SPARROW - Le Monocle de Clairvoyance

Chapitre 13 : Le Feu aux Poudres

7705 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 04/02/2024 19:01

Jack et Bellamy ont passé une soirée agitée. Une fois leur conversation avec le Gourou terminée, ils sont descendus dans la coursive « militaire » du navire perché. L’équipage a enfin pu accueillir ces drôles de convives comme il se doit. Ils ont passé quelques heures à réviser le plan, à étudier minutieusement la carte de la ville, et à se familiariser au contact des armes. Après ça, un des gars du Gourou a monté deux tonneaux de rhum, et les festivités ont commencé. Ils ont bu et mangé à foison, on aurait dit un banquet d’aristo.

    Pendant que Jack et Charlemagne apprenaient des danses traditionnelles, Bellamy a essayé de trouver des pseudonymes significatifs aux hommes du Gourou. Celui-ci n’a pas daigné nommer les hommes qu’il libérait. Jusque-là, ils ont gardé leurs numéros d’esclaves. Quand ses hommes ont appris qu’un vieillard aussi noir de peau qu’eux portait un nom aussi charismatique que « Charlemagne », ils ont été jaloux. « Cent-douze, tu t’appelleras désormais Socrate ! », « Quatre-vingt-quatorze, toi, tu seras Magellan ! », « Cinq cent quatre, Pythagore ! », et ainsi de suite… la soirée a été grandiose, les tambours ont retenti bien au-delà de la cime des arbres, les chants ont fait vrombir les feuilles, et la joie a embrasé les cœurs des hommes libres.


    Le lendemain, sur les coups de midi, les deux pirates en herbe cheminent dans le secteur ouest de la grande ville, en essayant de se fondre dans le décor. Ils ont encore la tête en vrac et l’estomac ballonné à cause la veille. Bellamy porte une fine corde particulièrement longue, autour de l’épaule droite, et tient une torche dans la main gauche. Jack, lui, se trimballe un sac en coton plein de poudre, qu’il maintient fermé avec sa main droite, et une grosse bouteille de deux litres remplie d’huile, dans la main gauche. Ils se fondent bien dans la masse, ils ont brièvement pu se laver dans une cénote d’eau claire au petit matin. Malgré leur attirail douteux, ils ont l’air de deux gamins normaux qui crapahutent dans les rues de Saint-Domingue.

-       Tu crois qu’on est bientôt arrivés ?

    Le Blond est peu confiant vis-à-vis de leur sens de l’orientation.

-       Panique pas, l’ami, on pourrait même s’arrêter boire un verre, qu’est-ce que t’en dis ? Je suis sûr que tu peux trouver du gin ici, ils doivent avoir de tout dans une telle ville.

   Jack est détendu, et fasciné par l’allure des tavernes Domingoises.

-       Hors de question. On trouve cette tour, on y met le feu, et on trace au point de rendez-vous. Rien de plus, rien de moins.

-       Chef, oui, chef ! Dommage, y’a l’air d’avoir de jolies filles ici…

    À force de se perdre dans les passages labyrinthiques de la ville, les deux garçons pensent enfin se trouver devant le bon bâtiment. C’est un grand immeuble de quatre étages, similaire à tous ceux qui l’entourent, à un détail près…

-        Regarde là-haut !

    Jack lève les yeux, et remarque un toit qui ressemble à la description abstraite que leur a donné le Gourou : « un triangle arrondi en fer ».

-       Bien vu, l’aveugle ! Mais y’a personne qui monte la garde, il avait raison ce dégénéré… remarque Jack.

    La porte de la tour d’argent n’est pas gardée, comme l’avait prévu le Gourou. Les jeunes pirates attendent d’être sûr que personne ne les surveille, et s’approchent.

-       Allez viens, on entre.

    Jack sort une barre en fer dissimulée dans sa manche. L’une des extrémités de celle-ci est cornée, et le bout a été aplati à la masse. Le Gourou leur a expliqué qu’il faut faire pénétrer l’embout dans la fente de la porte. Jack suit les conseil, fait levier, et la serrure saute. Ils pénètrent exécute, et en forçant bien sur le manche, la barre mute en levier dans le hall.

-       C’est pratique son truc, remarque Jack, tout content.

 Bellamy se presse de claquer la porte esquintée, en priant pour qu’aucune patrouille ne passe par là. Maintenant, ils doivent être rapides, très rapides. Jack peut enfin vider le contenu de son sac. C’est de la poudre à canon, que le moineau disperse un peu partout dans le hall. Ensuite, il verse de l’huile sur cette même surface. Bellamy déroule sa longue cordelette. Il plante l’extrémité de celle-ci dans un petit tas de poudre, et se dirige vers la porte en tenant l’autre bout. Il sort un torchon de sa poche, puis l’enroule autour du morceau de bois. Jack vient imbiber le tissu avec le fond d’huile restant. Il sort un petit briquet à silex, respire un grand coup, et essuie la transpiration qui lui perle sur le front avec sa manche.

    « Vous allez mettre le feu à la tour d’argent ». C’est ce que leur a dit le Gourou, la veille. Jack a été très enthousiaste d’apprendre ça, Bellamy un peu moins. Selon le Gourou, la tour sert d’office à Suleyman, mais aussi de caserne. Il est persuadé qu’elle renferme un impressionnant stock de poudre et de combustibles. C’est pour ça qu’il pense qu’un petit feu bien nourri pourrait provoquer une explosion dantesque. En tout cas, largement assez forte pour rameuter les troupes. Une parfaite diversion car, en plus de débarrasser le port de la majorité de ses forces armées, le Gourou ferait d’une pierre deux coups, en détruisant la base de son ennemi juré.

 Avant que Bellamy ne se décide à mettre le feu, il voit Jack se diriger vers les escaliers de la tour, à l’improviste.

-       Où tu vas, du con ?!

-       Je veux voir son bureau ! Le Gourou a dit qu’il était tout en haut, je veux voir si y a pas des trucs à se mettre sous le manteau ! On n’aura pas souvent l’occasion d’être dans ce genre d’endroits, répond Jack, tout excité.

-       Pas maintenant, on n’a pas le temps ! Tout doit être exécuté de façon millimétrée : on fout le feu et on se casse d’ici !

-       Deux minutes ! Je fouille, je prends, et je reviens !

-       Non ! Descends !

-       Je te laisserai appeler mon navire « Banana Bread », c’est promis !

-       Tu as déjà dit que tu validais ce choix, Jack !

-       Ah bon ? Eh bien… je dévalide !

-       T’es sérieux là ?!

-       J’arrive !

     Jack fait un clin d’œil à son second, et monte les escaliers à toute vitesse, laissant Bellamy seul dans le hall de la tour, fou de rage. Il se rend jusqu’au dernier étage, et pénètre dans l’office de Suleyman Umar. Le moineau est ébahis devant tant de luxe, il n’en revient pas. Il s’assoit sur la chaise du Nègre Blanc, pose un pied sur la table, et caresse la tête de l’une des gazelles en rigolant. Il se met à fouiller dans les tiroirs comme si c’était les siens. À part de la paperasse, il ne trouve rien d’intéressant. En continuant à fouiner, il finit par trouver un petit pistolet de manchon à silex d’à peine quatorze centimètre de longueur. Jack est fasciné par cet objet. Il est fait de bois, garnis de laiton, avec une crosse en forme de tête d’oiseau. Mais alors qu’il admire son nouveau jouet, et qu’il allait se mettre à chercher un éventuel coffre, il entend des hurlements qui proviennent du hall. Il glisse le petit pistolet dans sa poche, et descend les escaliers le plus vite possible. En arrivant en bas, il ralentit le pas pour appréhender la situation. Il se juche en haut de la dernière parcelle de marches, et observe la scène. Bellamy est menacé par un petit homme, grassouillet et particulièrement laid, qui pointe dans sa direction le canon d’un pistolet au chien armé. Le Blond essaie de tempérer, mais l’homme a l’air nerveux.

-       Je m’appelle Joao, je suis le second de Suleyman Umar ! Reste en garde, gamin, tu seras cloué au pilori pour tes actes, pyromane !

-       Calmez-vous, monsieur, on peut peut-être trouver un arrangement ? Je vous jure que je suis rentré ici après avoir vu des voleurs fracturer la porte, je ne suis qu’un fils de boulanger sans histoires…

-       Alors pourquoi tiens-tu une torche fraichement imbibée d’huile ? Hein ? Explique-toi !

    Joao ne dégage pas le moindre charisme. Il a la main tremblante à cause du poids de son arme, et le corps inondé de sueur.

-       Eh bien, je l’ai ramassé et…

-       Ah, tu es la ! Je suis monté là-haut mais je n’ai pas trouvé les voleurs…

    Jack intervient en descendant tranquillement les dernières marches d’escaliers. Joao se retourne d’un coup vers lui, et prend du recul pour pouvoir observer les deux garçons en même temps, tout en continuant de tenir Bellamy en joue.

-       Svelte, cheveux long, bandana rouge… blond, aux cheveux bouclés… Vous ! Vous êtes les deux gamins qui ont débarqué sur l’île hier à l’aube, et qui ont disparu avec deux soldats suspectés de trahison par mon maître ! J’en suis sûr , c’est vous, bandits ! hurle Joao, paniqué.

    Il se sait plus lequel viser, par peur que l’autre ne lui saute dessus.

-       Non, vous faites erreur, je suis un fils de boulanger, et mon ami est…

-       Le capitaine, et futur seigneur pirate, Jack Sparrow ! clame Jack avec ferveur.

    Il a les yeux écarquillés comme un psychopathe. Il sort son tout petit pistolet de sa poche, et le braque en direction de Joao.

-       Arrêtez ! Arrêtez tout ! Quand mon maître se rendra compte du prolongement de mon absence, il va venir, et je vous jure qu’il n’existe pas d’hommes plus cruel en ce monde que lui, fuyez, bande d’idiots ! Vous n’avez pas la moindre idée d’à qui vous vous attaquez ! s’égosille Joao.

    Le sourire du moineau s’agrandit. Il s’approche lentement de Joao, et baisse son arme, alors qu’il est toujours menacé par celui de son adversaire. Il le range dans sa poche, et, à la place, il sort son monocle. Il vient le caler entre sa pommette et son arcade sourcilière, et plonge son regard dans les yeux pleins de panique du pauvre secrétaire.

    Cette fois-ci, Jack se concentre de toute ses forces pour rester lucide. Il ne doit pas laisser le monocle être maître de lui. Il se sent comme « aspiré » à l’intérieur de l’iris de Joao, comme s’il pénétrait en lui, avant de ressentir une chute libre. Bellamy observe la scène, stupéfait. Jack et Joao sont plantés devant lui, ils ne bougent pas, de vrais statues. Cependant, pour Jack, l’expérience est bien différente. La sensation de chute se termine sans impact, mais il sent que ses pieds sont bel et bien au sol. Il se tient debout sur une colline verdoyante, où se trouve une petite maison en pierre. Devant cette maison, il y a un potager où pleins de légumes différents poussent à foison. Jack regarde ses mains, elles sont plus boudinées que d’habitude. Ses ongles sont rongés, ainsi que la peau qui les contournent. Il avance vers cette bâtisse alors qu’il n’en ressent pas l’envie. Il n’est pas le pilote de son corps. Il pénètre à l’intérieur, va s’asseoir à un pupitre, et penche sa tête sur une feuille de papier sur laquelle est écrit « as minhas memórias » (mes mémoires). Sa main se saisit d’une plume qu’il trempe dans l’encre. Gracieusement, des mots qu’il est incapable de comprendre s’enfuient de sa plume, et garnissent sa feuille. Quelle légèreté ! Quel bonheur ! C’est comme si il avait réussi à se débarrasser du poids d’une enclume posée sur son dos depuis bien trop longtemps. Il a la forte impression d’être enfin tranquille. D’un coup, les muscles de sa bouche agissent tout seuls, et il sourit. Puis il rigole, de plus en plus fort, aux éclats. Il n’a qu’une image en tête, celle d’un grand homme noir allongé sur le sol. Jack ne remet pas son visage. Celui-ci a un trou entre les deux yeux, et des morceaux de cervelle sur le visage. Jack essaye de se concentrer sur le visage de l’homme mort, mais une grande douleur le frappe, glaciale et très aigue. Soudain, tout disparait, le cadavre, le manuscrit, la maisonnette, la colline... tout redevient vide le temps d’un instant, et puis, l’extraction.

     En réouvrant l’œil, Jack est toujours face à face avec l’affreux bonhomme et le canon de son pistolet. Celui-ci le regarde avec des yeux pleins de peur, il tremble de la tête aux pieds. Instinctivement, il baisse son arme. Jack a très mal au crâne. Il se retourne et voit Bellamy qui le regarde avec curiosité.

-       Ça a marché, Jack ? Les pouvoirs du monocle, ils ont marchés ? Ou comme la dernière fois, tu ne te rappelles de rien ? 

Jack n’y prête pas attention, il pointe Joao du doigt.

-       Toi ! Pourquoi est-ce que tu nous met des bâtons dans les roues ?!

-       Pa...pardon ? s’offusque Joao.

-       Ce cadavre, c’est celui de ton maître, n’est-ce pas ? Si tu veux tant qu’il meurt, pourquoi tu le défends comme ça ?!

-       Mais quel cadavre ? Je… je ne veux voir personne mourir enfin ! Suleyman est mon maître et je…

-       Menteur ! crie Jack en collant sa tête à celle de Joao. Menteur ! Tu rêves de verts pâturages, de grosse tomates, de papiers gribouillés, et surtout, de la carcasse de ton maître gisant dans une mare de sang ! C’est ça, que tu veux vraiment au fond de toi !

-       Je ne peux pas me permettre d’acquiescer ces dires je…

    Joao est perplexe, comment ce mioche peut-il être au courant d’une chose pareille ? Le secrétaire prie chaque soir pour que quelqu’un puisse ôter la vie à son maître. Il refoule cette envie en présence de Suleyman, inquiet que celui-ci puisse lire ses ambitions dans ses yeux.

-       Si tu te sens aussi mal dans tes bottes, t’as qu’à rejoindre mon équipage, qu’est-ce que t’en dis ? Je t’offre la liberté, mon vieux, et on se tire d’ici fissa !

-       Enfin, je ne peux pas faire ça je…

-       Ecoute, on va foutre le feu à cette tour immonde, pendant que le Gourou se dirige sur le port pour…

-       La ferme, Jack ! Ça va pas de divulguer nos plans à l’ennemi ?!

-       C’est pas un ennemi, le Blond. Je crois qu’il déteste ce « Nègre Blanc » encore plus que le Gourou, si tu veux mon avis.

-       Je le hais ! J’ai toujours espéré que ce Gourou de malheur finisse par lui trancher la gorge ! Si vous êtes de son côté, alors capturez moi ! Emmenez-moi avec vous, s’il vous plaît.

    Le scribe se comporte comme un enfant capricieux. Il semble excédé, mais soulagé de vider son sac.

-       Doucement, mon mignon... Bellamy, ce gars détient tous les secrets de Suleyman, il doit être très précieux pour lui, non ?

-       Probablement… qu’est-ce que tu as derrière la tête ?

-       On devrait s’en servir d’appât. Si on le livre au Gourou, ça lui fera un bel atout pour sa lutte… murmure Jack.

-       Pour une fois que tu as une bonne idée, capitaine ! Je suis d’accord, on l’embarque, répond Bellamy, enthousiaste.

    Mais en entendant les deux jeunes hommes, Joao est pris d’un fou rire incontrôlable, exutoire de moultes angoisses.

-       Alors ça, ça confirme que vous ignorez totalement qui est Suleyman Umar ! Il n’a que faire de ma piètre existence, je ne suis que son animal de compagnie ! Si vous me kidnappez, il ne bougera pas ne serait-ce qu’un orteil pour me délivrer, ignares !

    En entendant ça, Jack semble illuminé. Il regarde Bellamy, et les deux garçons ont l’air de se comprendre.

-       Mais il n’oserait pas te condamner à mort en public, pas vrai ?

-       Comment ?

    Avant que Joao n’ait pu saisir le fond de la question de Jack, il voit le jeune capitaine ranger sa drôle de lunette dans sa poche. Le moineau se baisse, et ramasse le pistolet que le secrétaire a laissé tomber au sol. Il attrape celui-ci par le col pour qu’il se redresse, se place derrière lui en lui tenant un bras derrière le dos, et colle le canon froid de l’arme sur la nuque moite de son otage.

-       Jack, t’es sûr de ton coup ? demande Bellamy

-       Laisse-moi improviser, le blond. En nous collant la tâche de la diversion, le Gourou nous a privé de toute la lumière. On a là l’occasion de faire chuter l’une des plus grosse têtes de Nouveau Monde aux yeux de tous, c’est le moment d’inscrire nos noms dans l’histoire !

-       Je te fais confiance…

-       Sérieusement ? Tu mouilles pas ton slip ? 

-       Ta gueule. Si je veux que mon rêve se réalise, je dois arrêter de subir les situations… tu as raison, c’est à nous de prendre les devants, maintenant.

-       À la bonne heure !

-       Juste, dis-moi, le monoc…

-       Je t’expliquerai plus tard, Bellamy. J’ai affreusement mal au crâne, là, et on est pressé, les gars attendent alors… fous moi le feu bordel ! ordonne le capitaine à son second.

    Celui-ci ne se fait pas prier. Il allume le bout de sa torche imbibée d’huile grâce au briquet du Gourou. Elle s’enflamme. Jack entrouvre la porte en maintenant la pression du canon sur la nuque de Joao. Bellamy maintient la flamme de la torche sur l’extrémité de la mèche, jusqu’à ce qu’elle ne s’embrase, et qu’elle ne commence à emmètre de vives étincelles. C’est alors que les deux jeunes pirates et leur otage se dirigent à toute vitesse en dehors de la tour d’argent. Ils courent du mieux qu’ils peuvent, et se mettent à l’abris dans une petite ruelle à une centaine de mètres. Ils ont hurlé à tous les passants qu’ils ont croisés de déguerpir au plus vite de la zone, mais on les a pris pour des fous. Ils attendent une longue minute, mais rien ne se passe. Bellamy est inquiet, est-ce que la mèche était fiable ? Est-ce que la tour contenait bel et bien autant de combustibles que prévu ? Le Blond se lève pour rebrousser chemin. Mais après quelques pas, il aperçoit une lumière blanche aveuglante, et un grondement sourd et fracassant se fait entendre…

***

Quelques minutes plus tard, sur le port…


    Le marché aux esclaves de Cul-De-Sac s’apprête à redémarrer. L’ambiance est tendue. Les clients fortunés ne sont pas rassurés du départ à l’improviste de tant de soldats. Même si quelques officiers sont restés sur place, rien n’y fait. Certains aimeraient être escortés d’urgence à leurs bateaux, mais ce serait une catastrophe pour les marchands. Ils refusent de suspendre la vente. C’est alors que Suleyman Umar, blasé, décide de monter sur l’estrade, et de prendre la parole à voix haute. C’est un comportement inhabituel de sa part.

-       Messieurs, du calme. Sachez que vous êtes privilégiés d’être convié sur ce marché, je n’ai pas ramené d’aussi beaux bestiaux depuis belle lurette. Vous êtes actuellement sur la colonie française la plus sûre qu’il soit dans les Caraïbes. Ce sont peut-être mes appartement qui brûlent en ce moment même, et pourtant regardez-moi, je suis serein comme tout... qui plus est, compte tenu de cette déconvenue, je retarde mon départ jusqu’à ce que les forces de la marine française soient revenues en nombre sur le port. Vous pouvez être sûrs qu’aucun de ces nègres n’osera s’attaquer au Nègre Blanc.

    Son discours rassure l’assemblée. Quelques hommes l’applaudissent même, et les marchands le remercient chaleureusement. Suleyman retourne s’adosser à l’une des caravelles qui a transporté ces gentilshommes. Il regarde en direction de la tour d’argent, pendant qu’en face de lui, les négociations reprennent de plus belle. Son visage reste sans expression, comme à son habitude. Seule une petite veine apparait gonflée sur sa tempe droite. Alors qu’un exploitant minier du Missouri achète deux esclaves d’un coup, un son lointain et quasi-imperceptible vient légèrement fendre l’air. On dirait un amas de plusieurs voix. Ceux qui ont l’ouïe la plus fine croient reconnaitre des chants, de très mauvais chants. Progressivement, ces voix deviennent de plus en plus perceptibles. Plus elles se rapprochent plus elles semblent mugir. Les mouettes qui squattent les échafaudages du chantier s’envolent en raillant. Des rats arrivent à toute allure de la grande ville, et se dispersent aux quatre coins du port. La vente se suspend. Le temps aussi. Tout le monde tourne la tête vers les ruelles adjacentes d’où proviennent les hurlements.

***

Dix minutes auparavant…


    La grand ville de Saint Domingue est limitrophe d’une immense jungle. Le quart de celle-ci fait officiellement partie de la jeune colonie française. Le reste n’appartient à personne. Fort heureusement pour le Gourou et ses hommes, les soldats français attitrés aux patrouilles dans le secteur jungleux ne connaissent rien à celle-ci. Il leur a été facile de se frayer un chemin vers la ville, malgré leur nombre. C’est alors qu’une quarantaine d’hommes noirs, armés jusqu’aux dents de matériel d’artillerie française et espagnole, attendent, dissimulés dans des broussailles aux abords de la ville. Trépignant d’impatience, ils révisent leurs nouveaux noms, attribués la veille par un jeune pirate aux boucles blondes… En tête de cortège, le seul homme blanc de la bande fait part de ses inquiétudes à l’homme le plus âgé de l’escouade. Celui-ci ne prend pas ses doutes en compte, il a l’air vachement confiant. Ils ont passé dix minutes de plus que prévu à attendre le son d’explosion, et d’apercevoir la colonne de fumée tant attendue dans le ciel. Quand cela arrive enfin, un tonnerre d’applaudissement se fait entendre.

-        Ils ont réussi, Charlemagne, ils ont cramé cette putain de tour !

-       Qu’est-ce que tu crois, le Gourou, j’ai bien choisi mon capitaine !

-       Plus de ça entre nous, camarade. Je m’appelle Rubin, Rubin Schultz ! Et toi alors, c’est quoi ton vrai nom ?

-       Enchanté, Rubin ! Bah moi c’est Charlemagne, pourquoi cette question ?

-       Euh, pour rien… c’est un beau prénom… répond Rubin, gêné. Allez les gars, c’est le moment, faites de cette ville maudite le plus grand hourvari jamais vu sur les Caraïbes ! hurle-t-il à ses hommes.

    Ils gueulent tous en chœur pour approuver l’ordre de leur chef. C’est alors qu’ils prennent d’assaut les rues de la grande ville de Saint-Domingue. Le Gourou a été clair : on ne s’en prend à aucun civil. Cependant, ils ont eu l’autorisation de « remuer la merde », pour citer ses dires. Leur équipement est relativement aléatoire. Tout le monde s’est vu remettre un mousquet équipé d’une baillonette. Certains, les plus à l’aise à l’exercice du tir, ont aussi récupéré un pistolet. Ceux qui ont la meilleure force physique, et de bonnes aptitudes au combat rapproché, sont munis d’armes de poings (couteau, épée, massue, etc.). Le plus imposant et costaud des membres cette drôle de division, a été baptisé « Goliath » par Bellamy. Goliath n’a pas de fusil, ni de pistolet. Ses doigts sont trop épais pour développer un bonne sensibilité avec une queue de détente. C’est pour ça que le Gourou lui a confié un canon chargé d’un boulet, le réservoir plein de poudre, ainsi qu’un briquet. C’est un petit canon mobile, qui sert à tirer des boulets « en cloche » d’un pont, pour atteindre le pont d’un autre navire. Un homme normalement constitué et en pleine forme serait incapable d’en porter un sur dix mètres. Goliath, lui, cavale en tête de cortège. Ce canon a été prévu pour la fuite, pour disperser un éventuel barrage des forces armées françaises. Le Gourou a quand même précisé à Goliath qu’il ne pourrait s’en servir qu’en cas de nécessité absolue.

    Cela a pris des années au Gourou pour rassembler un tel arsenal, libérer assez d’esclaves, et les préparer à ce grand jour. Aujourd’hui, tous peuvent enfin exulter, et agir. Certains de ces hommes qui affluent dans la ville, ne sont pas descendu du repaire du Gourou depuis plus de six mois. Ils hurlent, braillent, piaillent, vocifèrent, gueulent, sifflent, chantent, mais surtout, célèbrent. À mesure qu’ils avancent, ils célèbrent cette descente avant même d’avoir atteint leur objectif. Car ces hommes n’ont connu que l’horreur et la servitude toute leur vie durant. Quelques-uns d’entre eux, si ils n’avaient jamais rencontré le Gourou, auraient étripé le premier homme blanc sur leur chemin, à peine libéré de leurs chaînes. Mais Rubin Schultz leur a montré que ce n’est pas la couleur de peau qui définit la bonté d’un homme, mais la cohérence entre ses actes et ses positions.

    Le Gourou, lui, ne crapahute pas avec ses hommes, il préfère garder une vue d’ensemble sur eux, et sur leur avancée. Il profite du chantier de la ville pour accéder aux toitures des bâtiments qui se jouxtent. Quand il faut passer au-dessus de rues trop larges, il utilise les cordes des grandes grues pour se balancer de l’une à l’autre. Toute ces années de vie dans la jungle ont fait de lui un homme particulièrement agile. Plus il avance, plus il cogite. Comme la légende le laisse croire, Rubin est bel et bien un homme, pas un sorcier. Il craint de perdre le contrôle des évènements, si les forces armées engagent une escarmouche à mort. Ils doivent aller vite, se focaliser sur l’essentiel, et prendre leur jambes à leur cou aussitôt le dernier lien brisé.

-       Mais où vous allez, bande de cinglés ? Tournez à droite, et foncez tout droit ! hurle-t-il en sprintant sur un toit de tuiles bancales.

    Les habitants sont terrorisés par cette horde d’hommes noirs qui assaillent la ville. Ceux qui dînent paisiblement chez eux se ruent à leurs fenêtres pour les fermer. Les commerçants se hâtent de clore leurs échoppes. Les demoiselles se jettent au sol. Les hommes les moins vaillants lèvent les bras, les plus vaillants se mettent en garde… « Se sont-ils échappés du marché ? » « Mais que fait l’armée ? » « Prenez tout ! Ne nous faites pas de mal ! » « Dieu, miséricordieux ai pitié de nous… »… tant de phrases qui résonnent, tant d’appréhensions infondées. Ce n’est pas une bande de pirates venus du sud, et ils n’ont pas l’air souffreteux comme des esclaves. On dirait plutôt une bande d’enfants qui s’amusent en sortant de classe. Certains remarquent aussi qu’un homme blanc de peau suit ce groupe infernal depuis les cieux. Quelques-uns croient voir un ange venu les sauver, d’autres un singe ayant fui la jungle… Un jeune homme, tenant tant bien que mal un adulte en otage, à quelque lieues à l’Est, aperçoit cette silhouette, et la voit comme une incarnation de la liberté. Jack est fasciné d’entrevoir le Gourou à l’action, cela le conforte encore plus dans son initiative de ne pas respecter le plan, afin de le rejoindre et de lui prouver sa valeur.

***

    Actuellement…


    Au bout de cinq minutes d’une course anarchique dans les artères de la grande ville, le Gourou et sa troupe déboulent enfin sur le port de Cul-De-Sac. Ils encerclent l’estrade où sont exposés les esclaves en vente. Les quelques soldats restés sur place se mettent en ligne, et braquent leurs fusils en direction de ce drôle de bataillon. Les visés font de même. Les soldats sont moins nombreux, ils sont à vingt-cinq contre quarante. Cependant, leur façon de se tenir et de maintenir une visée quasi statique, intimide légèrement les hommes du Gourou, qui les mettent en joue de façon aléatoire. Le manque d’expérience se fait sentir. Les marchands reculent à petit pas pour aller se mettre à l’abris derrière les soldats, et les riches clients font de même. Certains se jettent au sol, d’autres ordonnent aux hommes en uniforme de les sortir de là. Mais les plus surpris, ce sont les esclaves. Liés seulement par les mains, ils peuvent se retourner. Avec un mélange de crainte et d’admiration, ils découvrent leurs semblables, fusils en main, vêtus comme des citoyens, sourires aux lèvres, torses bombés, mentons relevés, et regards hargneux, menacer ouvertement les représentants armés de la couronne française. Ils pensent halluciner, même le mot « miracle » serait trop faible pour décrire ce à quoi ils assistent.

-       Comment autant de nègres peuvent-ils être armés, et libres ?! Diantre, mais que fait la couronne, qu’est ce qui ne tourne pas rond sur cette colonie !? s’offusque l’un des nobles. 

-       Qui que vous soyez, vous disposez de dix secondes pour déposer les armes à terre, et vous rendre sur le champs ! Vous vous attaquez de front aux forces de marine de la Compagnie française des Indes Orientales, sous la juridiction directe de la couronn…

    Un fou rire exagéré et strident, qui semblent venir du ciel, interromps le soldat. Les esclaves pensent que c’est dieu en personne qui vient rétablir l’ordre naturel des choses, pour les sortir de ce mirage. Les soldats se forcent à ne pas dévier leur regard de ceux de leurs adversaires. Seuls un ou deux se risquent à lever la tête pour déterminer d’où vient le rire. Les marchands et les nobles, regroupés en retrait, scrutent les cieux, mais voient mal à cause du soleil, qui, sur les coups de midi, est à son zénith. Seul Suleyman, toujours adossé à la caravelle, ne réagit pas. Le Nègre Blanc regarde ses chaussures, pensif. Soudain, le rire cesse, et un bruit de système mécanique se fait entendre. Le galbe ombragé d’un homme, corde en main, fend le ciel. Il semble s’être élancé depuis l’une des grues qui surplombe Cul-De-Sac, à une centaine de mètres de la place du marché. Cette silhouette, c’est celle du Gourou. Il hurle de joie en se balançant au-dessus du port, et lâche la corde dans un timing parfait pour atterrir sur l’estrade, d’une roulade maitrisée. Il se tient entre les deux pelotons, mêlé aux esclaves rangés en ligne. Tout le monde est bouche bée, tous attendent que cet homme se déclare. « Bravo chef ! » « Grandiose ! » « Vous nous avez rejoint en grande pompes ! » clament ses hommes, qui reprennent confiance en eux. Le Gourou leur adresse un clin d’œil, s’appuie sur l’épaule d’un esclave de façon amicale, et s’adresse aux soldats.

-       Bien le bonjour, soldats, nobles et marchands ! Ces hommes qui vous tiennent en joue, c’est moi qui les représente. Croyez-moi, aucun d’entre eux n’a la moindre envie d’allumer la poudre, messieurs. Les hommes en culotte à mes côtés, dont vous négociez le prix comme de vulgaires morceaux de viande, ce sont mes semblables. J’annonce qu’à partir de maintenant, et, jusqu’à ce que nous ayons quitté cette cité maudite, je les représente également… déclare Rubin, tonitruant

 Les esclaves le regardent comme un messie orné d’une auréole, illuminé par la lumière divine et tutti quanti. Qui peut bien être cet homme blanc, blond, aux traits caucasiens, qui les mentionnes comme étant ses semblables ? Sans laisser le temps à ses ennemis de réagir, Rubin poursuit.

-       Vous, étouffés par ces ridicules uniformes, je vous suggère de vous rattacher au peu d’humanité qu’il vous reste. Malheureusement, vous aussi êtes mes semblables… les riches poltrons cachés derrière vous aussi, et le fils de pute qui n’a pas le cran de me regarder dans les yeux également. Nous sommes tous ici, les enfants de Gaïa, notre mère ! Elle nous chérit tous du même amour ! Ma proposition est la suivante : laissez-nous emmener ces hommes avec nous sans opposer de résistance, sans quoi, nous feront cracher les outils ! Comme vous pouvez le constater, nous sommes en position de force

-       Taisez-vous, gibier de potence ! Assez de ce discours affabulatoire, vous n’êtes qu’un truand ! L’offense que vous êtes en train de commettre sera punie par la mort, la vôtre, et celle de tous ceux que vous appelez à tort, « vos semblables » ! Rendez-vous sur le champ, et sans résistance. Malin vous croyez-vous, à nous menacer d’une échauffourée ? Des forces bien plus conséquentes débarqueront d’ici peu, nous vous écraserons comme de vulgaires insectes, je le jure sur la couronne de France ! répond l’un des soldats, avec entrain.

-       Toi… toi, et vous, qui êtes vous-même esclaves des hautes instances, boucs émissaires de l’aristocratie, chair à canon des élites mondiales, attestez… attestez, que moi, libérateur envoyé par Gaïa toute puissante que vous avez baptisé « Gourou », de mon vrai nom Rubin Schultz, pisse chaudement sur le front de celui qui porte cette couronne que vous chérissez tant !

En entendant la célébration des hommes du Gourou, les soldats comprennent qu’il n’y a pas d’autre d’issue que la confrontation, ces trouble-fêtes ne se rendront pas. En entendant ça, les quelques chalands présents, tous issues de la caste noble du Nouveau Monde, tirent une drôle de tête. Ils viennent d’entendre un nom qui leur est familier, dont ils n’ont pas eu vent depuis bien des années car… ce nom, Rubin Schultz, c’est celui d’un mort.

Henrik Schultz est un homme d’affaire Allemand qui a émigré en Floride pour se lancer dans l’exploitation de champs de coton. Il s’est rapidement distingué parmi les plus grandes fortunes du Nouveau Monde. Issu d’une famille noble de bavière, Henrik ne s’est pas contenté du capital familial. En Europe, il a bâti son propre empire en s’associant avec ses pairs belges. L’allemand a senti très jeune que ses voisins avaient flairés un bon filon. Usant de son influence, il s’est rapproché d’eux, jusqu’à devenir l’une des têtes de gondole de l’exploitation minière en Afrique centrale, et l’une des sommités mondiales du commerce de pierres précieuses.

    Le jour où sa femme, Gudrun, accouchait de leur premier enfant, Henrik venait d’apprendre que ses collaborateurs avaient extrait des kilos de rubis, d’un rouge particulièrement intense, à la teinte orangée rappelant la chaire de l’orange sanguine. Voyant la naissance de son petit garçon comme porteuse de bonne fortune, il baptisa celui-ci « Rubin » (rubis en allemand). Ambitieux et opportuniste, il s’était alors dit que le Nouveau Monde serait l’endroit idéal pour développer au mieux ses affaires, lassé des règles fiscales du Nouveau Monde.

    La famille Schultz a passé une vingtaine d’années de prospérité, outre-Atlantique. Plusieurs hectares de terrains exploités, un réseau commercial bien ficelé, une cinquantaine d’esclaves, une maison de maitre de plus de trois-cents mètres carrés, et surtout, une belle petite famille. Une femme comblée, un jeune homme prometteur et une jeune fille souriante. Cependant, le petit havre de paix d’Henrik tachée par un atroce évènement, il y a un peu moins de dix ans. Un jour, il organisa un banquet, autour duquel il convia ses confrères et amis d’Amérique. Tristement, il leur annonça la mort de son fils, Rubin Schultz. Ce jour-là, Henrik reçut une vague de compassion mémorable, ainsi qu’une avalanche de présents. La cérémonie en la mémoire du jeune homme, décédé à l’âge de vingt-trois ans, fut d’une beauté et d’une mélancolie sans pareille, gravée à jamais dans la mémoire de tous les convives présents. En réalité, ceux-ci ont assistés à l’inhumation d’une magnifique tombe ornée de rubis… vide comme le coffre d’un mauvais pirate. Six mois auparavant, Rubin a mystérieusement disparu, du jour au lendemain, comme ça, sans laisser la moindre trace. Son père a déployé des moyens colossaux pour le retrouver, mais rien. Le riche exploitant a donc fini par se faire une raison. Aux côtés de sa pauvre femme, terrassée il a fini par attester la mort de son garçon…

    C’est à cause de cette histoire que la majorité des nobles présents sur le port de Cul-De-Sac se regardent tous dans le blanc des yeux. Ils sont confus par la déclaration que cet hurluberlu vient de faire. Ils étaient quasiment tous présent lors de l’enterrement de Rubin Schultz, certains l’ont même pleuré. Certains pensent à un usurpateur, d’autres à un fantôme. En tout cas, aucune d’entre n’imagine possible que le fils d’Henrik Schultz puisse être l’homme qui se tient devant eux. Une fois l’information digérée, c’est en direction de Suleyman Umar que tous les regards se tournent. Celui-ci souffle, et relève la tête, enfin décidé à bouger. Il avance vers l’estrade en se frayant un chemin à travers les quelques soldats français. Il l’enjambe, et se tient désormais à quelques mètres de distance du Gourou. Que ce soit les marines, tout comme les hommes de Rubin, personne n’ose bouger. Suleyman dégaine une machette qui était accrochée à un portant en cuir, le long de sa jambe gauche. 

-       Peu m’importe de connaître ton vrai nom… j’ai juré de protéger ces hommes, et il m’est favorable qu’ils puissent poursuivre leurs affaires en toute quiétude, ma réputation est en jeu, alors… rends-toi sagement, et ordonne aux chiens qui te suivent d’en faire de même.

    En même temps qu’il finit sa phrase, il s’approche de Rubin. Son opposant n’a pas l’air intimidé le moins du monde.

-       Je suis déçu, je te pensais plus effrayant…

Que ce soit les nobles, les marchands, les soldats, les esclaves, ou les hommes du Gourou, tous sont subjugués d’assister à cette rencontre. Rubin tire son épée de son fourreau, et la tient fermement dans sa main droite Sans prévenir, il attaque en premier, d’un large coup fendant à l’horizontale. Sa cible le bloque sans difficulté, d’une parade rapide au-dessus de sa tête. Les deux lames s’embrassent, et les deux hommes sont maintenant plus proches que jamais.

 

-       Tu as vraiment sale mine… t’arrives-t-il de dormir ? murmure Rubin à Suleyman.

-       Tu es affreusement maigre… t’arrives-t-il de manger ? chuchote Suleyman à son tour.

-       Es-tu toujours sur de toi, mon frère ? demande Rubin, toujours à voix basse.

-       Plus que jamais, répond Suleyman, un léger sourire aux lèvres.

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