Histoires des dieux

Chapitre 4 : Athéna

1221 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/10/2023 13:16

En 2002, du haut de l'Acropole, du haut de sa ville, l'ancienne protectrice d'Athènes, Athéna, contemple la beauté du paysage. Elle a cédé sa place à Sainte Philothée d'Athènes depuis la christianisation de la Grèce pour protéger la ville. Depuis, elle est au chômage comme militaire et bienfaitrice. Elle sourit tristement en voyant la capitale évoluée rapidement en peu de millénaires. Elle est simplement déconcertée. La déesse aux yeux pers quitte son promontoire en saluant quelques chouettes qui y vivent. Les animaux saluent leur chef avec un hululement joyeux. La déesse se rend jusqu'à son luxueux appartement au cœur de la ville. Elle sourit en entrant, pensant à sa résolution récente de ne plus prendre les armes. Après la Seconde Guerre Mondiale, Athéna, horrifiée des massacres et des camps de concentration, a remis l'égide, cadeau de son père, Zeus, à Arès qui le garde comme un souvenir des temps anciens en exposition dans une salle où il exhibe fièrement toutes ses médailles et tous ses insignes militaires. Mais la déesse garde une trace de son ancien égide sous une forme plus légère et acceptable pour la société, à savoir un gilet qu'elle a tricoté. Lors de cette guerre, elle et Arès étaient au côté des Alliés pour combattre victorieusement les puissances de l'Axe. Ces fascistes et ces nazis que les deux dieux de la guerre prenaient un malin plaisir à exterminer n'avaient aucune chance de gagner... Athéna n'oubliera jamais sa joie lors de la capitulation de l'Allemagne nazie... Cette même Allemagne qui a donné des grands écrivains, musiciens et philosophes... La déesse n'essaie plus de comprendre les hommes... Elle, la protectrice de plusieurs héros et intellectuels, ne trouve plus d'hommes dignes d'être placé sous son égide... Elle en est un peu attristée... Elle qui aimait bien veiller sur un héros comme sur un enfant, ayant l'impression de surveiller son propre fils, ne parvient à dénicher un homme suffisamment valeureux pour qu'elle le seconde... Sauf si elle est devenue trop exigeante avec le temps...

Sur cette pensée nostalgique, elle rentre dans son appartement. La déesse réfléchit à sa vie d'immortelle et lâche une larme en pensant qu'elle est une déesse vierge, une vieille fille de plusieurs millénaires, qui n'a connu ni les plaisirs d'avoir un amant, ni d'avoir un mari, ni d'avoir des enfants... La déesse s'assombrit encore plus à cette pensée lorsqu'elle se souvient d'avoir remarqué récemment que les hommes n'aiment pas trop les femmes plus intelligentes qu'eux... Athéna, pour se consoler, lit La Critique de la raison pure, Kritik der reinen Vernunft en allemand, d'Emmanuel Kant, l'un de ses derniers protégés, voire son dernier protégé. Homme et philosophe qu'elle a fidèlement secondé au cours de sa vie. Homme qu'elle a fini par aimer, elle était devenue amoureuse du philosophe allemand des Lumières... Mais il ne l'aimait pas et Athéna n'osait pas faire le premier pas, beaucoup trop gênée... Et ce n'est pas à elle de faire le premier pas, mais bien à monsieur... Sans oublier que c'était bien la première fois en tous ses millénaires d'existence qu'elle aimait quelqu'un d'un amour qui ne soit ni filial, ni fraternel, ni maternel... La déesse soupire et termine sa lecture malgré qu'elle connaissait par cœur chaque mot, chaque phrase.

Un peu plus tard, la déesse de la Sagesse se promène dans les rues de sa ville pour la énième fois et sourit en voyant des jeunes parents avec leur enfant, lui rappelant son attitude maternelle envers Érichthonios, le roi d'Athènes. Ce roi qui n'eut pas un destin facile, les Moires ne l'ont pas épargné de bien des maux. La déesse continue sa promenade et rencontre Aphrodite. Les deux déesses se saluent et Athéna demande à cette dernière :

— Alors, Aphrodite, avez-vous suivi mon dernier conseil en couture pour la confection de votre robe à motifs floraux ?

— Oui, répond l'interpellée d'un ton très enthousiaste. Et merci mille fois pour le conseil! Sinon, de votre côté, êtes-vous toujours célibataire ? Ou avez-vous enfin trouver votre âme-sœur ?

— Merci de me le rappeler... Mais oui, je suis toujours célibataire...

Athéna trouve comique le côté romantique d'Aphrodite. Cette déesse qui ne cesse, depuis quelques millénaires, de convaincre les trois déesses vierges de se trouver un mari et d'avoir une descendance... Elle a même organisé des rencontres et des rendez-vous galants avec des hommes de différentes époques, mais aucun n'a porté son fruit jusqu'à maintenant. La protectrice d'Athènes a accepté ces rencontres et rendez-vous d'Aphrodite parce qu'elle n'avait rien de mieux à faire... Elle passait ainsi son temps et avait trouvé des admirables interlocuteurs, autant des militaires que des intellectuels en passant par des médecins, des paysans et des techniciens avec qui elle avait parlé pendant des heures... Et aussi, lorsqu'elle est honnête avec elle-même, elle doit reconnaître que des millénaires à être seul, sans amant, sans mari, sans descendance est très pénible et lourd... Elle se reconnaît à elle-même que la virginité éternelle est très accablante. Elle désire ardemment, en son âme, avoir un mari attentionné qui la protège et l'aime et qu'ensemble ils s'occupent de leur enfant. Enfant qu'elle aurait fièrement portée pendant neuf mois en elle...

Aphrodite, voyant l'air perdu d'Athéna, avec un sourire énigmatique aux lèvres, la sort de sa rêverie en ces mots :

— La déesse vierge regrette-t-elle qu'elle soit seule ?

Athéna reprend son air sérieux, ignorant son commentaire, lui réplique :

— Aphrodite, je vous laisse continuer votre chemin. J'ai mon prochain projet de tricot qui m'attend. À la prochaine.

Les deux déesses continuent leur chemin.


Le lendemain matin, la déesse se rend à son premier lieu de travail. Athéna, depuis le début de l'année les jeudis et les vendredis, est embauchée comme styliste. Elle est contente de son travail. Sa créativité artistique est à son comble. Son autre emploi est professeur de philosophie à l'Université d'Athènes, forme courte de l'Université nationale et capodistrienne d'Athènes. Et sa spécialité philosophique est l'Antiquité, lisant aisément le grec ancien, et la philosophie allemande des Lumières, surtout Kant. Elle est toujours vêtue d'une austère robe bleue ou verte à l'ancienne, lui cachant les chevilles. À la voir, certains collègues la surnomme « La déesse aux yeux pers, Athéna ». Ce qui fait sourire la déesse. Et ses étudiants sont toujours impressionnés de son savoir et de sa manière de traiter des thèmes philosophiques complexes. Certains ont murmuré entre eux :

— Notre prof, madame Anna Petrákos, a sérieusement un talent hors pair! On a l'impression d'être à l'époque d'Anaximandre, de Platon, d'Aristote, de Plotin et de Kant. Impressionnant!

La déesse pense en son cœur, réprimant un sourire nostalgique : « Si seulement les étudiants savaient qui je suis... Je les ai tous vus ces philosophes... Et j'étais même au côté de certains... »

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