La Princesse d'Axerik

Chapitre 29 : Vérité enterrée

5724 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 08/11/2016 11:33

Dans les romans, à la fin, le méchant est presque toujours attrapé et puni comme il le mérite. Mais, hélas, ceci n’arriva pas cette fois.

Ils quittaient l’île, bredouilles. Luke savait que c’était Descole qui avait tué le professeur. Il en était sûr. Mais il n’avait aucun moyen de le prouver, et puis il y avait aussi ces contradictions qui ne faisaient qu’aggraver les choses.

Il n’avait vraiment pas de chance.

« J’ai été bête de croire que nous pouvions faire quoi que ce soit », murmura-t-il en regardant l’image de Janice qui devenait de plus en plus petite alors qu’ils s’éloignaient. « Si même le professeur a échoué, alors pourquoi moi, j’y arriverais ? »

Et il lâcha un soupir. Emmy et Flora le regardèrent, attristées. Elles aussi ne pouvaient rien faire.

« Ça ne sert à rien de rester debout ici », fit remarquer Emmy. « Allons nous reposer. »

 Luke et Flora acquiescèrent et, alors qu’ils s’apprêtaient à partir, ils remarquèrent que Penelope ne bougeait pas.

« Lopy », l’interpella Flora. « Tu viens ? 

-Non », répondit la jeune fille sans se retourner. « J’ai envie de voir la mer encore un peu. »

Flora la regarda en silence avec une certaine mélancolie. Elle voulait lui demander pourquoi elle se montrait si distante avec elle, pourquoi elle lui parlait à peine et toujours avec ce ton détaché. Mais elle n’en dit rien et, tournant les talons, elle suivit Luke et Emmy.

Penelope se retrouva seule sur le pont du bateau, au milieu de parfaits inconnus. Lâchant un soupir, elle passa ses deux bras au-dessus de la rambarde et pencha sa tête en l’avant. L’île d’Axerik commençait à devenir de plus en plus petite, et Penelope ne put s’empêcher de ressentir un étrange serrement dans son cœur.

Cette île, elle lui avait fait vivre le pire souvenir de sa vie.

« Penelope Koldwin », l’appela une voix derrière elle. Elle se retourna pour voir de qui il s’agissait.

C’était un homme. Un homme qu’elle ne connaissait pas.

« Oui ?

-Allons, je suis sûr que tu me reconnais. Nous nous sommes vus il n’y même pas une heure. »

Les yeux de Penelope s’écarquillèrent et elle l’inspecta rapidement du regard.

« Jean Descole ? » Demanda-t-elle sur un ton sceptique.

« Parfaitement. »

Il ne portait plus désormais sa tenue de carnaval extravagante, et ne cachait plus son visage. Mais il était vrai que la voix était la même.

« Par contre, j’aimerais que tu évites ce nom », lui fit-il remarquer. « Désormais, je suis Desmond Sycamore. »

Penelope était vraiment perplexe.

« Et, que me voulez-vous, M. Sycamore ? »

Sycamore avança et s’appuya sur la rambarde à son tour.

« J’aurais pu rentrer par mes propres moyens, mais j’ai préféré prendre ce bateau. C’est étrange, n’est-ce pas ? »

Étrange ? Tout dans cet homme était étrange. Penelope ne savait vraiment pas ce qu’elle devait lui dire.

« Je devais te parler », expliqua-t-il.

Penelope faillit sursauter.

« Me parler ? Pourquoi moi ? 

-Pourquoi ? Parce que tu sais, autant que moi, l’identité du véritable assassin de Layton. »

Et face à l’étonnement de la jeune fille, il rajouta.

« N’est-ce pas ? »

Penelope le regarda, surprise. Cet homme était beaucoup trop étrange. Elle aussi, elle avait quelques questions à lui poser.

« Comment pouvez-vous le savoir ?

-Simple déduction… »

Penelope respira un fond. Elle ne devait pas s’emporter. Elle reporta le regard vers l’océan.

« Si vous le saviez, alors pourquoi n’avez-vous rien dit ?

-Pourquoi aurais-je dit quoi que ce soit ?

-Parce que c’est vous qu’on accuse de ce meurtre, désormais. »

Il esquissa un petit sourire. La réflexion de Penelope semblait l’amuser.

« Et alors ? Ce n’était pas comme s’ils pouvaient me faire quoi que ce soit. Et en plus, tout ce que ce gamin a dit était vrai, et j’aurais bien tué Layton si cette personne ne l’avait pas fait avant moi. »

Penelope fixa la mer bleue, le regard tremblant. La véritable identité de l’assassin de Layton.

« Toi non plus, tu n’as rien dit », lui fit-il remarquer.

« Jamais ! » S’opposa-t-elle sur un ton ferme.

« Je peux comprendre… »

Le bateau avançait. Luke, Flora et Emmy n’étaient pas là pour les entendre.

« La vérité restera enterrée à jamais », murmura Penelope. « Personne ne saura qui a vraiment tué Hershel Layton. »

Puis elle baissa la tête pendant un bon moment, réfléchissant avec elle-même. Oui, le pire souvenir de sa vie. Ce moment lorsqu’elle a appris… plutôt, lorsqu’elle a compris.

« Ma mère n’est pas une tueuse. Si elle a fait ça, c’est par ma faute », dit-elle à basse voix.

« Je le sais. »

Penelope continua, comme parlant à elle-même.

« Le jour où j’ai décidé de tuer le professeur, et que je me suis introduite dans le palais, au moment où j’allais tirer sur lui… j’ai vu qu’il sortait lui-même une arme et qu’il la pointait vers moi. 

-Layton avait compris le plan que je manigançais », lui expliqua Descole. « Dans le noir, il a dû te prendre pour moi, et il s’était préparé à se défendre... 

-J’imagine. Et là, à l’instant même où il allait tirer, quelqu’un d’autre l’a tué. »

Elle baissa la tête, se rappelant le jour où elle avait modifié ce scénario pour le raconter à Luke. Ce jour-là, elle lui avait dit qu’elle n’avait pas tué Layton à cause de Flora. Elle ne lui avait pas dit qu’en fait, si elle n’avait pas tiré, c’était juste car quelqu’un d’autre l’avait fait avant elle. Et là, elle y repensait, si personne n’était intervenu, aurait-elle reculé ? Aurait-elle pensé à Flora ou à qui que ce soit ? Elle ne le savait pas.

Je suis horrible…

« Sur le coup, je n’ai pas su qui était cette personne qui a commis un meurtre pour me sauver. J’ai compris bien plus tard… »

Elle serra contre elle son sac qui contenait son si précieux livre.

« Lorsque j’ai appris que ma mère était encore en vie, et qu’elle venait de mourir. Tout prenait sens. »

Le jour où elle avait tant pleuré. Ce n’était pas juste parce qu’elle avait découvert qu’elle avait perdu sa mère encore, mais surtout parce qu’elle avait compris que sa mère était celle qui avait tué le professeur, pour la sauver.

« Tu ne sais pas tout ce qu’une mère peut faire pur son enfant », avait dit Claire à Luke, une fois…

« Mais même là », continua Penelope. « Même là, j’étais très confuse. Si ma mère était l’assassin, alors je ne voyais pas ce que l’histoire d’Axerik venait faire là-dedans. C’était comme si… comme si… Axerik était en train de l’aider. »

Descole observa la jeune fille qui semblait lutter pour rester flegmatique. Si elle voulait des explications, eh bien il allait les lui donner.

« Eh bien, c’est vrai, je l’aidais vraiment. »

Penelope leva la tête vers lui, un regard interrogatif sur le visage.

« Claire te suivait partout, tu le sais déjà. Et par la même occasion, elle suivait Layton. Elle savait que je planifiais de le tuer, alors quand elle a commis le meurtre, elle est venue me voir. »

Il marqua un silence.

« Elle avait un service à me demander. Sais-tu de quoi il s’agissait ?

-Je devine un peu.

-Elle avait modifié des événements de la vie de Layton, et n’allait donc pas tarder à disparaître. Je pense qu’on t’a déjà expliqué comment fonctionnait ce paradoxe. »

Penelope hocha la tête, se souvenant de l’explication de Luke.

« Elle allait mourir à tous les coups, alors elle voulait revoir sa fille une dernière fois, et lui parler. »

Penelope sentit son cœur se serrer encore plus.

« Sauf qu’elle ne pouvait pas t’interpeller comme ça, sans raison. Elle avait passé dix ans à te suivre en cachette, prenant soin de ne pas te parler pour ne pas disparaitre, et vous auriez tous trouvé cela étrange qu’elle décide du jour au lendemain de rentrer dans ta vie et de se laisser mourir comme ça. Après tout, vous ne saviez pas qu’elle avait tué Layton et qu’elle était déjà condamnée. »

Il se rappelait encore du jour où Claire était venue le voir. Il était très surpris, et puis ensuite, il avait accepté de lui venir en aide.

« Elle voulait que je l’aide à trouver une bonne excuse pour qu’elle puisse te parler. Je lui ai alors proposé d’utiliser mon statut d’Axerik et de t’attaquer afin qu’elle vienne te sauver. »

Penelope hocha la tête.

« Mais il y avait un tout petit problème. Un détail qui m’a obligé à retracer mon plan de A à Z. Je ne savais pas que la fille en question était la Penelope Koldwin qui était venue avec Layton. »

C’était, selon lui, la plus grande bêtise qu’il avait commise dans toute cette histoire. Il ne s’était pas enquis d’avance de l’identité de cette fille. Et cette erreur lui avait coûté très cher.

« Avant de m’occuper de son problème », termina-t-il. « Je devais d’abord m’occuper du mien. Il y avait ces trois enfants qui étaient venus avec Layton et qui commençaient à enquêter sur sa mort. J’ai alors ordonné à la Princesse de vous faire peur en vous disant que Layton avait été tué par Axerik car il avait tout compris pour que vous arrêtiez toute investigation, et ç’a marché. »

Penelope commençait à y voir plus clair.

« Et là, par hasard, alors qu’on marchait tous les quatre, moi jouant toujours le rôle de Clive, je t’ai entendu te battre avec Luke Triton. Et c’est là qu’il a laissé entendre que tu étais la fille de Claire… »

« Tu sais, le professeur t’a fait confiance juste parce que tu es la fille de Claire. Mais ce qu’il ignorait, c’est que, contrairement à elle, tu es un véritable démon. » C’était la phrase qui avait tout bouleversé.

« Et là, je me retrouvais devant un énorme problème. Maintenant que j’avais réussi à vous convaincre d’arrêter d’enquêter, Axerik n’avait plus aucune raison d’attaquer Penelope Koldwin. J’avais fait une énorme bêtise… »

Il tourna le regard vers elle.

« Et c’est pour cela que j’ai inventé le jeu de survie. »

Le jeu de survie, un défi lancé par un savant fou à des enfants sans défense pour se moquer d’eux, avait en fait une toute autre dimension.

« Le mystère d’Axerik était fait de sorte que personne ne puisse y répondre. Ce que Layton avait compris, ce n’était pas la réponse à ce mystère, mais carrément toute la mise en scène. Mais je savais bien que vous n’y arriverez jamais. Là, au coucher du soleil, j’aurais une raison de t’attaquer, et il ne restait plus à Claire que d’intervenir. »

Les yeux de Penelope tremblaient. Serrant toujours son sac, elle entendit les dernières explications.

« Malheureusement pour elle, tu t’es évanouies et elle n’a jamais pu te parler. Néanmoins, elle a pu te voir de près, et elle était très heureuse. »

Penelope ne dit rien. Un sentiment affreux déchirait son cœur. Un sentiment qui dépassait la culpabilité pour quelque chose de bien plus douloureux. Si elle n’avait pas essayé de tuer le professeur, alors jamais sa mère ne serait intervenue et elle ne serait pas morte. D’une certaine manière, elle, Penelope, avait tué et Layton et Claire.

Et le pire de tout, c’était que Layton n’était même pas fautif. Le plan qu’elle avait mis au point pour sauver sa mère avait marché, grâce à lui.

Au final, elle n’est pas morte par la faute du professeur, mais à cause de moi. Si je devais tuer quelqu’un, alors ça devrait être moi-même.

À ce moment, elle avait envie de s’effondrer. Elle était horrible. Oui, horrible. Mais elle ne pouvait rien faire. Elle était au milieu de tous ces gens. Elle devait se contrôler.

« Mais j’ai une question », dit-elle d’une voix tremblante.

« Oui ?

-Pourquoi ma mère a-t-elle choisi de vous faire autant confiance ? Et vous, pourquoi avez-vous chamboulé tous vos plans pour lui venir en aide ? »

Descole soupira.

« Je connaissais Claire bien avant cet incident, tu sais ?

-Vraiment ? 

-C’était ma belle-sœur. »

Penelope cligna les paupières.

« Tu sais bien que Claire a une sœur, n’est-ce pas ?

-Oui. C’est mentionné à quelques reprises dans le journal de mon grand-père. 

-Eh bien sa sœur, Céleste, était ma femme », lui expliqua-t-il d’un air légèrement mélancolique.

« Je n’arrive pas à y croire !

-Je peux te raconter plusieurs choses au sujet d’elle, tu n’auras qu’à vérifier dans ton livre. »

Penelope baissa la tête. Céleste, c’était bien le nom de la seconde fille du fils de Vladimir. Et Descole ne semblait pas mentir.

Elle hocha la tête pour lui faire comprendre qu’elle le croyait, puis, s’effondrant complètement contre la rambarde, elle observa la mer.

Je suis horrible. Voilà la seule phrase qui se répétait dans sa tête.

~~~~~~~~~~~~~~

« Ce soir, la dernière étape du plan pourra avoir lieu. Es-tu prête ?

-Cela fait déjà dix ans que j’attends cet instant.

-Mais tu sais bien qu’il ne te reste plus beaucoup à vivre…

-Peu importe. »

Elle disait ça, mais les larmes qui commençaient à se former dans ses yeux n’étaient pas d’accord.

« Je n’ai plus peur de mourir, ce que je regrette, c’est de devoir laisser ma fille seule à nouveau. La pauvre, je l’ai toujours laissée livrée à elle-même…

-Tu as déjà beaucoup fait pour elle. »

Elle esquissa un sourire et essuya ses larmes.

« Puis-je te demander une dernière faveur ?

-Naturellement.

-Puis-je te confier Penelope ? Je sais que j’en demande trop, mais je n’ai vraiment personne d’autre vers qui me retourner.

-Ne t’en fais pas, ça ne me pose aucun problème. »

Elle soupira.

« Merci infiniment. Tu as beaucoup fait pour moi. Et je suis vraiment désolée pour t’avoir mêlé à tout ça.

-Ce n’est rien. Je peux comprendre. Après tout, moi aussi j’avais une fille.

-C’est vrai… »

 Et, alors que ses larmes commençaient à refaire surface, elle tourna les talons et s’en alla.

~~~~~~~~~~~~~~

Se retrouvant seule dans sa chambre, Emmy Altava décida de faire le point sur la façon dont les choses s’étaient passées.

Le dénouement, l’avait-elle conclu, n’était pas mal du tout. Chacun savait juste ce qu’il avait besoin de savoir. Elle avait réussi son rôle principal : gérer tout sans jamais se mêler directement.

Lorsqu’elle avait vu que la personne qui avait tué le professeur l’avait fait pour protéger Penelope, elle avait décidé d’enquêter sur cette fille et c’est arrangé pour dérober le livre que celle-ci transportait toujours avec elle. En le lisant, elle avait découvert que Claire, la personne qu’elle avait vue tuer le professeur, était la mère de Penelope ; tout a pris un sens dans sa tête. Ce n’était plus qu’une question de temps avant que Claire ne meurt. Elle n’avait plus à se méfier de cet assassin.

Les choses se simplifiaient énormément pour elle.

Mais elle savait bien qu’il n’y avait pas que Claire dans l’affaire. Le professeur avait expliqué en détail ses théories dans son journal, et Emmy savait que le cerveau manipulateur restait Descole. Layton avait prévu des mesures contre Descole, mais pas contre Claire ; c’est pour cela qu’il était mort.

Elle décida alors d’aider Luke et les autres en leur fournissant l’indice qui leur permettrait d’arriver eux-mêmes conclusions que le professeur Layton.

Et c’est ainsi que, lorsque Luke était venu la confronter à ses théories incomplètes, elle lui avait tout confirmé sans lui parler de Claire. Elle ne voulait pas impliquer une personne qui était déjà morte.

Dans cette histoire, l’assassin d’Hershel Layton n’a plus rien à perdre.

Luke était trop déprimé, et ça se voyait. Il n’avait même pas songé à lui poser une question qui, pourtant, sautait aux yeux.

Pourquoi avait-elle déchiré les pages du journal intime, au départ ?

Mais cette question, même s’il songeait un jour à la lui poser, elle n’y répondrait jamais. Elle ne pouvait simplement pas le lui dire.

C’était, après tout, les pages qui contenaient les informations les plus dangereuses de cette histoire. Et la seconde question que le professeur se posait... elle avait un rapport direct avec sa mission à elle.

Mais ça, personne n’allait le savoir.

Pourquoi Descole voulait-il tuer son frère ? Juste à cause de l’héritage des Aslantes ? C’était ce que les autres croyaient, mais elle savait que ce n’était qu’une façade.

Et puis lorsque le professeur avait pointé son arme sur Penelope, croyant viser son frère, celle-ci devait dû trouver cela bizarre. Le professeur ne tuerait jamais qui que ce soit, pas même pour sa propre défense, mais il l’avait tout de même fait. Emmy savait pourquoi.

Tout ceci est bien trop compliqué, se dit Emmy en repliant les feuilles qu’elle avait entre les mains. Il vaut mieux que j’arrête d’y penser. Je remettrai ses pages dès notre retour à Londres.

Et, les rangeant avec précaution entre ses affaires, elle s’allongea pour dormir. Ce n’était que le début de la journée, mais elle avait plusieurs nuits de sommeil à rattraper.

~~~~~~~~~~~~~~

« Quoi ? Tu es folle ? » Hurla Luke.

« Non, je suis parfaitement saine d’esprit. 

-Ah bon ? Je ne crois pas qu’une personne saine d’esprit accepterait d’aller vivre chez un tueur ! »

Penelope roula les yeux. Ils étaient aux ports de Londres et elle venait de leur dire qu’elle allait être adoptée par Desmond Sycamore, la personne même qui, selon eux, avait tué le professeur Layton.

Alors, oui, Luke avait raison. C’était une décision parfaitement insensée, mais sa mère avait fait confiance à cette personne, et c’était elle qui voulait qu’il en soit ainsi. Et si c’était sa mère qui le lui demandait, elle était prête à aller vivre chez un tueur en série.

Mais ça, elle ne pouvait pas le leur expliquer.

« Écoute », dit-elle. « C’est ma vie et je suis libre d’en disposer comme je le souhaite. D’ailleurs, je ne pense pas que je vaux mieux que lui. N’est-ce pas, Luke ? »

Elle faisait allusion au fait qu’elle aussi, elle allait tuer le professeur.

« Ça », s’énerva le jeune garçon. « Je n’en doute pas ! Je commence même à croire que tu es sa complice dans le meurtre. C’est pour ça que tu n’as pas peur de lui. 

-Luke ! » L’arrêta Flora. « Arrête de dire des choses aussi méchantes. »

Luke lança un regard noir à Penelope.

« Je ne dis pas de bêtises. Soit elle est aussi cruelle que lui, soit elle est complètement débile. Il n’y a pas d’autre option.

-Je tiens à te rappeler que tu n’as pas prouvé sa culpabilité. Nous ne pouvons pas être sûrs que c’est lui, l’assassin. »

Luke n’était pas convaincu. Il savait que Penelope cachait des choses, mais, comme pour Descole, il ne pouvait rien prouver.

Cette histoire allait se terminer sur une note différente des précédentes. Dans la tête du jeune disciple, trop de questions restaient sans réponse. Au sujet de Descole. Au sujet de Penelope. Au sujet d’Emmy. Et personne ne voulait lui expliquer quoi que ce soit.

« Si c’est ce que tu penses, eh bien vas-y ! Tu le regretteras bien un jour ou l’autre. »

Penelope allait lui répondre, lorsque Flora poussa doucement Luke de côté.

« Arrête de lui dire ces méchancetés. Je suis sûre que si Lopy agit comme ça, c’est qu’elle doit bien avoir ses raisons. »

Flora prit les mains de Penelope et lui sourit.

« Lopy, je sais que beaucoup de choses ont changé, mais je veux que tu saches une chose. Quelle que soit la personne que tu choisis d’être, quel que soit le chemin que tu décides de suivre, tu resteras toujours mon amie. Ma meilleure amie. »

Penelope la fixa pendant un instant. « Tu devrais mieux choisir tes amis, Flora. » Voilà ce qu’elle voulait lui dire. Flora disait qu’elle resterait son amie peu importe ce qu’elle choisit d’être, mais garderait-elle le même avis si elle savait ce que Penelope était vraiment ?

« Flora… je suis désolée mais…

-Non, ne t’excuse pas. Lorsque nous étions sur l’île, j’ai commencé à croire que tu me détestais, et j’allais abandonner moi-même. Et puis, j’ai vu quelque chose qui m’a fait changer d’avis. »

Penelope regarda son amie. Elle souriait. Elle semblait si heureuse, si gentille, si honnête. Trop honnête pour être amie avec une personne comme moi.

« J’ai vu tout ce que Janice a fait pour Mélina. Une amitié si forte a réuni ces deux personnes même après la mort de l’une d’elles, et alors je me suis dit que même si toi et moi nous devions être éloignées, même si tu es froide à mon égard, je ne t’abandonnerai pas. Lopy, je ne te demande rien du tout, juste d’accepter d’être mon amie. C’est d’accord ? »

Penelope voulait retirer ses mains de celles de Flora et lui dire tout ce qu’elle avait fait. Elle voulait fondre en larmes devant elle et devant toutes les personnes présentes dans le port. Elle voulait tout laisser tomber et effacer tout ce qui lui était arrivé depuis sa naissance jusqu’à ce jour.

Mais à la place, elle se contenta de sourire, un sourire faible et un peu triste.

« D’accord. »

Luke regarda les deux amies. Non, même après tout ce temps, il ne pouvait pas se résoudre à faire confiance à Penelope. Pourtant, il avait l’impression que son expression le jour où il lui avait raconté ce qui était arrivé à sa mère était sincère. Il était sceptique, mais il ne pouvait s’empêcher d’avoir un peu de compassion pour elle.

« Bon, il faut que je parte », dit Penelope. « Adieu, Flora.

-Au revoir », corrigea son amie.

Penelope lui offrit un sourire et hocha la tête. Puis redirigea le regard vers Luke.

« Et adieu, Luke. Tu m’as empêchée de faire bien des bêtises, et je dois t’en remercier. »

Elle rajusta son sac.

« Mais tu restes tout de même un gamin ! »

Et elle s’en alla en courant, laissant les deux autres derrière elle. Lorsque Luke se retourna vers Flora, il remarqua qu’elle pleurait.

« Les séparations sont toujours tristes, n’est-ce pas ?

-Oui… 

-Et toi, tu vas revenir chez tes parents ?

-Oui. Et toi, Flora ?

-Je vais revenir à Saint-Mystère. Les habitants du village me manquent tellement.

-Alors il est grand temps de dissoudre notre équipe…

-Je crois bien. »

Après un petit instant de silence, Luke parla à nouveau.

« Mais où est Emmy ?

-Je ne sais pas. Je ne l’ai pas vue depuis notre départ.

-Bizarre… j’imagine qu’elle est déjà partie. »

Luke comprenait qu’Emmy ne voulait pas trop se mêler à eux. Et ceci l’intriguait encore plus. Ce n’était pas le genre d’Emmy d’être aussi distante.

Mais il comprenait aussi que certaines choses avaient changé. Désormais, il ne leur restait plus qu’à récupérer leurs affaires de chez le professeur, et à prendre leur envol, chacun de son côté. Personne n’allait plus chercher à creuser pour comprendre les fragments du mystère qui n’avaient pas encore été résolus, et ce, pour une simple raison.

Les aventures, les énigmes, les mystères, tout ceci était fini. La seule personne qui donnait un sens à tout cela n’était plus de ce monde.

Et c’est ainsi que tout prit fin.

La petite équipe du professeur Layton n’existait plus.

~~~~~~~~~~~~~~

Dans un lieu inconnu, trois personnes s’entretenaient. Celui qui dirigeait la conversation était un homme.

« Vous avez tous les deux fait un excellent travail. »

Il posa sur sa table les quelques feuilles que l’une des deux autres personnes, une jeune femme, venait de lui donner.

« Je tiens à vous féliciter spécialement, Emmeline Altava, vous avez joué votre rôle à la perfection, et vous avez récolté toutes les informations dont nous avons besoin. »

Puis il se retourna vers l’autre homme.

« Et quant à vous, Roderick Darken, vous m’avez vraiment impressionné. Vous avez eu cette ingénieuse idée de transmettre à Théodore le seul indice dont il avait besoin à travers un article de journal. Votre rôle s’est limité à fabriquer un journal falsifié et à monter dans le métro en le lisant, mais c’est grâce à vous que nous avons réussi notre mission. Certes, nous avons perdu Théodore suite à un malencontreux imprévu, mais nous avons au moins toutes les informations dont nous avons besoin. »

Il glissa les pages du journal du professeur Layton dans son tiroir.

« Merci, Monsieur », dirent Emmy et Roderick.

« Bien, vous pouvez disposer. 

-Oui, Monsieur. »

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