Born to fight

Il ne restait plus de la cité des anges que les tunnels souterrains du métro et des égouts. C'était là que les survivants du jour du jugement dernier avaient trouvé refuge. C'était dans ces boyaux sombres et poussiéreux que les restes de l'humanité s'étaient regroupés.

Les bombardements et les radiations avaient rendu la surface inhabitable. Mais une autre raison avait poussé les survivants à se terrer : les machines. Skynet, programme informatique devenu fou, avait décidé d'éradiquer l'espèce humaine. Son armée de machines quadrillait la surface à la recherche des humains. Mais sous terre, dans leur refuge, les hommes avaient décidé de se battre. La résistance, d'abord fragile et vulnérable, s'était organisée et avait réussi à reconquérir les souterrains de Los Angeles. Skynet, dans sa détermination froide et rationnelle, multipliait les incursions dans les sous sols de la ville en ruine afin de mettre la main sur cette résistance humaine.

Et c'est justement dans un de ces corridors obscurs qu'une brise inexplicable vint soulever la poussière qui recouvrait le sol. L'air se chargea en électricité et se mit à claquer en petits éclairs.

Le vent s'intensifia et les éclairs se firent plus forts et plus bruyants. La lumière dégagée par le phénomène semblait se limiter en une bulle à l'arrondi parfait. A mesure que les éclairs se multipliaient, la luminosité de la bulle se fit de plus en plus forte jusqu'à l'éblouissement total qui atteignit son apogée dans un craquement assourdissant. Les murs tremblèrent sous l'effet de l'explosion et une partie du plafond du tunnel s'effondra.

Puis tout fut terminé. L'obscurité, ponctuée de quelques petits éclairs résiduels, recouvrit à nouveau le tunnel.

Mais tout n'était pas revenu à la normale. Au centre du tunnel, là où s'était tenue la bulle de lumière, une jeune femme se tenait accroupie, la tête baissée vers les genoux. Elle bougea faiblement puis s'effondra au sol, laissant échapper un misérable gémissement.

Elle était nue. Sa peau pâle, parsemée d'innombrables cicatrices, frémissait sous l'effet du choc qu'elle venait de subir.

Après un petit moment, elle se releva avec précaution. Ses yeux n'étaient pas encore habitués à l'obscurité. A son grand soulagement la souffrance qu'elle avait ressentie au moment de son « transfert » diminuait rapidement.

Elle fit quelques pas, les mains tendues devant elle. Elle ignorait totalement où elle était, ni comment rejoindre celui qu'elle devait retrouver. Elle continua d'avancer en longeant le mur du couloir.

Ses pieds s'écorchèrent à de nombreuses reprises sur les pierres tranchantes qui jonchaient le sol. Mais elle continuait son chemin. Bientôt, elle put discerner ce qui l'entourait mais rien ne pouvait lui indiquer où elle se trouvait. Pour cela, elle comprit qu'elle devait remonter à la surface. Elle connaissait bien les ruines de Los Angeles et elle savait qu'une fois en surface elle pourrait se repérer.

A la recherche d'une issue dans cette quasi-obscurité, elle perdit rapidement la notion du temps. Lorsque ses pieds commencèrent à lui faire trop mal, elle décida de s'accorder une pause. Elle s'assit par terre, à l'abri derrière un monticule de gravas et s'adossa au mur du tunnel. Elle tâta ses pieds et réprima un gémissement. Elle devait rapidement trouver ce qu'elle était venue chercher. Ce genre de petites blessures pouvaient vite dégénérer sans les soins appropriés. Effrayée, frigorifiée et épuisée par ce qu'elle venait de subir, elle finit par s'assoupir.

Un cliquetis métallique l'a fit sortir brutalement de son sommeil. Un goût amer envahit soudainement sa bouche. Ses entrailles se vrillèrent douloureusement mais elle demeura immobile. Elle avait déjà connu ça. Elle savait gérer la peur.

Elle regarda autour d'elle en prenant soin de bien rester cacher derrière les décombres. Elle scruta l'extrémité du couloir d'où il lui avait semblé entendre le bruit. Au bout de quelques secondes, ses craintes se confirmèrent. A environ cinquante mètres devant elle, une haute silhouette de squelette métallique se détacha de l'obscurité. Le Terminator avançait lentement scrutant précautionneusement chaque cm² du tunnel. C'était un T-600, modèle de base, de l'armée de Skynet.

Sa puissance de feu était redoutable mais il était vulnérable aux balles explosives et son agilité était précaire.

Mais la jeune femme n'avait pas de fusil et aucune intention d'engager un combat à mains nues avec le T-600. Elle devait dégager de là avant que le Terminator ne la découvre.

Doucement, sans gestes brusques, elle se releva en ne quittant pas des yeux le monstre de métal qui continuait d'avancer vers elle. Ses pieds meurtris la faisaient souffrir et elle se demanda furtivement s'ils accepteraient de la porter lorsqu'elle se mettrait à courir.

Mais pour l'instant elle reculait doucement longeant le mur en priant pour qu'apparaisse un tunnel dérobé qu'elle puisse emprunter pour s'échapper. Elle arrivait pour le moment à maintenir une distance respectable entre elle et la machine qui ne l'avait toujours pas repéré.

Mais soudain, son pied heurta un amas de petites pierres qui s'effondra bruyamment. Aussitôt, les yeux rouges du T-600 se braquèrent sur la jeune femme qui, suivant son instinct de survie le plus primaire, s'enfuit à toute vitesse.

Elle n'arrivait pas à courir aussi vite qu'elle l'aurait voulu car elle ne cessait de trébucher dans les anfractuosités du sol. Le Terminator s'était lancé à sa poursuite et la rattrapait rapidement. Elle pouvait entendre le sinistre cliquetis métallique se rapprocher d'elle. Pourtant, elle ne cessait pas de courir, elle ne sentait plus la douleur, elle courrait pour sauver sa vie.

Il lui sembla entendre des chiens aboyer lorsque deux bras puissants se refermèrent sur elle et la plaqua au sol. Quelqu'un cria et une énorme explosion retentit provoquant une pluie de débris et un nuage de poussière. La jeune femme pouvait encore sentir le poids de son agresseur qui la maintenait au sol. Elle se débattit violemment et décocha un violent coup de coude dans la mâchoire de son assaillant. Ce dernier lâcha un juron mais s'écarta suffisamment pour qu'elle puisse se dégager.

Elle se releva vivement et détala. Mais la poussière en suspension provoquée par l'explosion lui masquait les obstacles et elle heurta de plein fouet un mur. Le choc lui coupa le souffle et elle s'écroula. Sa main se posa alors sur une pierre qu'elle empoigna fermement, décidée à l'utiliser comme une arme contre son agresseur. Elle se remit sur ses jambes et se retourna pour faire face, prête à se battre.

Lentement, la poussière retomba sur le sol et dévoila la présence de quatre hommes. Dès qu'ils l'aperçurent, ils pointèrent leurs armes vers la jeune femme.

« Attendez! » lança une voix autoritaire.

Un homme de haute stature passa entre les hommes armés et fit face à la jeune femme. Il se massait encore la mâchoire pour faire passer la douleur du coup reçu.

Toujours en posture d'attaque, la fille lançait des regards mauvais à ces hommes qui la menaçait.

« Reculez! » intima l'homme à ses acolytes.

Des voix protestèrent mais un coup d'œil de l'homme suffit à les faire obéir. Tout en la gardant en joue, les soldats se retirèrent.

Mais la jeune femme n'était pas dupe, elle savait que les hommes n'étaient pas loin et qu'en cas de problème ils rappliqueraient rapidement.

L'homme l'observa un instant puis déboutonna sa veste. La fille frémit et leva plus haut la pierre qu'elle tenait. L'homme interrompit son geste.

« Tu vas avoir besoin de ça pour te couvrir! » lui lança-t-il d'un air entendu.

Les épaules de la fille se détendirent un peu et l'homme enleva sa veste lentement pour ne pas l'effrayer. Malgré la crasse et sa chevelure hirsute, la fille était étrangement attirante. Ses yeux étaient d'un bleu envoûtant qui ressortait d'autant plus que son visage était sale.

Sa présence dans les souterrains, qui plus est complètement nue, était surprenante. Il savait qu'il allait devoir faire la lumière sur ce mystère. Mais il sentait au plus profond de ses tripes que cette fille n'était pas une menace. Des yeux aussi purs ne pouvaient pas avoir été créés par une machine.

« Prends ça » dit-il en lui tendant sa veste.

La fille hésita puis doucement, un pas après l'autre, elle s'approcha. L'homme remarqua avec amusement mais aussi avec une pointe d'inquiétude qu'elle n'avait pas lâché son arme de fortune.

La fille était maintenant à deux pas de lui. Elle paraissait fragile et en même temps elle dégageait une force et une prestance impressionnante.

Elle s'empara de la veste et recula aussitôt. Elle enfila rapidement le vêtement, soulagée de se couvrir enfin.

« Je m'appelle Derek. Derek Reese. » se présenta-t-il.

Elle lui lança un regard méfiant.

« Eve » finit-elle par murmurer après un silence.

Sa voix était claire et ne tremblait pas.

« Eve...? » insista Derek.

«Eve … Connor.»