit inspirer autant peur qu’admiration et respect auprès de tous…

Les Mangemorts s’écrièrent alors que tous désiraient se voir attribuer cette position qui appartenait autrefois à mon père. Moi, mon estomac se serrait de plus en plus violemment à l’intérieur de mon corps, mais je ne montrais rien. Ma famille. 

-       Je dois avouer, cependant, reprit-il plus doucement, qu’il existe bel et bien quelqu’un parmi vous que j’envisage pour la position de Grand Intendant. 

Un nouveau silence pesant, incroyablement pesant, régna parmi nous alors que ses yeux rouges scannaient lentement chacun d’entre nous. 

-       Je vous ai tous étudiés mes amis, j’ai fait attention à chacun d’entre vous, mais il y a une personne ici qui attise ma curiosité plus que les autres. 

Ses yeux rouges passèrent sur moi, et ma respiration se coupa un instant. 

-       Je ne suis cependant pas prêt à accorder le titre, pas avant d’avoir obtenu assez de preuves que mon choix sera le bon. Mais si vous le voulez bien, dit-il en montrant le corps de la jeune femme sur le sol, je souhaiterai que cette recrue en qui je nourris de grands espoirs nous fasse l’honneur de nous débarrasser de cette jeune femme de Sang de Bourbe que Nagini a dénichée pour nous ce soir. 

Il laissa une dernière fois son regard sonder la foule, et une nouvelle fois mon estomac se retourna quand ses yeux rouges se posèrent un instant sur moi, mon poitrail se gonflant alors que je soutenais son regard. Ses yeux continuèrent leur course, et s’arrêtèrent à quelques centimètres de moi. Il laissa un large sourire dévoiler ses dents pointues et appela en montrant d’une main le corps de la Sang de Bourbe : 

-       Theodore Nott, si tu veux bien. 

Ma respiration se coupa brutalement et ma vision se brouilla alors que je me concentrai pour ne pas laisser la moindre émotion transparaître sur mon visage. Je ne tournais pas les yeux vers lui. Je ne le regardai pas, mon frère, mon âme, mon sang, alors que le Seigneur des Ténèbres, le plus grand mage noir de tous les temps, appelait son nom devant ses plus proches serviteurs, l’annonçant comme son potentiel futur bras droit. Comme celui qui pourrait commander ses armées. Comme celui qui le représenterait à l’international. Comme celui qui serait son second. Un silence pesant régna dans l’assemblée alors que les Mangemorts qui se tenaient devant nous s’écartaient pour laisser passer Theo. Dans une ambiance aussi pesante que silencieuse, les battements violents de mon cœur retentissant dans mes oreilles, Theodore s’avança lentement vers le Seigneur des Ténèbres, Kira rampant à ses côtés. Theo s’arrêta à quelques mètres seulement du mage noir et de son serpent, les deux animaux se faisant face à l’image du Seigneur des Ténèbres et de Theodore. La tension était palpable entre tous, la plupart des membres des rangs indignés de voir une si jeune recrue appelée à leur place. Je ne pouvais plus respirer. Le plafond haut de ma salle de réception et l’espace qui avait été accordé à Theo et le Seigneur des Ténèbres rendait cette scène terrifiante digne d’une peinture de la renaissance. Tous les fidèles en demi-cercle autour d’eux, mes grands escaliers de marbre derrière eux. Le Seigneur des Ténèbres, accueillant son avenir, son serpent à côté de lui, et Theodore, vêtu d’un costume de soirée, lui faisant face, son propre serpent à ses côtés, marchant face à son destin. Le Seigneur des Ténèbres plaça ses deux mains osseuses sur les épaules de Theo qui soutenait son regard, son visage aussi froid et fermé qu’il pouvait l’être : 

-       Offre-nous un beau spectacle, lui ordonna-t-il alors. 

Il s’écarta du chemin de Theodore, lui laissant la voie libre face à la Sang de Bourbe toujours allongée sur le sol, déjà amochée. Lentement, Theo sorti sa baguette de son costume, et sans dire la moindre formule magique, il fit léviter son corps au-dessus de l’assemblée pour que tous puissent voir son corps abimé. J’avalais difficilement ma salive alors que je regardais mon frère, au milieu de tous ces Mangemorts, aux côtés du Seigneur des Ténèbres, appréhender cette Sang de Bourbe comme si elle n'était rien. Comme si cela ne lui faisait rien. Il prit son temps avant de faire quoi que ce soit, où ce fut ce qu’il semblait, alors que tous les visages étaient levés vers le corps de la jeune femme élevée dans les airs, quand soudainement elle commença à trembler tandis qu’il n’avait toujours pas dit le moindre mot. Sa peau se mit à rougir progressivement, son corps en lévitation continuant de trembler dans les airs. Il faisait bouillir son sang dans ses veines, réalisai-je alors que mon estomac se serrait. Je jetai un coup d’œil dans la direction du Seigneur des Ténèbres, qui observait la scène avec une satisfaction transparente. Le corps de la fille rougit de plus en plus alors qu’il tremblait toujours, et soudainement Theo fit un discret mouvement de baguette, et son corps explosa en mille morceaux dans les airs, son sang impur éclatant et retombant sur les membres des rangs indignés. Je dus retenir un sourire en coin quand Theodore se retourna vers nous, couvert du sang de la fille aux parents moldus, ses yeux bleus enfoncés dans ceux, rouges, du Seigneur des Ténèbres alors que les Mangemorts aux alentours pestaient d’être tâchés du sang sale de la Sang de Bourbe. Le Seigneur des Ténèbres lui-même en avait sur lui. Ses yeux rouges étaient rivés sur Theodore, une moue de dégoût et de rage sur son visage, mêlée à quelque chose d’autre que j’avais du mal à reconnaître. Il leva le visage plus haut en sondant Theodore, et je crus voir un sourire en coin se dessiner sur son visage inhumain, alors que mon frère se tenait seul, debout au milieu de ses plus fidèles, intégralement tâché du sang de la fille, grand et fort, imperturbé par ce qu’il avait fait ou par les protestations de ses confrères. Le Seigneur des Ténèbres était enragé, mais il était également fier et satisfait, parce que quand bien même Theodore nous avait tous tâchés du sang de cette fille née de parents moldus, de ce sang qu’ils détestaient tous, il s’était tout de même montré d’une violence sans égale, sans même broncher un seul sourcil. Sans dire un traître mot, le Seigneur des Ténèbres soutenu le regard de Theo encore un instant, puis il disparut aussi soudainement qu’il était apparu. 

Theodore et moi n’avions pas plus tarder après lui. Il était devenu une cible pour tous les autres Mangemorts présents qui étaient en colère d’être tâchés de sang impur, la plupart étant d’ailleurs partis rapidement pour pouvoir s’en débarrasser, mais également parce qu’il était le potentiel futur Grand Intendant, lui qui n’était pas même diplômé. A leur image, Theo et moi nous étions nettoyés avant de dire au revoir à ma mère qui était aussi inquiète et tendue de la soirée que nous venions de passer que moi. Elle nous avait embrassés et enlacés longuement, serrant Theodore explicitement fort contre elle, terrorisée de l’avenir qui semblait se dessiner devant lui, et finalement, Theo et moi avions récupéré nos Sombrals, Kira sur ses épaules, et nous avions refait le voyage jusqu’à Poudlard.

Lorsque nous étions arrivés dans la Forêt Interdite, Theo s’arrêta un instant avant de me suivre à l’intérieur du château pour retrouver nos amis. Minuit était passé alors que nous volions pour revenir à Poudlard, mais ni lui, ni moi n’étions dans une humeur propice à célébrer l’année qui se tenait devant nous. Je le regardai, attendant qu’il dise ce qu’il avait besoin de me dire. Finalement, il déclara à voix basse : 

-       On ne leur en parle pas ce soir. Pansy mérite cette soirée, dit-il alors gravement. Demain, mais pas ce soir. 

J’avalai difficilement ma salive, tentant de contenir l’anxiété grandissante que je ressentais, et qui demeurait non adressée alors que nous n’en avions toujours pas parlé ensemble. Mais j’acquiesçai, et le lui cédai. Parce que je ne pouvais que respecter son choix, et parce que je lui devais bien cela. 

-       D’accord.

Lorsque nous passions la porte de notre salle commune, nous trouvions Pansy et Blaise, tous deux complètement ivres, en train de danser sur de la musique qui retentissait à fort volume dans notre salle. L’ambiance était radicalement différente de celle que nous avions connu plus tôt ce soir-là. Blaise souriait. Il portait un costume noir et une chemise blanche, mais il s’était défait de sa veste ainsi que de sa cravate. Son verre à moitié vide à la main, il dansait avec Pansy au milieu de la salle commune, titubant explicitement, mais tenant bon malgré tout. Son visage s’illumina d’une grande joie qui n’était pas feinte lorsqu’il vit Theo et moi pénétrer la salle, et mon cœur se réchauffa chaleureusement dans mon poitrail, un large sourire se dessinant sur mon visage devant ce spectacle. Il souriait. C’était la première fois depuis très, très longtemps. Blaise souriait. Il hurla pour nous saluer :

-       LES CHAMPIONNNNS ! s’exclama-t-il en nous ouvrant les bras. 

Pansy se retourna vers nous avec hâte, et à son tour son visage s’illumina magnifiquement. Elle portait une robe longue et fluide de couleur noire qui faisait ressortir la pâleur de sa peau et le vert de ses yeux. Elle tenait tout aussi difficilement que Blaise sur ses deux talons, et quand bien même elle était parfaitement maquillée, la fatigue qu’elle ressentait était transparente sur son visage. Mais elle nous souriait à grandes dents, elle aussi. 

-       BONNE ANNÉE ! hurlèrent-ils en cœur. 

Pansy fonça sur Theo, lui sautant dessus et enroulant ses jambes autour de sa taille alors qu’il la réceptionnait parfaitement, un grand sourire sur son propre visage angélique. Il l’embrassa langoureusement, ses mains soutenant ses fesses tandis que Blaise se ruait sur moi, titubant. Je l’enlaçai de toute ma force alors qu’il s’écroulait sur moi et le soutenait de mes bras, riant avec lui. 

-       Comment était votre soirée ? demanda néanmoins Pansy quand nous eurent finit de nous enlacer tour à tour. 

-       Pas aussi amusante que la vôtre à ce que je vois, dit alors Theo avec un sourire rassurant. 

Si je n’avais pas été là, ce soir-là, et que je n’avais pas su, j’aurais été rassuré de ses mots, et de la facilité avec laquelle il pouvait tout apaiser avec un sourire. Parce qu’il était ce genre de personne qu’on croyait aveuglément, quand il disait quelque chose. 

-       Toi, déclara difficilement alors un Blaise ivre en pointant Theo du doigt tandis que Pansy lui servait un verre, je te souhaite beaucoup, beaucoup, beaucoup de sexe indécent avec ma meilleure amie en cette nouvelle année. Je sais… continua-t-il avec difficulté, tanguant de droite à gauche, je sais que j’ai pas besoin de te souhaiter quelques centimètres en plus, alors, continue comme ça, bel étalon. 

-       Oh non, renchérit Pansy sur le même ton tandis que Theo riait, pas de centimètres en plus, confirma-t-elle avec des gros yeux. 

Blaise se tourna vers Pansy en fronçant les sourcils : 

-       Tu pourrais les prendre par contre, déclara-t-il alors. 

-       Non, non, non, non, non, non, s’indigna Pansy. Elle est déjà genre…, elle écarta largement les mains pour montrer une taille indécente à Blaise, gonfla ses joues et soupira en acquiesçant. 

-       Je sais, confirma Blaise en se penchant vers Pansy avec un air désolé, mais j’te jure tu pourrais les prendre, ça passerait, j’ai confiance en toi, dit-il en posant sa main libre de verre sur l’épaule de Pansy. 

Celle-ci tangua de ce contact. Elle mit sa main sur sa bouche, en profonde réflexion, n’arrêtant pas de faire non de la tête, fixant le sol avec des gros yeux. 

-       Non, non, non, non, non, tu me surestimes Blaise, et ça passerait même pas là, dit-il en ouvrant grand la bouche, rogard, dit-elle difficilement avec la bouche toujours grande ouverte. 

Blaise se pencha vers elle, et se baissa pour inspecter sérieusement l’intérieur de sa bouche. 

-       Wesh, meuf ! salua-t-il avec sa propre bouche grande ouverte. Putain incroyable ! s’exclama-t-il alors en lui tendant sa main pour qu’elle la rencontre, ce qu’elle fit en souriant, fière. 

Theo et moi échangions un regard complice, amusés bien qu’indignés du spectacle dont nous étions témoins. Nos petites pestes préférées. 

-       Fais-moi voir la tienne, renchérit une Pansy toute sourire vers Blaise. 

Ils se bousculaient l’un l’autre malgré eux, se déséquilibrant mutuellement. 

-       Nan, pas après avoir vu la tienne Pansy, j’peux pas rivaliser là… 

-       Aller, fait pas ta timide là, montre ! s’enquit alors Pansy en fronçant les sourcils. 

Blaise bascula la tête en arrière et ouvrit la bouche aussi grande qu’il le put. Pansy inspecta très sérieusement la grandeur de l’ouverture de Blaise, et confirma :

-       Franchement, c’est très respectable, mais…, je dois l’avouer, j’crois pas qu’elle passe, dit-elle en faisant non de la tête. 

Blaise se retourna vers Theo qui avait pris place sur son fauteuil. Il s’agenouilla devant lui, et embrassa ses chaussures l’une après l’autre alors que Theo et moi riions à gorge déployée. Pansy imita Blaise. 

-       Theo, mon seigneur, se protestera Blaise. 

-       Mon maître, lâcha Pansy d’une voix bien moins drôle et bien plus sexuellement explicite, ses yeux enfoncés dans ceux de Theodore. 

La langue de Theo passa lentement sur ses lèvres pour les humidifier alors qu’il soutenait le regard de sa bien-aimée à genoux devant lui. 

-       Oh Seigneur de la Bite, continua de se prosterner Blaise, brisant toute ambiance sexuelle naissante alors que nous riions tous à nouveau. Grand Seigneur de la Bite Magique, continua-t-il. Vais-je un jour pouvoir goûter de votre venin ? demanda-t-il en levant les mains au ciel. 

Pansy le poussa de ses deux mains, et il s’écroula sur le côté devant Theodore, riant aux éclats. 

-       Dégage de là, c’est mon venin ! s’exclama-t-elle en lui roulant dessus. 

-       Bah ça va, vu les doses dont tu me parles tu peux partager ! se défendit-il alors qu’elle lui grimpait difficilement dessus pour le maintenir au sol. 

-       Oh mon dieu, m’indignai-je en cachant mon visage derrière ma main depuis le canapé. 

-       Oh eh, monsieur qui privatise toute la salle commune pour faire hurler la Granger jusque dans les dortoirs, on te dit rien hein ! renchérit alors Pansy en m’attaquant.

J’accusai bonne réception de ses mots avec une moue touchée. 

-       Han, Malefoy ! imita alors terriblement Blaise. Dis-moi que je t’appartiens, Malefoy ! gémit-il sous Pansy. 

Pansy, Theo et moi ouvrions des grandes bouches outrées devant le culot dont il venait de faire preuve, mais trop heureux pour dire quoi que ce soit de retrouver mon ami, je lui sautais dessus à mon tour alors que nos rires mutuels retentissaient dans notre salle commune. Pansy en profita pour se dégager et trouver les genoux de Theodore alors que Blaise et moi nous battions amicalement en roulant sur le sol de notre salon. 

Quelques instants plus tard, alors que nous nous étions tous deux écroulés sur le canapé, fatigués de nos conneries, Blaise s’éteignit, son visage penché sur le côté, sa bouche ouverte et ses yeux fermés. Je souriais à cette vue alors que Pansy et Theo s’embrassaient encore sur le fauteuil, et me levai pour aller coucher Blaise, qui méritait bien une bonne nuit de sommeil. Mes deux amis me regardèrent porter Blaise tel une princesse alors que je montai l’allonger dans son lit. Je le défis de ses chaussures tandis qu’il ronflait déjà, et le bordait de sa couette épaisse. Je déposai un verre d’eau sur table de chevet, et réalisai que j’étais moi-même éméché alors que je tanguais en ce faisant. Je tournais les yeux à droite du lit de Blaise, et découvris le carnet que je partageais avec Granger pour communiquer, balancé dans le coin de la pièce. Poussé par je ne savais quelle énergie, je me dirigeais vers celui-ci, et l’ouvris alors que mon cœur battait insolemment dans mon poitrail d’appréhension. 

« Malefoy, s’il-te-plaît. » défila d’abord sous mes yeux fatigués. 

« Dis-moi simplement si tu es en vie. »

« Bonne année, Malefoy. J’espère que tu vas bien. Je t’embrasse. »

Je combattis les larmes qui voulaient monter à mes yeux, et décidais de trouver finalement ma plume. Je lui devais bien putain de ça. Elle n’allait pas arrêter. Elle n’arrêtait jamais. Elle méritait bien de savoir que j’allais bien. Après tout, j’étais vivant. Et c’était tout ce qu’elle voulait savoir. Je lui devais bien cela. 

« Je vais bien, je suis en sécurité je ne suis plus chez moi, tu n’as plus besoin de t’inquiéter. »

Je refermai le carnet aussi vite que l’encre s’effaça sous mes yeux et le cachait sous mon lit, le cachant plus de moi-même que de qui que ce soit d’autre, et redescendit rejoindre Theo et Pansy. 

Quand j’arrivai en bas, ils se tenaient debout au milieu de la salle, comme s’ils venaient de danser ou quelque chose dans le genre. Pansy se tourna vivement vers moi, comme pour vérifier que j’étais seul, et dès qu’elle vit que j’étais bel et bien seul, son visage changea immédiatement et drastiquement. Les faux sourires et les rires s’évanouirent, ses sourcils se froncèrent en une moue douloureuse, un soupir épuisé s’échappa de ses lèvres, et alors qu’elle refaisait face à Theodore, elle s’effondra et tomba à genoux devant lui. Il la rattrapa de ses bras et l’accompagna dans sa chute, enfermant ses bras autour de son corps frêle. Et elle pleura. Elle pleura des sanglots qui la secouaient et qui s’échappaient d’elle comme si elle les avait gardés à l’intérieur d’elle pendant trop longtemps. Et moi, je demeurai interdit, debout derrière elle, face à Theo qui la tenait contre lui, tous deux sur le sol, recevant son chagrin. Et je ne bronchai pas. Les yeux de Theodore étaient rivés sur le visage de Pansy, une expression de douleur sur celui-ci de voir celle qu’il aimait tant souffrir et s’effondrer de la sorte. Et elle sanglota, écroulée devant lui, elle sanglota sans s’arrêter, et il la tenait fermement contre lui, caressant ses cheveux. 

-       C’est trop…, pleura-t-elle, c’est trop, j’en peux plus…

Elle enfonça son visage dans l’épaule de Theodore, tenant fermement sa chemise de ses deux petits poings alors qu’elle n’arrêtait pas de sangloter contre lui. 

-       Je gère constamment la peine de Blaise…, tous les jours…, toutes les nuits…, j’ai dû…, j’ai dû…, continua-t-elle de pleurer contre Theodore sans pouvoir s’arrêter, peinant à respirer, j’ai regardé Alexa mourir devant moi alors que je devais…, que je devais jouer du violon…, du putain de violon avec ses cheveux…, et j’ai…, j’ai regardé mon meilleur ami perdre sa mère…, articula-t-elle difficilement en sanglotant contre Theo, alors que je jouais du violon…, avec ses cheveux…, je…, elle sanglota trop fortement un instant et Theodore la serra plus fort. 

Et je demeurai interdit. Trou noir. Incapable de quoi que ce soit. De penser quoi que ce soit. Le vide. Le choc. L’inattendu. Le vide. 

-       Et je…, et derrière j’ai dû…, faire sa putain d’éloge funèbre…, alors que je…, que je…, pleura-t-elle encore. Alors qu’à chaque fois…, à chaque fois que je regarde Blaise tout ce que je vois c’est que je jouais du putain de violon avec les cheveux ensanglantés de sa mère pendant qu’elle mourait sous ses yeux…, et il…, sanglota-t-elle encore, et il souffre et il souffre encore et je peux rien faire et je suis impuissante, et j’en peux plus…, pleura-t-elle alors que son corps tremblait contre Theodore, sa tête toujours enfouie dans son poitrail. J’en peux plus…, répéta-t-elle de sa voix déformée par les larmes qu’elle ne pouvait s’arrêter de pleurer. Et puis…, et puis…, mes parents ils m’ont reniée depuis qu’ils ont compris, continua-t-elle difficilement, et c’est trop, c’est trop à gérer, c’est trop… j’ai besoin d’une pause, c’est trop…

Je n’avais jamais entendu sa voix être aussi déformée par la douleur et les sanglots qu’elle ne contrôlait plus. Pas même quand elle nous avait appris avoir subi des viols. Pas même là. Je réalisai que mes propres yeux étaient mouillés de larmes alors que ma vision devenait floue, quand bien même je demeurai interdit et immobile, debout devant eux, à regarder son dos trembler contre le corps de Theodore, incapable de ressentir quoi que ce soit, simplement… vidé. Ma meilleure amie. Épuisée. A bout. Détruite. Il les détruisait tous, chacun de mes proches. Il les détruisait tous les uns après les autres. Et je ne pouvais rien faire contre cela, hormis le constater. Je ne sentais même plus mon cœur se briser dans mon poitrail. J’étais simplement vide, choqué, interdit face à elle. À elle. Pansy Parkinson. La femme la moins sensible et susceptible que je connaissais. L’une des femmes les plus fortes que je n’avais jamais rencontrées. Mais pour elle aussi, c’était trop. Elle qui portait le chagrin de Blaise depuis que le Seigneur des Ténèbres avait assassiné sa mère. Et Theo la tenait, et il la serrait, et il ne la lâchait pas. 

-       Je suis là, chuchota-t-il finalement à son encontre, je te tiens. 

Elle sanglota de plus belle contre lui, son visage toujours enfoncé dans son épaule. Elle avait tenu jusque-là. Elle avait attendu d’être sûre que Blaise ne serait pas là pour pouvoir lâcher. Elle avait gardé tout cela, tout ce que nous voyons là, à l’intérieur d’elle jusqu’alors. Et elle l’aurait encore gardé s’il l’avait fallu. Parce que son ami avait besoin d’elle, et que cela passait avant. Même si c’était cela, effondrée sur le sol, incapable de s’arrêter de sangloter violemment, qui se passait réellement à l’intérieur d’elle. 

-       Je gère, je suis là, lui assura Theo. Tu peux lâcher, je suis là, lui ordonna-t-il alors qu’elle sanglotait plus violemment encore contre lui. 

Il n’arrêta pas de lui caresser les cheveux, et quand ses sanglots commencèrent à se calmer au bout de quelques longues minutes durant lesquelles je demeurai toujours aussi interdit, il commença à la bercer contre lui. Il la porta contre lui, mit ses jambes d’un côté alors qu’il soutenait son dos et sa nuque comme si elle était un nourrisson, son visage dans le creux de son bras alors qu’elle pleurait toujours, et il la berçait. Elle pleura longtemps. Contre lui, alors qu’elle pouvait enfin lâcher, alors que quelqu’un pouvait enfin la contenir et recevoir sa peine, elle pleura longtemps. Et je la regardai faire. Vidé. Je la regardai simplement faire, je la regardai et témoignai d’à quel point elle était détruite. D’à quel point il les détruisait tous. D’à quel point il nous détruisait tous. Et je me le prenais, une nouvelle fois, en pleine gueule alors que je regardais ma meilleure amie sur le sol, tenue comme un bébé dans les bras de mon frère qui la berçait alors qu’elle n’arrêtait pas de pleurer. Il était d’une douceur sans pareille, Theodore, quand il s’agissait d’elle. Il caressait du bout de ses doigts ses joues, et il séchait tendrement ses larmes. Il caressait doucement ses cheveux et il déposait des baisers tendres sur son front de part et d’autre. Et il la berçait, autant de temps qu’il la fallait, et il la tenait autant de temps qu’il le fallait. Quelques très longues minutes plus tard, je vis le visage de Pansy s’apaiser finalement, quand bien même ses joues demeuraient inondées de larmes. Elle avait trouvé le sommeil alors que Theodore la tenait toujours comme si elle était la chose la plus précieuse au monde. J’eu l’impression de pouvoir respirer à nouveau, et notai à l’instant seulement que je ressentais un poids écrasant sur mon poitrail. Mais elle dormait, désormais. Elle avait arrêté de pleurer. Je levai les yeux vers Theodore, et sursautai soudainement quand je croisai son regard. La rage meurtrière dans ses yeux qu’il avait déjà relevés vers moi. La froideur glaciale de son visage plus fermé que jamais. Et la rage meurtrière absolue et dévastatrice qui brûlait ardument dans ses grands yeux bleus. 


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