Amour ou loyauté

Chapitre 1 : Premier chapitre

Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 19:54

Premier chapitre

 

 

 

 

 

 

- Voilà Takami Uzumaki, maman ! annonça Yumie avec tous les signes d'une contrariété évidente, son petit nez collé contre les cerreaux de la cuisine.

- Elle vient sans doute s'inscrire au groupe de Gloss, Yumie, commenta Sakura, levant les yeux de son bureau. Ne reste pas derrière la fenêtre, c'est mal élevé.

- À l'école, tout le monde déteste Takami. Elle est toujours en train de se venter de son papa.

A ces mots, Sakura sursauta. Chaque fois qu'accidentellement, une de ses petites camarades parlait de son père, Yumie ressentait une profonde tristesse. Interrompant le cours de ses réflexions, la sonnette retentit.

- Yumie, fais-les entrer pendant que je termine de préparer les formulaires d'inscription.

Se replongeant dans les imprimés, elle pencha la tête et ses cheveux roses frolèrent son visage.

Yumie fut bientôt de retour, précédent les deux visiteurs dans le salon. Sakura ne put réprimer un soupir de lassitude. Elle avait espéré expédier rapidement son travail de secrétariat de chef du groupe locale de Gloss. Mais un client de dernière minute au salon de coiffure l'avait retardée. Rentrée à la maison, elle avait réchauffée en hâte une pizza que Yumie et elle avaient avalée sans aucun plaisir.

Une voix masculine retentit derrière elle, et de surprise, elle lâcha son crayon.

- Madame Haruno ?

Elle se retourna vivement et son regard croisa deux yeux bleus rieurs. Elle se leva et fit face à l'étranger.

- Excusez-moi, je n'étais pas prête. Je manque encore un peu d'expérience.

- Si j'en juge par votre tee-shirt, vous apprendrez vite, répondit-il, avec une pointe d'ironie.

Elle baissa les yeux. Dans sa précipitation, elle avait oublié de se changer.

- "" Votre coiffeur sait tout faire "", lit-il avec un large sourire. Je suppose qu'il s'agit de votre mari.

- Non, c'est elle, intervint Yumie sur le pas de la porte. C'est le seul coiffeur de Sendai, ajouta-t-elle fièrement.

- Vraiment ? Il faudra que je vous confie mes cheveux.

Sakura en douta. Le jean du nouveau venu était coupé à la perfection et sa chemise blanche avait probablement été achetée dans une des meilleures boutiques pour hommes de Konoha. Tout chez lui lui respirait le luxe et le confort matériel.

- Avec plaisir, dit-elle avec un sourire, certaine en son for intérieur, qu'elle ne le verrait probablement jamais au salon.

Le visiteur passa nerveusement la main dans ses cheveux blonds.

- Votre oeil de professionnelle doit être choqué d'un tel négligé. Mais avec le déménagement, je n'ai guère eu le temps de penser à mon apparence. Je viendrai vous voir bientôt... mais rappelez-moi votre nom ?

- Mais je n'ai rien dit !

- Saku, le renseigna Yumie, évitant le regard courroucé de sa mère.

- Saku, répéta l'homme. Je suppose que c'est le diminutif qu'emploie votre mari.

- Mais non, pas du tout. Et je..., commença Sakura, dont l'irritation croissait de minute en minute devant le manque d'éducation évident de son visiteur.

- Oh papa, j'ai oublié de te dire ! Les parents de Yumie sont divorcés, coupa la petite fille qui se tenait aux côtés de Yumie. Le papa de Yumie habite maintenant Suna.

Les yeux agrandis par l'étonnement, Sakura considéra l'enfant aux nattes blondes. Toute la classe était-elle donc au courant de sa vie privée ? Elle jeta un regard interrogateur vers Yumie.

- Eh bien... ils voulaient tous savoir, maman, grommela Yumie, sur la défensive. Une de mes amies a dû le dire à Takami.

- Je pense qu'il est inutile de poursuivre plus avant cette conversation, intervint le père de la petite fille, au grand soulagement de sa jeune hôtesse. Saku, je suis ravi de vous connaître. Je m'appelle Naruto Uzumaki.

- Sakura Haruno.

Ils se serrèrent la main et lorsque la paume chaude de Naruto se referma sur la sienne, une brève lueur traversa les yeux de son interlocuteur.

- Je... je crois qu'il est grand temps que vous remplissiez une feuille d'inscription, balbutia-t-elle, se tournant vers son bureau pour se soustraire à l'insistance de son regard.

- Volontiers.

Cependant, il continuait à la dévisager, ignorant délibérément l'imprimé qu'elle lui tendait.

- Vous êtes bien venu inscrire votre fille, n'est-ce pas ?

- Oui.

Il la considéra un instant, comme s'il cherchait à confirmer un doute.

- Oui, répéta-t-il avec conviction, en se plongeant dans la lecture du feuillet.

La sonnette retentit à nouveau dans le vestibule et, en quelques minutes, le salon de Sakura fut envahi par les mères venues accompagner leur progéniture à cette première réunion de Gloss de l'année. Dans le brouhaha général, Sakura oublia Naruto et ne le vit même pas partir. Lorsqu'elle le chercha en vain parmi les visiteuses, elle s'aperçut de sa disparition avec dépit. Maudissant sa stupidité, elle se raisonna. Il était probablement marié et heureux, et son épouse n'avait tout simplement pas pu se présenter elle-même ce soir. Mais pourquoi la simple existence d'une Mme Uzumaki la contrariait-elle à ce point ?

Au bout d'une éternité, Sakura referma enfin la porte sur la dernière mère de famille et se retrouva seule avec les fillettes et Hinata qui s'était aimablement proposée de l'aider pour suppléer à son manque d'expérience. Elle ressembla le petit groupe d'enfants dans le salon ou devait se tenir leur première réunion et les petites filles s'installèrent confortablement en tailleur sur le tapis moëlleux. Elle espéra vivement que la proposition qu'elle allait leur faire serait accueillie avec enthousiasme.

- Que diriez-vous d'aller camper avec vos mères pour commencer l'année ?

Sa suggestion déclencha un tohu-bohu général, et un déluge de questions. Sakura réclama le silence.

- D'accord, d'accord ! dit-elle en riant, constatant avec joie que son idée était applaudie avec un plaisir unanime. Il va falloir se calmer si nous voulons préparer ce week-end de façon rationnelle.

Elle attendit quelques instants que le joyeux remue-ménage cessât.

- Cette semaine, nous organisons, la semaine prochaine, nous faisons les courses et, dans quinze jours, nous partons. Que chacune réfléchisse une minute aux provisions dont nous allons avoir besoin.

Tandis que les petites filles discutaient âprement des menus de ces jours à passer en plein air, Sakura observait silencieusement la troupe de Gloss. Elles semblaient toutes calquées sur Yumie, leurs chevilles graciles pointant hors de leurs jeans trop courts et usés aux genoux, leurs tee-shirt personnalisés à l'effigie de leur acteur de cinéma favori ou du dernier chanteur à la mode.

Toutes, sauf Takami qui, seule, portait le chandail mauve traditionnel de l'organisation. Quelque chose dans l'attitude de la petite fille troublait Sakura. Contrairement aux autres enfants, qui semblaient incapables de rester en place, Takami demeurait lointaine, presque effrayée.

- Qu'est-ce qui te tracasse, Takami ? demanda-t-elle, inquiète.

Takami attrapa une de ses nattes et la tortilla autour de son doigt, désemparée.

Sakura sentit croître son inquiétude devant les hésitations de l'enfant dont les yeux restaient obstinément tournés vers la pointe de ses chaussures. Takami finit par lever la tête, dévoilant son regard bleus océans noyé de tristesse.

- Je n'ai pas de maman ! Elle est morte...

Elle avait lancé ces mots presque comme un défi.

- Oh ! s'exclama Sakura. Je suis désolée.

Quelle remarque stupide, se morigéna-t-elle, cherchant les mots justes, n'importe lesquels, pourvu qu'ils comblent le silence embarassé qui s'était soudain installé, tandis que six paires de yeux se rivaient sur Takami. Sakura déplora à cet instant son manque d'expérience. Pourquoi n'avait-elle pas regardé plus attentivement la feuille d'inscription de Takami avant de commencer la réunion ? Elle aurait dû prévoir cette éventualité. Une telle lancune était impardonnable.

La voix d'Hinata rompit soudain le silence.

- Peut-être as-tu une tante qui pourrait la remplacer ?

- Non.

Takami releva bravement son petit menton, défiant chacune de ses compagnes du regard. "" Cette enfant est courageuse "", songea Sakura avec une pointe d'admiration.

- Peut-être une amie de la famille, ou une voisine ? interrogea-t-elle.

- Nous ne connaissons personne ici.

- Pourtant, je suis sûre qu'il y a moyen de s'arranger, Takami, continua Sakura de sa voix douce. Nous en discuterons après la réunion.

- Je veux que mon père vienne.

Sakura étouffa une exclamation de surprise et s'efforça de répondre avec calme.

- Je suis désolée, mais il n'est pas prévu qu'un homme nous accompagne. Nous trouverons une autre solution, d'accord ?

L'urgence de mettre un terme à cette discussion se faisait sentir cruellement.

- Pourquoi mon père ne pourrait-il pas venir ? s'enquit Takami avec une pointe d'agressivité dans la voix. Il campe souvent, il cuisine très bien et il sait tout faire !

Cette réflexion déclancha une vague de protestation parmi les fillettes.

- Voilà qu'elle recommence à se vanter de son père...

- Seules les mères et les filles sont censées venir...

- Ce n'est pas notre faute si sa mère est morte...

Avec autorité, Sakura mit fin aux murmures désapprobateurs.

- Takami, nous en reparlerons plus tard.

Avec un grand sourire, elle s'empressa de détourner leur attention vers un sujet conversation plus serein.

- Qui a une bonne idée de menu pour le dîner de samedi soir ?

Toutes les petites mains se levèrent en même temps, sauf celle Takami. Tête baissée, celle-ci contemplait d'un air buté ses lacets de chaussures. Avec effort, Sakura parvint à concentrer toute son attention sur le reste du groupe, refusant de réfléchir au problème de Takami au risque de gâcher la soirée des autres enfants. Cependant, d'autres pensées faisaient insidieusement leur chemin dans son esprit. Il lui fallait bien reconnaître qu'elle avait accueilli avec un incompréhensible soulagement la nouvelle du veuvage de Naruto Uzumaki.

Pendant la demi-heure qui suivit, les fillettes débattirent avec le sérieux des meilleurs chefs cuisiniers de Kiri des menus du week-end. Sakura et Hinata échangeaient des clins d'oeils amusés car les inévitables hamburgers frites dominaient l'imagination de ces petits cordons bleus en herbe. Tout au long de la discussion, Takami resta muette, laçant et délaçant imperturbablement sa chaussure.

- Y a-t-il d'autres suggestions avant que nous passions au vote ? demanda soudain Yumie, dévisageant tour à tour les participantes.

Sakura considéra sa fille avec fierté, songeant qu'elle avait l'etoffe d'un chef. Cette pensée lui réchauffa le coeur et elle se félicita d'avoir pris la décision de s'occuper d'un groupe de Gloss cette année-là. Après tout, ce n'était pas si difficile. De toute façon, elle était prête à tout pour compenser le chagrin dont Yumie avait souffert ces six derniers mois à l'occasion de la séparation de ses parents.

- Alors ? interrogea Yumie à la cantonade.

Takami releva la tête et ses mains s'immobilisèrent tout à coup.

- Je propose du shish-kebab, énonça-t-elle clairement.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Yumie avec dédain.

- Ce sont des brochettes d'agneau avec des petits morceaux de champignons, de saucisses, de tomates et...

- De l'agneau ? s'écria un concert de voix enfantines.

- Bien sûr ! C'est très bon, insista Takami, nullement découragée.

- Ça a l'air dégoûtant, s'écria Yumie, évitant de regarder sa mère.

- Je trouve aussi, ajouta Ayuko, une   grassouillette aux yeux noirs et aux longues couettes brunes. Les agneaux sont si mignons !

- Oh oui, ils ont de si jolis yeux marrons, renchérit une autre petite petite voix.

- Par conséquent, n'en parlons plus, déclara Yumie, autoritaire. Votons sur les autres menus proposés.

- A quoi bon ? Tu as déjà tout décidé d'avance de toute façon, marmonna Takami. Je suppose que tu régentes tout parce que ta mère s'occupe du groupe.

- Ce n'est pas vrai ! rugit Yumie, se levant d'un bond.

Sakura le devança et posa une main conciliatrice sur son genou.

- Assieds-toi, ordonna-t-elle fermement.

Un silence tendu envahit la pièce.

- Je veux que vous sachiez toutes que Yumie ne bénéficie d'aucun traitement de faveur. Pour vous le prouver, nous allons tout de suite élire une responsable.

- Oh, maman, s'exclama Yumie exaspérée. Ce n'est pas parce que Takamie...

- Mais Takami  a raison, la coupa Sakura d'un ton sans réplique. Allez-y, je vous écoute.

Yumie gagna l'élection haut la main, à l'unanimité excepté la voix de Takami.

- D'accord, Yumie. Je te laisse te débrouiller à partir de maintenant, fit Sakura, essayant d'oublier l'expression de satisfaction qui se peignit sur le visage de sa fille.

Yumie appela le vote et les hamburgers-frites remportèrent la victoire, malgré l'abstention de Takami qui affichait un calme stoïque et résigné. Du coin de l'oeil, Sakura observait l'enfant avec un mélange d'inquiétude et de pitié. Cependant, chaque fois que son regard se posait sur elle, l'image d'un homme au corps athlétique se superposait à celle de la fillette.

- Il est maintenant l'heure du goûter, dit-elle à voix haute. Allez vous laver les mains et retrouvons-nous à la cuisine. La maman de Hinako a apporté des chaussons aux pommes.

Hinata suivit Sakura à la cuisine.

- J'ai aussi apporté des verres en carton. Ainsi, tu n'auras pas de vaisselle à faire.

- Merci, Hina, je n'y avais même pas pensé.

La jeune femme remplit les verres de sirop de grenadine.

- Ce n'est pas grave. Après tout, tu travailles toute la journée au salon. Tandis que moi... J'aurais dû me proposer pour m'occuper de ce groupe, mais Kiba m'a menacée de divorce lorsque je lui en ai parlé !

Elle contempla soudain Sakura avec confusion.

- Je suis désolée... je ne voulais pas...

- Cela n'a aucune importance, Hina, la rassura Sakura, posant la main sur le bras de son amie. Je me sens mieux maintenant, surtout que Sasuke a décidé de quitter Sendai.

- C'est ce que j'ai entendu dire, en effet.

Pendant un instant, Sakura regretta de ne pas vivre dans une grande ville ou régnait l'anonymat. Pourtant, elle aimait Sendai et n'avait jamais songé à quitter cet endroit ou Yumie était née.

- Comment Yumie a-t-elle réagi lorsque Sasuke est parti ?

Sakura posa un instant le plat ou elle arrangeait avec goût les chaussons aux pommes et une ombre passa sur son front.

- Elle nous en a voulu. Je crois qu'elle me tient pour responsable du départ de son père. Dans le fond, elle a peut-être raison...

- Tu es dure avec toi-même, Saku. C'est lui qui a voulu cette séparation, pas toi, tu le sais bien.

Comment ne pas s'en souvenir ? Pourrait-elle jamais oublier ?

- Oui, mais pour Yumie...

L'arrivée intempestive des Gloss dans la cuisine interrompit la conversation des deux jeunes femmes. Les petites filles s'installèrent qui sur une chaise, qui sur le banc dans un joyeux brouhaha. Personne ne voulut s'asseoir à côté de Takami.

- Nous allons avoir des problèmes avec celle-ci, commenta Hinata à voix basse.

- Espérons que son père est d'un abord plus facile, ajouta Sakura, plaçant l'assiette de chaussons aux pommes sur la table.

Plus tard, alors que Takami et Yumie jouaient à la bataille, attendant Naruto, Sakura s'impatientait. Yumie avait bien spécifié à ses amies que les réunions se termineraient à huit heures et demie précise tous les mardis soirs et le père de Takami avait déjà vingt minutes de retard.

Pour la cinquième fois, Sakura consulta sa montre et son irritation fut comble lorsqu'elle s'aperçut qu'elle marquait bientôt neuf heures. L'heure du coucher de Yumie. L'heure ou elle pouvait enfin songer un peu à elle. Elle jeta un coup d'oeil sur sa fille qui manipulait les cartes avec un enthousiasme modéré. Il ne faisait aucun doute que Yumie détestait Takamie Uzumaki.

- Bataille !

A contrecoeur, Yumie allait s'exécuter lorsque la sonnette retentit.

- Oh, c'est déjà mon père ! s'exclama Takami, et je n'ai pas encore gagné une seule fois. Puis-je rester un peu pour une dernière partie ?

- C'est impossible, Takami, répondit Sakura du vestibule. Yumie doit aller au lit.

- Je suis désolé d'être en retard.

Le sourire irrésistible de Naruto endigua les protestation que Sakura se sentait en droit d'émettre quant à l'heure tardive. Elle allait lui rendre son sourire mais se retint juste à temps, serrant les lèvres.

- Monsieur Uzumaki, j'ai pourtant précisé dans le bulletin d'information que... Mais qu'y a-t-il de si drôle ?

- Vous, dit-il avec un petit rire. Vous avez failli me sourire mais vous vous êtes soudain rappelée que vous deviez jouer votre rôle de chef de troupe courroucé.

- Vous... commença Sakura, furieuse.

- Coucou, papa ! cria Takami qui s'était approchée d'eux. Pourquoi ne rentres-tu pas un instant ? Nous jouions aux cartes.

- Vous devez certainement beaucoup vous amuser, ma chérie, mais j'ai encore abîmer un cerf-volant que je dois réparer immédiatement. D'autre part, nous avons suffisamment abusé de l'hospitalité de madame Haruno.

- Tu as encore cassé un cerf-volant ? demanda Takami, sur un ton qui laissait supposer que ce genre d'accident arrivait fréquemment. Ou est-il ?

- Dans la Porshe, dit-il, montrant du doigt sa voiture de sport garée à l'entrée du jardin.

Sakura le considéra avec un mélange de stupéfaction et d'amusement. Son divorce ne ferait désormais plus la une des commérages de Sendai. Un homme qui transportait des cerfs-volants dans une Porshe noire allait certainement exciter la curiosité des plus discrets !

- Oh papa, pouffa Takami. Mais dis, peut-on rester ?

- Non, ma chérie. Va chercher tes affaires.

Il resta silencieux jusqu'à ce qu'elle eût disparu dans le salon.

- Je suis désolé, Sakura. Non seulement j'arrive en retard, mais en plus je vous insulte. Je peux très bien imaginer ce que vous pensez d'un homme adulte qui perd son temps à courir derrière des cerfs-volants, alors que sa fille l'attend chez une inconnue.

Sakura haussa les épaules.

- Je dois convenir, monsieur Uzumaki, que c'est l'excuse la plus originale que j'aie jamais entendue !

- Naruto.

- D'accord, Naruto. Je disais donc... Il va vous falloir beaucoup plus d'imagination pour battre ce record la prochaine fois.

Pourquoi le simple fait de l'appeler par son prénom la rendait-il si vulnérable ? Elle brûlait de lui demander quel plaisir un homme de son âge pouvait avoir à faire voler un cerf-volant sans même la présence de sa petite fille ? Cependant, elle résolut de ne pas l'importuner. Après tout, peu lui importait les bizarreries de cet étranger.

- Vous recommencez ? demanda-t-il, un éclair de malice traversant ses grands yeux bleus océans.

- Pardon ?

- Vous vous censurez ! Vous étiez en train de vous demander comment un grand garçon comme moi pouvait encore jouer avec un cerf-volant, n'est-ce pas ?

- Mais pas du tout, mentit-elle, fronçant les sourcils, agacée par sa moue débutative. Il y a quelque chose dont j'aimerais vous entretenir monsieur Uzu... Naruto.

- Voilà qui est mieux. De quoi sagit-il ?

- Je suis prête, papa, déclara soudain Takami. Et si tu veux savoir de quoi Mme Haruno veut te parler, c'est à propos du camp de Gloss. Elle ne veut pas que tu viennes.

- Takami, je crois qu'il serait préférable que ton père et moi-même discutions de ce problème seul à seul, la gronda gentiment Sakura contrariée de l'intervention de l'enfant.

- Va m'attendre dans la voiture, ordonna son père avec autorité. C'est une enfant difficile à manier, n'est-ce pas ?

Sakura, surprenant dans les yeux bleus un éclair de compréhension, se détendit un peu.

- Elle... éprouve quelques difficultés à s'entendre avec les autres petites filles, balbutia Sakura, embarrassée de critiquer Takami devant son père. Mais je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter.

Naruto hocha gravement la tête, ses cheveux trop longs sur sa nuque frôlant le col de sa veste.

- Takami trouve injuste que tous les enfants aient une mère sauf elle. Elle avait six ans lorsque Ino est morte, et elle se rappelle très bien comme il est merveilleux d'avoir ses deux parents.

Sakura lutta contre la vague de pitié qui l'envahissait. Elle ressentait une grande compassion pour cet homme et la malheureuse orpheline. Et pourtant, Yumie n'était-elle pas autant à plaindre ? De surcoît, elle n'avait pas la chance de vivre dans l'abondance, comme les Uzumaki.

- J'aurais dû lire la feuille de renseignements que vous avez remplie plus attentivement. Je n'aurais pas proposé cette formule de camp avec les mères.

- Qu'à cela ne tienne. Je peux la remplacer.

Dans cette proposition, Sakura reconnut le désir d'un père aimant compenser l'absence d'une mère pour son enfant. De nombreuses fois, Sakura s'était employée à la même tâche depuis six mois.

- C'est malheureusement impossible. Il n'y aura que des femmes. Nous dormirons toutes ensemble sous la tente, et...

- Raison de plus ! l'interrompit Naruto, l'oeil malicieux. Pardon, excusez-moi, je retire ce que je viens de dire. Mais voyez-vous, en dehors de moi, Takami n'a personne.

Pourquoi fallait-il qu'il soit si séduisant ? Si désarmant ? De toutes ses forces, Sakura combattit les émotions qu'il faisait n'aître en elle.

- La mère de Takami était fille unique, et je n'ai moi-même pas de soeurs, continua Naruto.

- N'avez-vous pas une voisine, une amie ?

Un homme aussi beau que Naruto devait certainement connaître une multitude de femmes.

- Mes... amies sont trop sophistiquées pour accompagner ma fille dans ce genre d'expédition.

- Permettez-moi de vous dire qu'elles ont tort.

Sakura imaginait sans difficulté les femmes manucurée, maquillées et capricieuses dont Naruto devait rechercher la compagnie. Et pourtant, elle avait du mal à les imaginer courant derrière un cerf-volant.

Naruto haussa les épaules.

- De toute façon, je ne vois pas d'autre solution. Il faut que je vous accompagne.

Sakura se raidit instantanément.

- Mais c'est impossible !

- Bien sûr que non, Sakura.

Toute trace de vulnérabilité avait disparu chez cet homme qui, peu à peu, s'employait à imposer sa volonté.

- J'amènerai ma caravane et je dormirai dedans. Je suis sûr que vous accueillerez avec joie le confort de ma cuisine et de ma douche. Takami dormira sous la tente avec les autres enfants, mais je pourrai participer à vos activités. De cette façon, elle ne sera pas la seule enfant sans parents.

- Ecoutez, monsieur Uzumaki, c'est moi qui suis responsable de ce groupe, pas vous. Je ne permettrai pas que...

- Que proposez-vous d'autre ?

Les yeux bleus scintillaient dangereusement et Sakura comprit soudain qu'elle avait maintenant affaire à l'habile homme d'affaires, et non plus au père éploré. Petit à petit, sans doute habitué à ce que ses ordres soient discutés, il la poussait dans ses derniers retranchements.

- Je reste persuadée que vous pouvez trouver parmi vos connaissances une femme qui accepte d'accompagner Takami. Qui s'occupe d'elle lorsque vous n'êtes pas à la maison ?

A la satisfaction qui se peignit sur le visage de Naruto, Sakura songea qu'elle n'aurait pas le dernier mot.

- Une gouvernante qui souffre d'arthrose aiguë. Il ne me viendrait pas à l'idée d'envoyer cette personne camper une nuit entière dans l'humidité et le froid.

- Je sais ce qui se passe lorsqu'un homme participe à ce genre de sortie, protesta Sakura, déterminée à ne pas lâcher un pouce de terrain. Il supervise tout. Il veut absolument préparer le feu, monter les tentes, organiser les...

Levant la main, il l'interrompit.

- Vous vous trompez. Je n'agis pas de cette façon. Parole de scout !

Sakura ne put réprimer un éclat de rire.

- Ah ! Pour une fois, vous êtes spontanée.

Sentant qu'il était proche de la victoire, il plongea dans les yeux de Sakura un regard intense et s'apprêta à remporter la dernière bataille.

- Qu'en pensez-vous, Sakura ? Vous ne voulez tout de même pas exclure Takami de ce projet ?

Il avait gagné.

- Non, bien sûr. Eh bien... d'accord.

Le sourire dont il la gratifia l'émut plus qu'elle n'aurait souhaité.

- Merci, je n'oublierai pas.

Les inflexions chaudes de sa voix trahissaient sa profonde reconnaissance.

- Il faut que je ramène Takami à la maison. Il est tard. Elle va être folle de joie. Vous avez eu une excellente idée. C'est exactement le genre d'activité auxquelles j'espérais la faire participer en l'inscrivant chez vous.

Avant de s'éloigner à grandes enjambées vers sa Porshe, un nouveau sourire éclaira son visage et Sakura fut à nouveau frappée par l'écarlante blancheur de ses dents.

- N'oubliez pas de me faire savoir l'heure exacte du départ !

- Si je ne risquais pas de causer une grosse déception à votre fille, c'est exactement ce que je ferais, marmonna Sakura à voix basse, croisant les bras pour se protéger de la fraîcheur de la soirée automnale.

 

 

- Cette Takami est vraiment bizarre, dit Yumie lorsque Sakura la rejoignit au salon.

- Elle est différente, je suis d'accord, mais tu n'as aucun droit de la dévaloriser au yeux des autres, Yumie.

- C'est ce qu'elle fait aussi. Et d'abord, de quel côté es-tu, du sien ou du mien ?

De la colère et de la jalousie enflammaient les yeux sombres de la petite fille.

- Mais Yumie, je ne suis du côté de personne. Simplement, je croyais qu'il était dans l'esprit des Gloss d'apprendre à connaître et à apprécier les autres...

- Oui... mais...

- Yumie, depuis que sa mère est morte, il y a trois ans, la vie n'a pas toujours été facile pour Takami.

Dans un geste d'affection, elle ébouriffa les cheveux de Yumie.

- J'ai l'impression qu'elle a besoin de faire partie des Gloss beaucoup plus qu'aucune d'entre vous.

- Son père va-t-il venir camper avec nous ? demanda Yumie, la mine sombre.

Sakura soupira.

- J'en ai bien peur. Il dormira dans sa caravane.

- Oh maman, ce n'est pas juste ! Il ne devait pas y avoir d'homme !

- Je sais, mais Takami n'a personne d'autre. Elle doit se sentir très seule.

Sakura s'assit à côté de sa fille et posa une main apaisante sur son bras bronzé ( à cause du soleil )

- Je t'en prie, Yumie, tu dois m'aider à faire en sorte que ce camp soit un succès. Je ne crois pas que les problèmes occasionnés pas Takami et M. Uzumaki soient insurmontables.

- Tu as peut-être raison, concéda Yumie, les yeux rivés sur le jeu de cartes placé devant elle. Mais je ne te promets pas d'être gentille avec Takami si elle me cherche querelle. Je l'aime pas.

- Je n'en raffole pas non plus, convint Sakura.

- Et son père ? Qu'en penses-tu ?

- Il est bizarre, répondit Sakura solennellement.

Yumie fronça son pertit nez et toutes doux éclatèrent de rire.

 

 

Avec un profond soupir, elle se laissa tomber dans le canapé usé. La nuit ou Sasuke avait annoncé son désir de divorcer, ce même canapé avait accueilli ses larmes. Le lendemain, la famille s'y était réunie pour discuter de la vente de la maison. Le coeur de Sakura se serra au souvenir du petit visage contracté de Yumie lorsqu'elle avait supplié ses parents de garder la vieille maison. Malgré la vétusté de la cuisine et la chaudière capricieuse qui lui faisait perdre son calme tous les hivers, Sakura était heureuse d'être restée. Ces petits inconvénients étaient largement compensés par l'immense cheminée, le parquet de chêne ciré et la taille impressionnante des pièces.

Mais ce soir-là, elle trouvait le salon trop spacieux. Elle frissonna mais il était trop tard pour allumer un feu. Inconsciemment, elle se dirigea vers son vieux bureau soigneusement empilées. Pendant un long moment, elle les fixa puis, avec un mouvement d'humeur contre elle-même, y chercha celle de Takami.

De son écriture élégante, Naruto avait inscrit le mot "" décédée "" entre parenthèses derrière le nom de Ino Uzumaki. A la ligne suivante, il citait la Uzumaki Aviation comme employeur, une compagnie célèbre construisant des jets privés. Argent. Prestige.

Ce nom de Uzumaki était-il une coïcidence, ou était-ce le père de Naruto qui dirigeait la compagnie ? Le souvenir de la Porshe, des jeans de coupe excellente, des chaussures luxueuses de Takami revinrent à sa mémoire. Tout chez cet homme indiquait qu'il avait les moyens de satisfaire au moindre de ses caprices. Sakura grimaça. Naruto représentait tout ce qu'elle détestait chez un homme. Dans ce cas, pourquoi ne pouvait-elle effacer de son esprit l'image de sa silhouette imposante sur le seuil de la maison ?

Comme pour répondre à sa question, le téléphone se mit à sonner. Elle hésita, inquiète de cet appel tardif puis décrocha.

- Allô ?

- Puis-je parler au coiffeur de ces lieux ?

- Pardon ?

Songeant à quelque coup de téléphone obscène, la main de Sakura se crispa sur le combiné, blanchissant ses phalanges.

- Sakura, c'est moi, Naruto. Je ne voulais pas vous effrayer. J'ai un piètre humour, comme vous savez. Je voulais savoir si vous pouviez me couper les cheveux ?

- Bien sûr, Naruto ?

Bien que surprise d'une telle requête, elle était décidée à jouer le jeu et à voir jusqu'ou il les mènerait.

- Venez au salon. Chez vous. Ce soir.

- Je ne comprends pas très bien, balbutia Sakura, l'idée que le père de Takami était ivre et allait lui faire des propositions malhonnêtes s'insinuant dans son esprit.

- Etes-vous encore là ?

- Oui.

- Parfait.  Je dois signer un contrat très important demain et assister à une réunion capitale pour l'avenir de ma société à Konoha dans l'après-midi. Je ne peux décemment pas m'y présenter avec cette coupe négligée. Pouvez-vous m'aider ?

- J'ai bien peur que non. Il est presque dix heures.

- Je comprends que ma proposition vous paraisse extravagante, mais je vous récompenserai largement.

- Naruto, je ne suis pas...

- D'habitude, je paye vingt dollar à Konoha, mais je vous en offre trente.

- Trente dollars ?

Trois fois le prix qu'elle demandait au salon. Elle était maintenant sûre qu'il recherchait plus qu'une coupe de cheveux.

- Ecoutez, si cela n'est pas suffisant, s'impatienta-t-il, dites-moi votre chiffre. Cinquante ? Soixante ?

- Soixante dollars ! Pour une coupe de cheveux... ! Ecoutez-moi bien, monsieur Naruto Uzumaki. Je ne suis pas née de la dernière pluie. Je sais très bien ce que vous avez en tête, et avec soixante dollars, vous êtes loin du compte !

Tremblant de rage, elle raccrocha violemment.

 

 

 

 

 

 

 

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