Les dossiers égarés

Chapitre 3 : Speedo

1441 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/08/2023 11:14

6 juillet 1992

Washington, Dc



Elle l'avait cherché partout. Depuis les étages du Bureau jusqu'au sous-sol, du pub où ils avaient leurs habitudes jusqu'au gymnase. Et c'est dans ce dernier endroit que Dana croisa enfin une âme charitable qui lui indiqua où trouver Mulder. Son nouveau collègue montrait si peu de respect pour le protocole que c'en était agaçant. Celui que l'on surnommé "le martien" n'avait pas encore repris l'habitude d'avoir un partenaire, et avait la fâcheuse manie de disparaitre sans prévenir.


L'odeur de chlore lui chatouillait désagréablement les narines, ce qui ajoutait à l'agacement de la jeune femme.

Depuis quelques mois qu'ils travaillaient ensemble, Dana avait appris à subir certains des travers de Fox Mulder. Appris à les apprécier parfois. Tour à tour touchant, irritant, pertinent ou même profondément pénible, le "Martien" avait aujourd'hui, par son absence, laissé sa partenaire prendre seule une remontrance pour deux.


Enjambant le pédiluve, la rouquine repéra sa cible, de l'autre côté de l'interminable bassin, qu'elle longea d'un pas pressé. Le bruit de ses talons résonna au-dessus de l'eau chlorée. Contenant sa colère, elle se fit violence pour ne pas crier le nom de son collègue. Vêtu d'un tailleur gris strict à larges épaules, Scully avait rejoint l'extrémité de la piscine.

Arrivant tranquillement, Fox Mulder ralenti, puis resta sur place avec de amples mouvements. Il la salua d'un large sourire :

-Hey, Scully!

Il se rapprocha du bord, se hissa et laissa retomber sa tête sur ses bras en croix. L'eau ruisselait de son épaisse chevelure sur ses larges épaules. Il taquina sa collègue :

-Ce n'est pas une tenue idéale pour faire des longueurs.

-Non Mulder, c'est la tenue idéale pour un entretien avec les chefs de services Blevins et Skinner...

L'acidité dans la voix de la rouquine n'eut aucun effet. Il demanda avec légèreté :

-C'était bien ?

Il se laissa retomber dans l'eau, nageant sur place avec de grands gestes, un je-ne-sais-quoi d'arrogance dans le regard. Il n'avait pas oublié le rendez-vous, il avait simplement eu le culot de ne pas y aller. C'en était trop. Scully explosa :

-J'ai passé plus d'une heure à éplucher nos notes de frais ! Hurla-t-elle, levant une lourde pochette en guise de preuve.

Le nageur emplit ses joues d'eau qu'il relâcha en arc de cercle parfait, puis se mit à nager sur le dos. Nonchalamment, il chercha tout de même à se dédouaner :

-Ils cherchent la petite bête, Scully...

Ce qui ne fut pas du goût de son amie :

-J'ai dû justifier des dépenses sur des affaires datant de l'année dernière, Mulder! Je n'étais même pas affectée aux X-files l'année dernière !

Se redressant, Mulder pointa le dossier du doigt, comme s'il visait une ligne précise :

-Ce n'est que de la logique, je n'agis que dans l'intérêt des victimes.

-Tu as fait intervenir un comportementaliste canin sur l'affaire Lucas !

Visiblement, la logique de son partenaire échappée complètement à Dana.

-Oui, j'avoue, c'était une erreur. J'étais convaincu que le môme était un lycanthrope.

Les poings sur les hanches, les yeux de l'inquisitrice par procuration lançaient des éclairs.

Mulder cru bon de préciser :

-Ça veut dire loup-gar...

-Je sais ce que c'est ! Explosa la jeune femme.

Le visage de Mulder s'illumina :

-Ho? Tu crois aux loups-garous ?

Scully leva les yeux au ciel. Elle souffla longuement par le nez et ordonna calmement à l'impertinent :

-Fais moi le plaisir de sortir de l'eau.


Prenant appuis sur l'échelle chromée, Mulder s'extirpa sans peine de l'eau. Le maillot qu'il portait, un fin speedo rouge, ne laissait aucune place à l'imagination. Détaillant son collègue, Scully perdit le cours de ses pensées. Elle avait tendance à oublier que derrière cette façade de geek révolté se cachait un athlète à l'énergie débordante qu'il dépensait dans les tours de pistes, les longueurs de natation, le basket et, occasionnellement, le baseball. L'eau ruisselait de ses épaules larges, courant sur son torse puissant et ses abdominaux fins. Les yeux de Scully évitèrent avec une certaine pudeur le maillot pour descendre sur ses mollets ciselés. Le grand brun passa les mains dans sa chevelure trempée. Elle dut se mordre la lèvre inférieure pour retrouver le fil de ses pensées, qu'elle rattrapa avec une certaine précipitation :

-Et les... Les... Les factures de cartomancienne?!

Mulder ramassa sa serviette qui trainait sur les gradins, s'essuya le visage et se mit en marche en direction des vestiaires :

-Pour une fois que la victime avait la possibilité de me parler de son meurtrier, je n'allais pas refuser cette aubaine sous prétexte que ce n'est pas recevable devant un tribunal.

Au grand désarroi de Scully, l'argument était tellement improbable qu'il en semblait imparable. Que répondre à cela ?


Ils cheminèrent côte à côte le long de la piscine en direction des vestiaires. La jeune femme tenta d'avoir des explications pour l'achat, aux frais du contribuable, d'une caméra à vision nocturne hors de prix, se doutant très bien que l'appareil avait été mis à contribution dans l'éternelle chasse aux OVNIs de son collègue.

Ils arrivèrent dans un petit corridor où étaient alignées quelques douches chromées vieillissantes. Le grand brun jeta sa serviette sur l'un des pommeaux à l'écart puis tira un peu de savon d'un vieux distributeur mural. Il se tourna vers son amie et dédramatisa :

-Quoi que je fasse, ce n'est jamais bien. Ne te mets pas dans tous tes états : ils trouveront toujours quelque chose à redire.

Du dos de la main, il enfonça le poussoir qui libéra une pluie froide au-dessus de lui. Scully leva la voix pour couvrir la complainte de Mulder:

-L'année dernière, tu as organisé la filature d'un homme sous prétexte que, je cite, "il rassemblait un nombre troublant de caractéristiques physiques en commun avec Elvis Aaron Presley."

-Tu t'y serais laissé prendre, Scully! Se justifia-t-il en se frictionnant le torse, où le savon moussait généreusement.

Il lui tourna le dos. Scully s'apprêtait à lever les yeux au ciel lorsque son regard fut accroché par un petit nuage de mousse glissant entre les reins de son collègue pour s'aventurer au-delà de l'élastique rouge.

Au travers la brume de ses réflexions vagabondes, la rêveuse dû être appelée plusieurs fois :

-... Scully?... Scully? Peux-tu me passer ma serviette s'il te plaît ?

Elle tendit le tissu déjà humide à un Mulder espiègle :

-Je peux savoir où tu étais là ? Demanda-t-il en s'essuyant sommairement.

Pour seule réponse, la rouquine leva son dossier, les joues roses, mais le regard de nouveau rageur.

Prenant la direction des vestiaires, Scully repris le détail des doléances de leurs supérieurs :

-Skinner a également évoqué les locations de vidéos que tu aurais effectué dans certains motels.

Mulder s'arrêta devant la porte usée d'une cabine, et fit mine de nier :

-Je ne vois vraiment pas de quoi tu parles...

Il s'enferma dans le vestiaire et de l'intérieur et précisa :

-Je t'assure que je n'ai aucune explication rationnelle pour cette histoire de vidéo...

Levant la voix comme pour traverser le bois, Scully indiqua :

-Skinner a dit que la prochaine fois, ce sera retenu sur ton salaire.

Mulder marmonna une protestation incompréhensible. Sous la porte, Scully voyait danser ses pieds, puis le maillot chuta entre les chevilles de son collègue pour aller s'écraser mollement sur le carrelage marron. Mulder fit tourner le verrou, entrouvrit la porte pour laisser sortir son visage, le regard confus. Il sembla chercher ses mots.

-Je... suis désolé, Scully. C'est la dernière fois que je te fais faux bond.

L'excuse parut lui coûter, mais elle était sincère. La colère de Scully s'apaisa. Pour la première fois depuis des heures, elle sourit. Du plat de la main, elle repoussa la tête de son collègue derrière la porte:

-Rentre là-dedans et habille-toi.

Le verrou se referma. Au travers la porte, elle entendait Mulder se débattre avec ses vêtements. Elle toqua pour attirer son attention :

-Je t'attends dehors.

Elle ne s'était éloignée que de quelques pas lorsque la tête du "Martien" réapparue dans l'entrebâillement du vestiaire :

-Scully! Ça te dit des ailes de poulet ?

Elle se retourna vers lui, radieuse à nouveau. Mulder précisa :

-On passera ça en note de frais.

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