La Lune, le Soleil, et l'Etoile au milieu

Chapitre 20 : L'évasion

11116 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 03/10/2016 13:15

“Quand est-ce que je vais pouvoir le voir?”

“Bientôt, mon chéri. Très bientôt j’en suis sûre.”

Rey passe la main dans les cheveux de son fils jusqu’à ce qu’il s’endorme.

Ils se disputent parfois, ou oublient comment s’entendre certains mauvais jours, mais elle espère qu’ils arriveront toujours à se pardonner. Qu’ils seront toujours assez proches pour ne jamais oublier le visage de l’autre, ni finir par se hurler dessus de part et d'autre d’une table.

Leia est rentrée de l’entrevue plus pâle et fatiguée que jamais. Elle est allée se coucher sans se soucier de dîner et sans prononcer un mot à propos de ce qui s’est passé après que Rey l’ait laissée seule avec Kylo. Alors Rey n’a pas insisté. Leia n’était pas du genre à avoir besoin ou envie de partager ses ennuis. N’importe qui d’assez naïf pour tenter et s’inviter dans ses confidences recevrait un regard très particulier qui pourrait refroidir même la meilleure intention du monde.

Juste au cas où Tam aurait eu envie de tirer les vers du nez à sa grand-mère au sujet de son père, Rey s'éloigna pour la soirée, et l’emmena au Faucon Millenium jouer au Dejarik. Tam avait toujours adoré le faucon. Il aimait les espaces dissimulés qui étaient parfaits pour jouer à cache-cache, et il adorait trouver des poignées de poils de wookie dans les panneaux des parois, et de vieux souvenirs d’un grand-père qu’il n’avait pas connu.

Il ne semblait pas se lasser de demander à Rey la chaîne des propriétaires, et acquiesce quand elle récite la liste qui est devenue comme un poème ou une comptine, à présent. “Et bien, il est à moi maintenant, je l’ai hérité de ton grand-père Han, qui l’a volé à Finn et moi, qui l’avions volé à Unkar Plutt le ferrailleur, qui l’a volé au gang des frères Irving de Tatooine, qui l’ont volé à Ducain de la Cité des nuages, qui l’a volé à Han ton grand père, déjà. Mais il l’avait gagné au sabacc contre Lando Calrissian qui en a hérité de son frère, qui je crois l’a acheté à des pilleurs Tanak, qui l’ont certainement volé à des marchands corélliens, peu de temps après avoir été utilisé sur le rail Omani pour sortir des esclaves des camps de travail impériaux, ce qui n'était pas longtemps après sa conception par des commerçants corelliens pour des courses de vitesse.”

À présent Tam est blotti sur une des banquettes de la zone commune, noyé sous des couvertures roses. Une fois certaine qu’il est endormi, Rey vérifie l’heure. Minuit est largement passé et la troisième lune ne va pa tarder à se lever.

Elle attrape un vieux sac de toile dans un casier rempli de matériel de première nécessité, et descend la rampe qui mène à la piste à ciel ouvert, faisant de son mieux pour avoir l’air aussi naturelle que si elle avait un truc important à faire en pleine nuit. Une averse tomberait à point nommé, car la nuit est trop claire et trop calme. Même ses pas sur l’allée lui paraissent assourdissants. Elle dépasse en trottinant une grappe de pilotes qui profitent de leur permission autour d’une bière, et prend la direction de l’hôpital.

Bien qu’il n’y ait pas grand monde à cette heure, personne ne prête attention à Rey qui se glisse avec une facilité inattendue dans les couloirs vides et descend dans les parties plus restreintes du complexe. Elle suit la direction du département de cybernétique, commençant à ressentir une pointe de culpabilité à l’approche des salles de chirurgie et des espaces de stockage. Il y a sur chaque porte un hublot par lequel Rey peut jeter un œil si elle se met sur la pointe des pieds. Elle n'est venue que rarement dans cette partie de l’établissement, pour ajuster de temps en temps la prothèse de son bras, et elle n’a qu'une idée assez générale de la configuration des lieux, mais elle sait de source sûre qu'il existe une pièce dans laquelle les prothèses sont stockées en vue de futurs tests ou simplement de mise à disposition. Et si la jambe de Kylo se trouve quelque part… ce sera sûrement là.

Du moins c'est ce qu’elle espère. Elle a envisagé que Praxis l’ait faite détruire, ou qu’elle la conserve dans un un coffre-fort sous son lit pour empêcher Rey de faire exactement ce qu’elle cherche à faire en ce moment.

“Que faites vous?” Demande une voix derrière Rey. Elle se retourne aussi naturellement que possible pour faire face au technicien qui vient de sortir d’une des salles fermées.

“Rien du tout,” dit-elle par réflexe avant de se souvenir du bobard qu’elle a prévu. “J’ai un rendez-vous pour mon bras.”

“Vous êtes un peu… en avance?” Il a l’air perplexe mais surtout incrédule.”

“Non, je suis...en retard.” Elle se mord la lèvre et fait rapidement un geste de la main. “Vous allez vous éloigner et oublier m’avoir vue ici.”

Le technicien a une expression hébétée. “Je… je vais m’éloigner et oublier vous avoir vue…”

Il semble oublier le fil de sa pensée sans finir sa phrase, et se retourne pour s’éloigner le long du couloir d’un pas chancelant. Rey relâche un soupir de soulagement en le voyant disparaître. Il était très grand. Presque aussi grand que-

“Hé! Attendez!” Appelle-t-elle soudain, courant le rejoindre.

“Quoi? Qui êtes vous?” Le technicien se tourne de nouveau vers elle. “Que faites vous ici?”

“Venez avec moi une seconde,” dit-elle, lui saisissant le coude pour l’entraîner dans la pièce la plus proche, qui a l’air d’être une sorte d’antichambre de salle d’opération. Une fois raisonnablement sûre qu'ils ne sont plus dans le passage et que personne ne va les surprendre, elle se tourne vers lui. “Je suis vraiment désolée, mais au moins il fait plutôt chaud ce soir. J’ai besoin de vos vêtements.”

“Quoi?” Le technicien a l’air scandalisé. “Vous ne devriez même pas être ici, sans même parler de demander aux gens de se déshabiller - je vais donner l’alerte.”

“Non, vous n’allez pas faire ça,” dit-elle, mettant juste assez de persuasion dans ses mots pour se son visage se détende. “Vous allez retirer vos vêtements et me les donner. Ensuite… vous allez vous endormir dans ce recoin, là.”

Il faut un peu de temps à l’homme pour enregistrer la requête. “Je vais retirer mes vêtements et vous les donner,” dit-il impassible, baissant les mains pour déboutonner sa combinaison bleue foncée - La couleur des techniciens médicaux. Il la tend à Rey, avec son t-shirt et ses bottes. Rey s’en saisit sans assurance, pas tout à fait certaine que les bottes iront à Kylo. Quand elle regarde de nouveau le technicien, elle réalise soudain qu’il lui tend aussi son slip.

“Oh… merci, mais celui-ci vous pouvez le garder,” dit-elle, en prenant soin de ne pas détacher les yeux de son visage. “Que diriez-vous de le remettre et d’aller faire cette sieste?”

“Bonne idée,” dit le technicien.

Rey fourre les vêtements dans sa besace et reste assez longtemps pour s’assurer que l’homme se couche docilement dans le recoin avant de retourner à pas de loups dans le couloir. Elle se dépêche maintenant, dépassant la salle dont était sorti le technicien. La technologie à disposition de la Résistance a toujours été un bon vingt ans derrière le reste de la galaxie, et bien que certaines avancées notables ait pu être mises en place avec le soutien grandissant des dignitaires de la République, il reste certaines failles, comme les portes de sécurité opérées avec de simples cartes magnétiques. C'est bien plus facile à contourner que les puces électroniques utilisées dans la base de Kylo Ren. Rey cherche dans son sac, fouillant dans les poches des vêtements qu’elle vient de récupérer jusqu’à ce que ses doigts se referment une une carte métallique. Elle la fait glisser dans la borne d’un geste vif et pousse la porte quand s’allume le témoin vert.

À l’intérieur, il y a un abattoir robotique de bras pendant à des crochets au plafond, de mains de toutes tailles et de toutes espèces alignées au mur, et des jambes de longueurs variables rangées sur des étagères sur roulettes. Rey est bluffée par la quantité. Elle regarde autour d’elle, songeant qu’à défaut de mieux, elle pourrait prendre n’importe quelle vieille jambe. Mais comme tout le reste sur cette base, la technologie de la plupart semble obsolète et bricolée.

À l’exception de la jambe en bout de rangée. À la différence du reste, elle est fait de pièces de carbonacier noir avec une coque externe en forme de jambe, alors que les autres sont un assemblage de pistons et engrenages en acier.

Rey n’a pas besoin d’interroger la Force pour savoir à qui elle appartient, bien que jusque pour être tranquille, elle passe les doigts sur la surface brossée et en tire des souvenirs. Elle ressent l’instabilité de son propriétaire, La façon dont le métal de fond dans son essence même, et le contact de sa main quand - lorsqu’il est seul - il appuie ses doigts sur le métal intangible où devrait se trouver de la chair, et que ça lui évoque le prix de sa liberté. Ce souvenir remonte directement comme une flèche jusqu’au jour où ça lui a été posé, quand le métal se souvient du sang, de la douleur et de la terreur des techniciens surtout de lui, travaillant avec difficulté sur un homme qui continuait d’aboyer des ordres. Trouvez Hux! Apportez-moi sa tête!

Ils ont tous trop peur pour désobéir, parce que la voix dans la tête de Kylo Ren s'est enfin tue, et qu’il est seul avec lui-même pour la première fois depuis ses huit ans. Personne ne sait le genre de Leader qu'il sera. Kylo ne sait même pas quel genre d’homme il est.

Rey relâche le souvenir et positionne la jambe sur son épaule. Elle est moins lourde qu’elle n’en a l’air, car elle a été conçue pour peser le poids d’une vraie jambe, mais elle est assez encombrante. Impossible de simplement La dissimuler dans sa sacoche. Impossible de circuler discrètement avec une prothèse de cette taille sur l’épaule. Mais comme Poe le lui a souvent dit, avoir l’air occupée à effectuer une tâche sera un meilleur camouflage se n’importe quel camouflage. Tant qu’elle donne l’impression de savoir ce qu’elle fait, elle peut probablement s’en tirer.

Ce plan montre ses limites au premier point de passage, quand elle tombe sur deux gardes en poste devant l’accès aux tunnels d’isolement.

“Où croyez-vous aller avec ça?” Dit l’un, qui a l’air prêt à éclater de rire. Ils savent exactement qui elle est, ce qui est certainement la seule raison pour laquelle ils ne lui ont pas encore tiré dessus avec leurs fusils blasters.

“Je vais la rendre à notre prisonnier,” répond-t-elle en toute franchise.

“Oh vraiment?”

“Praxis l’a approuvé, vous pouvez lui demander.” Ça, c’est un peu moins franc.

“Pourquoi ferait-elle une chose pareille?” Demande le garde.

“Parce que…” Rey réfléchit à toute vitesse. “Selon la convention Républicaine relative au traitement des prisonniers, il est illégal de priver un prisonnier de sa dignité en lui retirant ses prothèses mobiles, et elle m’a demandé de lui ramener cette jambe pour ne pas, euh, être en infraction vis à vis de cette loi.”

“Ça ne me semble pas le genre de Praxis,” fait l’autre avec une moue.

“Personne n’applique cette règle, en vrai,” confirme l’autre garde. “Je déteste la bien-pensance galactique. S’il récupère cette jambe, il n’y aura aucun moyen de l’empêcher de tranquillement s’en aller.”

Oui, c’est justement l’idée, se dit-elle, réprimant l’envie de lever les yeux au ciel. Elle se force à la place à pousser un soupir las et fait une moue. “Je sais, moi aussi je trouve ça idiot. En plus, le médecin a dit qu’étant donné mon état je ne devais pas porter de poids aussi lourds, mais Praxis a été intraitable au sujet du fait que je sois la seule à pouvoir interagir avec lui-”

“Oh, laissez moi vous aider,” dit le garde, comprenant le code international de la grossesse. Il s’avance pour prendre la jambe sur son épaule.

“C’est adorable, merci,” Rey lui fait un charmant sourire, voyant qu’il range son blaster' dans son support pour prendre la jambe dans ses bras.

“Nous devons confirmer auprès de Praxis, évidemment,” dit l’autre garde, saisissant le comlink à sa ceinture.

“Évidemment, allez y.” Elle tend la main d’un geste naturel, comme pour retirer une mèche de cheveux de ses yeux, mais passe sa main sur le tour de sa tête à la recherche  de l’endroit de son cerveau en charge de la conscience et l’éteint d'un geste. Elle n’a jamais fait ça avant, mais ce savoir intuitif se trouve dan la partie de sa tête qui ne lui appartient plus exclusivement.

Étant donné que c'est une des spécialités de Kylo Ren, elle se demande quel rôle joue leur lien de Force là-dedans. Les yeux du garde deviennent blancs et il s’écroule d’un bloc. Le temps que l’autre réagisse, il a les bras encombrés par la jambe de Kylo. Il n’a pas le temps de la lâcher et d’attraper  son blaster avant que Rey ne lui touche le front à son tour.

Avec deux gardes à ses pieds, la culpabilité s’installe pour de bon. Je ne suis pas comme ça, se dit-elle, en les prenant par les pieds pour les tirer hors de vue dans le tunnel. J’y suis obligée...pour le moment.

Elle ramasse la jambe et continue, s’appuyant sur sa connexion à Kylo pour s’orienter. Il est étrangement distant pour le moment. Elle peut le ressentir, mais il est si passif par rapport à leur confrontation plus tôt qu’elle se demande s’il est endormi.

Arrivée à un nouveau virage, Rey ralentit pour jeter un œil. Il y a un autre garde, adossé au mur et se grattant l’oreille tout en regardant quelque chose sur son comlink. Elle ne peut pas le baratiner comme les précédents.. elle se trouve maintenant dans la zone la plus restreinte de la base, le genre de zone où il est encouragé de ‘tirer à vue sur les intrus’. Rey regarde plus loin, dans le couloir. Il y a des tuyaux le long du plafond. Elle fait un geste de la main, donnant à l’un d’eux un petit coup avec la Force, pour le faire grincer.

Malheureusement, les tuyaux sont si rouillés que l’ensemble se détache d’un coup. Il y a un vacarme épouvantable et une giclée d’eau, et Rey se plaque au mur derrière le coin alors que le garde se redresse soudain. Quand elle regarde de nouveau il observe le tuyau avec attention, cherchant une valve pour fermer l’eau.

Voyant sa chance, Rey passe le coin, remontant en d'image dans son dos. Bientôt lui aussi est étendu au sol, au milieu d’une flaque d'eau qui s’élargit.

Kylo ne doit plus être bien loin, et elle est sûre qu’il n’y aura pas d’autre garde. Praxis aura préféré tenir le personnel ‘organique’ à distance de cette cellule, pour éviter les manipulations mentales. Par contre, des droïdes…

Rey descend une volée de marches et ressent avec certitude que Kylo est juste en face. Mais le droïde tourelle est là aussi. La dernière ligne de défense est donc cet énorme cylindre d’armes lourdes, un canon de cristaux Kaber qui exploserait n’importe quoi, et des réflexes plus rapides que ceux de Rey.

Mais ce n’est pas un droïde conçu pour être futé, et elle est assez convaincue qu’il lui a été une cible, et une seule.

Prenant une profonde inspiration, Rey avance dans l'étroit couloir comme si elle était en droit d’être là. Elle voit le droïde cesser sa ronde bruyante et tourner son œil rouge vers elle, surveillant son avancée. Il doit savoir qu’elle seule est autorisée à rendre visite au prisonnier - après tout, c'est la mission que lui a confiée Praxis. Le fait qu’elle trimballe une jambe artificielle est accessoire.

“Ils te font bosser même de nuit?” Lui dit-elle.

Blark, approuve-t-il, et son œil se détourne d'elle, pour continuer sa patrouille. Il ne remarque pas que Rey lève les yeux au ciel et articule un ‘merci’ silencieux adressé à qui que ce soit là-haut qui soutient son projet, ce soir.

Elle se dirige rapidement vers la porte de la cellule de Kylo, pour ne pas laisser au droïde le temps de se demander ce qu’elle vient faire ici à cette heure de la nuit. Il y a un clavier, sur lequel Rey doit entrer un code qu’elle ignore. Ce n’est pas un problème. Elle a juste à caresser les touches du bout des doigts pour qu’il lui montre toutes les mains qui ont touché ce clavier durant les dernières vingt-quatre heures, toutes entrant les mêmes six chiffres dans le même ordre. Rey les tape aussi, et la porte s’ouvre sur une cellule plongée dans l’obscurité.

C'est une cellule d’isolement en fait, et jusqu’à ce que la porte s’ouvre, elle n’avait pas réalisé qu’un prisonnier à l'intérieur ne verrait rien et n’entendrait rien.

Kylo, assis sur une banquette découpée dans le mur, cligne des yeux et presse les doigts sur ses paupières.

“Je me demandais ce que tu avais en tête… je ne sais pas à quoi je m’attendais, mais pas à ça,” dit-il. Il a la voix cassée et fatiguée. On dirait que Leia n’a pas été la seule à être émotionnellement ravagée par leur entrevue.

“Un jour tu apprendras à dire ‘merci’,” dit Rey. Quand elle entre dans la pièce la porte se referme sur eux en claquant, les plongeant dans le noir complet. Rey se dit qu’elle aurait dû s’y attendre. Mais la question de comment sortir de là se posera plus tard, et dans l'immédiat elle dépose la jambe et fouille de nouveau dans son sac à merveilles à la recherche d’une torche. Avec un déclic, ça s’allume comme une lanterne qui éclaire l’austère cellule d'une lumière pâle, juste assez pour lui permettre de voir ce qu’elle fait.

“Je me demandais si je te reverrais un jour,” dit-il.

“Oh?”

“Tu avais parfaitement manigancé ton coup,” dit-il, fixant le mur opposé. “Tu avais récupéré ton fils. Tu m’avais livré à la Résistance. Tu avais une conscience tranquille. N’était-ce pas ce que tu voulais?”

“Tu veux ta jambe ou pas?” Dit-elle, faisant mine de s’en aller avec.

Il jette un regard indifférent à la prothèse. “Si tu me rends ma capacité à marcher, je vais partir d’ici. Rien ne pourra m’en empêcher.”

“Pourquoi crois tu que je suis ici?”

“Une crise de conscience?” Devine-t-il. “Si on m'exécute, ce sera de ta faute.”

“Non, ce sera totalement la tienne,” dit-elle, s’agenouillant sur le sol devant lui. “Des gens ont été exécutés pour des crimes moins graves que les tiens. Ils te doivent un procès, mais l’issue est inévitable… rien ne rachètera tes actes.”

“Alors pourquoi m’aider?” Il a l’air d’une curiosité naïve, et elle sent qu'il explore leur connexion, cherchant les réponses à la source.

“Parce que Kylo Ren est déjà mort. Mais Ben Solo n’a pas encore eu le temps de vivre.”

Il la regarde, avec un demi-sourire. “Je suis exactement le même homme qu'hier, peu importe le nom que tu me donnes. Le même que la semaine dernière et le même que l’an dernier.”

“Peut-être, mais tu n’es plus celui qui tu étais il y a quatre ans. Cinq ans.” Elle relève le bas de son pantalon, dévoilant le moignon de sa cuisse et les rivets de titane vissés dans sa chair. “Tu as décidé de changer le jour où tu as tué Snoke pour protéger Tam. Et je crois que cet homme là vaut la peine d’être sauvé.”

“Je ne crois pas que tu trouveras beaucoup de monde pour approuver,” observe-t-il.

“Je me moque de l’opinion des gens,” dit-elle  avec un petit soupir. “Je t’ai sauvé d'un Trou Noir, tu me dois la vie. Et en plus… j’ai un peu peur que tu si tu meures, Team devienne un jour une créature se faisant appeler le Mangemondes, ce qui m’angoisse un peu.”

“De quoi?” Kylo ne comprend rien à ce qu’elle dit.

“Je te raconterai plus tard,” dit-elle, alignant la cuisse de Kylo avec la prothèse. “Nous n'avons pas de temps à perdre. Tu es prêt?”

Connecter le système nerveux n’est jamais une expérience agréable, sans anesthésiants. Elle a déjà vu de gros dur hurler d'agonie lors de la reconnexion, mais quand elle enclenche la prothèse à sa place, Kylo se contente de sursauter et d’étouffer un gémissement de douleur. Sa tolérance est mise à l’épreuve. Même Rey, qui a fait son maximum pour bloquer leur connexion, ressent une douleur quelque part au-dessus du genou. Mais le pire est passé. Rey s’avance et approche la lanterne. La jambe doit être recalibrée pour lui permettre de marcher de nouveau, et les boutons aussi petits que des têtes d’épingles sont situés sous un clapet à l’intérieur de la cuisse. Tordent le cou, elle se met au travail.

“Il paraît que la fête pour célébrer ma mort a été grandiose. Des nuits entières de festivités ici, des feux d'artifice sur Coruscant…” Il grimace quand elle bidouille les options de sensibilité au toucher. “Personne dans cet univers ne se serait donné la peine de me sauver, à part toi.”

“Je te laisse en tirer des conclusions,” murmure-t-elle. “Essaie de tendre ton pied.”

Il obéit, et elle ajuste un des cadrans millimètre par millimètre jusqu’à ce que le mouvement devienne fluide et naturel.

“Combien de gens te sauveraient si tu étais en danger, je me demande?” Dit-il. “FN-2187 le ferait, j’en suis sûr.”

“Il s’appelle Finn.”

“Ma mère enverrait une armada à ta rescousse. Elle te considère comme sa propre fille.”

Il a été récupérer cette information directement dans la tête de Leia. Aussi heureuse que soit Rey d’apprendre les sentiments de Leia à son égard, il a tort d’être contrarié. “Ça ne veut pas dire qu’elle t’aime moins.”

“Je sais,” dit-il avec lassitude. “J’aimerais autant qu’elle s’en fiche totalement. Et si toi tu es assez tordue pour briser toutes les interdictions pour moi, elle, elle voulait me laisser enchaîné. Je le sais de source sûre.”

“Tu lui en veux?”

“Non. L’amour c'est idiot, n’est-ce pas? Parfois ça implique que laisser quelqu’un mourir est un acte de générosité.”

“Clairement, je ne suis pas du genre généreuse. Mais je ne suis pas non plus tordue.” Grommelle-t-elle, ajustant les curseurs pour lui permettre de plier facilement son genou. “Je m’affranchis provisoirement du règlement...je le rattraperai par la suite.”

“Mais je t’aime bien comme ça” dit-il, glissant ses doigts dans les cheveux de Rey. Elle se demande s’il parle de sa moralité allégée ou de sa position à genoux entre ses cuisses. Elle claque de la langue avec agacement et met une tape dans sa main pour le dégager. Ce n’est pas le moment.

“Et puis il y a moi, évidemment,” dit-il.

“De quoi?” Demande-t-elle distraitement.

“Je t'aurais sauvée, si c’était toi qui étais tombée dans un trou noir. J’aurais été te chercher.”

Elle s’interrompt pour le regarder, les yeux ronds.

“Je me souviens que tu te demandais si j’en aurais fait autant pour toi,” dit-il. “Et je l’aurais fait. Bien sûr que je l’aurais fait. Parce que même si toi tu as une flotte entière d’amis prêts à mettre leur vie en jeu pour toi… tu es la seule que j’ai.”

“Et Tam,” ajoute-t-elle doucement.

“C’est un enfant. Il n’a rien connu d'autre.”

Elle détourne le regard, ne sachant que répondre. Elle sonde timidement leur connexion et ne ressent aucune rancoeur. Après une dernière série de réglages, elle se dresse sur ses jambes. “Tu arrives à te lever?”

Il se redresse, soudain tellement plus grand qu’elle. “Ça ira,” dit-il en testant son poids sur la jambe, toujours le compliment rare.

“Je t’ai apporté des vêtements aussi,” lui dit-elle, prenant dans son sac une boule de tissu qu'elle lui met dans les bras.

Malheureusement, bien que le technicien ait presque fait sa taille, le T-shirt est bien trop étroit au torse. Ce n’est pas suffisant pour bloquer ses mouvements, mais en tous cas c'est… troublant. Rey doit détourner les yeux, parce que son sourire de connivence est vraiment énervant.

“Nous devons encore sortir d'ici,” dit-elle, examinant la porte. “Il n’y a pas de commandes de ce côté et je suis à peu près sûre que la porte est en Foracier… même un sabre laser ne pourrait pas la transpercer.”

“Pas vraiment un obstacle,” dit-il, et il s’apprête à ajouter quelques chose mais il vient d’enfiler son pied dans la botte et son visage se fige dans une grimace.

“Qu’est-ce qu’il y a?” Demande-t-elle.

“...transpi.”

Elle fronce le nez avec compassion.

Il pousse un gros soupir, comme s’il n’était jamais tombé si bas. D’un geste il zippe la botte et se redresse, roulant des épaules pour détendre son t-shirt trop serré. Puis il tend la main vers Rey. “Et bien?”

Rey regarde la main avec hésitation. “Tu dois me promettre quelque chose…”

Il hausse un sourcil.

“Tu ne dois tuer personne,” dit-elle, lui adressant son regard le plus sévère, celui qui refuse les compromis. Quand il commence à protester, elle l’interrompt d’un doigt dressé. “Ce n’est pas négociable. Ces gens sont les amis et ma famille. Je ne vais pas te laisser leur faire de mal, tout comme je ne vais pas les laisser te faire de mal.”

Kylo la regarde les yeux mi-clos, et elle voit bien que cet argument ne le touche pas. Être sentimental n’est pas dans sa nature. “Ce genre de règle va surtout nous faire prendre, ou tuer.” Mais voyant qu’elle s’en fiche, il soupire de nouveau ostensiblement. “Si tu insistes. Je vais… essayer.”

“Tu vas faire plus qu’essayer, ou je reprends la jambe.”

“Je ne vais pas toucher le moindre cheveu de Résistant sur la moindre tête de Résistant. Même tes droïdes n’auront rien,” dit-il avec agacement. “Maintenant donne moi la main. Pour nous sortir de là, il me faut ton pouvoir.”

Elle comprends au fil de ses paroles, grâce à l’instinct primaire de leur Lien. Quand elle place ses mains dans les siennes, elle sent leur connexion s’ouvrir comme elle ne le fait que par le toucher, et ils s’écoulent l’un dans l’autre d'une façon qui la laisse étourdie. Il peut ainsi tirer sur sa puissance et l’ajouter à la sienne propre. Il pourrait lire la mémoire d'un objet comme elle le fait s’il le voulait, mais pour l’instant il lève simplement la main vers la porte de la cellule et replie ses doigts.

Le métal grince et se froisse, se pliant vers l’intérieur en penchant à l'extérieur. Les panneaux commencent à se fendre et à craquer - des panneaux qui pourraient certainement résister à des tirs de canon-laser. Le cœur de Rey se met à battre avec violence quand une sirène retentit. La porte était sous alarme.

Puis elle entend un autre son qui lui donne un sentiment terrible.

Blark.

“Oh, non,” gémit-elle.

“Je peux détruire au moins celui-ci?” Demande Kylo.

“Non.”

Il pousse un grognement irrité et avec un dernier sursaut, la porte se décroche. Elle ne tombe pas. Retenant toujours l’épais panneau de Foracier impénétrable, il passe par le trou qu'il a créé, suivi par Rey. Le droïde tourelle cliquette et Rey entend ses chargeurs s’armer, prêt à tirer - un instant avant que Kylo ne lui jette la porte dessus. Les pieds en forme de serres du droïde raclent le sol de béton alors qu’il est poussé en arrière. Il vide ses chargeurs, mais chaque balle percute la porte et l’enveloppe d’un nuage de fumée et d’éclats de métal.

Alors que Kylo l’écarte du passage, Rey entend le claquement de bottes qui approchent depuis le bout du couloir. Sa main se crispe compulsivement contre celle de Kylo quand un régiment de soldats de la Résistance débouchent à l’angle, les mitraillettes blaster au poing.

“Ben!” S’écrie-t-elle avec angoisse.

“Débrouille toi!” Aboie-t-il, laissant entendre qu’il est occupé.

Le premier rang de soldats s’agenouille, et Rey ressent avec certitude qu’ils vont tirer. Elle lève la main, tirant l’énergie de Kylo par une paume et la projetant par l’autre. Ses doigts frémissent au même moment qu'une douzaine de gâchettes sont tirées, mais le couloir reste immobile et silencieux. Les tirs de blaster scintillent et grésillent en l’air comme des gouttes de lumière figées, suspendus devant une armada de soldats immobiles.

Dans son dos, elle entend le vrombissement frustré des canons du droïde en surchauffe, puis réduits au silence. Kylo jaillit soudain devant elle, l’entraînant derrière lui en courant entre les soldats figés. Rey voudrait s’arrêter et admirer, ébahie, alors qu’ils plongent sous les tirs de blasters et entre les hommes et femmes immobiles.

“Tu vois ce qu’il nous est possible d’accomplir - ensemble?” L’appelle Kylo. Il paraît changé, énergique et… même heureux.

Elle comprend la sensation enivrante, ce sentiment d’être invincible. Ça la met aussi mal à l’aise que ça ravit Kylo.

Elle ressent la présences d’autres soldats, plus loin devant - et l’envie de Kylo de tester ses pouvoir amplifiés sur eux - mais elle l’attire vers une porte avec un panneau de commande. “Par ici,” dit-elle avec autorité, bien décidée à éviter la confrontation autant que possible. En un contact elle a le code et elle l’entre sur le clavier. Par leurs mains liées, Rey ressent la compréhension subite de Kylo, qui réalise comment elle a découvert sa base sur la comète. “Tu vois la mémoire des objets…”

“Allons-y”. Elle le tire à l’intérieur, puis à travers un dédale de couloirs reliant d’autres laboratoires et bureaux.

Ils n’ont été évacués que récemment, pour ce qu’elle en voit, ce qui lui donne une idée.

“Quasiment personne sur cette base ne connaît ton visage,” dit-elle à Kylo.

“Et alors?” Elle voit bien qu’il déteste déjà son plan.

“N’importe qui te voyant te prendra pour un technicien…”

“Alors ne les laissons pas dans l’erreur,” dit-il.

“Non - tu vas jouer le jeu, ou nous ne quitterons jamais cette base en un seul morceau.” Ils s’arrêtent près d’une porte dans un couloir, sentant l’agitation d’une foule de l’autre côté. “Fais juste semblant d’être un type normal en cours d’évacuation, d’accord?”

Elle lui jette un regard et voit bien son expression affligée. “Tu peux arriver à faire semblant d’être normal, non? Contente toi de faire comme moi.”

“Et quoi, fricoter pathétiquement avec ces vermines rebelles-?

Levant les yeux au ciel, elle lui coupe le sifflet en ouvrant la porte et en le poussant à l’intérieur. Ils débouchent dans un flot rapide de circulation humaine, et bien que personne ne leur prête attention, Rey sent Kylo se tendre. Elle le laisse marcher devant elle, une main contre son dos. C’est autant pour le garder à l’oeil que pour le pousser à avancer, car elle sait qu’il n’a pas l’habitude d’être bousculé. D’habitude, les gens se jettent hors de son passage bien avant qu’il ne les remarque.

Ils suivent le flux d’ouvriers qui descendent un escalier passant devant des soldats qui leur font signe de circuler, des soldats qui n’ont aucune idée ni de ce qui se passe, si de qui ils recherchent. La décision de la Générale Praxis de tout étouffer a tourné à leur avantage.

mais évidemment, ça ne peut pas durer.

En longeant le dernier couloir en direction d’une large porte ouverte sur la nuit, Rey remarque les soldats en faction. Ils parlent dans leurs comlinks et scannent les visages des passants. Bien qu’ils ne connaissent pas Kylo, ils la connaissent bien, elle. La plaisanterie s’achève à l’instant où un homme aperçoit Rey et lève son arme. “Baisse-toi!” Elle entend crier, à son attention. Kylo lève sa paume, et Rey voit avec surprise les soldats se volatiliser - envolés comme tirés par des cordes tombant du ciel.

La panique s’empare de la foule qui fait demi-tour et revient sur ses pas. La main de Kylo se resserre sur celle de Rey, et quand un homme bouscule Kylo, Rey a peur un moment que ce dernier ne le tue sur place.

“Nous devons sortir d’ici,” dit-elle, regagnant son attention. Le voile de rage impatiente dans ses yeux se dissipe, et les voilà repartis, filant vers la nuit. Elle lève les yeux pour voir où sont passés les soldats, et les trouve suspendus au-dessus du sol, les bras et jambes pendants. Ils n’ont pas l’air blessés, donc elle s’abstient de tout commentaire.

“Où?” demande Kylo.

“Hangar deux,” dit-elle. “Il y a un vaisseau-”

Kylo comprend tout de suite de quel vaisseau elle parle. Il s’arrête net. “Non. N’importe quel vaisseau mais pas celui-là.”

“Tam est déjà à bord - nous partons avec ce vaisseau.” Elle comprend sa hantise, mais elle n’a vraiment pas le temps pour ça maintenant. Mais il ne bouge pas un orteil quand elle tire sur sa main.

“Je ne monterai pas sur ce vaisseau!” Il fend l’air du plat de la main pour appuyer son propos - puis plonge pour esquiver un salve de tirs bleus de blasters.

“Alors tu peux rester ici!” S’écrie Rey, relâchant sa main pour dégager sa besace et tirer son sabre de son dos. Elle s'allume d’un coup sec et fait un moulinet, repoussant les tirs de l’escadron qui s’est abrité derrière le bâtiment le plus proche.

Le gros de la base va se diriger vers eux, à présent, et s’ils ne filent pas tout de suite, toute la Force de l’univers ne pourra pas les sauver. Rey pousse Kylo, le pressant d’avancer, et le sent résister. Il descend la main sur sa hanche et elle comprend que son sabre lui manque cruellement. Alors à la place il fait un mouvement du bras, projetant une énorme citerne dans la direction des soldats. Il les rate de plusieurs mètres, mais c’est suffisant pour les disperser, et saisissant ses précieuses secondes de répit, Rey et Kylo font demi-tour et filent à l’abri relatif des entrepôts alignés le long des pistes de l’astroport.

Rey cherche instinctivement la protection des ombres, à rester planquée autant que possible. Mais elle n’avait pas compté sur le talent exceptionnel de Kylo pour manquer totalement de discrétion. Se cacher est un des nombreux concepts qui lui échappe totalement. Il s’avance à grands pas sans faire mine de s’inquiéter du bon sens, trop heureux de surpasser tous ceux qui se mettent sur leur chemin. Un malheureux soldat débouche d’un angle et leur rentre dedans. Kylo le fige sur place et lui confisque son fusil blaster, mais il croise ensuite le regard désapprobateur de Rey et jette l’arme au sol.

Ils s’arrêtent quand Key entraîne enfin Kylo dans l’ombre d’une vieille citerne de carburant. Elle montre du doigt la piste dégagée de l’astroport, devant eux. “Voilà le Faucon,” dit-elle. C’est seulement à quelques centaines de mètres, mais entre eux et le vaisseau se tient une foule de gens. Des soldats, des pilotes, des techniciens, chacun a couru à son poste.

“Et maintenant quel est ton plan?” Demande Kylo. “Ça fait beaucoup trop de monde pour passer au milieu sans faire de victimes.”

“Heureusement pour toi, ce n’est pas la première fois que je prépare une évasion,” dit-elle, se penchant pour sortir un petit bouton de sa botte. “Une expérience passée m’a enseigné qu’il faut toujours avoir quelques explosifs sous la main.”

“Ne me dis pas que tu comptes faire sauter tous ces gens,” lui dit-il, l’air impressionné.

“Tu vois ces arbres?” Demande-t-elle, avec un geste du menton en direction des formes noires qui se découpent sur le ciel nocturne de l’autre côté de la base.

“Des arbres.” répète-t-il blasé, pas si impressionné, finalement.  

“Regarde bien.” rey appuie sur le détonateur et attend.

Trois éclats illuminent la nuit, et des nuages de fumée et de flammes s’élèvent entre les arbres géants à cinq cent mètres. Les déflagrations suivent juste après, faisant trembler la citerne derrière laquelle ils s’abritent. Tout le monde sur l’astroport cesse soudain son mouvement quelques instants. Et soudain comme elle l’espérait, tous se précipitent, comme des mites sur une flamme, les soldats oublient leurs rondes et les techniciens courent aux camions incendies.

En quelques minutes, leur côté de l’astroport s’est considérablement dépeuplé.

Elle jette à Kylo un regard triomphant.

“Ta perfidie n’a de cesse de me surprendre,” lui dit-il.

Ce n’est pas vraiment un compliment, mais ça passera cette fois. Elle saisit sa main, et ils courent  à découvert droit vers la rampe du Faucon Millenium. Une fois de plus, elle ressent la réticence débordante de Kylo qui s’empare d’elle comme une mauvaise humeur, mais elle la repousse, persévérant avec un seul objectif.

Mais la piste n’est pas totalement déserte. Il ne faut que quelques instants à un pilote pour les voir et donner l’alarme. “Hé! Arrêtez vous!”

Rey accélère. Ils sont presque à la rampe quand une salve de blasters fuse autour d’eux. Rey se retourne en dressant son sabre pour se protéger. Elle sans Kylo hésiter à son côté, mais il n’a aucun moyen de défense. “Fonce!” crie-t-elle. “Je te rejoins!”

Elle est soulagée qu’il ne discute pas, qu’il coure devant pendant qu’elle attire et repousse les tirs. Elle recule à pas lents, poussant des râles en faisant pivoter énergiquement son sabre, frappant les tirs et gardant un oeil sur la piste. La base entière est en alerte, à présent. Il n’ont que quelques instants avant d’être tout à fait encerclés. Derrière elle, elle entend les moteurs du Faucon grincer en s’enclenchant. La rampe n’est plus qu’à quelques mètres… elle pourrait juste courir.

“Rey!”

Elle tressaille. Finn est au loin, courant à travers la piste, ses cris à peine audibles à cause du vrombissement assourdissant des moteurs. Il est trop loin, mais elle voit son visage brisé d’incompréhension. Il agite le bras, ordonnant un cessez-le-feu, mais seuls quelques rares soldats l’ont entendu.

Rey recule sur la rampe, mais hésite, pétrifiée à la vue de Finn.

“Rey.” L’imposante silhouette de Kylo se découpe dans l”ouverture derrière elle, une ombre contre la lumière. Il lui tend la main. “Rey.”

Avec un dernier regard pour Finn, elle franchit les derniers mètres et glisse sa main dans celle de Kylo, le laissant l’entraîner à l’intérieur du Faucon. La rampe se referme en claquant derrière eux et Rey  fonce vers le fauteuil de pilotage, entendant déjà des impacts de blasters sur la coque.

Repoussant mentalement le noeud dans son ventre, Rey se concentre sur la console, les mains pianotant sur les commandes, tandis que Kylo se glisse dans le siège du copilote.

“Ils vont nous abattre,” prévient-il presque tranquillement. “Cette vieille carcasse ne peut pas supporter trop de tirs.”

“Tais toi.”

Le faucon est aussi réactif que d’habitude, décollant comme un cerf-volant dans une colonne d’air chaud, s'éloignant du hangar, s’éloignant de Finn.

Les alarmes s’affolent pour faire savoir à Rey que les canons anti-aériens sont braqués sur eux, et elle bascule le vaisseau brutalement pour esquiver le tir qui passe juste devant le nez du Faucon. Kylo ferme les yeux, les mains crispées sur les accoudoirs de son siège.

“Faucon à tour de contrôle,” crie Rey dans la radio, “nous avons un enfant à bord! Ne tirez pas!”

Ça a l’air de marcher car il n’y a pas d'autre tir et les alarmes cessent de hurler. Elle commence à dresser le nez du Faucon, droit vers les étoiles. Une partie d'elle refuse de croire à ce qui est en train de se passer. Elle n’était pas certaine de quel était le point de non retour, mais il devait s’agir du visage de Finn. Elle ne peut plus revenir en arrière à présent.

Kylo ouvre soudain les yeux. “Rey-” commence-t-il.

Elle aussi l’a senti, et elle vrille pour éviter les ailes-X qui foncent sur eux comme des flèches, coupant leur trajectoire. Un seul pilote au monde est capable de mener des cascades de ce genre. Elle pousse un juron tandis que le Faucon tournoie et perd de l’altitude.

“Maman?” Tam trébuche en arrivant du tunnel relie la cabine à l'espace commun.

Kylo se retourne sèchement. “Pourquoi n’es-tu pas attaché?” S’exclame-t-il furieux, défaisant son propre harnais pour l’atrapper, pendant que Rey continue de de débattre avec les commandes pour tenir l’altitude du vaisseau secoué par les courants atmosphériques. Il n’a pas l’air de remarquer l’expression ébahie de Tam quand il le soulève pour l’arnacher dans un des fauteuils de passagers. “Et ne t’imagine pas que j’ignore ce que tu as fait. Pétrifier ta mère et lui voler son entraînement - qu'est ce qui t’a pris? Elle te dorlote peut-être comme si tu étais un petit ange, mais à l’instant où nous toucherons terre, ton sabre laser sera confisqué. C'est compris?”

Tam sourit et acquiesce.

“Enfin ça, c’est si ta mère ne nous écrase pas avant,” ajoute-t-il, ficelant Tam dans son siège.

Rey parvient finalement à remonter le Faucon aux moteurs hurlants à hauteur de vol. “Ta mère est la meilleure pilote que tu rencontreras jamais,” Déclare-t-elle.

Kylo revient dans son siège, se penchant pour regarder par la baie vitrée. “Je crois qu’il est meilleur encore,” dit-il, observant l’aile-X alignée sur eux, bloquent leur ascension. Le Faucon est peut-être rapide, mais il est limité par l’atmosphère. Poe les a coincés à la limite de la stratosphère, tirant profit de l’air plus rare pour aller plus vite et manœuvrer plus précisément. Rey ne voit aucun moyen de se débarrasser de lui.

“Harponne le,” suggère Kylo.

“Je t’en foutrais, des harpons,” gronde Rey, tenant un demi-looping pour contourner l’aile-X.

Poe réagir simultanément, pivotant pour la bloquer une fois de plus.

La radio grésille. “Rey, ne fais pas ça! Reviens et nous pourrons tout arranger!” La voix de Poe est suppliante.

“Écarte toi de mon chemin, Poe,” dit-elle, luttant pour garder un ton posé.

“Ce n’est pas trop tard - reviens, s’il te plaît.”

Rey jette un regard à Kylo et voit qu’il l’observe avec attention. “Je ne peux pas revenir,” dit-elle à Poe. “Ils le tueront. Je ne peux pas les laisser faire.”

“Tu n’as pas l’esprit clair,” dit-il.

“C'est de la faille qu'il s’agit, Poe! Tu en ferais autant pour la tienne!” S’exclame-t-elle, transportée. “Tu ne peux pas me demander de les abandonner - maintenant dégage de mon chemin!”

Elle fait brusquement plonger le Faucon, droit sur les arbres tout en bas. À la dernière seconde elle redresse brutalement, entendant le frottement des feuilles sous la coque. Tam s'agite inconfortablement dans le siège derrière elle. “Je vais vomir,” marmonne-t-il. Même Kylo a l’air à vif, la nuque plaquée contre son dossier par la Force gravitationnelle tandis que le Faucon remonte à la verticale. Ils remontent encore plus vite qu'ils ne sont descendus.

Poe est toujours là pour les bloquer.

“Dégage de ma route!” Crie-t-elle dans la radio. S’il veut la défier, il a choisi le mauvais jour. Ils foncent droit l’un vers l’autre et Rey n’est pas certaine de pouvoir l’éviter à cette vitesse. “Je ne plaisante pas, Poe!”

Kylo soupire et lève la main. “Tu me redevras ça,” dit-il, et elle ressent la vibration familière de son pouvoir quand il tend la main vers l’aile-X.

Mais avant qu'il n’ait le temps d’écarter l’aile-X de leur trajectoire, Poe renonce, glissant sous eux dans un éclair qui ne les évite que de quelques centimètres. Il n’y a désormais plus rien entre eux et l’immensité du ciel, et là frottement de l’air diminue rapidement alors qu'ils montent de plus en plus haut. Le ciel devient d'un noir d'encre et l’espace les enveloppe soudain de son silence rassurant.

Rey est bouleversée. “L’hyperpropulsion…” dit-elle à Kylo.

Il tend la main vers le levier au-dessus de sa tête et tire dessus. “Où allons-nous?” Demande-t-il.

“J’en sais rien. Peu importe. Partons, c'est tout.” Plus rien n’a d’importance pour Rey.

“La station Toska n’est pas bien loin,” dit-il, entrant les coordonnées. “Nous pourrons refaire le plein là-bas.”

Et ensuite quoi, songe-t-elle. Elle n’a pas vraiment planifié l'évasion jusque là et se sent soudain vidée, comme si elle avait laissé une partie d’elle sur Kalboth.

L’hyperpropulsion s’enclenche et elle se crispe pour résister à la sensation désagréable du saut.

“Kylo,” dit Tam en examinant la paroi à côté de son siège. “Quelqu'un a écrit ton ancien nom, ici.”

Rey regarde son fils par dessus son épaule, et voit qu’il caresse du bout des doigts des lettres gravées  sur le panneau près de son genou. Il y a tellement de rayures et d’usure sur ces vieilles parois qu’elle n’a jamais fait attention qu’à côté du siège du passager, le mot ‘BEN’ à toujours été là.

Au début, Kylo ne paraît pas vouloir répondre. Puis il se retourne et dit gravement, “C’est parce que c'était ma place ici, Altan.” Il a le regard fixe.

Le vide qu’elle ressent n’appartient pas qu’à elle-même, comprend-t-elle soudain. Pour Kylo, revenir dans ce vaisseau est comme contempler son passé. Il est distant ; ni complètement présent, ni tout à fait perdu non plus. “Et Altan,” ajoute-t-il, “il ne faut plus m’appeler Kylo. Nous devons nous faire discrets, et ce sera plus simple si personne ne sait que Kylo Ren est encore en vie.”

“Mais...Je t’appelle comment alors?” Demande Tam.

Cette fois Kylo ne répond pas. Rey n’est pas sûre qu’il ait une réponse. Il ne sait pas ni qui il est, ni qui il devrait être. Elle soupire intérieurement, et branche le pilote automatique avant de détacher sa ceinture pour se lever. “C’est ton père,” dit-elle simplement. “Tu n’as qu’à l’appeler ‘papa’.”

“Papa…” dit Tam timidement.

Kylo détache sa ceinture avec un claquement et sort brusquement dans le couloir. Le visage de Tam se décompose. “C’est moi qui-”

“Non, ce n’est pas de ta faute,” lui dit-elle pour le rassurer. “Laissons le tranquille un moment, d’accord? Nous allons te remettre au lit.”

Une fois Tam de nouveau installé sur la banquette dans la salle commune, Rey suit le bruit de coups étouffés provenant du couloir circulaire. Elle dépasse la borne technique et s’arrête, voyant Kylo devant, à moitié suspendu en fouillant dans une trappe au plafond dont Rey ignorait l’existence. Il retire quelque chose de cette cachette secrète, et le laisse tomber au sol devant Rey. C’est une vieille veste poussiéreuse.

“Depuis combien de temps est-elle là?” demande-t-elle, la ramassant pour la secouer.

“Trente ans,” dit Kylo d’un ton neutre. “C’était la veste préférée d’Han Solo… alors que l’ai cachée. Visiblement, il ne l’a jamais retrouvée, au final.”

Elle porte encore l’odeur de Han.

“Tu étais un peu plus vilain que ce que Leia laisse entendre,” dit doucement Rey, contemplant la veste un instant avant de voir que Kylo est reparti. Elle dépose la veste sur le côté et le suit, curieuse de voir s’il va sortir une autre time capsule de son enfance, mais il est simplement revenu au local technique. Elle arrive à la porte et le trouve en train de retirer ses vêtements trop serrés et ses bottes. Bizarrement, elle commence à se retourner pour lui laisser de l’intimité.

“Reste,” dit-il simplement.

Elle frissonne à ce ton autoritaire, mais se retourne. Il va vers la porte coulissante du placard, bien qu’il sache pertinemment que tous les vêtements à l’intérieur seront de toute façon trop petits. “On te trouvera des vêtements sur Toska,” dit-elle.

“Je sais que tu as sacrifié énormément pour moi,” dit-il, contemplant le placard sans vraiment regarder. “Merci.”

“Pas la peine… pas la peine de me remercier.” Sa voix est grave et basse, parce que malgré toute son assurance, trahir ses amis n’est pas quelque chose dont elle est fière.

Les yeux de Kylo reviennent sur elle. En deux pas ses mains la saisissent par les coudes, l’attirant dans la petite pièce. “Tu ne le regretteras pas. Je te le promets.”

“Vraiment?” Elle déteste son assurance. La vraie question est “en vaut-il la peine?

Rey a abandonné sa stabilité et ses certitudes pour un homme… dont elle n’est même pas certaine de qui il est, à l’instant présent.

Elle a peut-être libéré un monstre, ou un repenti, et faire face à tant d’inconnues lui donne le vertige. Quand sa main chaude caresse son cou, elle réalise que quoi qu’il soit, il sera toujours le père de Tam. Il est toujours son amant. La caresse douce de ses lèvres sur les siennes et la chaleur qu’elle ressent au fond de son ventre en disent long.

“Nous sommes faits l’un pour l’autre,” murmure-t-il, “ne t’inquiète pas de l’avenir et contente-toi d’être à mes côtés. Dans l’instant présent.”

Rey peine à lui résister. Cette sensation de légitimité est tout ce qu’elle a toujours recherché, et c’est donc la chose la plus naturelle du monde que de glisser les doigts dans ses cheveux et de l’attirer à elle dans un autre baiser.

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Note de la traductrice : Nous approchons progressivement de la fin de l’histoire. Encore deux ou trois chapitres et nous devrons dire Adieu à cette super foireuse famille Solo de l’espace. T__T

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