Les dossiers égarés

Chapitre 4 : Une fable de Noel

1593 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/12/2023 15:51

Il était une fois...

Un lieu inconnu.

Un Noël hors du temps.



-Mais enfin Scully! Après toutes ces années à enquêter sur le paranormal, à rassembler des preuves, à repousser les limites de la compréhension ! Comment peux-tu ne pas croire au Père Noël ?!

Il faisait sombre. Les deux agents étaient accroupis depuis ce qui semblait être une éternité.

La supplique, teintée de critique, que l'agent Mulder venait de lui chuchoter paraissait tout bonnement ridicule aux oreilles de sa collègue.

La jeune rouquine se demandait encore comment elle avait pu se laisser convaincre de suivre son acolyte, un soir de Noël, dans une maison abandonnée.

Peut-être cherchait-elle a échapper à un repas en famille (et des critiques de son frère) ?

Peut-être, en rejoignant Mulder, espérait-elle autre chose ?

Non, elle s'en dissuada intérieurement, ce ne pouvait être celà.

Le petit salon n'était illuminé faiblement que par un sapin, enguirlandé, garnie de boules et de loupiotes à piles. La lumière du dehors faisait scintiller l'étoile a son sommet.

L'endroit était meublé avec le strict minimum : pas de télévision, pas de stéréo, seulement deux fauteuils faisant face à une grande cheminée éteinte, une petite bibliothèque tristement fournie et une table.

Table sur laquelle, le Martien (sobriquet moqueur dont l'avait affublé les collègues de Mulder) avait disposé en évidence un cookie et un verre de lait à côté d'une bougie.

Scully ne préférant pas répondre aux suppliques, demanda plutôt agacée :

-Et pourquoi reste-t-on accroupis dans un coin ?

Elle se leva pour aller se laisser tomber dans l'un des fauteuils, le visage renfrogné.

-Reviens ici ! Ordonna vainement son collègue depuis les ombres.

-Tu m'avais parlé d'une chasse au mutant, rappela-t-elle.

-Et ça ne t'avait pas emballé non plus, précisa le grand brun en s'installant dans le second fauteuil rouge.

Il portait tous deux d'épais manteaux, leurs écharpes et de la buée se formait à chaque fois qu'ils ouvraient la bouche...

-On est où ici, Mulder? Grommela Dana en enfonçant son bonnet sur ses cheveux auburn. Et pourquoi n'y a t'il pas de chauffage ?

-C'est l'une des planques du FBI. Et il n'y a pas de chauffage parce que je n'ai pas envie que Skinner reçoive une facture d'électricité au pied du sapin pour un bâtiment inoccupé.

Leur supérieur avait à l'égard du service des X-files suffisamment de bienveillance pour les couvrir en cas de besoin. Cela ne l'empêcherait certes pas de leur passer un savon bien senti s'il venait à apprendre que deux de ses agents avaient passé Noël en tête-à-tête dans un bâtiment gouvernemental.

Scully, qui connaissait bien la façon de fonctionner de son ami, ne mit pas longtemps à comprendre qu'il avait dû préparer cette soirée depuis longtemps. Elle creva l'abcès:

-En admettant théoriquement qu'un vieux barbu rondouillard passe par cette cheminée, soupira-t-elle. Pourquoi crois-tu qu'il viendrait dans cette maison abandonnée?

Mulder avait sorti de sa poche un sachet de graines de tournesol.

-Parce que légalement, elle n'est pas abandonnée.

Il décortiquait une graine du bout des dents et restait évasif.

Scully n'aimait ni l'un, ni l'autre.

Le regard sévère de sa collègue poussa Mulder à s'expliquer :

-J'ai utilisé le logiciel de programme de protection des témoins, et légalement, il y a une famille Bixby qui vit ici.

Il avait annoncé ça fièrement comme si cela relevait d'un exploit. Dana savait pertinemment que pour une telle manipulation informatique, il avait dû se faire aider. Elle se passa la main sur le visage. Mulder ajouta penaud :

-Et le petit Bill Bixby a également précisé son adresse dans sa lettre au Père Noël.

Après avoir pris une poignée de secondes pour assimiler l'information, Scully éclata d'un rire sonore au travers duquel elle articula :

-Tu as écrit une lettre au Père Noël ?!

Le Martien resta silencieux, se concentrant sur les restes des coques de graines de tournesol qu'il émiettait consciencieusement sur l'accoudoir de son fauteuil.

-Il fallait que ça ait l'air crédible, finit-il par lâcher.

Dans son fauteuil, la jeune femme croisa les jambes :

-Effectivement Mulder, c'est bien de crédibilité dont manque cette investigation.

Elle s'était montrée un peu dure, elle l'avait senti au son de sa propre voix, aussi décida-t-elle d'apporter un peu d'eau au moulin de son camarade :

-Tu sais qu'il a véritablement existé ? Santa Klause est une déformation de Saint-Nicolas. C'était un riche évêque qui donnait dans l'humanitaire. Il a vécu il y 1700 ans, Mulder, avant d'être canonisé.

C'était plus fort qu'elle, le ton de sa voix s'était fait cassant sur la fin de son explication.

Enfoncé dans son trône, le visage fatigué éclairait à la bougie, Mulder venait de sortir de sa poche une petite flasque de verre dont il porta le goulot à la bouche après en avoir lentement devisé le bouchon. Il bût une gorgée, et commença sur un ton léger :

-Je ne dis pas que la canonisation rend immortelle. C'est bien dommage, ça inciterait les gens à plus de bienveillance.

Mulder tendit sa flasque à Scully. La vodka/orange faisait des remous, elle refusa. Il repris:

-La longévité est une affaire de génétique : certaines baleines vivent jusqu'à 200 ans, certaines palourdes jusqu'à 500 ans. Les scientifiques ont prouvé que certaines éponges pouvaient vivre plus de 10 000 ans.

Il reprit une gorgée :

-On peut également mettre de côté l'hypothèse d'une créature vieille de 10 000 ans. Puisqu'il s'agit de religion, on peut par ailleurs imaginer une organisation vieille de 1700 ans, c'est bien suffisant. Certains ordres religieux comme les Bénédictins remontent au sixième siècle.

Scully se pencha en avant pour résumer cette dernière théorie afin de bien en souligner l'incongruité :

-Une conspiration positive vieille de plusieurs siècles?

Sa question était rhétorique. Elle pointa la flasque de son collègue du doigt et statua :

-Tu seras gentil de me laisser conduire pour le retour.

Le silence retomba entre les deux amis. À l'extérieur, le vent chantait dans les arbres, un petit groupe de personnes passa sur le trottoir en riant fort. Les deux agents étaient hors du temps.

-Tu n'as pas tort, Mulder... Il y a bien un groupe de personnes qui se relaient chaque année pour jouer les pères Noël : Nous. Nous sommes conditionnés à perpétuer l'œuvre de ce fameux St-Nicolas. Il n'y a pas besoin d'ordre secret ou de créature mi-baleine mi-éponge. Nous faisons tous, à notre façon, partie d'une chaîne de bonté à travers les siècles qui préserve cette tradition. L'idée est tellement belle et positive que personne ne cherche véritablement à la remettre en question.

Avait-il un peu trop bu ? Considérait-il que sa collègue avait raison ? Mulder restait silencieux.

Scully repris, une nuance de compassion dans la voix :

-Tu le sais aussi bien que moi, Mulder: Même si personne ne sortait de cette cheminée, et crois-moi, personne ne sortira de cette cheminée, cela ne fera que renforcer ta conviction. Ta conviction que ce personnage existe, qu'il n'est tout simplement pas tombé dans le panneau. Un personnage tellement omnipotent qu'il n'aurait eu aucun mal à lire dans ton plan.

A l'extérieur, les voix avaient entamé un cantique de Noël.

L'impensable se produisit ensuite : un léger grattement résonna dans l'âtre.

Mulder rangea précipitamment sa bouteille. Le paquet de graines de tournesol tomba au sol, déversant son contenu sur la moquette vieillotte.

Scully se leva d'un bon, regrettant de pas avoir emporté son arme de service. Elle poussa un cri de surprise lorsque s'éleva un petit nuage de cendres.

Une chétive mésange à tête noire venait de se poser au cœur du foyer.

La rouquine réajusta son bonnet, et lança un regard déterminé à son ami:

-Tu es en état de conduire?

Mulder se leva, s'approcha lentement de sa partenaire. En guise de réponse, du bout des doigts, il fit pendre les clés de la Ford de location à quelques centimètres du visage de Scully.

Elle s'en saisit et tourna les talons.

-Tu sais Mulder, commença-t-elle, légère, alors que le duo se dirigeait vers la sortie. Je te soupçonne d'avoir monté toute cette histoire de père Noël uniquement pour que je puisse, pour une fois, avoir raison. Venant de toi, c'est petit, mais, j'apprécie.

Mulder ouvrit la porte puis, gentleman, laissa passer Scully.

Au loin, le groupe de chanteurs traversait la route de la petite zone pavillonnaire, en direction d'une autre porte à laquelle sonner. Un doux tapis de neige se formait sur le trottoir et les flocons tombaient lentement, dansant sous les lampadaires.

La jolie rouquine emmaillotée prit le bras du Martien, puis ils se mirent tous deux à cheminer doucement vers la vieille Ford garée un peu plus loin. Leurs pas s'imprimaient côte à côte dans la fine poudreuse.

Sur le ton de l'humour, elle avoua :

-Tu sais, j'aurais vraiment aimé lui passer les menottes pour violation de priorité.

-Joyeux Noël, Scully.

-Joyeux Noël, Mulder.

Avant de remonter en voiture, elle demanda, par acquis de conscience :

-Dis-moi Mulder, est-ce que tu crois vraiment au Père Noël ?

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