Histoires des dieux

Chapitre 2 : Héra

1195 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/10/2023 19:04

Un beau jour de juillet 1990, dans un appartement chic d'Athènes,

— Zeus!, hurla la déesse courroucée, Tu étais où hier soir ? Avec une maîtresse ?

Zeus, étonné de l'attaque soudaine de son épouse, les mains dans les poches, lui répondit posément :

— Ma Héra, calme-toi. Je voulais te faire une surprise pour notre anniversaire de mariage...

La colère de la déesse tomba, intriguée. Son mari avait un sourire aux lèvres et continua son monologue :

— ... Et cette surprise est pour demain.

Et Zeus passa proche de sa femme et s'assit au salon pour regarder un match de football à la télévision. Héra fut sans mots, prise au dépourvu. Elle reprit rapidement une bonne mine et revint dans la cuisine pensant avec nostalgie à leur lune de miel de plusieurs millénaires... Que de bon souvenir. À l'époque, ils étaient encore des jeunes dieux qui se préparaient à combattre les Titans... Une autre époque...

Sur cette pensée nostalgique, la déesse appela ses enfants, Arès, Héphaistos et Hébé, pour leur demander des nouvelles de leur famille, à savoir s'ils étaient en bonne entente avec leur mari et leurs épouses. La déesse du mariage était particulièrement fière d'avoir une influence positive sur Arès. Ce dernier était longtemps l'amant d'Aphrodite avant de la marier... sur le conseil de sa mère.

Une fois les appels téléphoniques faits, Héra s'ennuyait de ne rien faire et de voir des couples divorcés ou vivre en-dehors des liens du mariage... Elle se sentait bafouée, foulée aux pieds, comme si qu'elle n'était plus une reine respectée et crainte... Elle, Héra, la reine des Olympiens au côté de son mari, la noble fille de Cronos, la déesse au trône d'or, la protectrice du mariage et de la famille était réduite à rien. Objet de railleries des mortels à cause de ses jalousies des infidélités de son mari... Les mortels considérent les dieux tout juste bon pour un vaudeville. Elle était offusquée. Et une idée surgit en son esprit... La déesse sourit... Elle avait trouvé comment revaloriser le mariage! Elle appela sa fidèle messagère, Iris, et lui ordonna :

— Iris, je t'envoie en mission d'éclaireur chez les mortels mangeurs de pain et buveurs de vin ...

— Ma reine, l'interrompit la déesse ailée, je vous précise que les hommes, certes mangent du pain, mais ils ne boivent pas uniquement le vin...

— Merci du détail... mais tu dois m'avertir de la procédure pour trouver un emploi. Est-ce un métier de père en fils ? Est-ce par des contacts de famille ? Est-ce par une liaison extra-conjugale ?

L'épouse de Zeus espérait qu'elle n'aura pas besoin de passer par cette dernière méthode. Elle, l'épouse fidèle, avait horreur des infidélités... Sans parler que parmi les hommes ou les dieux, personne n'est son égale, sauf Zeus. Pour Héra, ce serait un avilissement que de se donner à un mortel ou à un dieu de rang inférieur... Les seuls qui étaient ses égaux sont ses deux autres frères, Poséidon et Hadès, mais ils étaient trop sombres et imprévisibles. Zeus était aussi imprévisible, mais une imprévisibilité à l'image du ciel, à l'image des nuages et de la météorologie. Imprévisibilité qu'elle aimait et continua à apprécier. Imprévisibilité qui l'avait rendue amoureuse de lui...

La reine fut rapidement sortie de ses rêveries par sa messagère.

— Pour répondre à votre question, ma reine. Les hommes procèdent par la transmission d'un curriculum vitæ à l'employeur ou aux ressources humaines. Ces derniers les contactent pour passer une entrevue au cours de laquelle toutes sortes de questions sont posées et après une entente entre eux, ils décident s'ils embauchent le candidat ou non.

— Intriguant ces hommes! Merci Iris.

La déesse aux sandales couleur de l'arc-en-ciel s'envola, laissant Héra ruminer ses pensées pour la millième fois. Elle sourit de son idée et se promena dans les rues de la capitale grecque. De retour de sa promenade, elle postula au poste de conseillère conjugale et familiale dans l'espoir d'aider des couples et des familles à améliorer leur situation, pour qu'ils puissent mieux vivre. Bien sûr, Hermès l'avait aidé à rédiger un faux cv.

Deux jours après sa postulation, Héra fut convoquée en entrevue. La reine des Olympiens s'était habillée pour l'occasion en un complet classique avec une longue jupe et elle suivit le conseil du dieu messager de ne pas montrer trop d'arrogance lors de l'entrevue ou de se fâcher aux questions stupides. L'interlocuteur qui menait l'entrevue était impressionné par l'aisance, la prestance et la beauté de la déesse, mais il essaya de ne pas montrer ses sentiments. Ce qui fit presque rire la déesse qui décida, dans son idée machiavélique de trouver un emploi pour se rendre utile au monde, de créer une copie nuageuse d'elle-même, Néphélé. Cette dernière avait pour uniquement mission de consolider son embauche au poste convoité auprès de son interlocuteur masculin par tous les moyens, y incluant des moyens qu'elle n'approuvait et n'approuvera jamais. La déesse ne se soucia guère de Néphélé, même si qu'elle soit enceinte de cette aventure, puisqu'elle sera immédiatement dissoute, ramener dans sa forme première.

Le lendemain, la déesse était embauchée. Contente, Héra commença à travailler. Elle s'habitua assez rapidement au rythme de travail et à sa clientèle, ravie qu'elle puisse aider des couples à prendre les meilleures décisions. Elle se sentait utile aux mortels et elle s'occupait l'esprit et le temps.


Un jour, cinq ans après son embauche, Héra eut la visite d'un homme particulier. Un grand homme, marié qui lui sembla vaguement familier. En discutant avec lui, elle comprit qu'il était un coureur de jupons, mais que depuis plusieurs années, il s'était amélioré, ennuyé de tromper son épouse qui était jalouse... Héra avait l'impression d'entendre sa vie avec Zeus...

L'homme lui expliqua qu'il ne souhaitait aucunement divorcé de sa femme, il l'aimait et ses conquêtes l'ennuyaient rapidement. Ses maîtresses étaient trop simples à séduire. Pour lui, elles étaient devenues prévisibles... Sans parler qu'il avait peur d'avoir une maladie sexuelle qu'il pourrait transmettre à son épouse. À la fin de la séance, une fois que l'homme l'avait remercié pour ses conseils, Héra lui demanda :

— Monsieur Notaras, votre histoire ressemble étrangement à celle de mon couple. Ne serez-vous pas mon mari, Zeus ?

L'homme ne pouvait cacher son étonnement et répondit :

— Madame Athanasiou, quelle perspicacité! Je ne m'attendais pas à ce que vous soyez mon interlocutrice... Ma Héra... Oui...

Et Zeus reprit sa forme première.

— ... Je suis bien ton mari... Ma Héra ?

Héra reprit aussi sa forme première et embrassa tendrement son mari. Le couple revint main dans la main dans leur appartement de luxe.

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