Chapitre 30

Mes yeux s’habituaient doucement à la pénombre et je pouvais maintenant voir que les deux ombres humaines étaient les deux tributs du 9. Ils avaient l’air effrayés mais également déterminés. Mais honnêtement, ce n’est pas d’eux que j’avais réellement peur.

J’avançais doucement vers eux, et je sortis mon couteau de son fourreau en avançant doucement vers nos deux ennemis. Je remarquais d’ailleurs au passage qu’on nous avait menti, encore une fois. Aucun repas ne nous attendait près de la corne d’abondance. Tout ce que les juges voulaient, c’est qu’on se batte. Comme toujours. Je me concentrais de nouveau sur nos adversaires et je vis que le garçon avait une sorte de petit épieu et la fille avait un poignard légèrement différent du mien. Nous pourrions sans doute les battre mais il fallait que les carrières ne débarquent pas au mauvais moment.

Et c’est évidemment ce qu’ils ont fait.

Je les ai vu courir vers le bas de la corne d’abondance, presque à côté de nous. Ils étaient essoufflés et les ombres semblaient vouloir les happer. Mais malheureusement pour nous, ils ont survécu et sont arrivés presque sains et saufs à la corne d’abondance. Il ne leur faudrait sans doute que quelque minutes pour reprendre leurs souffles alors je m’écartais rapidement et Alex fit de même. Les tributs du 9 se sont également éloignés de l’autre côté et nous nous sommes donc retrouvés tous dans des coins différents de la clairière. Nous étions dans un triangle assassin et je ne savais pas combien de temps nous allions tenir sans devoir se battre. La fille du 2 paraissait remise de sa course folle et les deux du 1 restaient tout de même un peu haletants. Nous n’avions plus beaucoup de temps. Notre seule chance était de tuer un maximum d’adversaires avant qu’ils soient tous remis. Mais par qui commencer ? Et qui attaquerait le premier ? Je n’avais plus assez de temps pour trouver toutes les réponses à mes nombreuses questions.

« Alors ? déclara Clarisse en haussant les sourcils. On va rester à se regarder en chiens de faïence, ou on va enfin se battre ?

- Tu es pressée à ce point de mourir ? lui demandais-je en avançant de quelques pas.

- Je pense que ta mort me suffirait pour aujourd’hui.

- On verra bien.

Elle commença à avancer vers moi et ses deux tributs acolytes ont suivi son mouvement sans vraiment y réfléchir. Alex voulut se placer devant moi, comme pour me protéger, mais je ne souhaitais pas le voir s’interposer. Pas pour le moment.

Les tributs du 9 restaient légèrement de côté, comme s’ils voulaient se faire oublier pendant le temps du banquet. Mais c’était impossible.

J’hésitais à me jeter sur Clarisse pour laisser les autres s’entretuer entre eux mais je devais aussi penser à Alex. Nous devions penser et agir comme une équipe.

Je le regardais pendant un moment et il semblait réfléchir à tout et rien en même temps. Mais il devait se décider dès maintenant. Car les carrières ne semblaient pas vraiment prêts à attendre notre décision. Ils continuaient d’avancer vers nous d’un pas rapide et décidé. Nous n’avions plus assez de temps pour réfléchir. Nous devions agir.

Je me mis également à avancer, en ne fixant que Clarisse et personne d’autre. Pour le moment, ma cible, c’était elle. Et apparemment, j’étais la sienne.

Mais personne n’était d’accord dans cette arène, et la fille du 9 s’est jetée sur moi d’un bond rapide et violent. Je retournais la tête vers les carrières presque immédiatement et pendant ce court instant, je vis le garçon sauter sur Clarisse. Ils semblaient se lancer dans une mission de suicide. Ils avaient décidé de s’attaquer aux deux personnes qui s’étaient désintéressé d’eux. Pas très malin.

Mais je devais riposter à cette attaque avant de m’attaquer à Clarisse. Elle était déjà concentrée sur le garçon alors je pouvais m’occuper de la fille tranquillement. Je me relevais rapidement et lui lançais un coup de pied dans la côte. Et pendant qu’elle tentait de me rendre la pareille, je me jetais sur elle et lui lançais quelques coups de poing pour l’assommer un peu. Elle saignait un peu du nez, et je me relevais pour m’éloigner un peu d’elle. Clarisse était toujours occupée avec le garçon et il était beaucoup plus mal en point que sa partenaire. Il n’était pas très loin de la mort à présent. Et elle le remarqua après avoir tourné la tête.

- Adam ! cria-t-elle en le voyant remplir la terre de son sang.

- Enfuis-toi Manon ! lui répondit-il en levant les yeux. C’est trop tard pour moi !

Ils se regardaient tous les deux pendant un moment, et je voyais dans leurs regards quelque chose de familier pour moi. De la peur. Ils ne voulaient pas que l’autre meurt par peur d’être tout seul une nouvelle fois. C’est ce que nous ressentons tous dans l’arène. Absolument tous, sans exception. Et je n’aimais pas voir cette peur car elle m’empêchait de survivre, si c’était pour tuer les autres. C’était dur. Trop dur.

La fille nommé Manon apparemment, se retourna vers moi et me supplia presque du regard. Elle avait peur. Et elle avait peur de quelque chose de précis d’ailleurs. Cette fille avait peur de moi.

Je restais debout, devant elle, pendant un moment. Je ne me décidais pas et je n’en avais pas envie. J’entendais les coups que Clarisse faisait pleuvoir sur ce Adam. J’entendais ses gémissements qui amplifiaient en même temps que sa douleur. J’entendais les pleurs de Manon qui ne semblaient pas s’arrêter pour le moment. Et j’entendais mon cœur qui battait dans mes tempes, aussi fort que si je le tenais dans ma main. Et tout ce bruit m’empêchait de me concentrer vraiment et de réfléchir à la décision que j’allais prendre. Tout était flou. Trop flou pour que j’y vois quelque chose pour le moment.

- Tu vas bien Johanna ? me demanda Alex en avançant vers moi. Cette fille t’a blessée ?

- Non, je vais bien. Mais je… Je n’ai pas envie de faire ça. Pas à eux.

- Mais de quoi tu parles ?

- Ceux du 9. Je ne veux pas les tuer.

Alex me regarda sans bouger et ne parla pas sur le moment. Mais il me comprenait toujours et je savais donc quelle serait sa conclusion à la fin.

- D’accord, affirma-t-il. Pas eux. Mais par contre, les carrières méritent une petite correction je crois.

- Tout à fait d’accord !

Je me tournais vers Manon, et lui déclara:

- Vas aider ton allié si tu le désire. Mais reste en dehors de mon chemin.

Elle hocha vigoureusement la tête et s’enfuit de l’autre côté de la clairière. Je me retournais vers Alex et il me regardait avec des yeux étranges.

- Tu avais peut-être raison finalement, lui annonçais-je subitement. Je suis peut-être trop lâche.

- Absolument pas. Tu es généreuse et altruiste. Et prodigieuse.

- On reprendra cette discussion quand on aura survécu d’accord ?

- Avec plaisir ! »

Nous avons avancé d’un seul coup et je me suis dirigé vers la fille du 1. Alex quand à lui, s’est occupé d’attaquer son partenaire de district. Clarisse s’occupais toujours du garçon du 9, elle. Non pas qu’il soit dur à tuer ou autre chose comme ça. Elle voulait seulement profiter du moment et faire souffrir sa victime le plus possible. Cette fille était un monstre.

Mais je devais me concentrer sur mon combat. La fille tenta de me lancer un coup de poing dans la tempe mais je l’évitais de peu et la frappais au ventre. Une fois. Deux fois. Elle avait du mal à respirer et j’en profitais pour lui donner un coup de poing à la mâchoire. Elle tomba à genou et je recommençais à lui labourer le ventre. Ainsi, j’arrivais à la ralentir et à l’affaiblir. Après une longue minute de coup dans son ventre, je lui lançais un coup de pied au visage. Elle saignait du nez mais lorsque c’était elle, ça ne me faisait rien. Rien du tout. Cette fille était une carrière et elle tuait seulement pour le plaisir. Elle méritait le sang qui coulait à terre. Elle méritait que ce sang soit le sien.

Je continuais à frapper sans pour autant tuer pour le moment, et je risquais un coup d’œil autour pour connaître un peu plus la situation.

C’était le chaos. Clarisse continuait de tabasser ce pauvre garçon jusqu’à sa mort. Il n’en avait plus pour très longtemps maintenant. Manon, la fille du 9, se cachait et semblait hésiter entre courir vers son allié et rester là où elle était pour sauver sa vie. Quand à Alex, il se battait toujours contre le garçon du 1 et il semblait que les deux étaient à égalité. Il n’y avait pas de gagnant pour le moment. Et il avait moi. Moi qui devais aller aider mon allié avant que Clarisse ne tue Adam. C’était si compliqué. Mais je n’avais pas vraiment de remord pour tuer un carrière. C’était l’une des seules morts que je ne regretterais pas. Je m’arrêtais de frapper cette fille et je m’emparais de mon couteau pour m’approcher un peu plus. Celle-là, elle n’avait pas de peur dans le regard. Elle avait de la haine, et c’est tout. De la haine, parce qu’elle allait mourir à cause de moi. Et je m’en fichais parce qu’elle était mauvaise.

Je lui plantais mon couteau dans le ventre et sa respiration s’est saccadée pour un moment. Je retirais mon couteau de son ventre et je m’éloignais d’elle avant son dernier soupir. Je n’avais pas le temps de la voir agoniser. Je devais aider Alex.

Un coup de canon résonna dans mes oreilles, tout à coup. Je me retournais vers la fille du 1 mais elle respirait toujours un peu. Elle n’était pas encore morte. Je portais donc mon regard vers Alex et le garçon du 1 mais aucun des deux n’avait perdu. Et Manon était toujours derrière son buisson, à trembler comme une feuille.

Et si Manon était en vie, si Alex et son adversaire étaient en vie et si ma victime respirait encore pour le moment, alors pour qui avait résonné le canon ?

Je compris trop tard ce que ce coup de canon signifiait et lorsque je me retournais, Clarisse me lança un coup de poing pile sur le visage. Le canon avait résonné pour sa victime, à elle.  Elle avait fini de tuer Adam. Et maintenant, c’était mon tour.