La Lune, le Soleil, et l'Etoile au milieu

Chapitre 24 : Equilibre

Chapitre final

7271 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 04/10/2016 10:23

Tout se passe bien, songe Rey. Elle passe en revue les plantes sur sa terrasse, celles émergeant des bacs ou débordant des pots suspendus à des crochets, toutes fleurissant son balcon. Elle en a probablement un peu trop. Chaque fois qu'elle part en excursion dans les collines elle ne résiste pas à rapporter un nouveau spécimen à rempoter, et quand les autres partent sur d’autres planètes faire du ravitaillement ou chercher un candidat à l'intégration, c'est devenu une sorte de concours de trouver la plante Aline la plus bizarre à offrir à Rey.

Ce qui lui rappelle qu’il faut couper les bourgeons des fleurs boudeuses de son dernier ‘cadeau’, car ils ont tendance à mordre les doigts quand ils sont en fleurs. Elle s’approche d’une succulente qui aurait peut-être besoin d'être rempotée elle aussi. Un bruissement dans les feuillages derrière elle attire son attention.

“Anicca, tu l’as suffisamment arrosée,” dit-elle. “Les plantes n’aiment pas toutes nager autant que toi.”

Une fillette, qui est davantage une touffe de cheveux ébouriffés qu’un être humain, se tourne vers elle, sans cesser verser l’eau de son arrosoir. Une flaque se forme sur la pierre devant ses pieds. “Mais elles ont soif,” insiste-t-elle.

“Viens voir, je vais te montrer quelque chose,” dit Rey, dans l’espoir de la distraire de son massacre-de-bonne-intention. Quand Anicca trotte vers elle, obéissante, Rey la soulève et l’installe sur ses genoux pour lui montrer la succulente qui a pris la forme d'un arbre miniature. “Celle-ci est la première plante que j'ai plantée en m’installant ici. Elle a exactement ton âge.”

“Elle a six ans?” Demande Anicca, tendant une main poisseuse pour attraper une feuille. Rey la déplace hors de sa portée, sachant qu’elle va couper la feuille entre ses doigts si elle en a l’occasion.

“C’est ton père qui me l’a donnée, je crois,” dit Rey, remontant dans ses souvenirs. “Nous nous étions disputés et c’était sa façon de s’excuser sans avoir à demander pardon.”

C'est du passé lointain pour ce qu’en pense Anicca, et ça aurait aussi bien pu se passer sous le règne des Premiers Jedis. Dans ses yeux, la plante de six ans a toujours été là, sa famille à toujours vécu sur Lin-Sen, et ses parents se sont toujours disputés. Rey voit bien que sa fille est partie dans ses pensées, mais elle voit aussi autre chose. “Tu as des noeuds plein les cheveux, mon cœur,” dit-elle.

Anicca plaque ses mains sur sa tête comme pour se protéger, sachant ce qui l’attend. “Non-!”

“Je vais chercher la brosse,” dit Rey.

“Non!” Anicca gémit de désespoir et commence à se tortiller vigoureusement pour échapper à Rey qui la porte jusque dans la pièce, où la brosse trône sur la table de nuit.

“Tiens toi tranquille!”

“Tu me tires les cheveux!” Pleure Anicca.

“Alors tu ne devrais pas les laisser s’emmêler comme ça,” dit Rey insensible, tirant la brosse dans les noeuds et ignorant délibérément les plaintes exagérées d’Anicca.

Les cheveux d’Anicca lui en font voir de toutes les couleurs… quand ce n’est pas pire encore. Elle n’est pas sûre de qui ils viennent. Bien qu’ils aient la couleur de ceux de son père, ses cheveux à lui sont loin d’être si épais, et ils n’ont rien à voir avec les boucles gracieuses de son frère qui arrachent des soupirs rêveurs aux jeunes apprenties. On dirait un tas de paille frisé qui pousse dans tous les sens. Les brosser les tient en place quelques minutes, mais Anicca trouve toujours un moyen de défaire toutes les coiffures soignées qui lui sont faites à l’instant où Rey tourne le dos.

Quand le plus gros du fouilli a été dompté, Rey s’attaque au reste. “Veux tu que je te les tresse?” Demande-t-elle à Anicca qui agit comme une enfant opprimée. “Comme ta grand-mère?”

“Oui,” dit Anicca, boudeuse.

Rey se met au travail, mais elle n’a pas été bien loin que sonne la porte de son appartement. “Entrez!” Crie t-elle, alors qu’Anicca tire un faux blaster de sa ceinture, prête à faire feu sur les intrus.

Un jeune mâle Togruta entre, la peau couleur cobalt avec des rayures blanches sur ses appendices crâniens. Rey le salue en souriant. “Tanaan.”

C’était un des premiers apprentis recueillis et de loin le meilleur.

“Maître,” dit-il, inclinant la tête tout en surveillant Anicca du coin de l’oeil. “Les adeptes du Côté Obscur ont décollé et arriveront sous peu.”

“Merci,” dit Rey. “Pourras tu leur montrer le chemin jusqu’ici?”

Tanaan hésite de manière si visible qu’elle le regarde de nouveau. “Qu’est-ce qui ne va pas, cette fois?”

“Je crois que vous devriez les accueillir en personne, Maître,” dit-il en faisant tellement d’efforts pour avoir une expression neutre qu’il ne trompe personne.

“Il aboie plus fort qu’il ne mord, tu sais bien,” le taquine-t-elle gentiment. Anicca glousse et montre les dents à Tanaan.

“Oui, mais je ne tiens pas à m’exposer à l’un ni à l’autre, et il tenait des propos un peu… énervés,” dit Tanaan.

Rey lève la tête vers le plafond et propulse ses sens au-delà de la pièce, selon une trajectoire qu’elle connaît désormais par coeur. Elle saisit une pointe de quelque chose, pas si différent de l’odeur du vent avant une tempête. “Je vois ce que tu veux dire,” soupire-t-elle, contemplant la boule chevelue devant elle. “D’accord. Mais tu vas devoir terminer ça pour moi.”

“Mais je voulais venir!” Proteste Anicca.

“Pas tant que tu n’as pas laissé Tanaan s’occuper de ta tignasse,” répond Rey, tendant la brosse au jeune homme pétrifié. Cela dit il s’inquiète moins des cheveux d’Anicca que de la patience que Ben aura pour elle étant donné son humeur.

“Que suis-je sensé faire avec ça?” Demande Tanaan, avec une inquiétude grandissante.

“Passe la dans ses cheveux jusqu’à ce qu’ils soient jolis.”

“Mais je ne vais pas lui faire mal?”

“Les cheveux n’ont pas de nerfs - et ne la laisse pas te faire de caprice! J’ai foi en toi, Tanaan.” Elle lui tapote l’épaule. “Prend le comme un nouvel enseignement.”

“Un ‘enseignement’, comme quand j’ai transporté tes meubles sur trois étages?” demande-t-il.

“Exactement!”

Elle laisse son apprenti et sa fille se défier dans un duel de regards, et s’éloigne dans les couloirs de pierre brute du Temple.

Les choses ont changé depuis le premier jour, quand tout n’était que poussière, ruines et plantes grimpantes. Beaucoup de travail a été fait pour reprendre le Temple à la nature, et bien que certaines zones n’aient jamais été dégagées, le plus gros a retrouvé la splendeur d’antan.

Rey avance dans des couloirs qui sont lumineux et aérés, grouillants d’activité. Elle s’étonne encore parfois de la vitesse à laquelle sa petite communauté a grossi en quelques courtes années. Elle contourne un duo de droïdes de ménage et salue du menton un groupe d’étudiants de l’Eglise de la Force. Bien que n’étant pas sensibles à la Force eux-mêmes, ils ont souhaité apporter leur soutien au Nouvel Ordre dès qu’ils en ont entendu parler et c’est par leur biais que Rey a pu recruter ses premiers apprentis, comme Tanaan. A présent les choses vont si vite que Rey ne saurait plus se passer d’eux.

Fut un temps elle s’est inquiétée de la difficulté à dénicher des Jedis potentiels, mais récemment elle a l’impression que pas un jour ne passe sans entendre parler d’un nouveau candidat à l’apprentissage.

Rey évite la salle d’entraînement centrale. C’est l’heure de la méditation pour les plus jeunes apprentis et ils ont suffisamment de mal à rester concentrés sans qu’elle ne débarque avec ses gros sabots. Elle passe par les accès du temple battus par les vents en direction du hangar du côté couvert de la montagne où l’air est plus frais, et là elle attend, serrant sa petite cape sur ses épaules pour se réchauffer.

Au moins elle n’attend pas longtemps, car le voyage depuis le Temple de Lin n’est pas long. Elle ne tarde pas à entendre le vrombissement des moteurs troublant la tranquillité des lieux et un vaisseau noir effilé brise l’uniformité du ciel parfaitement bleu. Il se pose en sifflant, faisant voler les cheveux et les vêtements de Rey, et avant qu’il ne soit totalement stabilisé, la porte s’ouvre et une grande silhouette saute au sol.

“Tam!” Appelle-t-elle, radieuse.

Mais le visage de Tam est pâle sous ses tâches de rousseur et même s’il vient vers elle pour l’embrasser, elle voit bien qu’il est passablement furieux. “Qu’est-ce qui se passe?” Demande-t-elle, levant les yeux vers lui.

“J’en ai marre. J’en ai vraiment trop marre,” marmonne Tam, bougeant à peine les lèvres. Il jette un regard mauvais au vaisseau dont les moteurs sont en train de s’arrêter. “Il te dira lui-même.”

Oh oh. Rey pousse un soupir intérieur en le regardant s’éloigner à grands pas, comme s’ils ne supportait pas de rester ici un instant de plus. A la porte du vaisseau, une autre silhouette apparaît, mais celle-là attend que la rampe soit complètement abaissée avant de descendre.

Ben a toujours eu une apparence austère, mais aujourd’hui son attitude générale de dédain glacé est au maximum. Mais quand il croise son regard, il s’adoucit un peu. Il porte du noir, comme d’habitude, un col haut et l’air délibérément intimidant, mais elle sourit en voyant apparaître une manche blanche quand il lève la main pour se passer les doigts dans les cheveux.

Elle lui fait un petit sourire. “Est-ce que j’ose te demander?”

“Non ça peut attendre,” dit-il brièvement. “où est-il passé?”

“Certainement auprès de ses admiratrices. C’est un véritable élément perturbateur, tu sais. La concentration des apprenties de sexe féminin s’envole direct dès qu’il est dans les parages.”

Ben fait un bruit rauque. “Bon, tu m’as invitée ici pour une raison. Venons-en au fait.”

“Comment sais-tu que je ne t’ai pas invité pour profiter de ta joyeuse compagnie?” Réplique-t-elle.

Il glisse son regard sur elle, et Rey n’a pas besoin d’un Lien de Force pour savoir exactement à quel genre de compagnie il pense. “Peut-être tout à l’heure,” dit-il.

Elle glisse sa main dans le creux de son bras. “Par ici, mon amour,” dit-elle, lui montrant le chemin.

“Quel est son nom?” Demande Ben en marchant.

“Maia,” répond Rey. “C’est une humaine qui vient d’un des territoires de la barrière extérieure… Mygeeto, je crois. Elle est jeune, pas encore quinze ans, mais elle a eu une vie difficile. Elle a été larguée ici par des gens qui se disaient ses ‘propriétaires’ parce que ses pouvoirs de Force se sont manifestés et que ça créait des difficultés. Sois patient avec elle.”

“A quoi bon.”

“Non vraiment. Au début tout allait bien, elle a fait beaucoup d’efforts pour s’intégrer. Mais… la semaine dernière elle a cassé les dents d’un garçon qui riait trop fort, et les choses se sont dégradées à partir de là.”

“Je ne suis pas un établissement pour enfants indisciplinés,” lui rappelle-t-il sèchement.

“Si c’était si simple que ça, je ne t’aurais pas envoyé chercher,” dit Rey.

Comme ils avancent, un groupe d’apprentis s’écarte sur leur passage. Habituellement ils souriraient et salueraient Rey, mais comme Ben est avec elle, ils se taisent et détournent les yeux. Si les plus jeunes ne connaissent pas ou se fichent de l’histoire de Ben Solo, les plus âgés se souviennent de l’Âge de la Terreur du Premier Ordre et restent prudents. Mais comme la main de Rey est accrochée à son bras, ils ne disent rien.

“Voilà,” dit Rey, s’arrêtant sous une arche qui même aux dortoirs. Douze lits sont alignés dans la salle vide, à l’exception d’une fille qui essaie de méditer sur une des couchettes. Rey soupire. Maia devrait être avec les autres dans la salle d’entrainement, mais elle s’isole de plus en plus dernièrement.

“Maia,” appelle-t-elle doucement, pour l’alerter de leur présence.

Des cheveux blonds balaient son visage quand elle tourne vers eux, l’air hagarde, comme un animal à demi-sauvage. “Maître Rey,” dit-elle, se levant pour faire une révérence. Quand elle aperçoit Ben, elle se fige.

“Sais tu qui je suis?” Demande Ben.

“Maître Solo,” marmonne-t-elle. “Vous êtes le père de Tameron… Le Maître de l’Ordre de Lin.”

“Entre autres,” dit-il, avançant dans la pièce pour l’observer. “Maître Rey semble penser que tu serais une bonne recrue pour mon ordre.”

Les yeux de Maia foudroient Rey. “Parce qu’elle pense que je reviens au Côté Obscur. Elle me croit dérangée.”

Rey tressaille. “Je ne crois pas que tu sois dérangée, Maia,” dit-elle pour l’apaiser, bien que ça n’arrange pas les choses. Elle n’a jamais vraiment réussi à parler les yeux dans les yeux avec cette fille. Tout ce qu’elle fait semble être pris de travers.

“Mais elle est du Côté obscur,” dit Ben, terminant un grand cercle qui le ramène auprès de Rey et regardant la fille avec intérêt. “Ça émane de toi… bien que tu essaies de le combattre. Pourquoi?”

“Le Côté Obscur est mauvais,” chuchote Maia, fixant le sol. “Quand je le ressens, ça m’étouffe. Je ne vois plus rien. Je n’arrive pas à penser. J’ai entendu le rire de Denny et j’ai juste… j’ai voulu le tuer, parce que je savais qu’il riait de moi. C’était si bon de voir son sang sur mes mains. Ça devrait être horrible de penser ça, non?”

Ça fait mal de voir quelqu’un de si jeune ressentir des choses si dures. Rey voudrait détourner les yeux, mais elle sent Ben lui prendre la main dans la sienne et tendre l’autre à Maia. “Puis-je?”

Avec une hésitation, Maia déposé ses doigts sur la paume de Ben, et Rey sent qu’il aspire son pouvoir, pour saisir des échantillons de l’âme de la jeune fille. Ce qu’il voit, Rey le voit aussi. Maia baigne dans l’obscurité… elle est presque aussi sombre que lui, mais elle est déchirée, en pleine lutte contre elle-même, s’accrochant à la lumière avec tant de désespoir qu’elle risque d’en souffler la flamme. Ce n’est pas Rey qui pense qu’elle est dérangée ; c'est Maia qui a cette opinion d’elle.

“Ce n’est pas ton passé qui a créé l’Obscurité,” dit Ben, relâchant sa main. “L’Obscurité est ta protection. C'est ce qui t’a donné la force de survivre. Accepte la, et elle te sublimera.”

Maia le regarde fixement, mais elle n’a pas l’air convaincue. Elle se tourne alors vers Rey. “Je sais que j'ai mal agi, mais je vais m’améliorer. Je le jure. Je ne ferai plus de mal à personne. S’il vous plaît ne me chassez pas-”

“Je ne te chasse pas, Maia,” dit Rey. “Si tu veux rester, tu auras toujours une place parmi nous. Mais je me fais du souci pour toi, j’ai peur de ne pas pouvoir t’aider comme il le faudrait. Le seul que je connaisse qui a trouvé son chemin dans l’Obscurité est Ben. Je sais que si tu acceptes qu’il le fasse, il pourra t’aider.”

“Je dois y réfléchir…” dit doucement Maia, ne regardant ni l’un ni l’autre.

“Bien entendu, tu n’as pas à prendre de décision. Je voulais juste que vous vous rencontriez, pour que tu saches qu’il existe une alternative.” Elle regarde Ben et hoche la tête en silence. “Nous allons te laisser tranquille à présent. N’oublie pas que l’entraînement au sabre après le déjeuner aura lieu dehors. À tout à l’heure.”

Lorsqu’ils sont hors de portée du dortoir, Rey lève les yeux vers Ben et hausse un sourcil interrogateur, attendant des impressions.

“Elle est dévastée,” dit-il. “Elle veut contrôler les autres, comme elle a été contrôlée. Si on ne lui enseigne pas comment canaliser ces pulsions, ça va tourner au cauchemar. Ton Ordre est compétent pour ce qui est des gentils moutons, mais elle n’en est pas un...tu as raison. Elle a besoin d’aide.”

“Je ne veux pas la forcer. Ça peut faire plus de mal que de bien.” Dit Rey.

Il hausse les épaules. “Ça ira. Elle est tourmentée et veut du pouvoir, ils en veulent tous au départ. Elle ne mettra pas longtemps avant de te supplier de la laisser rejoindre mes rangs.”

“Ce qui va porter ton effectif à trois, n’est-ce pas? Encore vingt, et tu en auras presque autant que moi,” dit Rey d’un ton léger, tout en marchant dans les rayons de soleil qui dessinent des rayures dans le couloir.

“Ce n’est pas un concours, tu sais,” soupire Ben.

“C'est ce que disent tous les perdants.” Elle rit et esquive la tape qu’il lui met dans le dos. Quand elle pivote et revient dans ses bras, il sourit lui aussi. Ce n’est plus une expression aussi rare qu'avant sur son visage, ces derniers temps, mais elle l'apprécie toujours autant.  Avec les années, de petites rides sont apparues aux coins de sa bouche avec ses sourires plus fréquents, sa peau s'est colorée un peu, brûnie par le soleil alors que ses tempes se décolorent progressivement. Rey aime tendrement chacun de ses minuscules changements.

Ils atteignent un passage du couloir qui surplombe le plateau où les apprentis passent leur temps libre et leurs entraînements au sabre. Aujourd’hui il y a un attroupement, et Rey observe Tam au milieu d'une cour de jeunes apprenties. Qu’il soit le fils aîné de leur Maître joue évidemment en sa faveur, mais il faut aussi admettre que la puberté a tourné à son avantage. Il est déjà plus grand qu’elle, et il est bien parti pour devenir un Don Juan, ce que Rey le soupçonne de savoir parfaitement, vu sa façon de faire du charme à quatre filles à la fois.

Elle jette un œil à Ben qui prête à peine attention à leur fils. Son sourire s’est évaporé comme une goutte d'eau sur Jakku. “Et maintenant, tu peux certainement me dire ce qu'il se passe avec Tam?” Dit-elle.

“Altan,” Répond-t-il délibérément, “veut rejoindre la Résistance.”

Le gloussement de Rey est d'abord grave et étouffé, avant de jaillir en éclats de rire. “Je comprends maintenant pourquoi à ta tête, on dirait que quelqu’un a craché dans ton assiette!” Glousse-t-elle. “J’ai bien peur que ça soit l’influence de Finn.”

“Il n’y a pas de quoi rire, vraiment,” dit-il avec un tel désespoir que le rire de Rey s’amplifie.

“Oh, arrête ton numéro! La Résistance est inoffensive,” dit-elle avec indifférence. “Tam a toujours rêvé d’être pilote. Tu l’as distrait un moment avec tes idées romantiques de Chevaliers Noirs, mais je suis contente de voir qu’il en est revenu. Sache qu’il a ma bénédiction totale, et si tu ne veux pas qu’il cesse d’avoir confiance en toi, tu devrais le soutenir aussi.”

“Se mêler des conflits politiques de la Galaxie est très précisément ce qui a détruit les Anciens Ordres Jedis,” dit Ben agacé. “Et ils t’ont exilée, tu te rappelles? Ça en dit long sur la pertinence de leur jugement.”

“C'est arrivé par ta faute, pour rappel.”

“Ouais ouais,” marmonne-t-il. “Mais il a seize ans. C'est l’âge idiot.”

Difficile de lui donner tort sur ce point. Quand Ben avait seize ans, il a fugué pour rejoindre une organisation fasciste, et Rey refusait des opportunités de quitter Jakku, se répétant que sa famille allait revenir la chercher. “Et bien… si c'est la mauvaise décision, qu'il en soit ainsi. Il faut qu’il s’en rende compte par lui-même. Le plus important c'est que nous soyons là pour le soutenir s’il flanche.”

Ben prend une grande inspiration et laisse échapper un soupir. “Dans ta bouche ça a l’air si simple et si facile. Tu as sans doute raison.”

“Évidemment que j’ai raison,” dit-elle, crânant un peu.  Puis une nouvelle pensée la frappe. “Ouhla… il est déjà un élément perturbateur auprès de mes apprenties, ça va être cent fois pire s’il devient pilote.”

“De quoi?” Ben a l’air perdu. “En quoi est-il un élément perturbateur?”

Rey lève les yeux au ciel devant son aveuglement perpétuel.

En bas, Tam croise son regard, alors elle lui fait un petit geste de la main pour l’inviter à les rejoindre. À contre-coeur il abandonne sa conversation et monte lentement l’escalier étroit qui mène jusqu’à eux. De nouveau face à sa mère, il retrouve son air boudeur.

“Ton père voudrait te dire quelque chose,” dit Rey, envoyant à Ben une légère secousse via leur connexion.

Tam regarde avec intérêt son père qui s’éclaircit la gorge. “Je suis absolument et catégoriquement contre l’idée que tu rejoignes la Résistance,” commence Ben, “mais je pense que tu es peut-être assez grand pour en décider toi-même, et tu dois faire ce que penses être juste. Et comme ta mère me l’a rappelé, nous serons là pour te soutenir quand tu échoueras.”

“Te soutenir si tu flanches,” corrige Rey, mettant à Ben une réelle tape, cette fois. “Ce qui n’arrivera pas, parce que tu seras un formidable pilote, j’en suis sûre.”

Une expression de soulagement traverse le visage de Tam. Il regarde sa mère avec gratitude, bien conscient que c'est grâce à elle que son père a changé d'avis. “En fait, je ne vais pas m’engager comme pilote,” dit-il, revenant instantanément à son attitude décontractée. “Ils me veulent pour un nouveau groupe d'élite, qui mènera des attaques contre les Bases du Premier Ordre. Ils m’ont même déjà donné un nom de code : le Faiseur d’Orages.”

Rey pâlit brusquement. “Comment?” Souffle-t-elle.

“Merveilleux,” grogne Ben.

“Bin quoi, ça sonne classe,” dit Tam avec défiance. “Et personne ne te demande ton avis.

“Ça a surtout l’air dangereux,” dit Ben.

“Oh arrête,” soupire Tam avec agressivité, mais au même moment une tignasse frisée déboule au coin du couloir, le blaster jouet visant droit dans son dos.

“Zap! Zap! Je t’ai eu! T’es mort, Tammy!” S’exclame Anicca.

Tam se retourne mollement. “Non, tu m’as loupé. Je vais n’ai rien.”

“Même pas vrai!” Anicca baisse son arme et lui jette un regard noir. “Maman! Dis lui! Dis lui que je l’ai eu!”

Rey ne répond rien, parce qu’elle entend à peine leurs voix à travers le tumulte dans sa tête alors que reviennent des souvenirs dont elle ne peut pas parler. Un souvenir de Tam… sauf que ce n’est plus son nom… et derrière lui se tient quelqu’un d'autre. Quelqu’un de plus petit et de diffus, illuminé de lumière blanche et une arme dans les mains-

“Rey?”

La voix de Ben surpasse le vacarme et elle revient à lui. Par leur lien, il a senti que quelque chose n’allait pas, bien qu’il ne sache pas quoi. De la main il lui tient de coude et ses yeux sont emplis d’inquiétude.

Peut-être que ce n’était qu’un rêve qu’elle a eu un jour et que ça ne signifie rien. Rey essaie de le sortir de son esprit, mais ce nom... Faiseur d’Orages. C’est suffisant pour faire remonter des terreurs qu’elle avait enfouies depuis longtemps. Elle regarde son fils, qui taquine Anicca, et elle sent son coeur se serrer.

Voyant son angoisse, Ben intervient. “Ta mère et moi allons sur la terrasse prendre le thé.”

“Je retourne m’entraîner,” dit Tam, même s’il veut vraiment dire qu’il va retourner compter fleurette aux filles.

“Vas-y,” dit Ben, l’autorisant à partir avant de se tourner en fronçant les sourcils vers la fillette à ses pieds. “Et toi, tu es quoi aujourd’hui? Un pirate de l’espace?”

Anicca soutient son regard, impassible. “Non. Je suis une princesse,” dit-elle avec reproche, puis elle lève son blaster pour le viser. “Zap.”

Ben cligne des yeux. “J’ai la Force; tu ne peux pas m’atteindre.”

Anicca looks up at him stolidly. “ No . I am a princess ,” she says reproachfully, then raises her blaster to take aim at him. “Zap.”

Ben blinks at her. “I have the force; you can't shoot me.”

Anicca n’en peut plus que chacun change les règles du jeu, et elle se met à chouiner en tapant du pied, “C’est pas juste! J’ai même pas du tout la Force, moi!” et parce que des larmes perlent sur ses yeux et que sa lèvre se met à trembler en signe d’une crise imminente, Ben la prend dans ses bras.

“Je crois que sa majesté est épuisée,” dit-il, installant Anicca sur sa hanche avec une facilité qui ne manquera pas d’anéantir les efforts de Rey pour la convaincre qu’elle est trop lourde pour être portée.

“Je ne suis pas fatiguée!” Proteste Anicca.

“Qu’est-il arrivé à tes cheveux?” Ben touche une des tresses irrégulières qui pendent dans son dos. “On dirait une twi’lek.”

“C’est Tanaan qui m’a coiffée.”

“Tanaan…?”

Rey les suit en silence le long du chemin qui les ramène à leurs appartements. Elle n’a jamais eu à s’inquiéter qu’il manque de patience avec Anicca, car il s’est toujours montré doux et affectueux avec sa fille. Bien plus qu’avec Tam. Elle ne pense pas que ça veuille dire qu’il en aime un plus que l’autre ; c’est simplement que quand Tam était petit garçon, Ben était encore en train de chercher comment devenir humain. Et à présent, Anicca profite des leçons que Tam a enseignées à son père, et ne comprendra donc jamais à quel point elle a de la chance que son père la prenne dans ses bras et la transporte comme le sont tous les autres enfants. Rey ne cesse de s’émerveiller du chemin qu’il a parcouru, depuis une époque lointaine où le seul contact qu’il tolérait était d’elle.

Même si, pense-t-elle en le regardant déposer l’enfant fatiguée sur son lit, Anicca a réussi à toucher son coeur de ses petites mains roses comme seule une fillette peut le faire. Peut-être que c’est parce qu’elle n’a pas la Force dans les mêmes proportions que le reste de la famille, ce qui est à la fois une bénédiction et un handicap. Mais aussi fou qu’il soit de sa fille, Ben lui a un jour confessé que si un de ses enfants devait un jour perpétuer la tradition familiale du parricide, ce serait certainement Anicca. “Mieux vaut qu’elle m’aime bien.” Avait-il dit d’un air sinistre.

Malgré ses protestations, la fillette est déjà à moitié assoupie quand on la borde. Ben secoue la tête devant son étrange coiffure et suit Rey sur la terrasse ensoleillée, où un banc de pierre les attend.

“Quelque chose te préoccupe,” dit-il, l’attirant près de lui, de manière à ce que leurs jambes se touchent.

“Tu te souviens de ce que je t’ai raconté à propos du Mangemondes?” lui dit-elle.

Il fait une moue. “Je crois que tu as rêvé de tout ça,” dit-il lentement.

“C’est toi qui étais inconscient à cause de l’hémorragie - moi j’allais bien, et je sais ce que j’ai vu.” Elle soupire, baissant les yeux sur ses mains qui se tordent ses répit sur ses genoux. “Je m’inquiète pour Tam… Et c’était de le laisser rejoindre la Résistance qui le menait sur cette voie? Et si c’est de l’en empêcher qui le provoque? Est-ce que ça arrivera quelle que soit ma décision?”

“Alors tu ne souhaites plus qu’il rejoigne la Résistance?”

“Je ne sais pas. Je ne sais pas ce que je dois faire.”

Sa grande main couvre celle de Rey. “Je crains qu’il y aille quoi que tu en dises. Il a hérité de ta fichue obstination. Ça fait des semaines que j’essaie de l’en dissuader, et ça n’a fait que renforcer sa conviction,” dit Ben.

“Pourquoi ne suis-je pas étonnée?” dit-elle.

“Rey, il arrivera ce qu’il arrivera. La différence est que nous serons là pour lui. Quoi qu’ait vécu le Mangemondes que tu as rencontré, nous n’étions pas là. Nous le rattraperons s’il flanche.”

Elle lui fronce les sourcils. “Ce sont mes mots,” dit-elle, voyant bien qu’il prend ces sages paroles à son compte.

“Vas-tu discuter tes propres paroles?” lui demande-t-il.

Au lieu de répondre, elle lève leurs mains entremêlées et dépose un baiser sur ses doigts. Les coins de la bouche de Ben dessinent ce sourire tordu qui l’a séduite deux fois, et elle ne parvient pas à s’empêcher de sourire à son tour. “Combien de temps restes-tu cette fois?” Demande-t-elle.

“La nuit, au moins,” dit-il, en la regardant avec cette expression qui l’électrise sur chaque centimètre de sa peau.

“Ça me plairait,” dit-elle. Quand il l’entoure de son bras, elle s’appuie contre lui. “Et Tam?”

“Il va rester ici un peu. Il veut voir sa grand-mère quand elle rendra visite.”

“Tu pourrais aussi, tu sais,” lui rappelle-t-elle. Elle le lui rappelle à chaque fois, mais il trouve toujours un moyen d’être ailleurs. Ils se sont croisés quelques fois ces dernières années, mais ça s’est toujours passé bizarrement. Ça contrarierait Rey davantage si elle ne savait pas qu’ils correspondaient régulièrement par écrit, où c’est sans doute plus facile de dire les choses qu’ils ont sur le coeur alors que de visu, c’est toujours trop douloureux. Ça a l’air de leur convenir à tous les deux.

Elle n’est donc pas surprise quand Ben dit, “je sais,” mais rien de plus.

Elle lui serre la main. “Tu pourrais emmener Anicca avec toi,” suggère-t-elle.

“Elle hurlerait jusqu’à réduire le temple en poussière. Elle est trop attachée à toi.”

“Ah, c’est une fameuse drama-queen,” admet Rey. “Elle tient ça de son père, je suppose.”

“Oh, je vois,” dit Ben, retirant sa main, ce qui ne fait que lui donner raison encore plus.

“Je me demande de qui tiendra le prochain?” Hasarde Rey à voix haute.

“Quoi?” La voix de Ben est aussi tranchante que son regard.

“Tu te souviens quand on s’est rendus sur Serica il y a quelques semaines pour rencontrer les indigènes? Et tu te souviens que nous n’avions plus de contraceptifs le troisième jour mais que tu as dit, ‘ne t’inquiète pas, je vais me retirer’ et que tu ne t’es pas retiré du tout-”

“Je voudrais bien t’y voir,” la coupe-t-il, le rouge aux joues. “Il est plus facile de se défaire de certains parasites suceurs à ventouses que de toi quand tu es en train de j-”

“Oui, bon, des accidents arrivent, je suppose,” dit-elle, agitant la main pour revenir au sujet. “je te préviens juste tout de suite que c’est moi qui vais choisir le prénom cette fois. Je ne me remets pas que tu aies imposé Anicca quand je voulais l’appeler Luca. Si tu recommences, je ferai sauter ton temple depuis la stratosphère.”

“Je suis sûr que huit mois est un délai suffisant pour trouver un bon prénom,” dit-il. “Mieux que ‘Luca’ quoi qu’il arrive.”

“Je ne plaisante pas, j’ai monté un canon Harbinger sur le Faucon Millenium et j’ai besoin de tester sa visée,” dit-elle, en regardant les fossettes sur ses joues. Elle suit du bout du doigt le tracé de cette fossette avec tendresse. “Dis moi que tu es heureux, Ben.”

Elle n’a pas vraiment besoin de poser la question. Elle sent le flux de joie par leur connexion et il est toujours assez mauvais pour dissimuler ses sentiments. Mais elle veut l’entendre prononcer les mots. “Je suis heureux,” dit-il, frottant son nez contre le sien. “Tu trouves toujours moyen de me rendre heureux.”

Il étend sa main sur son ventre et elle appuie sa tête contre son cou. Une sensation de chaleur et de sérénité l’envahit, et même s’il a fallu du temps pour y parvenir, toutes ces épreuves en valaient la peine. Assise au soleil au milieu de ses plantes en fleurs, entourée de sa famille et son Ordre, et blottie dans les bras de son amant heureux, Rey connaît enfin un sentiment de complétude parfaite.

Et elle sait que Ben le ressent aussi.

 

Note de la traductrice : des illustrations, croquis et dessins des personnages (Rey, Kylo, Tam, Anicca, etc) sont publiés sur le tumblr de l’auteur : silvershiner point tumblr point com

Je peux également donner des liens en MP.L’auteur a parlé d’écrire une suite. Je ne résisterai probablement pas à la traduire! A bientôt!

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