Ses yeux verts

Chapitre 27 : Chapitre vingt-septième - Cogitations nocturnes

1840 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 07:07

Il devait se rendre à l'évidence, la correction de ses copies se révélait absolument inefficace. Voilà bien vingt minutes qu'il se prenait la tête sur le même devoir sans avancer d'un pouce dans la notation. Installé à sa table de travail, le regard vide, Severus Rogue pousse un soupir en repoussant d'un geste de baguette la montagne de devoirs qui l'attendent. Londubat peut bien attendre son T quelques jours de plus, après tout, ça ne presse pas. Voilà pourtant un comportement qui ne correspond guère au maître des potions, habituellement prompt à corriger ses copies et fournir une correction rapide aux étudiants. Sa vie a changé, depuis le 14 février dernier et on peut dire que sa relation exerce sur lui une certaine influence. Pas foncièrement néfaste, il ne peut nier que sa compagne le rend heureux sitôt qu'il peut la prendre dans ses bras. Mais qui soulève tout de même quelques interrogations. Ingrid est partie depuis une petite heure seulement et déjà, elle manque cruellement au professeur. L'homme pousse un soupir, agacé d'être si dépendant au parfum, à la douceur de la peau de la jeune sorcière. Jamais il ne s'est senti aussi niais. Cette idée l'agace prodigieusement. Il se dit, à chaque fois, qu'il va remédier à cela et se montrer plus indépendant mais il n'y parvient pas. Un soupir lui échappe encore. Décidément non, sa vie n'est plus du tout la même. Quittant la table de travail, l'homme approche de la fausse fenêtre qui, sur le même principe que le plafond magique de la grande salle, lui envoie un reflet de l'extérieur et du coucher de soleil sur le lac de Poudlard, qui surplombe la salle commune de sa maison. Si ce spectacle a toujours provoqué en lui un sentiment de plénitude, les choses sont différentes aujourd'hui. Même si un peu plus tôt, le sorcier a dit à sa belle de ne pas s'inquiéter au sujet des risques de sa relation, contempler seul ce coucher de soleil lui rappelle qu'il ne peut en voir avec Ingrid pour de vrai. En réalité, il y a beaucoup de chose que, pour son bien comme pour celui de la serdaigle, il ne peut s'autoriser. Malgré ce qu'il a dit, malgré l'insouciance qu'il réclame à la demoiselle, l'homme est loin d'adopter cet état d'esprit, se contentant simplement de ne point trop le montrer à Ingrid, pour la laisser jouir, elle, de l'insouciance. Bien que ses efforts soient vains pour la détourner de ses inquiétudes.Quelques coups sont donnés à la porte de l'homme. Rogue fronce alors les sourcils, ouvre la porte et Dumbledore entre. Visiblement, le vieil homme a l'air soucieux. Le professeur Rogue peut le voir aisément au front plissé, signe d'une grande réflexion, de la part de l'homme. Et pour qu'un sorcier comme le directeur de Poudlard soit contrarié, c'est que quelque chose d'assez grave a dû se produire. Quelque chose que le mangemort ignore, de toute évidence."- Ronald Weasley a été empoisonné."Le professeur Rogue sur cette annonce ne comprend guère où veut en venir son directeur qui manque cruellement de précisions, si bien que le professeur de défense contre les forces du mal est contraint de les demander lui-même. "- C'est à dire ? Précisez-donc votre pensée, Albus." lance-t-il, le regard perdu vers la fenêtre de nouveau."- Il a mangé des chocolats plein de philtre d'amour. Harry Potter l'a mené chez Horace qui l'a soigné. Ils ont ensuite souhaité célébrer l'anniversaire de Ronald mais l'hydromel offert par le professeur Slughorn était empoisonné." explique donc le vieil homme."- Monsieur Weasley a-t-il survécu ?" s'enquit le maître des potions, comme Dumbledore ne précise rien à ce sujet."- Oui, oui bien sûr. Grâce à Harry qui a trouvé un bézoar. Mais je suis inquiet Severus. Les choses auraient pû mal tourner deux fois déjà. J'imagine que ces deux tentatives de meurtres m'étaient destinés. Le jeune Monsieur Malefoy a commencé le travail confié par Voldemort. Il est encore trop tôt Severus... Il va falloir être plus vigilant, avant que Monsieur Malefoy n'assassine véritablement l'un de ses camarades..." annonce l'homme aux lunettes en demi-lune."- Certes Albus. Je vais tâcher de redoubler d'attention pour lui. Mais il est... sous pression et je ne peux prendre le risque de le dissuader sans brûler ma couverture. Je vais néanmoins essayer de le faire changer de tactique, au moins pour gagner du temps..." assure le maître des potions.Dumbledore incline la tête en signe de satisfaction, perdant son regard un instant sur la fenêtre magique, murmurant quelques propos que Rogue parvient difficilement à entendre et qui donnent quelque chose comme "j'ai peur pour l'école, Severus. Et pour Harry". Soudain, Dumbledore fixe son regard sur le professeur. "- Severus... Notre accord tiens toujours n'est-ce pas ? Le moment venu il faudra que ce soit toi…” questionne l'homme, affichant son éternel sourire énigmatique qui, pour le coup, paralyse le professeur. Parler ainsi d'un sujet si sérieux et délicat n'est pas du goût de ce dernier."- Bien sûr Albus. Mais si nous pouvions éviter d'évoquer le sujet..." grince le professeur entre ses dents, soudainement raidi par la tournure que prend cette conversation."- Oh vous savez Severus... La mort est comme une vieille amie et puis..." il désigne sa main noire. "Ce sera une véritable délivrance, le moment venu. J'ai déjà bien vécut. N'ai pas de regrets pour les morts Severus. C'est des vivants qu'il faut avoir pitié." murmure le vieux professeur avant de poser son regard destabilisant sur son enseignant. "Avant qu'il ne soit trop tard Severus... j'espère que tu trouveras le bonheur..." lance Dumbledore et, sans un regard pour son professeur, il sort rapidement, laissant Rogue là.Furieusement, le maître des potions prend la direction de son laboratoire où il tente de se calmer avec la préparation de quelques antidotes. Préparer une potion a toujours su le détendre, il espère que cela sera le cas aujourd'hui aussi. Mais si cette occupation lui apporte en partie l'effet désiré, l'homme ne peut pas nier que cela ne le détend finalement pas autant qu'il aurait pu le souhaiter. D'un geste rageur, il envoie la préparation dans des flacons avant de quitter les lieux, sur un sort de nettoyage. Gagnant son salon, l'homme prend place près du feu, son esprit se perdant dans les flammes qui lèchent le bois. Rapidement, un verre de whisky pur malt se loge dans sa main. L'alcool ne soulage peut-être pas tout les maux mais le professeur sent qu'il en a besoin alors que sa vie, ces derniers temps, devient de plus en plus compliquée, au rythme des missions qu'il doit remplir pour les uns et les autres. Tout le monde se soucie de tout le monde. Et lui ? Qui se préoccupe de lui et des dangers auxquels il s'expose chaque jour, pour le bien du monde magique ? Pour mettre à mal le règne du grand mage noir ? Personne ne s'inquiète de sa vie qu'il met en péril. Peut-être qu'Ingrid, si elle en savait davantage, s'inquiéterait pour lui mais la sorcière est à des lieues d'imaginer ce que vie son compagnon, comme ce dernier n'est pas du genre à se confier. Quelques heures plus tard, dans son lit, éméché sans être ivre, Rogue dévisage son plafond, les mains derrière la tête et le sommeil ne vient pas. L'inquiétude de nouveau a refait surface. Pas pour lui, pas uniquement. Mais pour Ingrid. Aux risques qu'il prend, qu'il lui fait courir. Si l'on découvre son histoire avec le professeur, l'homme sait que ses camarades ne la laisseront pas tranquille et si le seigneur des ténèbres venait à l'apprendre, le serpentard redoute que la Serdaigle ne serve d'arme contre lui, si sa trahison venait aussi à être découverte. Et puis, si dans l'une de ses missions, il perdait la vie, qu'adviendrait-il de la jeune femme ? L'homme s'imagine Ingrid avoir du chagrin, au début. Puis refaire sa vie. Finir ses études, le pleurer encore un peu, rencontrer un charmant jeune homme, se marier et finalement, avoir des enfants. Cette idée lui est insupportable. Se levant prestement, l'homme quitte sa chambre pour retourner à son laboratoire, l'esprit embrumé de ses pensées. Pour finalement tourner en rond dans son salon, tournant et retournant ses problèmes dans sa tête, songeant que la sorcière risque fort de le haïr s'il doit accomplir la mission que le professeur Dumbledore lui a confié. Et supportera-t-il de la perdre pour avoir accompli son devoir ? Certainement pas. L'homme cogite, pense, imagine, émet des hypothèses, s'interroge. Doit-il lui en parler ? Partager avec elle son fardeau ? Simplement l'informer, la prévenir, pour qu'elle ne soit pas surprise ? Ou doit-il simplement se taire et prendre le risque de la voir, un jour, le repousser ?

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