L'Exécuteur

Chapitre 7

3595 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 15:26

- File-le moi, grogna Reiner, complètement affaissé sur le fauteuil.

- Hey Rei' ! s'exclama Eren, sourire en coin.

- Q-keuwaa ? tenta-t-il d'articuler.

Le brun tira une bouffée du pétard et lui souffla la fumée en plein sur le visage.

- Va te faire foutre.

- Merde ! cracha l'autre en toussant pendant que Bertolt se mettait à rire. Bâtard ! Tu vas voir !

Le blond essaya de se relever, et il y parvint à moitié, bien que d'une lenteur extrême, puis se laissa retomber contre le coussin de tout son poids.

- Putain j'ai trop la flemme.

Les trois garçons étaient chez Bertolt - qui les dépassait par ailleurs de plusieurs centimètres. Eren était le plus jeune, de deux ans leur cadet. Il avait rencontré les deux autres dans un parc il y a cinq ans de cela, un soir bien sûr, ceux-ci faisant une petite soirée arrosée. Mais ceci est une autre histoire, qui sera racontée un peu plus tard. En bref il était chez le grand Bert' en train de siroter des bières et fumer des joints, dont certains comment dire… assaisonnés à des épices un peu différentes. Reiner et Bertolt se droguaient raisonnablement à la cocaïne, mais le jeune brun n'allait pas jusque-là. Bref, le grand était toujours en train de s'esclaffer, et Reiner pointa mollement son index dans sa direction.

- T'es encore en train de te foutre de ma gueule toi hein, bredouilla-t-il.

- Purée mec, t'es trop pitoyable, je peux pas m'en empêcher ça sort tout seul, hoqueta l'autre.

- C'est ta faute, s'en prit ensuite le blond à l'infirmier.

Notre brun était allongé sur le canapé face à Reiner, formant des ronds de fumée, un bras croisé sous la tête. Bertolt lui, était en diagonale des pieds d'Eren, sur un simple tabouret. Notre protagoniste tendit finalement le pétard au blond, étirant son bras par-dessus la petite table basse en bois.

- Merci mec.

Fumer de l'herbe le détendait, et il se laissait glisser dans la quiétude d'un confort absolu. Il se sentait apaisé. Loin de son travail. Loin de ses amis qui s'en faisaient toujours autant pour lui. Loin de l'Exécuteur. Reiner et Bertolt représentaient tout cela. Ils lui avaient permis de se former cette bulle minuscule dans un coin de son quotidien, lui permettant justement de s'en éloigner. Il était heureux de les avoir trouvés, et ce même s'ils étaient une mauvaise fréquentation.

- Eh on fout quoi après ? demanda Bert' en craquant une allumette pour allumer une clope.

- J'en sais rien…, fit le blond d'une voix pâteuse.

- Vieux, t'es dans un état merdique, se moqua l'infirmier. Tu vas pas pouvoir bouger tout de suite.

- Je sais, ronchonna-t-il.

Puis il se retourna dans le canapé, tandis que les deux bruns se jetaient un regard. Trente secondes après une profonde respiration s'élevait dans la pièce, et Bertolt secoua la tête.

- Putain je le savais.

- C'est parti pour pioncer pendant trois bonnes heures là, soupira Eren.

- On se casse ?

- On se casse. »

Dans un même mouvement ils se levèrent, le plus jeune prenant deux bières en main et le second une veste et un trousseau de clés. Ils claquèrent la porte derrière eux, sans se soucier de réveiller le blond endormi sur le canapé, que de toute façon rien ne pourrait sortir de son sommeil profond. Ils descendirent un étage puis se trouvèrent dans le couloir de l'entrée principale. Bertolt poussa la porte, et ils sortirent, la pénombre de la nuit naissante les revêtant de son manteau tiède. Il n'était que vingt heures, mais déjà les rues étaient pratiquement vides. Nous étions dans un quartier assez peu recommandable, du côté de la banlieue Sud-Ouest de la ville, à quelques minutes à pied seulement de la zone sécurisée. Rares étaient les lampadaires dont l'ampoule n'avait pas été brisée, si bien que la luminosité était pratiquement à son point le plus faible lorsqu''il faisait nuit, les étoiles faisant office de lumière. Il n'y avait pas de maisons par ici, uniquement des immeubles de quatre ou cinq étages d'un vieux gris, ou d'un rose ou jaune délavé. La rénovation n'avait pas pointé le bout de son nez depuis quelques années.

Sans même se concerter, les deux garçons se rendirent dans le parc le plus proche. Un minuscule groupe de cinq personnes s'y trouvait déjà, et les deux bruns contournèrent la grille lentement, avant d'accéder au portail. Ils ressentirent cette envie irrépressible parcourir leurs veines, ce besoin presque, de cogner, de se défouler. Mettre le cerveau en pause et laisser parler le corps. Bert' avait toujours été un provocateur de première, plus sournois que Rei', qui ne faisait que foncer tête baissée. Ils allèrent s'asseoir deux bancs plus loin, pas trop proches, mais suffisamment pour attirer l'attention de leurs cibles. Le grand brun craqua une allumette, et trois secondes après l'épaisse fumée d'un pétard s'élevait dans les airs. Ils savaient qu'ils avaient une petite pause devant eux avant de passer aux choses « sérieuses ». Eren décapsula une bière, la tendit au grand, puis fit de même pour la sienne.

« Faut que je me casse dans une heure, lui signala-t-il.

- Ok. »

Pas de « pourquoi », rien. Ils burent tranquillement, lâchant un mot de temps à autre. Ils n'avaient pas besoin de parler pour se sentir tranquilles, et c'était une des raisons pour lesquelles l'infirmier appréciait la compagnie de son ami. Ami. Cela sonnait étrange, de penser à Bertolt de cette manière. Car en fin de compte ils ne se connaissaient que très peu, au fond... Mais ça leur suffisait.

Vingt minutes après la petite vermine d'à côté vint leur chercher des noises, comme prévu. Les deux garçons avaient bien bu avant de sortir, et ils étaient à la limite d'être bourrés, mais il leur restait tout de même suffisamment de lucidité pour distribuer des coups.

Pour Eren ce fut comme une danse. Il se sentait dans son élément. Les yeux mi-clos il virevoltait, envoyant ses adversaires au tapis. Coup de coude dans le sternum, on plie les genoux et on se penche en avant en gardant le dos bien droit, puis on attrape le poignet de la personne d'en face et on passe au-dessous de son bras, pour enfin tirer et la faire chuter de l'autre côté de notre dos. On passe à la suite, et quand le ballet est terminé petite révérence pour saluer et remercier l'assemblée. Deux minutes après tout était fini.

« Bordel t'es ouf vieux, s'exclama Bertolt alors qu'ils retournaient à l'appartement directement après la bataille.

- T'étais trop à la ramasse Bert'.

- J'ai bu plus que toi ok ?! Mais merde… Tu m'as fait flipper.

Eren s'esclaffa à gorge déployée.

- T'es juste emmerdé parce que j'en ai rétamé quatre et toi un !

Le grand tiqua.

- Un et demi, corrigea-t-il aussitôt.

- Si tu veux, si tu veux.

Parvenant devant la porte de l'appartement trois petites minutes après, le propriétaire des lieux se battit avec le trousseau pour trouver la bonne clé. Quand ce fut chose faite il l'enfourna dans la serrure sans ménagement.

- Tu souriais, lança-t-il subitement.

- Hein ?

- Tu souriais, dit-il plus fortement et comme avec obstination. Pendant que tu frappais ces connards. T'as dû recevoir quoi, deux coups ? On aurait dit que t'en avais rien à foutre.

Eren le fixa, interdit. Il avait souri ? Impossible. La porte s'ouvrit enfin, comme le libérant de ces chaînes invisibles remplies d'inquiétude. Il bouscula le plus grand en entrant.

- T'as trop forcé sur la boisson toi, grommela-t-il.

- Peuh.

Ils allèrent se vautrer sur le canapé de libre, face à Reiner. Le grand brun se mit à bailler, puis il tapota mollement sur l'épaule de l'infirmier.

- Eh, 'Ren. Vais roupiller un peu moi. Fais ce que tu veux.

- Ok. Je vais partir al –

Il n'eut pas le temps d'achever sa phrase que déjà la tête de Bertolt était tombée contre le haut de son bras.

- Putain Bert', t'es lourd. »

Mais seul le silence lui répondit. Alors il repoussa doucement le visage du brun et l'allongea délicatement sur le canapé. Il ne lui restait maintenant plus qu'à s'en aller à Titania.

Il était vingt heures trente quand il sortit, et vingt-et-une heures quand il arriva devant la boîte. Enfin derrière plutôt, bien entendu. Il escalada le mur et se retrouva ensuite dans les toilettes, puis il poussa la porte pour venir se rendre dans la salle principale, et… Surprise, la salle était pratiquement vide. Pas étonnant au fond, il était tôt. Les clients venaient à une heure plus tardive. Pour changer il resta dans la pièce du bas, se commanda un verre à l'allure étrangement bleutée, coupée de traits violacés, et s'installa à l'une des petites tables rondes autour du podium. Juste devant celui-ci, quatre mètres plus loin, se trouvait l'espace pour danser. Seules six ou sept personnes se mouvaient sur la piste, et pas plus d'une dizaine étaient sur les tables. Tout cela dans une atmosphère apaisante. La musique était lente, sourde, bien que rayée de basses. Cela parlait davantage au brun que celles qui passaient plus tard dans la soirée. Alors, s'emparant de son verre, il se dirigea vers la piste. Il aimait le son grave qui l'enveloppait et émoussait ses sens, et ce fut pour cette raison qu'il se mit à danser, les paupières closes. Et peut-être également un peu parce qu'il avait bu. Il savait qu'il aurait dû éviter de trop abuser sur la bouteille, et c'était si rare qu'il se le permette… D'autant plus qu'il était censé être en « mission ». Mais rien de trop dangereux sous sa couverture d'Eren Jaeger heureusement. Se rapprocher de quelqu'un, n'importe qui pouvait le faire, et dans presque n'importe quelle condition, non ? Oui il en était capable.

Quinze bonnes minutes qu'il bougeait sur la piste de danse, balançant sa tête de droite à gauche, le visage strié de lasers bleus vifs. Il en avait presque oublié la boisson dans sa main, à peine entamée. Ses cheveux pendaient sur son front, et il redressa le menton, les ramenant en arrière. C'est alors qu'il se sentit observé. Il avait l'instinct pour ça. Mais vous pouvez également appeler ça l'habitude. Il fouilla la pièce des yeux, et son attention s'arrêta sur un homme à l'allure familière, accoudé au bar. Il s'agissait évidemment de Levi, et son regard était braqué dans sa direction. Alors l'infirmier vint à lui, sourire aux lèvres. Il s'assit en tailleur face au noiraud, sur un des tabourets hauts.

« Bonsoir, souffla-t-il. Tu n'es pas à la même place que d'habitude ?

- Bonne déduction, renifla l'autre avec amusement.

Comme à chaque fois il allait décidément lui donner du fil à retordre. Eren fit la moue, lèvre inférieure légèrement avancée. Puis une lueur espiègle traversa ses iris.

- Tu m'observais ?

- Ouais.

Merde, il ne s'était pas attendu à ce qu'il réponde ça.

- Je me demandais si tu « dansais » réellement comme ça ou si t'étais bourré, continua le noiraud.

- Pffff, t'es pas gentil.

- Et toi t'es un gosse.

Le brun posa son verre sur le comptoir et croisa les bras, la mine boudeuse, pleinement dans son rôle de gamin.

- Je vois pas en quoi c'est censé être un défaut.

Mais ne voulant pas se recevoir une réponse désagréable, il ajouta, changeant de sujet :

- Pas de garde du corps pour ce soir ?

- J'en ai pas besoin, grommela l'autre.

- Vraiment ? insista-t-il, joueur.

- Tu veux peut-être que je te montre ? ricana légèrement Levi, se penchant en avant.

Eren leva les mains.

- Sans façon.

Puis il reprit son verre et le porta à ses lèvres, sentant le noiraud l'étudier.

- Alors dis-moi gamin, c'est quoi ton pouvoir ?

Notre protagoniste faillit lui recracher sa gorgée dessus, à la place de quoi il l'avala avec difficulté. Il reposa ensuite lentement sa boisson, puis porta un index à ses lèvres en un « chut » et fit un clin d'œil à son interlocuteur.

- Disons que c'est secret maison. J'aime garder le mystère jusqu'au bout, expliqua-t-il. Et toi ?

Levi eut un sourire en coin.

- On va dire que c'est la même chose.

Ils se jaugèrent un court instant, à la fois méfiants et curieux.

- Tu es le proprio depuis longtemps ?

- Pas vraiment, répondit le plus vieux, faisant mine de réfléchir. Mais quelques années déjà. Et toi, infirmier ?

La conversation continua ainsi, légère. Le brun savait que ça n'allait pas être aussi aisé d'obtenir des informations, mais il avait la sensation que les choses allaient se dérouler particulièrement lentement. Levi était, tout comme lui, un homme prudent. Mais ce fut justement la raison pour laquelle il avait l'intuition, voire même la certitude, que le noiraud lui cachait quelque chose d'assez grande envergure.

- Tu as quel âge ? demanda le patron à un moment, l'air vraiment intrigué pour une fois.

- Vingt-deux ans, répondit tout de suite le plus jeune.

Si Levi était un personnage important, mieux valait être honnête pour Eren Jaeger. Le noiraud avait froncé les sourcils, et il rehaussa ses lunettes rondes en un geste précis et mécanique.

- Tu es jeune, remarqua-t-il.

- Pas tant que ça, se renfrogna le brun.

- Je comprends mieux ton attitude de morveux.

L'infirmier pencha la tête, interrogeant muettement son interlocuteur.

- J'ai trente-trois ans, soupira le patron.

Eren le fixa, la mine interdite. Merde, trente-trois ans ? Il faisait moins.

- Tu croyais quoi, du con ? grognassa Levi, ayant immédiatement remarqué son changement d'expression.

- J-je… Ne sais pas. Rien sans doute.

Mais face aux fines lèvres de son interlocuteur qui s'étaient pincées, il ajouta :

- Plus jeune. Un peu.

Le noiraud tourna la tête, perdu dans sa contemplation de la piste de danse.

- Déçu ? fit-il, mine de rien.

- Non, répondit le brun, amusé. Et toi ?

- Pourquoi je le serai ? Qui ne rêverait pas d'un petit jeune ? soupira-t-il, faussement attristé.

Eren porta son verre à ses lèvres, et ricana avant de boire une gorgée :

- Peut-être un petit jeune qui préfère les vieux ?

Il voulut avaler sa gorgée, et dans un même temps rabaisser son verre, mais celui-ci resta obstinément collé sur sa bouche, déversant le liquide alcoolisé droit dans sa gorge. Le doigt de Levi était posé sur le pied du verre, vengeur, et son torse était penché dans sa direction. Les mèches sombres de sa chevelure corbeau retombaient délicatement sur son front légèrement plissé. Quand enfin il fut libéré deux petites secondes après, le brun ne put s'empêcher d'éternuer.

- Pouah ! C'était fort ! J'aurai pu m'étouffer et mourir !

- Tu disais ? grinça le noiraud, sarcastique. Les petits jeunes qui préfèrent les vieux ?

- Qu – Mais non, c'était pour rire ! Tu es jeune Levi, très jeune !

- Mon cul.

- Il est jeune aussi ton cul.

Merde, il aurait pas dû boire toutes ces bières avant de venir, il commençait vraiment à raconter des conneries. Le patron venait d'ailleurs de se pincer l'arête du nez avec une expression exaspérée.

- Tu es un putain d'idiot toi hein ?

- Pas idiot, juste gamin, corrigea immédiatement le brun.

Et il se frappa d'ailleurs ensuite intérieurement pour avoir sorti une autre imbécilité.

- C'est la même chose. Microbe.

- Ouais.

Il décida de fermer un peu sa bouche, avant de balancer un truc qui lui foutrait vraiment la honte. Le noiraud sembla également se désintéresser de lui, son visage se tournant dans une autre direction. Puis, comme Eren n'ajoutait rien, il se leva. Le brun se crispa légèrement. Bordel, à coup sûr que Levi n'aimait pas traîner avec un morveux aux sens un peu trop émoussés par la boisson. Pas étonnant de la part de quelqu'un buvant du café en boîte – bien que ce quelqu'un en soit justement le proprio.

- Le devoir m'appelle.

Ah, c'était donc ça ? Dieu merci.

- C'est plus tôt que d'habitude, remarqua-t-il.

- Il n'y a pas vraiment encore d'habitude, renifla avec amusement le noiraud.

Merde, il avait raison. Mais bizarrement il se sentait déçu que Levi s'en aille aussi vite, parce qu'il s'amusait plutôt bien. Et c'était mal de penser ça, il le savait.

- Mais ça le sera si tu continues de venir, crut bon de préciser l'autre.

Le brun redressa brusquement la tête, mais ne put voir le visage du patron, celui-ci le dépassant.

- A plus gamin. » dit-il.

Et dans un même mouvement son épaule effleura le bras de l'infirmier, à peine, mais suffisamment pour que ce dernier s'en rende compte. Puis, comme prenant la fuite, le noiraud s'éloigna d'un pas vif. Avait-il fait ce geste consciemment ? Eren avait la réponse. Oui. Oui, ça avait été intentionnel. Les choses se déroulaient bien, et le brun était sans doute un peu plus content qu'il ne devait l'être.

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Et voilààà ! ~ qu'en avez-vous pensé ?

Sur ce je vous dis beuzouilles et à la prochaine !!

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