La Lune, le Soleil, et l'Etoile au milieu

Chapitre 23 : Lin-Sen

10036 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 18:57

Quand Rey descend de la rampe du Faucon Millenium, elle est reçue par les canons d'une multitude de blasters. Elle tire prudemment Tam derrière elle, pour le protéger de son propre corps. Dans le crépuscule de Kalboth, les dizaines de torches braquées sur elle l'éblouissent.

"Écartez vous, nom de nom!" Elle entend la voix de Finn bien avant de voir sa silhouette se dégager un passage à coups d'épaules entre les blasters et les torches.

"Finn!" S'écrie-t-elle, pressée de revoir le visage de son plus vieil ami, mais terrifiée, aussi. Il est sûrement furieux contre elle, elle va probablement se faire engueuler plus fort que jamais.

A l'instant où Finn arrive à sa hauteur, il la serre contre lui si fort qu'elle ne touche plus le sol. Aucune hésitation dans son geste, pas de colère, rien que du soulagement. Rey l'enserre dans ses bras avec la même intensité et sent les larmes lui monter aux yeux.

"Tu es revenue," dit-il, l'air abasourdi.

"Je n'abandonne pas mes amis," dit-elle avec ferveur. "Tu le sais."

Une balle rebondissante déboule soudain, bousculant d'autres blasters et d'autres torches, et se précipite entre Finn et Rey avec un sifflement suppliant.

"BB8!" Rey se penche pour chatouiller son antenne en guise de bonjour, écoutant les bips et les sifflements surexcités du droïde. On pourrait croire qu'elle est partie une année et pas seulement une semaine, à en croire l'accueil du droïde. Bien que le droïde jure que c'est Finn qui a pleuré le plus.

"Qu'est-ce qu'elle dit?" Demande Finn avec suspicion, ne comprenant pas les sifflements du droïde en dehors de quelques mots et de son propre nom.

"Elle est juste contente de me voir," dit Rey, se redressant.

"Madame." Une des lampes dévoile un colonel. "Nous devons vous arrêter. Ordre de Praxis."

Finn se place devant Rey, protecteur. "Des années de bons et loyaux services et c'est comme ça qu'elle est reçue? Praxis va devoir cesser de bloquer sur elle-"

"Ça ne fait rien, je savais que ça arriverait," dit Rey, posant une main apaisante contre son dos. "Peux-tu veiller sur Tam quelques temps? J'espère que ça s'arrangera vite."

Finn la regarde avec inquiétude. "Oh, je connais ce regard," dit-il. "Qu'est-ce que tu manigances?"

"Veille simplement sur Tam. S'il te plaît."

Il soupire. "D'accord. Tameron, tu restes avec moi. C'est l'heure d'aller se coucher, non?"

"Mais j'ai pris mon petit déjeuner il y a une heure à peine," répond Tam.

Rassurée de savoir son fils entre de bonnes mains, Rey se laisse conduire dans l'allée puis à travers le dédale de couloirs du Centre d'espionnage. Il y a quelques tentatives molles de lui retirer son sabre et de lui passer des menottes électriques, mais quand Rey fait remarquer que si elle décide de s'échapper, ce n'est pas ça qui l'en empêchera, ils abandonnent. Ils n'ont pas vraiment le choix. Au moins il la connaissent. Quelles que soient les charges retenues contre elle, personne ne la croit dangereuse. Ils l'installent non pas dans une des cellules d'interrogation, mais dans une petite pièce qui ressemble davantage à une salle d'attente qu'à une cellule, avec des chaises alignées le long du mur. Un des soldats lui propose même une tasse de thé pendant son attente.

"Un peu de thé jaune, merci," approuve Rey, "et vous pouvez sans doute m'amener le Général Banner?"

Elle attend avec son bâton posé sur ses genoux, attentive aux ondulations dans la Force. C'est assez faible sur Kalboth, mais le lien repousse les limites de sa perception, la laissant ressentir plus loin qu'elle ne l'aurait pu sans ça. C'est flou, comme de scruter à travers le brouillard, mais c'est bien là, à la fois infiniment loin et ancré dans son cœur. Il ne pense pas à elle. Si ça avait été le cas, elle aurait pu voir plus que cette aura indistincte.

La porte de la pièce s'ouvre et le Général Banner entre. Il renvoie le soldat d'un geste de la main et prend un siège à côté d'elle. "Tu t'es fourrée dans de graves ennuis," dit-il, comme un père qui gronderait sa fille. S'il avait ajouté "jeune fille" à la fin de sa phrase, ça ne l'aurait pas surprise.

"Merci d'être venu," dit-elle.

"Je suis assez étonné que tu n'aies pas demandé la Générale Organa," dit-il.

"J'aimerais la voir dès que possible, bien entendu," dit Rey. "Mais j'aimerais d'abord comprendre notre situation."

"J'ai reçu ton message de Toska. C'était… intéressant. Mais je ne suis pas certain d'approuver du tout."

Rey hausse les épaules. "Faites comme il vous plaira… même si je pense que dans l'intérêt de la Résistance, vous devriez accepter. Peu importe ma situation, j'aimerais vous aider."

"Tu as libéré un homme extrêmement dangereux contre lequel la Résistance se bat depuis seize ans," dit-il prudemment. "Dans quelle situation crois-tu être?"

Le visage de Rey demeure imperturbable. "Y aura-t-il un procès?"

"Praxis est déjà en train de l'organiser."

Avec d'immenses précautions, Rey tâtonne la surface de son esprit, récupérant ce qui est transmis librement, plutôt qu'espionnant d'une manière qui la ferait repérer. Elle trouve assez parlant cette façon qu'il a d'employer le titre de Leia, pourtant retraitée, mais pas celui de Praxis. "Pas un procès public?"

"Fermé," j'ai bien peur. Praxis ne veut pas que les accusations contre toi soient divulguées au public, sans quoi la galaxie découvrira que Kylo Ren n'est pas mort. Ton procès se tiendra en secret."

"Ça me va," dit Rey.

"Parfait alors!" Il se rassoit, surpris, les mains sur les genoux. "Et bien j'espère qu'on ne va pas trop bousculer tes plans. Tu as visiblement la situation en main!"

Rey sourit. Elle n'a pas eu beaucoup d'occasions d'échanger avec le Général Banner ces dernières années, car il était déployé dans le système Regis la plupart du temps, mais globalement elle l'aime bien et il lui semble que c'est réciproque.

"Pourquoi es tu revenue?" Demande-t-il.

"Je n'aime pas les primes sur ma tête," répond-t-elle.

"Je leur avais bien dit de ne pas le faire," dit-il. "Aucun chasseur avec deux doigts de jugeote ne poursuivra un Jedi, et ça a surtout poussé les gens à spéculer sur ce que tu avais fait, ce qu'il n'est pas question de révéler évidemment, donc c'est un fameux bordel. On passe pour des clowns."

Rey sourit poliment.

"Peut-être qu'on peut arranger ça maintenant que tu es rentrée," dit-il.

Un coup est frappé à la porte et il lève la tête. C'est Leia qui franchit la porte. Le masque impassible de Rey se dissout et elle se lève de sa chaise pour se jeter dans les bras de la vieille femme. Elle se rappelle alors le commentaire de Kylo à propos de Leia la considérant comme sa propre fille, et elle réalise soudain que c'est la vérité, à voir combien Leia la serre fort.

"Je croyais t'avoir perdue toi aussi," dit Leia la voix brisée. "Idiote que tu es!"

Banner s'excuse et les laisse seules, et il faut bien longtemps à Rey avant de pouvoir se libérer de l'étreinte et de voir que Leia sourit. "Pourquoi ne m'as-tu pas dit ce que tu avais en tête? Je t'aurais aidée!"

"Alors j'ai bien fait de ne rien te dire - je ne veux pas que tu aies des ennuis." Rey l'invite à s'asseoir. "Je n'étais pas vraiment sûre que tu m'aurais aidée-"

"Bien sur que si! Rey, tu as sauvé mon fils. J'en doutais avant, mais quand je l'ai vu et que je l'ai regardé dans les yeux, j'ai vu qu'il pouvait être sauvé. Tu lui as donné cette chance." Leia la serre de nouveau fort contre elle. "Merci. Merci. Merci."

Rey reste abasourdie un instant, ayant peine à croire que Leia soit si heureuse de ce qu'elle a fait. Ça lui rappelle autre chose. "Il… il m'a demandé de te transmettre un message," dit-elle, se crispant un peu à l'idée d'une violente réaction négative. "Ben dit que… qu'il te pardonne."

Leia se fige. "Comment?"

"P-peut-être que j'ai mal entendu," ajoute Rey, "c'est lui qui devrait implorer ton pardon."

"Il a mon pardon. Je le lui ai dit," la coupe Leia, pensive. "Je lui ai demandé s'il me pardonnait de n'avoir pas été là… d'être si opaque à sa souffrance qu'il n'a pas pu s'en remettre. Il n'a pas voulu me répondre l'autre jour, mais est-ce bien vrai? Est-ce qu'il t'a dit ça?"

"Oui," répond Rey avec franchise. "Mot pour mot."

"Où est-il à présent?" Demande Leia.

"Je ne sais pas trop," reconnaît Rey, les yeux baissés. "Tu sais que je t'ai dit que je voulais reconstruire l'Ordre Jedi? Et bien… ça l'a rendu dingue. Il ne supporte pas l'idée. Il penche toujours si près du côté Obscur, qu'il refuse d'approcher un nouvel ordre."

"Rien d'étonnant…" souffle Leia. "Et un Nouvel Ordre ne le tolérerait pas non plus."

"Mais je ne peux pas… juste tout abandonner et vivre malheureuse pour lui faire plaisir," dit Rey. "Je ne peux pas trahir Luke à ce point. Je ne peux pas sacrifier des centaines de milliers d'années d'Histoire à cause de ses crimes."

"On ne peut que suivre nos cœurs," dit Leia. "Peu importe combien Han et moi nous aimions, nos chemins étaient différents. Peut-être que ça sera ton cas aussi?"

C'est difficilement la meilleure relation à prendre comme modèle, mais l'erreur d'Han et Leia a surtout été de laisser leur fils être englouti dans les gouffres qui les séparaient. Rey ne laissera jamais une telle chose arriver à Tam.

Et pourtant, l'ombre de l'homme au masque d'argent s'étend sur elle à chaque fois qu'elle s'inquiète de l'avenir de son fils. Leia ne tarde pas à devoir s'en aller. Elle a été convoquée à l'audience de Rey que Praxis est en train de démarrer. "Elle se réjouit un peu trop, si tu veux mon avis," grince Leia.

Rey la regarde. "Serais-tu très embêtée s'il lui arrivait un accident?" Demande-t-elle l'air de rien.

Leia baisse le menton et regarde Rey d'un air accusateur. "Tu traînes trop avec mon fils."

"Je ne t'ai pas entendue dire non."

"Si tu veux blanchir ton nom, tu vas devoir te tenir tranquille," lui rappelle Leia, l'air passablement inquiet en s'éloignant.

Quand Rey la revoit, elle est guidée dans une petite salle, en forme d'amphithéâtre avec une minuscule estrade circulaire au milieu. Rey est emmenée jusqu'à cette barre, éblouie par les lampes braquées sur elle. Elle distingue à peine les visages autour d'elle. Une barrière s'élève du sol comme pour l'enfermer dans son minuscule espace. Il y a peu de monde, comme voulu par Praxis dans son souhait de confidentialité. Une ligne d'uniformes de Généraux lui fait face, et elle est certaine d'avoir entendu la voix de Finn lancer joyeusement, "t'as l'air en forme, Rey!"

"Silence," clame une voix qui doit être celle du Général Praxis.

Rey voit se lever un des uniformes devant elle. "L'audience est ouverte! Nous sommes réunis pour entendre et juger les accusations contre Rey de Jakku, accusée de trahison, vol, complicité d'évasion d'un criminel de guerre, compromission de nos opérations stratégiques et mise en danger des habitants de cette base ainsi que d'un nombre incalculable dans la galaxie. Nous allons décider d'aller ou pas jusqu'au procès."

C'est très intimidant, et Rey pousse un gémissement étouffé en essayant de reconnaître les gens autour d'elle.

"Les preuves ont été réunies. Le témoignage a été enregistré. Voyez vous-même," dit Praxis, et les holo-émetteurs autour de Rey grésillent puis projettent des silhouettes bleues en cercle autour de son pupitre. Elle ne voit plus du tout la salle, tandis qu'est projeté le film de sa course entre les corps figés des soldats, et de sa planque derrière une citerne main dans la main avec Kylo. C'est absolument édifiant.

"Reconnaissez vous les accusations?" Demande Praxis.

"Non," dit Rey.

Même si la salle reste absolument silencieuse, Rey entend qu'elle retient sa respiration.

"Quelles accusations niez-vous?" Demande Praxis, la voix aussi fragile qu'une feuille de glace sur un lac sans fond.

"Le vol, déjà," commence Rey. "Que suis je sensée avoir volé? Par ailleurs je doute avoir compromis des opérations stratégiques et enfin j'ai pris grand soin de ne mettre en danger aucun membre de la Résistance."

"Pour ce qui est du vol, le Faucon Millenium-"

"Est à moi," interrompt Rey.

"Le Faucon appartenait à Han Solo, transmis à Leia Organa et à la Résistance après son décès, pour qu'elle en fasse usage," dit Praxis.

Rey siffle bruyamment pour contredire cela, et au même moment la silhouette de Leia se dresse derrière un des pupitres. "J'ai donné le Faucon à Rey. C'était la volonté de Han. Et qu'est-ce que j'en aurais fait de toute façon? Et ça n'a jamais été sujet à débat avant cette minute, donc si vous aviez des objections à ce que Rey utilise le Faucon, il aurait fallu les exprimer il y a des années!"

"Ça n'aurait certainement pas été un problème, jusqu'à ce que l'accusée utilise la propriété de la Résistance pour faire évader un dangereux criminel," dit Praxis, continuant sur sa lancée. "Ce qui nous amène à l'accusation la plus grave : trahison. Est-ce vous niez?"

"Oui," dit Rey.

Le sursaut de l'audience est clairement audible, cette fois. Il lui semble même entendre Finn marmonner quelque chose derrière elle.

"Oh?" La voix de Praxis ronronne presque de délice. "Expliquez vous donc. C'est certainement votre jumelle maléfique qui a libéré le criminel Kylo Ren?"

La bouche de Rey se pince en une ligne étroite. "Je ne nie pas les faits. Oui, c'est moi sur ces holovidéos. Oui, j'ai aidé un homme à quitter sa prison, mais uniquement parce que vous lui refusiez le procès que vous m'accordez si gracieusement. Mais je n'ai pas libéré Kylo Ren. Cet homme est déjà mort, comme vous l'avez vous-même annoncé formellement."

"C'est votre défense?" C'est la voix du Général Banner.

Rey fixe la ligne de Généraux, espérant distinguer les visages de ses juges. "Si vous me condamnez pour avoir libéré un homme déjà mort, comment allez-vous vous justifier aux systèmes? Au sénat?"

"Ce sera notre problème," dit Praxis pour changer de sujet. "Notre plus gros problème va surtout se présenter quand Kylo Ren va revenir à ses vieilles habitudes et démoraliser les efforts de la Résistance."

"Ça n'arrivera pas," dit Rey avec aplomb.

"Et qu'en savez vous?"

"Parce que je le connais," dit-elle. "Il n'a aucun attachement au Premier Ordre. Il vous a remis des informations cruciales, n'est-ce pas? Il a fait preuve de beaucoup de coopération - c'était dans son intérêt. Il est pourchassé par le Premier Ordre tout autant que par la Résistance. Il n'a plus du tout son influence passée, et ne représente aucun danger."

"Vous n'êtes pas objective," accuse Praxis. "Vous êtes sa maîtresse et la mère de ses enfants. Ne peut-on pas dire que selon l'usage sur Jakku, vous seriez considérée officiellement comme son épouse ?"

"Les coutumes de Jakku n'entrent pas en ligne de compte ici," dit Rey, sentant un frisson de gêne lui hérisser le fin duvet sur la peau. "Je ne suis pas sa femme. Il n'est pas mon mari."

"Mais êtes vous amoureuse de lui?"

"L'amour n'altère en rien mon jugement," dit Rey. "Et je ne pourrais jamais aimer quelqu'un en qui je n'ai pas confiance. Il ne représente aucun danger ni pour la Résistance, ni pour personne d'autre."

"Il a failli convaincre son interrogateur de se pendre."

"C'était pour rire…"

Praxis ne répond rien pendant un moment, juste pour permettre à tous de bien prendre la mesure de ce dernier commentaire. Rey grimace légèrement, réalisant à quel point ça sonne terrifiant.

"Peu importe les termes employés, ni comment vous souhaitez qu'on le nomme, vous avez commis un acte de trahison en le libérant," continue le Général.

"Je ne peux pas vous laisser dire ça. La Résistance a été fondée sur des principes d'égalité, de justice et de paix, et je n'ai rien trouvé de tout ceci dans la décision d'exécuter un homme sans procès."

"Ce n'est pas à vous de juger quelles décisions correspondent aux principes de la Résistance. Votre seule prérogative est d'obéir aux ordres."

"Sauf votre respect, en agissant ainsi j'ai sauvé de nombreuses vies. Un homme comme Kylo Ren ne se serait jamais laissé exécuter, et la Résistance n'aurait aucunement pu empêcher son évasion tôt ou tard. Il se serait libéré, ce n'était qu'une question de temps. La différence, c'est que j'ai empêché que ça ne fasse de victimes."

Praxis lève la voix. "C'est hors-sujet."

"Par ailleurs," dit Rey, l'ignorant délibérément. "Je ne reconnais pas l'autorité de la Résistance pour tout ce qui touche à la Force. Les adeptes du côté Obscur ont toujours été la responsabilité des Jedis. Le jour où il représentera une menace quelle qu'elle soit, je serai là pour l'arrêter. C'est mon devoir. Pas le vôtre."

"Et contraindrez-vous Kylo Ren à répondre de ses crimes?" Demande Praxis. "Le meurtre de Lor San Tekka par exemple? Ou le meurtre du Général Solo?"

"La justice ne s'accomplit pas toujours par la condamnation, mais parfois par la tempérance. Un homme vivant pour payer ses dettes fait plus de bien qu'un homme mort. En tant que Jedi, je m'efforcerai toujours de rétablir l'équilibre plutôt que faire payer le sang par le sang."

"Et c'est le Jedi qui parle, vous croyez? Ou bien, comme ça a été établi, c'est l'épouse énamourée?"

"Je ne suis l'épouse de personne," crache Rey.

"Je crois qu'on en a assez entendu," l'interrompt le Général Banner. "Nous sommes ici pour décider ou non d'ouvrir un procès, et il y a de nombreuses choses que nous devons prendre en considération avant. La faisabilité de mettre en œuvre une condamnation, par exemple."

"La sentence pour trahison est la mort par blaster," précise Praxis à qui veut l'entendre.

"Ce qui n'est pas adéquat pour une femme enceinte," répond le Général Banner. "Et comme nous venons de le voir, un emprisonnement ne durera pas. Les Jedis ont disparu depuis si longtemps que nous ne disposons plus des moyens adéquats pour contenir un Utilisateur de la Force."

"On pourrait la cryogéniser au carbone," suggère Praxis.

"Non!" S'écrie une petite voix dans l'auditoire. "S'il vous plaît, ne congelez pas ma maman!"

Rey cherche Tam des yeux, mais ne peut pas le voir. Elle décide de mettre une bonne baffe à Finn pour avoir amené son fils à son audience.

"La cryogénisation n'est pas une méthode fiable," dit Banner, "et extrêmement dangereux. Je ne peux pas cautionner."

"Retirons nous pour en débattre," dit Praxis, l'air excédée. Une sonnerie résonne pour annoncer la fin de la session et les Généraux se lèvent pour sortir. La barrière autour de Rey reste en place. On dirait bien qu'elle doive rester sur place.

Pendant cette interruption, Finn descend de l'amphithéâtre pour grimper sur son estrade. "Ça va?"

"Je vais bien."

"Écoute, quand ils feront un procès - ne t'inquiète de rien. Je connais des gens. Des juristes. Ils sont tellement doués qu'ils convaincront tout le monde que Kylo est un pacifiste accompli," dit-il.

Rey sourit. "Ça va. Vraiment, ça va, Finn."

"Ça va vraiment?" Répète-t-il. "Mais t'as pas vu Praxis? Elle est en guerre. Elle veut ta peau."

Tam grimpe derrière Finn. "Maman? Est-ce que tu as besoin que je t'aide à t'échapper? Parce que je peux, tu sais."

"Tu ne vas rien faire de tel, et tu ne devrais même pas être ici," dit-elle, avec un regard noir pour Finn.

"Je ne peux rien refuser à un môme qui peut m'aspirer dans un trou de ver," dit Finn, ébouriffant pensivement les cheveux de Finn. "Mais tu m'as l'air un peu trop sûre de toi, Rey…"

Elle serre affectueusement le bras de Finn. "Fais moi confiance," dit-elle.

Les Généraux ne tardent pas à revenir dans la salle et la sonnerie annonce la reprise de l'audience.

Quelle que soit la décision prise, elle a été prise facilement. Quand tous sont de retour à leur place, Rey plisse les yeux pour tenter de distinguer les traits des Généraux qui se lèvent.

"Ayant entendu le témoignage de l'accusée," commence l'homme dont la voix est celle du Général Banner. "Cette assemblée a reconnu qu'un acte de trahison a très certainement été commis, qui ne peut pas être ignoré."

Rey baisse la tête et elle entend le sifflement de déception de Finn.

"Nous confirmons que les éléments sont suffisants pour mener à un procès, mais… nous jugeons que ça ne sera pas nécessaire." dit Banner, et Rey redresse vivement la tête. "Nous ne souhaitons pas mettre en danger la cohésion de notre mouvement par l'exécution d'une personnalité aussi médiatisée de notre cause, et n'avons pas les moyens adéquats pour vous mettre en détention. Nous décidons donc de vous bannir de cette base, et de toutes les bases de la Résistance. Je le dis le cœur gros, après toutes ces années de bons et loyaux services. Vous n'êtes plus des nôtres."

"Si vous l'exilez - alors vous devrez m'exiler aussi!" S'exclame Finn, se levant soudain.

"Finn, non!" dit Rey sèchement. "Ne sois pas idiot!"

La voix très énervée de Praxis met fin à cette interruption. "Silence!"

Finn se rassoit et Rey se tourne vers Banner, qui poursuit. "A partir de maintenant, vous ne devrez plus intervenir pour ni en coopération avec la Résistance. Vous avez jusqu'à demain pour réunir vos biens… suite à quoi, vous serez une étrangère dans nos rangs et si vous remettez le pied en territoire de la Résistance, vous serez traitée comme une intruse. Avez-vous compris?"

Rey acquiesce, la gorge sèche. "Je comprends."

"Acceptez-vous cette condamnation?"

"Oui. Mais mon fils…?"

"Votre fils n'est qu'un enfant, il n'est pas responsable de vos crimes," dit Banner, presque avec gentillesse. "Il sera toujours le bienvenu parmi nous en tant que petit fils de notre Général le plus respecté."

"Merci," dit Rey doucement.

"Alors l'affaire est close."

Une autre sonnerie retentit et les luminaires brûlants s'éteignent. La barrière descend, libérant Rey. Bien que sa vue soit perturbée par des taches lumineuses, elle peut enfin distinguer les généraux face à elle, et son regard s'arrête sur Praxis, dont les yeux brûlent d'indignation. Ce n'est pas une décision qu'elle a approuvée, mais elle s'est retrouvée en minorité face aux autres généraux.

Face à Banner, en particulier.

Avant d'être submergée par ses amis, Rey descend de l'estrade et traverse l'amphithéâtre pour tendre la main au général Praxis. "Je suis désolée de vous avoir déçue, Général," dit-elle, adoptant une humilité de circonstance. "Vous n'entendrez plus jamais parler de moi, je vous le promets."

Praxis baisse les yeux sur cette main comme si c'était un truc répugnant, montrant bien qu'elle serait en position de la refuser. Avec une réticente exagérée, elle accepte de la prendre, effectuant un mouvement raide vers le bas, avant de la retirer rapidement. Un dernier regard, et elle s'en va.

Rey épargne au reste des généraux une poignée de main identique, et les regarde sortir, à l'exception du Général Banner qui s'attarde. Quand il descend à sa hauteur, il la regarde avec une impatience qu'il s'efforce de contenir.

"Est-ce que c'est vrai que le général Praxis a été promus grâce à ses interventions sur Chankatu?" Demande Rey.

"C'est ce qui se dit," répond Banner, curieux.

Rey hoche la tête avec un "hum". "Vous devriez poser la question à ses subordonnés et jeter un oeil à des dépôts d'argent qu'elle leur transfère depuis une dizaine d'années."

Le Général Banner lui tend la main avec un demi-sourire. "Merci. Je le ferai certainement."

Sa main est large, et chaude, et quand elle ressent ses souvenirs à son contact, elle y trouve un tempérament mieux placé pour diriger la Résistance que beaucoup en place. Puis il sort à son tour, et c'est enfin terminé.

"Rey, ne t'inquiète pas," dit Finn, venant vers elle. "Nous pouvons amener les Généraux à revenir sur cette décision - j'en suis certain."

"Finn, rentrons," dit-elle, lui souriant. "C'est probablement ma dernière nuit ici, je veux la passer avec mes amis."

Une fête improvisée n'est peut-être pas ce à quoi elle s'attendait, mais c'est ce qui se met en place quand Poe les rejoint, et une fois qu'il a terminé de mi-la gronder, mi-la féliciter pour ses cascades défiant la mort à bord du Faucon, ils retournent aux bungalows en décapsulant des bières Surilla.

"A notre tout nouveau traître!" dit Poe, levant son verre à Rey. "Et peut-être à la chute imminente de notre chère Générale Praxis."

Rey regarde ses amis autour d'elle ; ces gens qui lui ont pardonné sans une hésitation et l'ont accueillie sans arrières pensées. Elle voit Jessica Pava qui a les joues roses à sa troisième bière, se penchant pour entendre ce que Fiona lui dit, tandis que Finn les regarde d'un oeil suspicieux. Elle voit Tam tenter d'attraper une bouteille - qu'elle éloigne hors de sa portée d'un geste innocent - pendant que Poe fait la conversation à Leia qui lui sourit poliment.

Il y en a d'autres aussi, comme Snap, Ematt, Corra et Liv Livella, ceux qu'on pardonne de garder leurs distances, mais qui viennent la saluer et lui faire savoir qu'elle leur manquera.

Une fois que Finn a trouvé la sono de Poe et commence à faire une démonstration d'une chorégraphie que lui a enseigné une espèce invertébrée, le ton de la soirée est scellé.

Rey sent une main sur son épaule et se tourne pour se trouver face à Leia. "Je me sens mon âge, tout à coup," dit-elle avec cynisme, "Je pense que je vais abandonner pour ce soir."

Rey la raccompagne avec complaisance dans la nuit chaude, où elles peuvent enfin s'entendre parler. "Finn va finir par se faire mal," prévient Leia.

"Pas avant la huitième bière," dit Rey.

Leia reste silencieuse un long moment, contemplant la sérénité de la base autour d'elle. "Tu n'es pas tellement contrariée d'être exilée, n'est-ce pas?"

"Je m'y attendais," dit Rey.

"C'est plus que ça. Tu as briefé le Général Banner pour qu'il le mette en oeuvre."

"Si tu le dis," dit Rey en haussant les épaules. "Vas-tu me dire que Banner ne ferait pas un meilleur leader que Praxis?"

"Banner était mon petit protégé… donc je suppose que je ne vais pas m'en plaindre, si tu crois que Praxis est arrivée à ce poste de façon malhonnête. Ça ne me surprendrait pas beaucoup." Leia soupire en tournant les yeux vers Rey. "Mais tu voulais t'en aller, n'est-ce pas? La Résistance ne te convient plus."

Rey approuve. "C'est ce que j'avais prévu," admet-elle.

"Où vas-tu aller?"

"A Lin-Sen. Tu...devrais venir avec moi."

"Est-ce que mon fils y sera?"

Rey ressent une piqûre de déception. "Non."

"Alors peut-être que je passerai, le moment venu… Quand je serai assurée que ces imbéciles de Généraux n'ont plus besoin de moi," dit Leia. "Même si je ne suis pas sûre de beaucoup aimer la proximité avec un ordre Jedi. Ils m'ont toujours donné la chair de poule, même si je n'ai jamais osé l'avouer à Luke. Il prenait tout ça tellement au sérieux."

Le visage de Rey s'illumine d'un sourire. "L'offre tiendra toujours. Et je crois que ce serait bien pour Tam de rester près de toi."

"oh, bien sûr, c'est le rêve tout gamin de dix ans - une mémé de soixante-cinq ans avec qui passer tout son temps." Mais Leia sourit et ne paraît plus aussi morose qu'elle a pu l'être. Elle prend la main de Rey et lui fait un clin d'oeil. "Retourne à ta soirée, Rey. Tu es encore jeune."

Rey la regarde disparaître dans l'obscurité, toujours digne quelle que soit la situation. Quand elle se retourne, elle voit que Finn a émergé, et se tient dans la lumière du porche de l'appartement de Poe. A voir son expression, il a dû entendre la conversation avec Leia.

"Alors tu l'as fait exprès?" dit-il froidement. "Te faire exiler tranquillement pour t'offrir des vacances pépère?"

Elle lève les yeux au ciel. "Reconstruire un Ordre Jedi ne va pas ressembler à des vacances," lui dit-elle, "Et ça fait longtemps que j'y pense."

"Et il ne sera pas avec toi? Il t'a engrossée deux fois, et il ne sera même pas là pour t'aider?"

"Ce n'est pas si simple," dit-elle, sentant un boule se former au fond de son ventre. "Nous sommes trop différents…"

"Mais tu l'aimes," dit Finn, fronçant les sourcils. "Tu l'as dit au procès."

Rey se mord la lèvre.

Finn pousse un soupir et s'avance pour la prendre par les coudes. "Ecoute, Rey, je me moque de qui tu es amoureuse. On sait qu'on n'y peut rien. La seule chose qui compte c'est que tu sois heureuse. Je croyais qu'il t'en avait empêchée à jamais quand tu es revenue de cette lune. Quels que soient ses autres crimes, c'est celui-là, que je n'ai jamais pu lui pardonner. Mais si l'aimer te rend heureuse, alors ne te retiens pas."

"Est-ce que tu nous donnes ta bénédiction?" lui demande-t-elle, ravie.

Il grimace. "J'espère toujours qu'il va crever déchiqueté par des gundarks… Mais je crois que j'ai compris depuis longtemps que tu suis un drôle de chemin, Rey. Je ne crois pas que "normal" puisse s'appliquer à toi. Quoi que tu choisisses, saches que je te soutiendrai toujours."

La brûlure des larmes dans ses yeux est soudaine et irrésistible, et elle bondit en avant pour le prendre dans ses bras. "Je t'aime," dit-elle, les larmes roulant sur ses joues jusqu'aux épaules de sa veste. "Je ne veux pas te quitter!"

"Hé, hé!" Il lui tapote le dos pour la consoler. "Tu ne seras pas si loin - quelques heures d'hyperespace, rien de plus! Je viendrai te voir et Tam pourra passer ici, et on se verra plus souvent que quand on vivait sur la même base. Tu ne peux pas te débarrasser de moi aussi facilement, Rey."

Sa seule réponse est un sanglot étouffé.

"On devrait rentrer avant que Fiona ne devienne jalouse. Et puis sérieusement, tu mets la morve partout sur ma veste."

"Désolée," dit-elle, s'essuyant le nez. "Pas fait exprès."

"Bon, tu as été secouée, alors je te pardonnerai peut-être." Finn passe un bras autour de ses épaules et l'emmène à l'intérieur. La musique est encore plus forte maintenant et la fête bat son plein maintenant que Fiona a sorti les apéritifs à grignoter.

"C'est presque comme s'ils étaient contents que tu partes," observe Finn.

Puis Poe entraîne Rey dans une danse, un bras autour de sa taille. "Promets moi que tu n'oublieras pas toutes les choses que je t'ai enseignées," dit-il.

"Quelles choses?" Demande-t-elle.

"Oh non, pas déjà?" Soupire Poe, et il la fait tournoyer jusqu'à ce que les larmes s'assèchent et qu'elle panque de s'étouffer de rire.

Pour une dernière nuit parmi ses amis de la Résistance, c'est plutôt agréable. Sans avoir touché à une goutte d'alcool, elle a le coeur léger et les joues roses. Elle a bien l'impression de ne pas avoir totalement réussi à empêcher Tam de faire main basse sur les boissons, car passé minuit il est blotti dans un coin, profondément endormi malgré le raffut des adultes. Quand la fête commence à se calmer et que ses amis admettent en avoir fait un peu trop, Rey prend son fils dans ses bras et le transporte jusqu'à la chambre d'amis.

Elle ne parvient pas à trouver le sommeil. Que ce soit à cause de la tension de la journée, de la fête, ou du décalage horaire, elle s'installe à côté de Tam, sondant la Force à la recherche d'une trace de la moitié qui lui manque.

Les instants où il pense à elle sont limpides, quand quelque chose franchit le néant entre eux et qu'elle aperçoit par ses yeux, ses grandes mains se déplaçant sur un tableau de bord, écoutant la solitude dont il s'est enveloppé. Elle détend son esprit, lui demandant silencieusement comment il va, mais elle le ressent s'éloigner d'elle. Il est toujours malheureux, songe-t-elle, de leur séparation. Ça prendra du temps avant qu'il accepte de lui parler.

Rey s'allonge contre Tam et s'ordonne de ne pas pleurer sur son absence, car elle sent qu'elle pourrait passer sa vie à être malheureuse si elle s'écoutait. Demain commencera une nouvelle vie. Demain elle fera le pas qu'elle aurait dû faire depuis bien longtemps.

Le matin arrive, et ses amis reviennent lui dire au revoir, luttant contre différents degrés de gueule de bois. Et c'est maintenant autour de Finn de laisser des larmes et de la morve sur son épaule, et elle le serre longtemps contre elle, même s'ils promettent de se revoir bientôt. Poe parvient à garder un air impassible, même en lui confiant pour la première fois qu'il l'a toujours considérée comme sa petite soeur. Puis il donne son casque à Tam, et Rey n'a jamais vu une telle expression sur le visage de son fils.

"Mais tu en as besoin!" dit Tam.

"Toi aussi," répond Poe.

Leia se contient, mais elle n'est pas aussi malheureuse que les autres. "Quand viendra la naissance de ce futur bébé, je serai là. Je compte sur toi pour me garder une chambre d'amis pour ma visite."

"Evidemment," Rey la serre fort, et réalise alors qu'elle n'aura plus jamais à se demander ce que ça fait d'être câlinée par sa maman, car Leia remplir cette fonction depuis déjà bien longtemps.

Il n'y a plus d'adieux à faire, plus rien à empaqueter. Elle ne se retourne pas en montant sur la rampe du Faucon Millenium et en attachant Tam à son siège.

"Est-ce qu'on part pour Lin-Sen maintenant?" dit-il, son nouveau casque bien trop grand oscillant sur sa tête.

"Oui," dit-elle.

Tam frappe des talons sur son fauteuil avec un gloussement de bonheur, et se penche pour faire coucou aux gens groupés en bas quand le vaisseau s'élève. Rey lève aussi la main, un dernier au-revoir pour ses amis avant de les perdre tout à fait de vue, et que son champ de vision ne soit plus qu'une immensité bleue.

"tu sais, ça fait des milliers et des milliers d'années que personne n'a été sur Lin-Sen," dit Rey. "J'aurai l'air maline s'il n'y a plus rien là-bas."

"Je suis sûr que c'est pas le cas," dit Tam, ajustant le micro de son casque.

"Puis-je te demander pourquoi tu as l'air si certain?"

"Nan."

Rey lui fait un petit sourire, et comme ils quittent l'atmosphère pour entrer dans l'obscurité de l'espace, Rey entre les coordonnées, qui patientent dans le fond de sa tête depuis qu'elle a découvert leur existence, sur Ahch-To. L'hyperpropulsion vrombit et s'étire, et le vaisseau plonge en avant, filant entre les étoiles.

"Est-ce que j'aurai ma propre chambre?" Demande Tam.

"Je pense, oui."

"Une grande?"

"Pourquoi pas."

"On va manger quoi là-bas?"

"On a des réserves pour commencer, mais il faudra qu'on fasse pousser notre nourriture ensuite."

"Est-ce qu'on va être fermiers?"

"Jedis."

"Des Jedis-fermiers?"

"Est-ce que tu vas poser des questions pendant tout le trajet?"

"Est-ce que ça t'ennuierait?"

Elle soupire. "Parfois tu dois juste attendre, et tu verras bien, Tam. Le futur n'est pas gravé dans la pierre, même pour toi."

Tam absorbe ça en silence pendant trois minutes entières, avant de poser une nouvelle salve de questions. Y aura-t-il des ordinateurs? Est-ce qu'il y a des animaux sur cette planète? Pourra-t-il jouer dehors dans s'inquiéter de cramer ni de geler sur place? Alors qu'ils approchent de leur destination, il devient plus calme, se redressant sur son siège pour regarder avec attention les premiers paysages de sa nouvelle maison.

C'est une boule verte, rayée de bleu et des tourbillons blancs des nuages. Rey soupire de soulagement devant ce panorama, mais ressent autre chose aussi, comme un lointain souvenir qui remonterait à la surface. Elle sait qu'elle a vu cet endroit dans les souvenirs de ceux qui étaient morts depuis longtemps, mais ça remonte peut-être à plus loin encore.

La sensation s'accentue quand elle amorce sa descente, contournant des montagnes moussues qui s'élèvent dans des lacs transparents. Elle suit son instinct à présent, pour qu'il la guide au temple de Sen. Il apparaît, une île sur un océan, si paisible et clair qu'elle réalise qu'elle a vu cet endroit toute sa vie, dans ses rêves sur Jakku, et peut-être même avant encore. Il y a l'arbre dans la baie, enraciné sur les rochers, sauf que des milliers d'années ont passé et que ce n'est plus un buisson fragile mais un arbre majestueux au feuillage rouge, étendant son ombre sur l'eau.

"Je vois des poissons!" S'écrie Tam.

Le temple lui-même s'intègre si bien à la montagne que si elle n'avait pas su qu'il était là, Rey l'aurait certainement loupé. La large ouverture d'une grotte semble l'inviter, et elle guide le Faucon sur la petite piste à l'intérieur - trop régulière pour être naturelle.

"On est arrivés?" Demande Tam, tout excité.

"On est arrivés."

Il jaillit en premier, atteignant la rampe avant même qu'elle ait achevé d'arrêter les moteurs.

Dans l'ancien hangar de pierre, tout n'est pas exactement comme dans "son souvenir". Les vignes à larges feuilles sont nouvelles, couvrant presque toutes les surfaces, et bloquant presque la porte trapézoïdale à l'arrière.

Tam se précipite pour explorer, mais Rey le rappelle. "Ça pourrait être dangereux."

"Je ne crois pas!" Repond-t-il, disparaissant par la porte.

"Tam!" Appelle-t-elle, exaspérée. Des milliers d'années d'abandon ne font pas un terrain de jeu sans risques, et elle s'inquiète de la masse de travail que ça va lui demander pour rendre cet endroit habitable.

Elle court après Tam, pénétrant un long couloir de pierres jaunes et lisses qui ondule comme un serpent dans la montagne. Il y a des chambres et des salles et d'autres ramifications de couloirs. Certaines sont effondrées, certaines sont envahies de lumière et de lianes et d'autres sont aussi dégagées que si elles avaient été abandonnées la veille.

Le couloir s'ouvre sur une grande salle, son sol rouge couvert de poussière et d'herbes folles qui poussent entre les dalles. Elle y rejoint Tam, qui regarde au-dessus de lui, où une large ouverture circulaire baigne la salle d'une lumière naturelle.

"Exactement comme sur Ahch-To," dit-elle. Mais plus vaste."

Et comme sur Ahch-To, il y a une pierre lisse dressée au centre de la pièce, avec un trou taillé à l'intérieur. Mais il n'y en a qu'une, au lieu de deux. Ce temple a été construit pour honorer le Sen.

La lumière.

"C'est une salle importante, n'est-ce pas?" Dit Tam.

"Oui."

"Ça pourra être ma chambre?"

Elle lui met une petite tape joueuse avec un éclat de rire et s'avance en direction de la pierre dressée dans le cercle de lumière. "Voyons ça," chuchote-t-elle, caressant la pierre ancienne du bout des doigts. Elle n'est plus une débutante, et s'il fut un temps où toucher la pierre l'aurait plongée dans une transe subite, elle sait désormais comment maîtriser ce que la pierre lui montre. Elle sait ce qu'il faut laisser passer et ce qui doit être ignoré, et elle jette un œil prudent sur des souvenirs si nombreux qu'il faudrait un millier d'années pour les étudier tous. Suite à quoi la pierre se rappelle de tranquillité et de solitude, seule pendant mille ans jusqu'à-

Rey retire sa main en sursaut.

Tam la regarde. "Qu'est-ce qu'il y a?"

Elle l'entend à peine, regardant vivement autour d'elle.

Là! Des empreintes de pas dans la poussière, quittant cette salle par un des nombreux couloirs. Rey se met à courir, suivant les pas dans un passage ouvert aux vents sur un côté. Les pas s'estompent avec la poussière, balayée par le vent, mais Rey suit son cœur à présent. Elle accélère, escaladant une pile de débris et franchissant une porte qui mène à la salle la mieux conservée qu'elle ait vu jusqu'ici.

Elle ralentit, pour laisser le temps à Tam de la rattraper.

"Qu'est ce qu'il se passe?" Demande-t-il, regardant surtout de lui dans la salle vide, où des objets qui ont l'air d'anciens meubles sont en pièces sur le sol.

Mais au-delà de cette pièce, est-ce une autre, ou est-ce un balcon?

Il est inondé de lumière, abrité des éléments, avec des balustrades de pierre taillée d'où on doit avoir une vue magnifique sur les lacs et les montagnes au loin.

Mais Rey admirera la vue une autre fois. Car pour le moment, il y a un homme qui se tient là, appuyée à la balustrade alors qu'il regarde en bas. Quand il se retourne pour la regarder, il n'a pas l'air à moitié aussi surpris de la voir qu'elle.

"Que fais tu ici?" Dit elle, les yeux ronds.

Avant qu'il ne puisse répondre, Tam la dépasse en courant.

"Papa!"

Tam se rue sur son père avec une telle énergie, que Rey a soudain peur qu'ils basculent par dessus la barrière. Mais il se remet du choc immédiatement et tapote le dos du garçon presque avec naturel, avant que Tam ne réalise ce qu'il fait et recule d'un pas. Mais rien ne semble pouvoir retenir le sourire qui illumine son petit visage.

Rey a envie de se jeter dans ses bras à son tour, mais quelque chose la retient. "Comment as tu trouvé cet endroit avant moi?" Demande-t-elle, ayant du mal à en croire ses yeux.

"La lecture de la mémoire des objets est bien utile," dit-il. "J'ai pris les coordonnées dans ta tête… au cas où j'aurais besoin de te retrouver."

"Alors tu as changé d'avis?" Souffle-t-elle.

Il hausse les épaules sans enthousiasme. "Ça va te prendre un temps fou de rendre cet endroit habitable… je suppose que je peux au moins donner un coup de main là dessus-"

"Tu ne supportais pas la solitude. Tu n'as pas tenu plus d'une journée," dit-elle, ne parvenant pas à retenir un sourire.

"Ça ne me donne pas tort pour autant," dit-il dignement. "Quoi que tu comptes construire ici… je ne peux pas en faire partie."

Rey sent son cœur s'alourdir quand il détourne les yeux d'elle, revenant au panorama en contrebas. "Si nous sommes dans le temple de Sen, où est le temple de Lin?" Demande-t-il.

Elle s'avance jusqu'à le rejoindre à la balustrade, jambe contre jambe. Une sensation chaude de complétion l'envahit, si intense qu'elle ferme les yeux. Levant la main, elle indique une tour lointaine sur une île à peine visible à l'horizon. "Là-bas."

"Hum, d'accord." Acquiesce-t-il, comme prenant une décision. "Je le prends."

"Tu le prends?"

"Si ici c'est ton temple, alors celui là-bas sera mon temple."

"Ton temple?"

"Cesse de répéter ce que je dis."

Rey le regarde l'air ahuri. "Est-ce que tu es en train de me dire que tu vas créer ton propre Ordre?"

"Et pourquoi pas?"

"Tu-tu es du côté Obscur!"

"Et toi du côté clair. Quelqu'un doit bien te montrer le droit chemin."

Elle ouvre la bouche pour protester mais il pose un doigt sur ses lèvres, la réduisant au silence plus efficacement qu'en utilisant la Force. "Moi aussi j'ai lu dans les pierres," dit-il. "Tu as affirmé toi-même connaître les méthodes des Ordres Anciens, de l'équilibre qu'il maintenaient entre lumière et Obscurité. Tu as besoin de moi pour ça. S'il doit y avoir l'équilibre, alors nous avons besoin l'un de l'autre."

Rey repousse sa main. "Parfois tu dis des trucs sensés," dit-elle avec une moue. "Je ne suis pas sûre que ça me plaise…"

"Moi non plus," dit-il. "Mais est-ce qu'on est finalement d'accord?"

"Je crois que oui." Elle sourit légèrement et le regarde sourire en réponse, et le voir ainsi lui provoque des tourbillons dans le ventre.

"En plus, il y a beaucoup à faire pour rendre cet endroit habitable. Tu vas vraiment avoir besoin d'aide là dessus, et qui peut savoir combien de temps ça va prendre. On aura peut-être trois enfants d'ici que cet endroit soit prêt-"

"Trois! Ne dis pas des choses pareilles!" Elle lui frappe l'épaule en riant, mais elle sent les larmes lui monter aux cils, le genre de sanglot irrésistible qui accompagne le soulagement et l'excès de bonheur.

Tam s'appuie sur la balustrade à côté d'eux. "Est-ce que ça veut dire que tu restes avec nous, Kylo?" Demande-t-il.

L'homme le regarde avec des yeux noirs aussi transparents que l'eau du lac en-dessous.

"Je ne suis plus que Ben, désormais," dit Ben.

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