Dollhouse

Chapitre 33 : Le crac

18311 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/03/2024 16:50

L’on pouvait compter le nombre de femmes de la vie de Blaise sur les doigts d’une main, et il resterait même des doigts. Bien sûr, il fallait beaucoup plus de doigts pour compter celles d’une nuit. Mais celles de sa vie, il n’y en avait que deux. Alexa, sa mère, et Pansy, sa meilleure amie. Daphné Greengrass pourrait bien être la troisième, et certainement la dernière, s’il en lui donnait l’opportunité. Ses relations à la gent féminine étaient relativement simples pour Blaise : il utilisait les femmes pour un peu de bon temps mutuel, et il passait à la suivante. Blaise avait effectivement vu sa mère plonger dans la maladie, et assassiner multiple de ses maris. Il l’avait également vue être détruite quand son père avait perdu la vie, et il avait vu à quel point elle n’avait plus été elle-même pendant des mois après cela. Blaise ne pouvait pas se rappeler ce qu’il avait pensé à ce moment-là, mais il était conscient que son incapacité à s’investir amoureusement avec une femme devait être en lien avec ces expériences, et avec celle-ci en particulier. 

L’amour lui avait toujours semblé trop dangereux. Trop risqué. Pour quelle étrange raison donnerions-nous le pouvoir quasi intégral à quelqu’un d’autre de nous rendre heureux, ou malheureux ? Le pouvoir incroyable de pouvoir affecter absolument et totalement notre humeur en fonction de leur comportement envers nous ? Pour quelle curieuse raison offririons-nous notre confiance aveugle à quelqu’un que nous ne pouvions jamais vraiment connaître, en sachant que nous ne nous connaissions jamais vraiment nous-mêmes ? Il lui semblait qu’il fallait être fou, quelque peu aliéné pour se risquer à de telles choses. Bien sûr, il savait que parfois l’amour pouvait être agréable. Il avait entendu Pansy, la deuxième femme de sa vie, lui parler de son amour pour Theodore au fil des années en long, en large et en travers. Mais c’était là exactement ce qu’il en avait retenu : elle était absolument et totalement dépendante de ce que Theodore avait à lui offrir. Du sourire qu’il lui donnerait, ou non. Du rire qu’elle entendrait, ou non. Du ton de sa voix quand il lui dirait bonjour. Il l’avait également vu pleurer, beaucoup pleurer dernièrement, par rapport à Theodore. Il avait vu la souffrance qu’elle avait endurer quand elle avait dû le torturer de sa propre baguette. Il avait vu la terreur et la douleur en elle quand elle lui avait demandé de faire en sorte de ne pas devenir Grand Intendant, et l’impuissance dans laquelle elle se trouvait. Parce qu’elle ne pouvait pas avoir ce qu’elle voulait de lui, mais qu’elle était coincée. Parce qu’elle l’aimait. Plus que cela, parce qu’elle était totalement dépendante de lui. Tout cela ne disait pas grand-chose à Blaise, qui considérait que pour trouver du soutien, rire et discuter profondément, il avait ses amis. Et pour le sexe, il avait la terre entière. De quoi pouvait-il avoir besoin de plus ? Pourquoi s’accrocher de la sorte à une seule et unique personne, alors qu’il savait parfaitement, l’expérience le lui avait démontré, que rien n’était éternel ? Ni les gens, ni les sentiments. Rien du tout. La seule chose que Blaise savait pour vraie dans cette vie, c’était que rien n’était jamais certain. Parfois, vous pouviez vous endormir à côté d’une personne que vous pensiez connaître par cœur, et vous réveiller à côté de quelqu’un d’autre. Cela, sa mère le lui avait démontré. Parfois, vous pensiez être bien installé dans votre vie, savoir de quoi le lendemain sera fait, en être même très satisfait, mais d’un coup votre partenaire décidait que ce n’était plus assez pour lui, et vous n’aviez rien vu venir, et soudainement votre monde s’écroulait. Et cela, sa mère le lui avait démontré. 

Blaise avait également entendu toutes les histoires, en grandissant, à propos de toutes ces personnes mariées qui allaient coucher à droite et à gauche. Il ne comprenait pas très bien pourquoi ces personnes-là étaient mariées, il ne comprenait toujours pas d’ailleurs. Bien sûr, il savait que ces gens-là trouvaient dans le couple principal un filet de sécurité, quelque chose de routinier qui avait tendance à rassurer la plupart des gens, un pilier dans la vie qui aidait à avancer, quelque chose de stable quand bien même c’était quelque chose de chiant. Lui, ce côté routinier l’angoissait. Parce que nous ne pouvions jamais savoir. Nous ne pouvions jamais savoir si l’autre personne était réellement et totalement avec nous, et avec nous uniquement. Nous ne pouvions jamais savoir quels étaient réellement ses projets, une rupture prochaine, une aventure avec un collègue de travail pour se sentir vivant, ou pire encore le désir d’avoir un enfant avec vous. Tout cela était des questions que Blaise n’avait pas la moindre envie de se poser, et des préoccupations pour lesquelles il n’avait pas de place dans sa vie. Il connaissait la nature humaine intrinsèque. Il savait que les gens mentaient, trahissaient, trompaient. Ce n’était pas une prise de risque qui lui semblait en valoir la peine, parce que là encore, il avait vu ce que cela faisait, de l’autre côté, à la personne qui ne savait pas. A la personne qui se prenait soudainement tout cela en pleine gueule, que son partenaire ne l’aimait plus, ou la trompait, ou lui avait menti, et qui voyait son monde s’écrouler. Parce que c’était cela, l’erreur humaine. Les gens amoureux offraient un pouvoir total sur eux-mêmes à l’être aimé. Le pouvoir de construire ou détruire l’intégralité de leur monde à la fois physique et psychique. Cela, pour Blaise, était de la pure folie. 

Il s’était toujours méfié de l’amour, mais jamais de l’amitié. Il avait rencontré Drago et Theo alors qu’il n’était même pas encore entré à Poudlard. Et ces deux-là, puis Pansy plus encore, lui avaient appris qu’il existait des gens sur qui nous pouvions compter. Mais il lui semblait que c’était là toute la différence : il n’existait pas une telle pression d’exclusivité dans l’amitié. Une telle pression de partager une seule et même vie, avec les mêmes projets, et ce en se le promettant jusqu’à la mort. L’amitié, du moins de ce qu’il en connaissait, était dépourvue de toutes promesses vides de sens à propos d’un futur incertain. Et ce que vous ne pouviez pas trouver chez l’un, vous pouviez trouver chez l’autre. C’était une question de partage, sans que ce soit une question de mélange. Vous restiez vous-mêmes, sans avoir besoin de devenir un « nous » qui effaçait toute individualité. 

Pourtant, quand il avait commencé à découvrir Daphné Greengrass, il s’était lentement ouvert à cette possibilité. Leur histoire avait commencé comme toutes les autres : il la trouvait séduisante, comme n’importe qui disposant d’une paire d’yeux fonctionnels, et il avait eu envie de partager une nuit avec elle, ce qu’elle avait accepté. D’ordinaire, Blaise appréciait les parties de jambe en l’air musclées, et telle était la demande de la plupart des filles avec qui il couchait. Ces filles-là étaient toujours tout à fait conscientes de ce qu’il avait à offrir, et elles venaient chercher la même chose que lui. Souvent, il préférait les prendre de dos, et ne pas être confronté aux expressions de leurs visages, leurs émotions. Avec Daphné, il avait ressenti l’envie d’être doux. Il avait voulu la toucher lentement, tendrement. Il avait eu envie de prendre son temps, de découvrir lentement l’intégralité de son corps. De voir son visage. De lui faire l’amour. Et il l’avait fait. Et il avait aimé cela. Et cela lui avait fait peur. Alors, le lendemain matin, il avait décidé de faire comme s’il ne se souvenait pas même de son prénom, parce qu’il se sentait en danger. Il se sentait intrigué. Touché. Il en voulait plus. Et il savait parfaitement bien que Daphné Greengrass n’était pas le genre de fille d’une nuit, non, c’était le genre de fille de toute une vie. Alors il avait mis cela à l’écart. Malheureusement pour lui, il avait également aimé cela, lorsqu’elle l’avait baffé devant toute la classe. Ça n’avait fait qu’attiser sa curiosité. La première fois qu’ils avaient partagé une nuit, ils n’avaient pas perdu de temps à trop échanger. Bien sûr il y avait eu le flirt, mais rien d’intime. Ils étaient tout de suite passés à l’acte. Tout ce qu’il savait d’elle, c’était le genre de fille qu’elle avait l’air d’être, ainsi que la position de sa famille. Il s’était parfois surpris à laisser son regard traîner sur elle pendant les cours, ou bien quand elle passait dans leur salle commune. Il trouvait qu’elle marchait comme une grande dame, comme quelqu’un d’important. Il y avait quelque chose chez elle qui était impressionnant, presque intimidant. A ses yeux, Daphné Greengrass était sans conteste la plus belle femme de tout Poudlard. Alors il avait mis tout cela de côté, il était passé à autre chose, et il avait enchaîné les conquêtes, comme à son habitude. Et puis, Drago lui avait dit qu’il demeurait encore une possibilité pour lui, avec elle. Qu’elle n’était pas totalement fermée à l’idée de le revoir, à condition qu’il n’y ait d’abord pas de sexe. S’ajoutait à cela le fait qu’il ne savait pas combien de temps il lui restait à vivre, et qu’il ne considérait donc plus si terrifiant d’être avec une seule personne, puisqu’il ne savait pas si cela durerait très longtemps. 

Alors il l’avait emmenée au restaurant, et il l’avait écoutée parler. Il l’avait faite rire aussi, beaucoup rire, et parler d’elle et de sa famille. Et il s’était senti intéressé par ce qu’elle avait dire, parce qu’il lui semblait qu’elle était intrigante. Elle lui avait demandé de s’ouvrir, mais il ne l’avait pas vraiment fait. Il lui avait parlé de sa mère et de ses amis, mais jamais vraiment de lui, ni de ce qu’il ressentait. Cela était quelque chose qu’il ne savait pas bien faire, pire encore qu’il n’aimait pas faire. Au fur et à mesure qu’ils s’étaient vus, elle lui avait demandé de la laisser entrer, et il ne l’avait pas vraiment fait. Il riait beaucoup avec elle, et il aimait beaucoup la faire rire. C’était là à peu près tout ce qu’il savait, et qu’il avait à lui donner. Il était toujours très agréable, très charmant, et très drôle avec elle. Elle le regardait avec des yeux qui lui faisaient peur, mais qui lui donnaient aussi un peu envie. Quand il allait se coucher, il pensait à elle. Il se demandait si elle avait passé une bonne journée, et si elle pensait à lui, elle aussi. Il n’aimait pas beaucoup cela, mais il s’était décidé à explorer ce qu’il y avait là. Il avait pris la décision que ce serait elle, ou personne. 

Daphné Greengrass lui semblait parfaite. Drôle, splendide, intelligente, avec du répondant et du mordant, d’excellente famille. Mais elle attendait plus de lui, et il n’arrivait pas à le lui donner. Désormais, il se sentait prêt. Il voulait lui parler de sa mère, et de ce qu’il traversait. De ce qu’il ressentait. Des cauchemars qu’il faisait. Des nuages gris qui obscurcissaient son cœur ainsi que son esprit. De la façon dont il avait du mal à rire, et à faire rire. Il avait envie de lui parler de tout cela, et de plus encore. Il voulait sentir ses bras autour de lui, et pouvoir se reposer un peu sur elle. Partager sa peine avec elle. Pas la lui donner, non, c’était sa peine à lui. Mais lui partager ce qu’il traversait, pour qu’elle l’aide à ressortir de l’autre côté. Daphné Greengrass lui donnait envie d’être tout ce qu’il n’était pas, et de faire tout ce qu’il ne faisait pas. Être exclusif. S’investir émotionnellement. Partager. Parce qu’il lui faisait confiance, sans trop savoir pourquoi. Et parce qu’elle l’intriguait plus que les autres, là encore sans trop savoir pourquoi. Il y avait quelque chose chez elle qui le rendait plus gêné qu’avec n’importe quelle autre femme. Quelque chose qui faisait qu’il voulait la voir sourire, et que cela faisait battre son cœur plus rapidement dans son poitrail. Il avait du mal à le mettre en mots concrètement, comme Pansy était capable de le faire avec Theo, parce qu’il essayait autant que possible de ne pas trop y penser, et souvent de ne pas prêter trop d’attention à comment il se sentait. Il était décidé à aller plus loin encore avec elle, mais il continuait cependant d’avoir peur de tout cela, et de tout ce que ça impliquait, de donner le pouvoir à quelqu’un d’autre de pouvoir faire battre ou bien de briser son cœur. 

Il se sentait tout de même à la fois tendu et excité, alors qu’il se préparait à la rejoindre tandis que tous les autres élèves revenaient à Poudlard en cette vieille de rentrée scolaire. Ce n’étaient pas des choses faciles, ce qu’il avait à lui dire. Mais il était prêt à la laisser entrer. Il ne savait trop pourquoi, mais il était prêt à prendre tous ces risques inconsidérés. Il ne savait si c’était parce qu’il n’était plus vraiment lui-même depuis que sa mère lui avait été prise sous ses yeux, ou si c’était tout simplement elle qui lui faisait cela, et il ne voulait pas connaître la réponse. Ce n’étaient pas des questions qui l’intéressaient. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il était prêt désormais, et qu’il n’avait qu’une seule hâte, c’était de pouvoir se blottir contre elle, de sentir sa peau contre la sienne, et qu’elle le rassure. Qu’elle soit présente. Qu’elle l’aide, à sa façon, comme elle le pouvait. Qu’elle le soutienne. Il portait un col roulé noir qui moulait ses muscles épais, il le savait très bien. Blaise n’était ni aveugle, ni stupide, et il savait l’effet que lui et son corps faisaient aux autres filles de l’école. Mais c’était à Daphné qu’il voulait plaire ce soir, et cette pensée contracta quelque chose de désagréable dans son ventre. Il prit une profonde inspiration, et attrapa son manteau. Ils s’étaient donné rendez-vous dans la cour de l’école. Blaise ne voulait pas penser au cas où Daphné prendrait peur, ou encore au cas très improbable où elle raconterait à tout le monde ce qu’il s’apprêtait à lui dire. Mais alors qu’il mettait son long manteau cintré, et que l’activation physiologique à l’intérieur de lui se faisait plus intense, il se demanda si c’était réellement une bonne idée. Est-ce qu’à ce stade de sa vie il était réellement prudent de donner autant de pouvoir à quelqu’un qu’il connaissait encore si peu, mais qui lui plaisait déjà tant ? Alors même qu’il n’avait jamais fait cela de toute sa vie ? Qu’il ne s’était jamais autorisé à penser, faire et ressentir tout cela ? Alors même qu’il venait de perdre sa mère, et qu’il était si vulnérable ? Il avait appris, au cours de sa courte vie, qu’il ne fallait pas faire confiance en amour. Et il avait déjà observé que le désespoir et la peine était ce qui entrainait souvent les gens à se lancer dans des histoires d’amour. Ils ne supportaient plus leur vie, leur quotidien, la solitude ou encore eux-mêmes, et avant même de savoir si l’autre personne leur plaisait vraiment, avant même de savoir si réellement il était possible de construire quelque chose de solide entre eux, ils se lançaient à l’aveugle. Ils voulaient tellement y croire qu’ils se mettaient des œillères plus grosses qu’eux-mêmes, tout cela pour ne plus être seul, quitte à être mal accompagné. Mais la seule vérité, c’était qu’à la fin, nous serions seuls. Qui pouvait réellement dire : « j’ai passé ma vie avec cette personne, et je sais qu’elle ne m’a jamais trompée, et je sais qu’elle ne m’a jamais menti. Je le sais, comme absolue certitude. ». Des illusionnés, c’était tout. 

Il se rendit compte qu’il tournait en rond dans son dortoir, incapable de savoir quoi faire ni dans quelle direction aller, lorsque les petites mains de Pansy vinrent encadrer ses bras pour le maintenir en place. 

-       Eh, qu’est-ce que tu fous là ? chuchota-t-elle en sa direction, enfonçant ses grands yeux verts dans ceux de Blaise. 

-       Ouais excellente question, pouffa Blaise, qu’est-ce que j’suis en train de foutre ?

-       Tu vas pas faire ta mauviette là ? lui demanda-t-elle sur un ton moins doux. 

-       Eh ben pourquoi pas ? Mmh, pourquoi pas Pansy ? pondéra-t-il avec un sourire. 

-       Écoute tu m’as fait tout un putain de speech larmoyant comme quoi toi aussi t’as le droit à un pilier, donc maintenant tu vas prendre tes couilles et assumer, d’accord ? Parce que devine quoi, il se trouve que oui, toi aussi t’y as droit, lui assura-t-elle sans lâcher ses épaules. 

-       Mais imagine que justement, je n’y ai pas droit, et qu’elle me brise le cœur ? J’veux dire, pourquoi je ferai une telle chose, lui donner autant de pouvoir sur moi ? 

-       Venant de la fille qui a passé des années amoureuse d’un homme qu’elle n’a pas pu avoir jusqu’à récemment, je te promets que ça en vaut le coup, lui dit-elle plus sérieusement. Je te promets que les inquiétudes, les angoisses, les risques, les peines, tout ça, ça en vaut le coup. 

-       On peut pas vous prendre comme exemple vous, vous êtes hors catégorie, remarqua-t-il à juste titre. Je…, hésita-t-il un instant, je viens de perdre ma mère. Pourquoi est-ce que je donnerai le pouvoir à quelqu’un d’autre de pouvoir me détruire encore plus, alors que j’suis déjà au bout ? lui demanda-t-il à voix basse, rencontrant ses grands yeux verts. 

Pansy sembla considérer ses mots un instant avant de relever le visage vers lui, et de commencer doucement : 

-       Écoute, il n’y a que toi qui peut savoir ce dont tu as besoin, et ce dont tu as envie. Et si tu penses vraiment au fond de toi que c’est trop risqué, et que c’est pas juste la mauviette en toi qui panique parce que c’est le moment d’y aller, alors on annule tout. Mais si au fond t’as envie de ça, si au fond t’as envie qu’elle puisse être là avec toi dans tout ça, alors je pense que ça en vaut peut-être le coup. Le truc avec l’amour c’est pas de se foutre des grosses barrières protectrices qui nous éloignent plus de l’autre qu’autre chose, et qui font qu’on lui donne qu’une partie de nous, lui expliqua-t-elle alors. C’est de bien choisir la personne à qui on donne un tel accès à nous. 

Il considéra les mots de sa meilleure amie un instant. Peut-être avait-elle raison. Et après tout, que risquait-il ? Il n’avait pas la moindre idée du temps qu’il lui restait à vivre. Là encore, la vie lui avait appris que toute personne pouvait disparaître, du jour au lendemain, sans prévenir. Sans que l’on s’y attende. Il avait déjà perdu la première femme de sa vie. Il ne lui restait que Pansy. Il n’avait plus rien. Peut-être pouvait-il trouver une place à Daphné Greengrass. Il sourit à sa meilleure amie, et acquiesça. 

-       Aller, vas-y avant que je me foute de ta gueule, lui lança Pansy en lui rendant son sourire. 

Il se baissa et embrassa sa joue. Il savait que Pansy était aussi mal à l’aise avec les mots d’amour que lui, excepté avec Theodore. Leur langage à eux, c’était le sarcasme. Alors il l’embrassa simplement, et parti rejoindre celle qu’il n’avait jamais pensé qu’il trouverait.  

Daphné arriva quelques courtes minutes après lui dans la cour de l’école. Il la trouvait sublime, comme elle l’était toujours. Ses longs cheveux blonds étaient parfaitement coiffés, lisses sans n’être dépourvus de volume pour autant, ses yeux d’un bleu qui en devenait presque transparent et sa peau caramel. Elle portait un long manteau vert foncé, et les collants qui lui moulaient les mollets lui apprirent qu’elle portait une robe, ou bien une jupe, sous cette couche épaisse de vêtement. Il aimait cette idée. 

Ils s’adressèrent mutuellement un important sourire lorsqu’ils se virent, et s’embrassèrent chaleureusement. Tout le temps qu’elle lui racontât ses vacances, la seule chose à laquelle Blaise pensait était ce qu’il avait à lui dire, et à comment il allait le faire. Il essayait d’écouter ce qu’elle disait, mais c’était trop compliqué. Il ne pensait qu’à cela. Il sentait un poids sur son poitrail qui pesait de plus en plus lourd à mesure qu’ils discutaient sereinement ensemble. Et finalement vint le moment où elle le regarda avec un sourire sur ses lèvres pulpeuses, et lui demanda avec innocence : 

-       Et toi ?

Blaise prit une profonde inspiration. C’était maintenant. C’était maintenant qu’il la laissait entrer. Il n’y aurait plus de retour en arrière possible. Elle saurait. C’était beaucoup pour lui, comme une sorte d’engagement. Mais il était prêt. Il regarda autour de lui alors qu’ils étaient assis sur un des bancs de la cour, s’assurant qu’ils étaient seuls, puis il commença doucement : 

-       Écoute, il faut que je te parle de quelque chose d’important. 

Les sourcils parfaits de Daphné se froncèrent sur son front, et elle l’écouta attentivement : 

-       Oui ?

-       Je sais pas trop par où commencer, dit-il avec un sourire alors qu’il ne savait plus que faire de ses mains qu’il frottait sur ses cuisses. 

Il n’avait pas l’habitude d’être gêné, ni-même d’être anxieux. Il n’était familier avec rien de tout cela, ni des émotions positives qui allaient avec, ni des négatives. Pour l’instant, il n’était pas sûr de beaucoup aimer cela. Mais Pansy lui avait dit que cela en valait la peine. Et il pensait sincèrement que Daphné en valait la peine. Il expira tout l’air qu’il avait dans ses poumons, rassembla l’intégralité de son courage (il songea qu’il aurait préféré affronter un ou deux Mangemorts en cet instant) et se lança : 

-       Ok, euh…, ce que je vais te dire là, va falloir que tu le gardes pour toi. 

-       Tu commences à me faire peur là, commenta Daphné en constatant de son anxiété, anxiété qu’elle n’avait jamais vue chez lui. 

Blaise pouffa avec tension. 

-       Attends donc un peu pour avoir peur, lui lança-t-il en se concentrant. 

Il lui raconta ce qu’il put, dans les grandes lignes. Les détails étaient encore inaccessibles pour lui. Il n’était pas du genre à beaucoup parler de lui, ni de ce qui n’allait pas. Il n’était pas du genre à se livrer sur sa vie pendant des heures. Il préférait la déconnade, c’était moins sérieux, et ça faisait moins mal. Mais il fit l’effort de lui dire ce qu’elle avait besoin de savoir, même si cela lui faisait beaucoup de mal à lui, d’en parler. Il lui expliqua qu’ils avaient tous rejoint les rangs avec Drago, qui lui n’avait pas eu le choix, et qu’ils ne pouvaient pas le laisser seul là-dedans. Il lui raconta pour sa mère, et sa maladie. Il lui raconta pour son dernier mari. Et il lui raconta ce qu’il s’était passé à Noël, et ce que Voldemort avait fait à sa mère. Il avait dû faire quelques pauses courtes, à ce moment-là de l’histoire, pour se râcler la gorge, respirer, et se reprendre pour ne pas pleurer. Il y était parvenu. Daphné l’avait laissé parler en le regardant avec tendresse et douleur, et elle, pour sa part, avait versé une larme quand il lui avait raconté ce qui était arrivé à sa mère. 

-       Je suis…, je suis tellement désolée pour toi Blaise, chuchota-t-elle. 

-       Je voulais que tu saches, lui dit-il alors. Je…, je veux vraiment essayer, ce truc qu’il y a entre nous, expliqua-t-il difficilement. Je veux vraiment essayer, alors je crois qu’il fallait que tu saches. 

Daphné entre-ouvrit la bouche et le regarda avec douleur encore un instant, sans qu’aucun mot ne sorte de sa bouche. Il l’avait choquée, pensa-t-il donc. Il avait été tellement angoissé à l’idée de devoir s’ouvrir auprès de quelqu’un qui n’était pas son ami qu’il n’avait même pas vraiment pensé à ce que cela pourrait lui faire de recevoir tout cela en plein visage. Elle fronça les sourcils une nouvelle fois, baissa les yeux, et chuchota à nouveau : 

-       Blaise, je…, hésita-t-elle, je suis désolée mais je…, je ne peux pas. Je…, je suis vraiment, vraiment désolée pour toi, c’est juste abominable et tu mérites tellement, tellement mieux que ça mais je…, je dois protéger ma famille, murmura-t-elle alors qu’une nouvelle larme coula sur sa joue. Et ça je…, je ne peux pas, c’est trop Blaise, je suis vraiment désolée mais c’est trop. 

Blaise la regardait, interdit. Son cœur se mit à battre violemment dans son poitrail, il l’entendait jusque dans ses oreilles. Il ne comprenait pas. Il ne comprenait pas ce qu’elle lui disait. Il avait l’impression que ce n’était pas réel. Était-elle en train de lui dire qu’elle le quittait ? Après ce qu’il venait de lui livrer ? Après ce qu’il venait de faire ? De s’ouvrir à elle de la sorte ? Après l’avoir laissée entrer ? Après lui avoir offert son cœur et tout le pouvoir sur lui qui allait avec ? Non, songea-t-il. Non, elle ne lui ferait pas ça. 

-       Quoi ? demanda-t-il finalement, interdit. 

Daphné pleura de plus belle, et rencontra son regard avec difficulté. Elle avait du mal à le regarder. Elle avait honte. Parce qu’elle allait vraiment le laisser comme cela. Elle allait vraiment l’abandonner comme cela. Elle allait vraiment lui dire « merci de m’avoir dit tout ça, mais j’en veux pas de tes conneries ». Elle allait vraiment et sincèrement lui dire qu’elle ne voulait plus de lui, maintenant qu’il avait partagé avec elle sa douleur, sa peine et ses blessures les plus violentes, les plus récentes, et les plus à vif qu’il soit. 

-       Je…, je te remercie vraiment de m’avoir fait confiance et de m’avoir livré tout ça, et bien évidemment que je ne dirai jamais rien à personne, mais Blaise…, chuchota-t-elle avec un sourire douloureux, c’est beaucoup trop. Je…, je ne peux pas m’engager avec toi et continuer alors que tu…, enfin…, c’est trop… C’est trop de risques, c’est trop d’inquiétudes, c’est trop d’incertitudes, et je…, je t’apprécie vraiment, vraiment beaucoup et ça me rend sincèrement très triste, mais je ne peux pas, je suis désolée mais je…, je ne peux pas, finit-elle alors. 

Et cette fois, il ne put empêcher les larmes qui étaient montées à ses yeux de couler. Il lui avait ouvert son cœur. Il y avait fait une place pour elle. Il venait de perdre sa mère, et il avait fait une place pour elle dans son cœur. Place qu’elle laissait désormais vide. C’était elle ou rien, il se l’était dit. C’était elle ou aucune autre. Et elle ne voulait pas de lui. Il lui avait offert son cœur, et elle le lui rendait en lui crachant dessus. 

-       Daph…, chuchota-t-il difficilement en passant ses mains sur son visage. Non…, s’te-plaît, me fait pas ça. 

-       Je suis désolée…, pleura-t-elle, elle aussi.

-       S’te-plaît, s’te-plaît me fait pas ça, supplia-t-il. 

Elle le regardait avec le genre de peine, le genre de pitié qui signifiait qu’elle n’allait pas changer d’avis. Mais elle ne pouvait pas lui faire cela. Elle ne pouvait pas l’abandonner après tout cela. Après lui avoir donné envie d’avoir ce genre de vie chiante avec elle. Après s’être invitée dans son esprit, constamment, sans qu’il ne l’y ait autorisée. Mais elle y était. Elle y était tout le temps. 

-       Écoute je…, tenta-t-il alors désespérément, je ne fais pas ça, ok ? Je…, je ne sors pas avec une fille, je n’arrête pas d’aller coucher à droite et à gauche avec tout Poudlard pour une seule fille, je ne raconte pas ma vie à une meuf, je ne chiale pas devant une meuf, putain je ne chiale pas tout court et tu…, s’arrêta-t-il un instant alors qu’il pleurait. J’ai l’air d’un putain de malade là je sais, mais je ne fais pas tout ça, ce n’est pas moi tout ça, je ne suis pas ça mais je…, je ne te demande pas de faire quoi que ce soit, et je ne te promets pas d’être le meilleur petit-ami dont tu pourrais rêver, mais je veux juste…, tenta-t-il en trouvant difficilement ses mots. Putain juste s’te-plaît reste, je…, j’ai l’impression de perdre la tête dans cette putain de vie mais toi tu…, toi tu me centres, chuchota-t-il, toi tu m’apaises, toi tu n’es pas dans toute cette noirceur et c’est parfait et je veux que ça reste comme ça et je…, putain juste reste Daph, juste…, reste. 

-       Je suis tellement désolée… 

Elle n’était pas restée. Elle n’était pas devenue la troisième femme de sa vie. Elle n’avait pas aidé à réparer le trou béant dans son cœur suite à la mort de sa mère, non, à la place, elle en avait créé un nouveau. Un nouveau que Blaise avait passé l’intégralité de sa vie à éviter. Dont il avait passé l’intégralité de sa vie à se protéger. Tout cela pour offrir son cœur à une femme qui n’en voulait pas. Et une nouvelle fois, la vie lui apprit qu’il n’y avait rien de plus débile au monde que de donner aux autres le pouvoir de pluie ou de beau temps sur nous. Parce qu’arrivait nécessairement un jour où il pleuvrait. Et pour Blaise, il avait beaucoup, beaucoup trop plu ces derniers temps. 



Theo s’était montré très attentif à moi toute la journée. Il avait été le seul à qui j’avais raconté ce qu’il s’était passé avec Granger. J’avais dit aux autres que je ne souhaitais pas en parler, et ils avaient compris, parce qu’au fond ils savaient très bien, parce que c’était tout simplement évident. Il n’y avait pas d’autre issue. Theo lui-même n’avait pas tenté de me parler de sorte à ce que je cesse d’avoir peur, parce qu’il savait mieux que quiconque. Il voyait ce que cela faisait à Pansy, qui elle était là-dedans avec nous. Il comprenait sans peine que je ne puisse pas infliger cela à Granger, peu importait à quel point cela me faisait du mal. Il respectait ma décision, et il partageait ma peine. Mais comme à son habitude, il avait passé sa journée à faire attention au moindre de mes mouvements, ses yeux rivés sur moi, son attention complète dirigée sur mes émotions et la façon dont je les gérais. Il avait pris la décision de sortir Ragnar, mon minuscule dragon, de l’animalerie, et l’avait laissé passer la journée avec nous, en compagnie de Kira et de Loki, le rat de Pansy qui ne s’entendait qu’avec le serpent de Theo. Les autres élèves avaient beau être revenus pour la rentrée scolaire le lendemain matin, nous étions royalement tranquilles tous les trois dans notre salle commune, en compagnie d’un rat, d’un serpent et d’un dragon, qui avaient tendance à faire fuir les gens. Et soudainement, toutes nos attentions s’étaient tournées vers Blaise lorsqu’il était rentré bien plus tôt que prévu dans notre salle commune avec des yeux rouges, et un visage aussi fermé que possible. Le visage d’un homme brisé, cherchant désespérément à retrouver un peu de contrôle.  

Il avait passé la porte sans rien dire, il avait enlevé son manteau, l’avait balancé sur un de nos fauteuils, et s’était dirigé vers le bar en silence. Tous nos yeux étaient rivés sur lui, mais aucun d’entre nous n’osa encore dire quoi que ce soit. Pas même Pansy. Il se saisit d’une bouteille et de quatre verres, qu’il posa sur notre table basse. Il servit quatre grands verres, bu le sien cul sec devant nos yeux inquisiteurs, et se resservit une nouvelle fois. 

-       Buvez, ordonna-t-il alors qu’il prenait une nouvelle gorgée de son deuxième verre. 

Voyant que nous attendions tous de savoir ce qu’il se passait, quand bien même à ce stade nous nous en doutions tous, il lâcha dans un soupir : 

-       Elle m’a largué. Buvez, réitéra-t-il alors. 

-       Quoi ? s’indigna Pansy en s’asseyant plus droite depuis les genoux de Theo face à Blaise et moi. 

-       Ouep, c’était trop pour elle. 

-       C’est une putain de blague ? continua une Pansy explicitement énervée. Tu lui as dit ce qui était arrivé à ta mère et elle t’a largué ? 

-       Mmh mmh, acquiesça Blaise en reprenant une importante gorgée de son verre. 

Putain de merde. Il venait de perdre sa mère. Il venait littéralement de perdre sa mère. Et maintenant il la perdait, elle aussi. Les putains de Dieux voulaient que l’on se noie. Je ne pouvais pas voir une seule autre explication. Il commençait tout juste à redevenir doucement à lui-même, à rire à nouveau, à plaisanter à nouveau, et maintenant cela. C’était une putain de blague cosmique. 

-       Comment tu te sens ? demanda une Pansy inquiète mettant sa colère de côté. 

-       Nickel problème réglé, la vie de Don Juan reprend tranquillement, répondit-il sans rencontrer le regard de sa meilleure amie. 

Il se tourna physiquement vers moi, mais ne rencontra pas mes yeux non plus :

-       Va falloir que tu l’obliviate, parce que du coup elle sait maintenant. J’lui ai dit d’attendre dans la cour, et que tu t’en chargerais. 

-       Elle a accepté ? demandai-je alors. 

-       Ouais, sacrément compréhensive la meuf, hein ? ironisa-t-il douloureusement en prenant une nouvelle gorgée. Grouille-toi d’aller lui faire et reviens boire, m’ordonna-t-il. 

-       Blaise…, chuchota doucement Pansy. 

-       J’ai pas envie d’en parler, coupa-t-il froidement. Vous allez boire, oui ? 

Theo et moi nous penchions tous les deux pour attraper nos verres et l’accompagner, mais Pansy ne lâcha pas tout de suite : 

-       Je suis désolée. 

Il pouffa. 

-       Ouais, ironisa-t-il avec un sourire en fixant son verre, tout le monde dit ça ces derniers temps. 

-       Je ne peux pas imaginer…

-       … J’ai dit que je ne voulais pas en parler, la coupa-t-il encore. 

-       Je pense juste que…

-       … Qu’est-ce que tu veux que je te dise, Pansy ?! s’énerva-t-il alors en rencontrant finalement son regard. Pour la première fois de ma vie je me suis ouvert à une meuf et elle m’a jeté comme une merde ! Qu’est-ce que tu veux, c’est la vie ! J’ai putain de rien à dire sur le sujet, on passe aux suivantes et on enchaîne, qu’est-ce que tu veux que je fasse d’autre ? A ce stade, j’suis plus à ça près, lâcha-t-il à voix basse. 

Il essuya du revers de sa main une larme qui coulait le long de sa joue, et Pansy l’imita. Il n’avait pas droit à une putain de pause. Pas à trente putains de secondes de répit. Et j’avais eu le culot de lui demander ce qu’il risquait, vu l’état de nos vies, à s’ouvrir à une histoire d’amour. Ça. C’était ça qu’il risquait. De tout perdre. Et je partageais sa peine, parce que je la connaissais. J’avais perdu un parent. Je l’avais vu mourir sous mes yeux. J’avais dû m’occuper de son corps. J’étais tombé amoureux. Et je n’y avais pas eu droit, moi non plus. Mes entrailles se nouèrent dans mon estomac, et je prenais une importante gorgée de mon verre. Oui, je connaissais sa peine. Et il ne méritait pas cela. 

-       J’pense que si j’ai une carte « tout le monde se bourre la gueule avec moi sans poser de questions » c’est maintenant, donc vous êtes gentils, vous me parlez pas d’être raisonnable, de garder espoir ou je ne sais encore quelle autre connerie, et vous vous bourrez salement la gueule avec moi, nous ordonna-t-il alors. Et toi, me dit-il, tu trinques avec nous, tu fais le taffe, et tu reviens rattraper ton retard. 

Pansy s’était penchée à son tour pour attraper son verre, et l’avait levé vers lui. 

-       A toutes les chattes qu’il te reste à baiser, trinqua-t-elle alors qu’il rencontrait son verre avec le sien en pouffant. 

-       Qu’elles reposent en paix, trinqua-t-il en retour. 

J’avais bu mon premier verre cul sec avec eux, puis j’étais parti dans la cour rejoindre celle qui venait de détruire le cœur de mon ami, au moment où il avait le plus besoin d’aide, et d’un peu de soutien. Si j’étais tout à fait honnête, je pouvais entendre qu’elle n’ait pas pu continuer avec lui. Je pouvais tout à fait entendre qu’elle avait assez de raison en elle pour se tenir à l’écart d’une telle situation et de tout ce que cela impliquait, puisque c’était tout ce que je demandai à Granger. Mais l’ami en moi était très en colère contre elle, parce qu’il avait fait avec elle quelque chose qu’il n’avait jamais fait avant. Parce qu’il s’était risqué à un moment où il n’avait plus rien, plus de force, plus de vie en lui, et que le peu qu’il restait, elle le lui avait retiré en conscience. Alors j’affichai un visage fermé qui traduisait ce que je ressentais en la rejoignant sur le banc où il l’avait laissée, m’assit à côté d’elle en silence, et sorti ma baguette. 

-       Je suis désolée, chuchota-t-elle alors. 

Je ne levai même pas les yeux vers elle. Je sentais la colère monter en moi, quand bien même je savais que ses raisons étaient légitimes. C’était mon ami. Et elle l’avait blessé. 

-       Je ne crois pas que me dire ça à moi va changer quoi que ce soit, répliquai-je alors froidement. 

-       Non je veux dire…, hésita-t-elle, pour toi. Je suis désolée pour toi Drago. 

Je levai des yeux froids vers elle. Les siens étaient encore rouges. Elle me dégoûtait. Elle était tendre, c’était vrai, il y avait quelque chose de doux à propos de cette femme, quand bien même j’avais tendance à trouver que les femmes brunes étaient physiquement naturellement plus chaleureuses que les blondes. Mais elle me dégoûtait. Je ne pouvais le contrôler. Elle me dégoûtait purement et simplement. 

-       Eh bien, j’imagine que c’est une bonne chose pour toi que ce sentiment de pitié ne va pas durer longtemps, tranchai-je alors. 

Elle accusa mes paroles avec un sourire attristé, et baissa ses yeux clairs. 

-       Vous êtes en colère, je peux le comprendre. Mais comme toi, je dois faire ce qu’il faut pour protéger ma famille, chuchota-t-elle. 

Ces mots calmèrent doucement ma haine, parce que je pouvais les entendre. Parce que je pouvais les comprendre, probablement plus que quiconque. Je la détestais pour cela, mais je la comprenais. Je la comprenais parfaitement. J’acquiesçai alors : 

-       Je sais, lui cédai-je. 

-       Vous allez prendre soin de lui, n’est-ce pas ? me demanda-t-elle finalement. 

-       Bien sûr. 

Elle prit une profonde inspiration en acquiesçant doucement. 

-       Avant…, avant que tu le fasses, je dois te demander… Hermione Granger ? C’est elle qui a finalement réussi à prendre ton cœur ? 

Je la regardai un instant sans rien dire. J’avais oublié, avec tout ce qu’il s’était passé depuis, qu’elle m’avait fait danser devant les yeux de tout le château, le soir du bal de Noël, pour m’empêcher de tuer Dumbledore. Il y aurait des rumeurs. Les gens parleraient désormais. 

-       L’expérience m’a appris qu’il ne faut pas trop parler avant de faire un obliviate, répliquai-je alors, pensif. 

-       Je dois avouer que ça m’a étonné, je ne t’aurais pas imaginé avec elle après toutes ces années. J’imagine que tu as bien mûri, toi aussi. 

-       Je ne vois pas de quoi tu parles, répliquai-je alors sur un ton presque amical. 

Elle me sourit en réponse, et enchaîna doucement : 

-       Dans une autre vie, tu ne crois pas que ça aurait pu coller, entre nous ? 

Oui, je le croyais. J’y avais moi-même déjà songé. Dans une autre vie où il n’y aurait pas eu Granger, oui. Mais elle venait de briser le cœur de mon ami. 

-       Non, je ne crois pas. 

Une nouvelle fois, elle accusa mes mots avec un sourire, avec la grande classe dont elle faisait toujours preuve. 

-       Maintenant j’ai mon ami qui a besoin de moi et qui m’attend, alors si tu veux bien. 

Elle acquiesça alors qu’une dernière larme perla sur sa joue. 

-       J’espère que tu iras bien Drago, j’espère que vous vous en sortirez tous, et que vous irez bien, chuchota-t-elle en s’installant bien face à moi. 

Et je lui retirai ce qu’elle avait appris ce soir, et ne lui laissait que le souvenir faussé d’une rupture lambda pour des sentiments incertains. 

Quand j’étais revenu, nous avions tous bu à outrance, à la demande de Blaise. Nous avions tous accepté de nous joindre à lui, et pour la première fois depuis très, très longtemps, nous nous étions tous mis minables, même Theodore. Nous avions bu à toutes nos souffrances, et à toutes celles à venir. Nous avions bu à toutes nos peines de cœur passées, présentes, et à venir. Nous avions bu à toutes les choses abominables que nous avions dû faire, et toutes celles qu’il nous restait encore à faire. Nous avions bu à toutes nos peurs et toutes nos angoisses. Nous avions bu à cette putain d’armoire à disparaître, et à l’avenir de Theodore qu’aucun d’entre nous n’avions envie d’envisager. Nous avions bu à tous les gens que nous avions perdu, à tous ceux qui restaient, et que nous ne savions pas quand nous les perdrions à leur tour. 

Pansy était avachie par terre face à la table basse quand elle demanda avec un immense sourire : 

-       Vous vous rappelez quand Blaise s’est tapé Mathilda Maumont ? 

Cette simple phrase nous fit tous hurler de rire, Blaise acquiesçant en pinçant les lèvres. 

-       A quoi tu pensais ? lui demanda Pansy qui ne pouvait s’arrêter de rire. 

-       Meh, qu’est-ce que tu veux que j’te dise, j’ai vu un truc dans les dents de lapin, plaisanta-t-il en retour. 

-       Il avait la dalle sévère quand il se l’est faite, y a pas d’autre explication, commentai-je à mon tour en me remémorant en riant. 

-       J’étais bourré ! se défendit-il. Et pour tout vous dire je les prends quasiment toutes de dos, moi j’suis là pour leur fiak !  insista-t-il en ouvrant les bras. Vous êtes pas d’accord ? questionna-t-il en prenant à partie Theo et moi. 

-       De quoi ? demanda un Theo confus. 

-       T’es plutôt du genre cul ou du genre nichons ? renchérit Blaise vers lui. 

Theodore, depuis son fauteuil, fronça les sourcils. 

-       C’est une question que les gens se posent ? 

Blaise le regarda avec la même expression confuse que lui alors que Pansy et moi riions. 

-       Oui ! s’exclama Blaise avec évidence. Sérieusement mec, t’as grandi dans une cave ou quoi ?! s’exclama-t-il naturellement avant de réaliser ce qu’il venait de lui dire. 

Il ouvrit grand la bouche, interdit face à ce qu’il venait de dire, et le silence pesa entre nous tous quelques secondes, tous nos yeux rivés sur Theodore, qui finalement explosa de rire. D’un magnifique, chaleureux et vibrant rire qui remplit l’entièreté de la pièce, et de mon cœur. Et Pansy, Blaise et moi suivirent, aussi ivres que lui, parce qu’en cet instant, c’était tout simplement hilarant. 

-       J’savais pas que c’était une question importante, reprit ensuite Theo. 

-       C’est quand même pas compliqué, tu préfères les seins ou le cul d’Pansy ? continua Blaise. 

Theodore sembla réfléchir sérieusement un instant avant de répondre : 

-       C’est difficile à dire parce que c’est un ensemble, mais je pense que si je devais nommer une partie de son corps qui me fait plus d’effet que le reste, ce serait ses jambes, lâcha-t-il avec un sourire en coin en laissant ses yeux se baisser avec malice vers le visage de Pansy, assise par terre à ses pieds. 

-       Ouais j’dois le reconnaître, commentai-je alors, j’aime bien les jambes aussi. 

-       C’est ça, continua Theo en redevenant pensif, tu la vois marcher, là, dans une petite jupe alors qu’elle sait très bien ce qu’elle fait en se pavanant et en s’exposant comme ça devant toi, mais elle fait comme si elle voyait pas l’effet qu’elle a sur toi, et tu vois les muscles de ses cuisses se contracter à chaque pas qu’elle fait, et tu sais que tu devrais regarder ailleurs parce que maintenant tu imagines les choses que tu veux lui faire, mais tu peux pas parce qu’elle est juste… enivrante, et tout ce à quoi tu penses c’est à quel point ces jambes seraient dix fois plus sexy serrées autour de ton cou…

Blaise claqua des doigts de ses deux mains de façon répétitive et exagérée pour ramener un Theo qui était parti dans ses souvenirs : 

-       …Reviens Theo, ici ! tenta-t-il alors que je riais à gorge déployée. 

Theodore tourna le regard vers Blaise et lui adressa un magnifique sourire qui dévoila toutes ses dents, puis une nouvelle fois il baissa les yeux vers Pansy, et avec un sourire en coin et une voix basse et vibrante, il lui demanda : 

-       Tu sais exactement ce que tu fais, n’est-ce pas ? 

Elle eut la force de ne pas baisser le regard, se lécha les lèvres avec insolence avant de lui sourire en retour, de se pencher vers lui de sorte à ce que son visage soit au niveau des genoux de son homme, et elle chuchota d’une voix avec laquelle elle ne nous parlait jamais, à nous autres :

-       Je ne vois absolument pas de quoi tu parles. 

Le sourire de Theodore s’élargit dangereusement sur son visage alors qu’il ne la quittait pas des yeux, le sourire du prédateur le plus redoutable et le plus magnifique au monde. Sa main droite saisit de façon possessive le menton de Pansy, et il la tira de cette main vers lui, la forçant à se relever à genoux devant lui. Blaise hurla à la fois de rire et de protestation du spectacle qu’ils nous donnaient, et alors qu’il ne quittait pas les grands yeux verts de sa partenaire, il lui demanda d’une voix plus basse encore, plus vibrante : 

-       Tu sais ce qui m’excite le plus, quand tu fais ça ? 

Elle n’eut pas la force de lui répondre avec des mots, et tandis que ses yeux enivrés demeuraient enfoncés dans ceux de son homme qui la surplombait, elle fit discrètement non de la tête. La voix profonde et dominante de Theodore continua alors qu’il ne lâcha ni sa prise sur le menton de Pansy, ni sur ses yeux :

-       C’est que je sais ce qui dégouline, le long de ces cuisses, quand tu sais que je les regarde. 

Blaise hurla, et je me cachai le visage pour ne plus les voir alors que mes épaules étaient secouées de mes rires, et Theodore prit pleine possession de la bouche de Pansy, à genoux devant lui, son visage reposant dans le creux de sa main, alors que Blaise et moi hurlions, rions, et battions des pieds depuis notre canapé face à eux. 

-       Pitié, stop ! hurla Blaise alors qu’il se tordait de rire. Merlin j’vous jure je préférai encore quand vous pouviez même pas vous regarder dans les yeux !

A force qu’il braye comme un veau, Theodore finit par lâcher le visage et les lèvres de Pansy, et ils rirent avec nous, sortant de leur propre bulle. 

-       Sur ce, s’exclama Blaise, Drago cul ou nichons ? 

Je songeais à sa question et ne trouvait aucune réponse concordante avec les options qu’il proposait en ce qui concernait Granger. Je cherchais plus loin, dans celles qu’il y avait eu avant, et lui répondit en réfléchissant : 

-       Je dirai peut-être les seins globalement, mais avec elle…, songeai-je sans avoir besoin de la nommer, peut-être son visage ? 

-       Son visage ? répéta Pansy, étonnée. 

-       Ouais j’veux dire…, juste le fait que ce soit Granger, tu vois ? Genre je la vois jouir, et rien que le fait que ce soit putain de Granger, ça me fait bander comme un cheval, lâchai-je trop naturellement. 

Ils hurlèrent tous de rire, Theo inclut, et je les suivais. 

-       Oh mon dieu, commenta Blaise en se passant les mains sur le visage. 

-       Faut qu’on change de sujet parce que dans dix secondes ça va pas l’faire, ajoutai-je alors que l’évocation de son visage jouissant réveillait l’animal qui sommeillait dans mon pantalon. 

Et ils hurlèrent plus encore de rire. 

-       Elle est comment, au lit ? tenta alors Blaise. 

-       Oh non, le coupai-je en riant, il n’y a pas assez d’alcool au monde pour que je réponde à cette question la concernant. 

-       Ooooh, allez ! tenta aussi Pansy, trop curieuse. 

-       Absolument jamais d’la vie, leur dis-je alors avec un sourire. 

-       On s’en rappellera pas demain matin ! continua Blaise. 

Je fis non de la tête. 

-       Non ! appuyai-je en prenant une nouvelle gorgée de mon verre. 

-       Pfff, précieuse, pesta Blaise. Bon, Pansy, à ton tour, c’est quoi qui te plaît le plus sur le corps d’un mec ? 

Elle considéra la question un instant alors que ses grands yeux verts se perdaient dans le vide, ses lèvres pulpeuses désormais dépourvues de toute trace de rouge à lèvre grâce à Theodore, et répondit : 

-       C’est trop dur parce que déjà ça a toujours été que Theo, genre c’est pas « sur le corps d’un mec », dit-elle en mimant des guillemets, ça a toujours été que le corps de Theo…

-       … Rolalala ! s’exclama Blaise en basculant le visage en arrière. 

-       Ben quoi, c’est vrai ! se défendit-elle. J’y peux rien si je l’ai rencontré alors que j’étais encore gamine ! 

-       Vous savez quoi, je vous tiens tous les deux responsables du fait que j’ai cru en l’amour l’espace de quelques heures, sachez-le ! renchérit un Blaise trop ivre pour laisser transparaître la tristesse qu’il y avait réellement derrière ces mots. 

-       Ça m’va bébé, tout pour que tu te sentes plus léger, continua Pansy en enchaînant, mais du coup c’est ses yeux, vu le passif qu’on a et tout, maintenant dès qu’il me regarde dans les yeux, genre littéralement juste il me regarde, et ça y est j’ai déjà les jambes qui tremblent. 

Blaise et moi rions à ses mots tandis que Theo la regardait attentivement, un sourire discret sur ses lèvres et une étincelle dans les yeux. 

-       Mais avec lui c’est la totalité de ce qu’il est aussi, c’est toute la vibe Theo, continua-t-elle en réfléchissant, genre il me regarde et c’est tout ce qu’il dégage, son énergie, sa prestance, ce qu’il est, la façon dont il se comporte…, et il arrive et il me regarde, et je sais que j’vais prendre cher et j’deviens une putain de timide qui baisse les yeux, qui rougit et qui bégaye comme une conne-là, lâcha-t-elle soudainement bien plus égale à elle-même. 

A ces mots, le visage de Theodore bascula en arrière sur son fauteuil et un rire vibrant sorti de lui. Qui avait dit que l’alcool était un poison ? songeai-je alors que nous rions tous à cœur joie. 

-       Je pense que le fait qu’il est littéralement putain de dangereux et de léthal doit effectivement influencer le fait que tu baisses les yeux, commenta Blaise en riant. 

-       Honnêtement, probablement, réfléchit alors sérieusement Pansy. Genre j’ai toujours aimé ça, tu sais quand tu te battais toutes ces années, dit-elle en se retournant vers Theo qui continuait de la regarder avec un sourire discret. 

Il acquiesça doucement en sa direction : 

-       Je sais, répliqua-t-il simplement. 

-       Tu savais ? demanda-t-elle alors que son sourire s’élargissait sur ses lèvres. 

-       J’connais pas beaucoup de gens qui ont le talent de se retrouver dans autant de bastons que toi, lui répondit-il sans pouvoir arrêter de sourire, donc j’dois reconnaître que j’me doutais un peu. 

-       Tu les provoquais exprès ? demandai-je alors vers Pansy. 

Elle se mordit la lèvre inférieure en me regardant avec un grand sourire, et acquiesça. J’hurlais de rire, visiblement étant le dernier au courant. 

-       J’pense pas que Granger serait excitée de me voir mettre KO un autre bonhomme, songeai-je alors. 

-       Personne le serait, c’est juste eux deux, là ! s’exclama Blaise. 

-       Genre t’aimes bien quand il est en sang et tout ? demandai-je à Pansy. 

Elle acquiesça avec un sourire : 

-       Surtout que c’est rarement le sien. 

-       Vous êtes des putains de malades, commenta Blaise en riant. Littéralement j’pense qu’y a un truc qui va pas dans vos cerveaux, dit-il en souriant, et nous trinquions tous à cela. 

Pansy se permit de rire avant de se défendre : 

-       J’pense que c’est un truc de fille un peu, parce que du coup il est fort, il peut me protéger et tout, tu vois ? expliqua-t-elle vers Blaise. C’est pas une pauvre victime qu’on vient emmerder, nan, c’est le mec que quand on le croise on change de côté du couloir, et putain… c’est sexy à mort. 

-       J’crois pas que ce soit un truc de fille, j’crois que c’est un truc de Pansy, répliqua finalement Blaise alors que nous rions tous à ces mots et à nos deux meilleurs amis particuliers. 

Puis Blaise avait fait danser Pansy alors qu’ils tenaient à peine sur leurs pieds, et Theodore et moi avions ri à nous pisser dessus. Nous avions enchaîner les verres, les shots et les bouteilles, et nous avions trinqué sans relâche à toutes les horreurs de nos vies mutuelles. Ivres morts, nous avions ri à tout ce qui se passait dans nos vies. Nous avions ri de la perte de nos êtres chers, nous avions ri des vies que nous avions pris, et nous avions ri de nos états pitoyables mutuels. Pansy avait dansé sans relâche, elle avait dansé cette vie de merde que nous avions, elle l’avait transpirée par tous ses pores, puis elle avait laissé son corps dégoulinant trouver celui de Theodore. Ils s’étaient bouffés du regard, et leurs mains ainsi que leurs baisers avaient exprimer pour eux ce que des mots ne pouvaient suffire à dire. Puis, alors que plus aucun d’entre nous ne pouvait aligner deux phrases correctement, Theodore avait dû tenir les cheveux de Pansy alors qu’elle vomissait aux toilettes, et il était allé la coucher. Lui, Blaise et moi avions continué à boire, parce que Blaise avait encore de la peine en lui, et qu’il n’était pas encore KO. Alors nous avions continué avec lui, quand bien même nous étions déjà pleins. Quelques verres supplémentaires plus tard, il était finalement parti se trouver une fille à courtiser pour la nuit, et alors que nous étions tous les deux arrachés, Theo et moi nous étions regardés, et nous avions ri. Nous avions ri parce que nous ne savions pas comment nous allions faire pour monter les escaliers jusqu’à notre dortoir. Mais c’était à cet instant, alors que la pièce tournait autour de moi, que je réalisai que je n’étais pas prêt à aller me coucher. Toute inhibition en moi était morte, toute rationalité en moi était éteinte, et la seule chose que je savais, hormis le fait que j’étais absolument et complètement arraché comme je ne l’avais pas été depuis très, très longtemps, était que je voulais la voir. Alors Theo et moi avions monté les marches jusqu’à notre dortoir en nous tenant l’un l’autre mutuellement, se foutant de la gueule l’un de l’autre face à la difficulté d’une tâche au demeurant pourtant si simple, et j’avais écrit dans mon carnet à Granger : 

« Bourré. Veut te voir. Tour. »

Theodore avait validé la clarté du message avec un hochement de tête et un pincement de lèvres convaincu, et il m’avait recoiffé en tenant à peine debout. Pansy, qui tentait de dormir dans son lit, nous avait grogné dessus alors que nous n’arrêtions pas de rire, puis j’étais parti en direction de la tour d’astronomie, espérant qu’elle aurait mon message. En cet instant, je n’en avais rien à foutre de toutes ces conneries de Mangemort, de Grand Intendant, ou de quoi que ce soit d’autre. Je voulais juste la voir. C’était tout ce que je savais. Alors j’avais marché, très lentement et en me prenant plusieurs murs, jusqu’à la tour d’astronomie. Lorsque j’y étais arrivé, elle y était déjà. Je ne savais pas combien de temps s’était écoulé entre le moment où je lui avais écrit le mot, les rires avec Theo, et le temps que je parvienne à traverser le château, mais je supposai que cela lui avait laissé le temps de trouver mon message. Elle était assise avec les pieds dans le vide, et tourna un visage inquiet vers moi quand elle me vit débarquer en tanguant. Un immense sourire se dessina sur mon visage quand je la trouvai enfin. 

-       Heyyyyyy, la saluai-je alors tendrement. 

L’expression confuse qu’elle m’accorda alors qu’elle était vêtue de son pyjama et de son abominable énorme veste rouge me fit rire. Elle était pourtant tellement magnifique. Si simple. Si naturelle. Si… elle-même. Elle se leva pour venir vers moi : 

-       Est-ce que ça va ? me demanda-t-elle alors que je titubais vers elle. 

-       Ça va très bien, chuchotai-je de ma voix ivre. J’ai juste…, j’voulais juste te voir, déclarai-je naturellement. J’ai un peu bu, et je me suis dit…, j’ai envie d’la voir, alors… merde, j’vais la voir. 

Elle me réceptionna quand j’arrivais à elle en saisissant mes bras alors que je tanguais dangereusement. Nous avions beaucoup, beaucoup bu. 

-       Asseyons-nous, d’accord ? proposa-t-elle en m’analysant avec un air concerné. 

-       Brillante idée, Granger.

Elle m’aida à m’asseoir, ou plutôt à tomber sur mon cul, au milieu de la tour d’astronomie. Je suspectai qu’elle ne voulait pas que l’on se mette à son bord de peur que je tombe dans le vide. Là-encore, brillant constat de sa part. 

-       Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-elle alors. 

-       Ugh, soupirai-je en prenant ses mains alors qu’elle était assise en tailleur face à moi, Blaise s’est fait larguer. 

Ses mains étaient si douces. Sa peau était si douce. J’avais envie de les manger. De les prendre, de les sentir, de les utiliser pour caresser mon visage, et de les manger. 

-       Quoi ? questionna-t-elle étonnée en me laissant tripoter ses mains sans y faire attention. Par qui ? 

-       Daphné Greengrass, lui appris-je en chuchotant. 

-       Je ne savais pas qu’ils se voyaient. Est-ce qu’il tient le coup ? 

Je levai les yeux vers elle et lui sourit tendrement. Je gardais ses mains emprisonnées dans l’une des miennes et tendais l’autre vers sa joue que je caressais. Sa joue aussi était incroyablement douce. Et elle était si belle. 

-       T’es trop gentille… Tu t’inquiètes pour mes amis. 

Là-encore, elle me laissa caresser sa joue sans broncher, et ses yeux ambrés ne quittèrent pas mon visage. 

-       C’est que ça doit faire beaucoup pour lui, ces derniers temps, dit-elle doucement. 

J’acquiesçai à ses mots. Oui, c’était le cas. Et cela me rendait triste, quand bien même en cet instant j’avais du mal à le sentir à l’intérieur de moi. 

-       Mais ça va aller, il a évité le pire. Cette Greengrass…, juste avant de ressortir avec lui elle a eu le culot de me draguer, alors qu’elle savait très bien que c’était mon ami ! Qui fait ça ? lui demandai-je alors, exaspéré. 

-       Elle a fait quoi ? questionna-t-elle plus sérieusement. 

-       T’inquiète pas, la rassurai-je en chassant ses doutes d’un mouvement de main, je lui ai dit que j’étais plus un cœur à prendre. Bien fait pour sa gueule au final. 

-       Quand est-ce qu’elle t’a dragué ? continua-t-elle néanmoins alors que je recommençai à caresser ses mains. 

Je lui dévoilais mes dents en un immense sourire. 

-       T’es jalouse ? 

Elle soupira devant mon amusement enfantin. 

-       T’es jalouse ! m’exclamai-je alors avant de rire à haute voix. 

-       Malefoy…, soupira-t-elle encore. 

-       Je te demanderai bien de pas lui jeter de maléfice, mais tu sais…, elle vient de larguer mon pote alors…, fait ce que tu veux. 

Elle pouffa devant le ton de ma voix, mon attitude, et le contenu de mes propos, et je riais avec elle. Elle était si belle, quand bien même je la voyais un peu floue. 

-       En plus je l’ai revue tout à l’heure, parce qu’il lui a tout raconté, du coup il a fallu que j’lui fasse un obliviate, et elle me sort quoi juste avant que j’lui fasse ? « Dans une autre vie, blablabla, toi et moi ça aurait pu marcher », alors qu’elle vient de larguer mon pote ! Le culot ! m’indignai-je alors. 

-       Tu cherches vraiment à ce que je lui jette un maléfice, commenta-t-elle. 

Je ne pus m’empêcher de rire à gorge déployée, et elle me regarda faire avec un sourire. 

-       T’inquiète, réitérai-je alors. T’as littéralement aucune inquiétude à avoir, j’ai pas flirté avec la moindre meuf depuis la rentrée de cette année. Tu te rappelles de cette meuf Edna, là ? Tu sais, celle à qui t’as jeté un maléfice pour qu’elle puisse plus jamais me parler, enchaînai-je avec un sourire malicieux, déjà j’lui ai demandé de v’nir au bal avec moi juste parce que t’y allais avec Weasmoche, et en plus à chaque fois qu’elle me parlait j’étais là…, ugh, tais-toi, t’es pas Granger, j’en ai rien à foutre de c’que tu racontes, lui dis-je avec une moue de dégoût en y repensant. 

Ses sourcils se levèrent sur son front et elle me regarda avec un petit sourire pincé. Un petit sourire fier. 

-       Oh j’t’en prie, fait pas genre tu savais pas. 

-       C’est juste agréable de te l’entendre dire, dit-elle doucement. T’es ivre à quel point ? demanda-t-elle alors. 

Je gonflais mes joues et expirais bruyamment. Je lâchais ses mains un instant et ouvrait grand les bras : 

-       Genre…, comme ça. Genre, beaucoup. Genre y a vraiment des chances que je me rappelle de rien demain. 

Cette phrase sembla lui faire un peu de peine, alors je me penchais vers elle et reprenais : 

-       Mais je-je…, je suis pas ce genre de mec hein. J’veux pas qu’tu crois que je bois comme ça souvent, ou quoi, c’est juste Blaise il a dit « si j’ai une carte tout le monde se bourre la gueule avec moi sans poser de question, c’est maintenant » alors on s’est tous bourré la gueule, et j’sais pas si tu l’as vu mais il est quand même sacrément baraqué, du coup faut boire beaucoup pour qu’il soit KO, donc pfff…, mais j’te jure j’suis pas comme ça normalement, j’aime même pas ça d’ailleurs, demain j’vais me sentir trop mal, ça va être horrible… 

-       … Tout va bien Malefoy, t’en fais pas, me coupa-t-elle tendrement. 

Et ses mots m’apaisèrent alors que je n’arrêtais pas de me justifier, et je me perdais dans ses yeux, quand bien même je ne les voyais pas très bien puisque même assit je tanguais de gauche à droite. 

-       T’es tellement belle, chuchotai-je alors, hypnotisé par son visage. Oh ! me rappelai-je alors en fouillant ma veste, j’ai quelque chose pour toi. 

Je sortis difficilement son cadeau de ma veste. 

-       Joyeux Noël Granger, lui dis-je en lui tendant son cadeau. 

Elle me regarda un instant sans rien dire. 

-       Tu m’as fait un cadeau ? 

J’haussai les épaules. 

-       C’est pas grand-chose. 

-       Merci, dit-elle doucement. 

Touchée. Je lui souriais. 

-       T’es beau quand tu souris, chuchota-t-elle presque sans prêter attention au paquet que je lui tendais, ses yeux fixés dans les miens. 

Mon sourire s’agrandit sur mes lèvres. 

-       Ouvre-le.

Elle m’obéit, et la façon dont son visage s’illumina quand elle découvrit le cahier Montblanc dont elle m’avait parlé et qu’elle avait tant désiré quand elle était petite valut tout l’or du monde. Et j’étais apaisé. 

-       Tu t’en es rappelé…, souffla-t-elle. 

-       Je t’écoute quand tu parles, chuchotai-je en sa direction. 

-       C’est… Malefoy merci mais c’est…, c’est beaucoup trop. 

-       Vraiment ? Je pensais que c’était le minimum pour la sorcière la plus brillante de notre génération, répliquai-je trop naturellement et sincèrement. Il te faut bien quelque chose qui tient la route pour noter toutes tes idées. 

Un sourire sincère et attendri prit place sur son visage, et ses joues rougirent alors qu’elle dut baisser le regard un instant avant de pouvoir rencontrer mes yeux à nouveau. Nous restions silencieux un instant, puis elle demanda doucement : 

-       C’est pour ça que tu voulais me voir ? 

J’haussai les épaules. C’était une question évoluée pour un esprit aussi embué que le mien. Je soupirai. 

-       J’veux toujours te voir Granger, mais mon état d’ébriété m’a juste permis de faire taire ma tête pour une fois. 

-       Ça doit te faire du bien, de la faire taire pour une fois, chuchota-t-elle. 

Ma bouche se pinça en une moue hésitante sans que je ne le commande. Je soupirai du nez, et soudain la fatigue se fit violemment ressentir en moi, et avec elle la joie que me procurait mon état. 

-       Ça ne change rien, répliquai-je sur le même ton. Ma vie sera toujours la même à mon réveil, j’aurais juste en prime une putain de gueule de bois. 

Elle me regarda sans rien dire un moment, puis elle demanda à voix basse :

-       Qu’est-ce que je peux faire pour toi Malefoy ? 

Je posai mes coudes sur mes genoux et passai mes mains sur mon visage, les laissant reposer sur mes joues. 

-       A ce stade, j’en sais rien Granger, chuchotai-je en retour. 

Elle me laissa avec mes pensées un instant, et les larmes montèrent en moi alors que je faisais périodiquement non de la tête. 

-       Theo va devenir Grand Intendant, murmurai-je alors qu’une larme coula sur ma joue. Ça veut dire qu’il va devenir le bras droit de Voldemort, le nommai-je avec l’alcool. J’crois pas que qui que ce soit puisse faire quoi que ce soit désormais, lâchai-je alors dans toute mon impuissance. 

Et l’angoisse monta en moi. Je le sentis dans mon corps, mes pensées étaient bien trop empoisonnées pour s’exprimer clairement à moi. Mais je sentais la nausée monter en moi, et ma respiration devenir difficile. 

-       Merde, chuchotai-je alors en me frottant les cuisses, cherchant à me débrasser de ces sensations. 

J’expirai profondément en essayant de reprendre le contrôle. En vain. 

-       C’était pas une bonne idée de parler de ça, annonçai-je avec une moue de dégoût. 

-       Vous n’en avez pas parlé ? 

Je fis non de la tête. 

-       Tu ne crois pas que ça serait peut-être bien de lui dire ce que tu ressens par rapport à ça ? Que ça ne reste pas juste…, à l’intérieur de toi ? 

-       Ça va pas Granger, lui appris-je alors que l’inconfort grandissait en moi. 

-       De quoi tu as besoin ? me demanda-t-elle avec un peu de panique dans la voix qu’elle essayait de masquer. 

Je fis non de la tête alors que l’anxiété montait. Je ne savais pas. Je ne savais rien. Aucune pensée rationnelle me venait. Ni même des pensées anxieuses. Je me sentais juste… mal. Et quand je me sentais mal, je… Theo. 

-       Theo, dis-je alors. Emmène-moi à Theo. 

Elle me regarda, interdite. 

-       Maintenant ?

J’acquiesçai, et elle se releva pour m’aider à faire de même. Elle me tint par le bras alors que nous traversions ensemble le château vide plongé dans la nuit jusqu’à mon dortoir, au chevet de Theodore qui dormait profondément aux côtés de Pansy. Je secouai son épaule qui dépassait du drap, ce qui le réveilla immédiatement. Il ouvrit violemment les yeux et sursauta presque en découvrant Granger à côté de moi. 

-       Quelqu’un est mort ? demanda-t-il alors que ses yeux étaient difficilement ouverts. 

-       Quoi ? m’étonnai-je. Qu’est-ce que…, non ! chuchotai-je, confus. Juste…, lève-toi, lui ordonnai-je. 

-       Qu’est-ce qui se passe ? questionna la voix endormie de Pansy en se retournant vers nous. 

Il embrassa son épaule. 

-       Rien, c’est Drago, rendors-toi. 

-       Trouvez-vous une putain de chambre vous deux, j’en ai marre de vos conneries de dépendants affectifs, pesta-t-elle avant de se rendormir sans noter la présence de Granger. 

Theodore se débarrassa de sa couette et ma main vint se plaquer violemment sur les yeux de Granger qui fit un mouvement de recul. 

-       Nope, tu ne regardes pas ça, dis-je en la dirigeant vers la sortie de notre dortoir en cachant ses yeux alors que Theodore, en caleçon, sortait de son lit. 

Elle m’avait aidé à redescendre les escaliers, et je m’étais assis en tailleur sur le sol derrière les fauteuils de la salle commune, Granger demeurant debout à côté de moi. Quelques secondes plus tard, Theo habillé d’un pyjama que je ne le voyais littéralement jamais porter tituba jusqu’à nous, et la Gryffondor tenta de partir : 

-       Je vais vous laisser. 

J’attrapais son poignet et la tirais, la forçant à s’asseoir à côté de moi. 

-       Tu ne vas nulle part. Theo, repris-je vers lui maintenant qu’il était assis en tailleur face à nous, il faut qu’on parle. 

Il ouvrit des grands yeux surpris, et m’empressa de continuer : 

-       Bien sûr, quoi de mieux qu’en plein milieu de la nuit alors qu’on est tous les deux arrachés ? Je t’écoute. 

-       Granger ici présente m’a soumis l’idée qu’il serait peut-être…, opportun de te nommer mes sentiments vis-à-vis de la situation actuelle, commençai-je en me concentrant difficilement. Parce qu’on n’en a pas parlé tous les deux et c’est ce qu’on fait, tu sais, tous les deux…, on parle des choses. 

Il acquiesça. 

-       C’est vrai, on le fait, confirma-t-il alors qu’il était dans le même état que moi. 

-       Et j’sais pas pourquoi on l’a pas fait là, m’exclamai-je en me penchant vers lui. 

-       J’sais pas non plus, il s’est passé tellement de choses en peu de temps, soupira-t-il en parlant sur un ton aussi explicitement ivre que moi. 

-       Mais je crois que Granger a raison, il faut qu’on en parle, déclarai-je alors. 

Il acquiesça encore. 

-       Elle a souvent raison, appuya-t-il en la regardant. 

-       C’est vrai, remarquai-je en fronçant les sourcils. C’est assez énervant d’ailleurs, lui dis-je en me tournant vers elle. 

Elle nous regarda tour à tour, confuse, alors que nos yeux embués la fixaient. 

-       Désolée, s’excusa-t-elle finalement, gênée. 

-       Merci, appuyai-je vers elle. Donc, repris-je vers Theo, mec j’suis terrifié que tu deviennes Grand Intendant. Genre…, terrifié. 

Il continua d’acquiescer. 

-       Je peux entendre ça, confirma-t-il. 

-       Pas toi ? lui demandai-je alors. 

Il soupira exagérément. 

-       Faut bien que quelqu’un le fasse. 

-       Ouais mais pourquoi faut toujours que ce soit toi, tu vois ? Genre, t’es mon meilleur ami, fin… soupirai-je, t’es beaucoup, beaucoup plus que ça et ça me casse les couilles que ça soit toujours toi, tu vois ? Genre pourquoi ça peut pas être quelqu’un d’autre que toi ? Et comme ça moi j’peux t’garder, et on a pleins d’enfants et tout ! 

Il ouvrit les bras avec impuissance. 

-       J’sais pas mec, j’suis trop fort p’t’être, songea-y-il en se questionnant, parce qu’il n’en était même pas vraiment conscient.  

-       C’est vrai, lui accordai-je en me tournant vers Granger qui nous regardait toujours comme si on était deux fous, il est trop fort. 

Elle m’adressa un sourire pincé. 

-       Mais tu voudrais pas, genre, repris-je vers Theo, faire genre que t’es un peu moins fort comme ça il t’propose pas le poste ? 

-       Bah non, pesta-t-il comme si c’était absolument évident et que ma question était débile, imagine il te le donne à toi. 

-       Il fera pas ça, chuchotai-je en faisant non de la tête. 

-       J’prendrais pas l’risque frère, t’es beaucoup trop important pour ces conneries, ajouta-t-il en imitant mon geste de tête. 

-       Tu ferais ça, demanda alors Granger à voix basse, et tout ce que ça implique d’horreurs et de massacres, juste pour que Malefoy n’ait pas à le faire ? 

Il fronça les sourcils en sa direction, comme s’il ne comprenait pas très bien la question. 

-       Bien sûr ? 

Je soupirai et demeurai silencieux un instant. Mon esprit embué n’avait pas grand-chose de plus qui lui venait, maintenant qu’il avait dit cela. Je savais que je ne pouvais rien lui dire qui allait le faire changer d’avis. 

-       Je déteste tellement ça mec, soufflai-je alors, impuissant. 

Je laissais mon visage tomber sur l’épaule de Granger. 

-       Je sais, chuchota-t-il en retour, moi aussi. 

Et soudain, une idée me vint et j’ouvrais grand les yeux, ainsi que la bouche, et me redressai : 

-       Putain, je viens de réaliser un truc ! 

-       Quoi ? me demanda-t-il devant mon air extasié. 

-       Ton père serait à tes ordres ! m’exclamai-je. 

Il y songea un instant avec la bouche entre-ouverte. 

-       Putain, il le serait ouais. 

-       Oh ça, ça serait génial putain, songeai-je en imaginant. 

-       Trouver le positif dans le négatif, n’est-ce pas, commenta Granger sur la réserve. 

-       Si tu connaissais l’personnage tu trouverais ça jouissif aussi, lui appris-je alors. Il va être ta pute ! m’exclamai-je vers Theo. 

-       Putain oui, acquiesça-t-il avec un splendide sourire. 

-       Attends, songeai-je un instant. Est-ce que tu vas faire de moi ta pute aussi, quand tu seras Grand Intendant ? lui demandai-je sérieusement. 

Il fronça les sourcils en me regardant, confus. 

-       T’es déjà ma pute, Drago, répondit-il le plus naturellement du monde. 

-       Merde, réalisai-je alors. C’est vrai. Je suis ta pute Theo, acceptai-je alors. 

Je me tournai vers Granger, qui nous regardait l’un et l’autre avec des yeux hallucinés : 

-       J’suis sa pute, lui appris-je. 

-       Mmh mmh, répondit-elle, confuse. 

-       Et ça m’dérange même pas, reconnus-je en haussant les épaules vers lui. Genre, si j’dois être la pute de quelqu’un un jour, c’est ta pute à toi que j’veux être Theo. 

Il acquiesça en me souriant tendrement. 

-       Je sais, murmura-t-il. 

-       Ça m’a tout l’air d’être une relation saine, ironisa Granger. 

-       Pas vrai ? appuyai-je alors. C’est si beau, m’extasiai-je sincèrement. 

-       Si beau, répéta Theo avec les yeux dans le vide. 

-       Tu sais, si t’étais une femme, je t’aurais déjà épousé depuis longtemps, lui confiai-je alors. 

-       C’est moi qui t’aurais épousé, renchérit-il. 

-       Très bien, je crois que je devrais vous laisser maintenant, tenta encore Granger. 

-       Merde, désolé, m’excusai-je alors. C’est que…, t’es en train d’officiellement rencontrer la personne la plus importante au monde pour moi, c’est…, c’est gros, réalisai-je avec mes yeux grands ouverts. 

-       C’est vrai, m’accorda-t-elle, c’est important. Et vous êtes tous les deux très, très ivres. 

-       C’est pas notre faute, se défendit Theo, c’est pas nous. 

-       C’était pour soutenir notre ami, renchéris-je. 

-       Mmh mmh, vous êtes des amis très dévoués, nous céda-t-elle avec un sourire. 

-       Je sais, n’est-ce pas ? Merci de le reconnaître ! m’exclamai-je avant de me retourner vers Theo. On est de bons amis ! 

-       Amen, conclut-il.

Granger soupira : 

-       Vous allez être beaux demain. 

-       A propos de demain, songea alors Theo en fronçant les sourcils, t’as laissé quoi comme souvenir à Daphné de ce qu’il s’est passé ? Parce que connaissant l’animal, je doute que Pansy se retienne de lui partager le fond de sa pensée. 

-       T’inquiète, le rassurai-je alors, j’ai laissé cette possibilité ouverte, elle pense qu’elle l’a largué parce qu’elle était pas amoureuse de lui. 

-       Parkinson lui en veut ? demanda alors Granger vers Theo. 

Il acquiesça avec ses yeux grands ouverts. 

-       Toi la première, tu devrais savoir qu’il faut pas chercher la merde avec les mecs de Pansy, lâcha-t-il alors en sa direction. 

Je ne pus m’empêcher de rire, et un sourire malicieux se dessina sur les lèvres de Theo. Granger accusa ses mots avec un sourire pincé. 

-       Ouais…, c’était pas très malin de ma part, lui céda-t-elle. Est-ce qu’elle va me détester à jamais maintenant ? lui demanda-t-elle encore. 

-       Tu projettes de rester dans les parages ? enchaîna alors Theo. 

Elle haussa les épaules. 

-       Ça me plairait, si on m’en donnait l’opportunité, ajouta-t-elle vers moi.  

-       J’aime pas beaucoup la tournure que prend cette conversation, notai-je alors.  

Et cette fois ce fut le rire de Theodore qui remplit la salle commune. 

-       Eh bien vous êtes tous les deux ivres, et tu as réclamé ma présence, alors je crois que si j’étais si intelligente que ça j’en profiterai, non ? me demanda-t-elle avec son petit sourire hautain habituel. 

-       Tu n’oserais pas, tentai-je alors avec un sourire charmeur. 

-       Profiter de votre état pour mes propres intérêts ? Bien sûr que non, répliqua-t-elle avec le même sourire.

-       Sorcière diabolique, commentai-je en me perdant dans son sourire. 

Elle s’autorisa à laisser son sourire s’élargir en ma direction, puis elle tourna à nouveau le visage vers Theodore : 

-       Tu penses qu’il y a une chance pour que je parvienne à rester dans les parages ?

La bouche de Theodore forma un « o » et il eut un mouvement de recul alors qu’il répliqua : 

-       Merde, j’ai le sentiment qu’on essaye de profiter de moi.  

-       Tu sais quoi, dis-je alors à mon frère alors que l’alcool obstruait clairement mon jugement, puisqu’on est là et puisqu’on en est là…, allons-y. 

-       Allons-y ? répéta-t-il vers moi. 

-       Oui, vas-y. Tu peux lui répondre ce que tu penses vraiment. 

-       Tu vas le regretter demain, m’avertit-il alors en pointant un doigt vers moi. 

-       Je sais, mais je suis en paix avec ça, le rassurai-je alors aussi sincèrement que je le pouvais vu l’état dans lequel j’étais. 

État qu’il partageait. Il soupira et s’étira un peu le dos avant de reprendre vers Granger qui était toujours assise à côté de moi. 

-       Très bien, c’était quoi la question ? 

-       Est-ce que tu penses que j’ai une chance de réussir à rester dans les parages ? 

Il acquiesça doucement alors qu’il réfléchissait en fixant le sol, puis naturellement il répondit : 

-       Oui. 

-       Oui ? questionna-t-elle. 

-       Oui, répéta-t-il simplement. 

-       Qu’est-ce qui te fait dire ça ? demanda-t-elle plus amplement. 

-       Eh bien pour commencer je crois que tu es la personne la plus déterminée et la plus têtue dont j’ai jamais entendu parler donc si quelqu’un a une chance à obtenir un truc qu’elle veut, j’pense que c’est toi, répondit-il alors, et puis j’sais pas si tu l’as remarqué toi aussi mais il a quand même un peu de mal à rester loin de toi, tu crois pas ? 

Elle tourna le visage vers moi quand elle répondit : 

-       Je l’ai remarqué, mais je ne sais pas si lui l’a remarqué. 

Je lui rendis son sourire. 

-       Qu’est-ce que t’en penses, petite sorcière ? lui renvoyai-je alors. 

-       Je crois que tu l’as remarqué, toi aussi. 

Je lui retournai la douceur de son sourire, mais je ne répondis aucun mot. Parce que je n’avais rien à dire que mon visage n’exprimait pas déjà. Elle était là, dans ma salle commune, face à mon frère, que j’avais autorisé à être totalement honnête avec elle. Que pouvais-je faire d’autre qui signifiait à ce point que je l’aimais désespérément ? 

Elle m’observa elle aussi en silence un instant avant de dire à voix basse : 

-       Parfois j’ai l’impression qu’il y a plusieurs Malefoy. Qu’il y a celui avec moi, celui qui ressent ce qu’il ressent pour moi, et qui est capable d’une tendresse incroyable, et puis qu’il y a celui qui reprend le contrôle juste après, qui jette tout ça à la poubelle, et qui fait tout pour m’éloigner de lui. Comme là, ajouta-t-elle doucement. Ce soir tu me regardes comme ça, tu me souris comme ça, tu me parles comme ça, et demain tu m’ignoreras froidement et tu me demanderas de disparaître de ta vie. 

Tout sourire s’effaça de mon visage. Je ne trouvais rien à lui répondre, en l’état actuel de mon cerveau. Je savais que c’était vrai, et cela me rendait triste. Mais ce n’était pas « Malefoy ». C’était la vie de Malefoy. Mais je n’avais pas en moi ce qu’il fallait pour avoir cette discussion en cet instant. Je détournai le regard et fixai le sol alors que je sentais les yeux de Theodore posés sérieusement sur moi. 

-       Je pense que tu es consciente que le contexte rend les choses plus compliquées qu’une simple question de se risquer à se laisser expérimenter des sentiments, lui répondit-il alors que j’en étais moi-même incapable. 

-       Je sais, chuchota Granger. 

-       Et je pense que peut-être que pour les deux Malefoy dont tu parles, c’est tellement insupportable l’idée même que du mal te sois fait, et puisque le premier est incapable de rester loin de toi pour te protéger à cause de ce qu’il ressent pour toi, alors le deuxième Malefoy n’a pas le choix de reprendre le contrôle pour que tu puisses être en sécurité, là-aussi parce que lui aussi, il ressent tout ça pour toi, tu crois pas ? continua-t-il comme s’il n’était plus saoul du tout. 

Avec toute sa sagesse, son sérieux, et sa justesse habituelle. Elle acquiesça à ses mots. 

-       C’est sûr que dit comme ça, ça rend tout ça un peu moins…, confus, lui accorda-t-elle alors. Un peu moins ambivalent. 

-       Tu es trop intelligente pour ne pas déjà savoir que même dans l’ambivalence, il y a toujours une logique, le crac, continua-t-il avec un sourire en sa direction. 

-       Le crac ? répétai-je, mon cerveau ivre devenu confus. 

-       C’est un surnom qui signifie qu’il me trouve intelligente, répondit-elle à sa place. 

-       Ah ouais, on en est au stade où mon frère a un surnom pour toi, fort bien, notai-je alors que Malefoy numéro 2 ne semblait pas beaucoup apprécier cela, tandis que Malefoy numéro 1 avait le cœur réchauffé. 

Elle tourna le regard vers Theodore et appuya son propos de ma phrase : 

-       Tu vois, lui lança-t-elle. 

Theodore se permit de rire alors qu’elle me regardait avec des yeux attendris. Des yeux que je lui rendais. 

-       Comment je vais faire pour t’apprivoiser ? murmura-t-elle vers moi dans un soupir.

Je lui souris, mais là-encore je ne trouvais rien à lui répondre. Je voulais juste la regarder. Je n’avais rien à lui dire, chaque mot étant dangereux. Je voulais juste… qu’elle soit là, et la regarder. 

-       J’peux pas t’aider là-dessus, de nous deux c’est plutôt lui qui m’a apprivoisé, lui répondit alors Theo devant mon silence apaisé. 

-       C’est vrai ? questionna-t-elle avec bienséance, prétendant de ne pas déjà le savoir alors que je lui avais raconté qui il était, ce qu’il avait vécu, et notre relation. 

Cela me força à la regarder avec plus d’amour encore. 

-       Oui, confirma Theo, c’est vrai. 

-       Je suppose qu’il va falloir que je le découvre par moi-même alors, dit-elle doucement en rencontrant mon regard enivré à nouveau. 

Je lui adressai un tendre sourire, et enchaînais finalement : 

-       Pour ce que ça vaut, il te soutient depuis le début, dis-je à propos de Theodore. 

-       Vraiment ? lui demanda-t-elle alors. 

-       Qu’est-ce que tu veux, j’le connais depuis assez longtemps pour savoir quand quelque chose est bon pour lui, répliqua-t-il naturellement. 

-       Je suis flattée, lui répondit-elle avec sincérité. 

-       Enfin, je te soutiens…, sauf quand il me demande de te foutre à la porte, lâcha-t-il alors avec un grand sourire. 

Et elle rit, et Theodore se mit à rire avec elle. Et à cet instant, ce fut à la fois comme si mon monde s’écroulait, et que comme si toutes les planètes étaient parfaitement alignées. Que pouvait-il y avoir de plus que cela à la vie ? Plus que Theo et elle, riant ensemble. Plus que l’homme qui savait tout de moi, celui qui soutenait tout de moi, celui qui aimait tout de moi, et la femme qui acceptait tout de moi, accueillait tout de moi, et voulait tout de moi, riant ensemble ? Il me semblait qu’il n’y avait rien, rien de plus que je pouvais attendre de la vie désormais. Alors je les regardais, et je les écoutais. Et je tentais aussi fort que je le pouvais de graver ces images dans mon esprit, leurs visages magnifiques se souriant l’un à l’autre, les yeux ambrés de Granger et les plis au creux de ceux-ci alors qu’elle riait, les lèvres pleines de Theodore dégageant ses dents et dévoilant le plus beau sourire dont la Terre n’eut jamais été témoin, et le son de leurs rires se répondant parfaitement. Le rire rauque et profond de Theo, et celui plus étouffé, aux tonalités presque cassées de Granger. Parce que je savais parfaitement que je ne vivrais jamais rien de plus magnifique, de plus complet, et de plus aligné que cela. Je mourrai pour eux. Je torturerai pour eux. Je tuerai pour eux. Pour qu’ils soient sains et saufs. Pour pouvoir les voir se sourire mutuellement, eux, les deux personnes qui faisaient vibrer mon âme et danser mon cœur. Pour pouvoir les entendre rire ensemble, quitte à ce que je ne puisse plus jamais rire moi-même. Quoi qu’il faille faire pour eux. Quoi qu’il m’en coûterait. Parce qu’elle avait mon cœur, et qu’il avait mon âme. Et que je ne pouvais perdre ni l’un, ni l’autre. 


Pour des updates et du contenu en rapport avec la fic, suis mon compte Insta dédié ! Pour des choses plus importantes ça peut être utile : pour exemple depuis le chapitre 31 il y a un site sur lequel je publie aussi normalement et pour je ne sais quelle raison ça ne fonctionne plus, et certaines personnes ne savent pas qu'il y a 3 autres chapitres dispo sur d'autres sites si elles ne me suivent pas sur insta :/ On sait jamais !!

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A bientôt <333 

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