Les dossiers égarés

Chapitre 2 : La séduction du corrompu

1519 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/07/2023 17:14

L'avantage que leur avait conféré l'incident de Roswell en 47 semblait insurmontable. L'Envahisseur avait en effet confié un échantillon ADN au Consortium Américain afin de faire avancer le Projet visant à l'hybridation des espèces dans le but de faciliter la colonisation.

Mais, au mois de mai de cette année 1994, l'un des hauts responsables de ce Syndicat "égara" cet échantillon. Le Consortium l'avait cependant rapidement récupéré puis, par la même, éliminé le traître au sein de ses rangs.

Le mal avait été fait : la preuve de l'existence d'une vie extraterrestre, ainsi que du complot visant à la cacher, avait fini, ne serait-ce qu'un court instant, entre les mains d'une agente du FBI. Aux yeux de la communauté secrète internationale, c'était inexcusable, et les Russes étaient bien déterminés à faire passer un message en éliminant eux

-même l'homme qu'ils estimaient responsable.



Fin aout 1994

Washington, Dc


La lourde pluie d'orage tombait en rideaux sur les quelques badauds qui couraient à la recherche d'un abri. Les éclairs zébraient le ciel chargé de la capitale, suivis de leurs grondements sourds.

Les boutiques chics et les immeubles résidentiels bordaient le quartier des ambassades.

La cible se terrait quelque part derrière ces façades immaculées devant lesquels dormaient berlines sombres et voitures de collection.


Tirant sur sa Morley, un homme vêtu d'un blouson noir attendait la fin de l'averse, à l'abri d'un platane. Il venait de faire plusieurs fois le tour de l'immeuble huppé et avait pu constater que le seul véritable accès était l'entrée en elle-même, filtrée, bien évidemment, par un interphone. Le déluge finit par se calmer. L'individu jeta son mégot, sortie une paire de gant en cuir de sa poche et l'enfila.

Les rues se désertaient peu à peu alors que les ombres du soir s'étendaient sur la ville. L'homme en noir se dirigea vers la ruelle entre deux bâtiments pour s'y engouffrer.


Après avoir glissé un large conteneur à ordures sous l'escalier de secours, il saisit les barreaux d'aciers glissants puis se hissa. L'assassin entama l'ascension le long de la paroi de briques en remontant les marches de métal séparant les plateformes, à chaque étage, scrutant au travers les vitres de chaque appartement à la recherche d'un logement inhabité.

Une vitre brisée plus tard, le tueur se faufilait dans un couloir aussi désert que le loft qu'il venait de profaner. L'épaisse moquette du corridor étouffait le bruit de ses pas, et l'éclairage laissait suffisamment d'ombre pour que l'infiltré se sente en confiance.

Quelques marches et couloirs de plus, l'homme en noir faisait face à la porte de l'appartement de sa cible qu'il crocheta d'un geste routinier. L'arme au poing, il mit le pied dans le nid du serpent.


L'assassin ne fit que quelques pas dans l'obscurité se figeant net, en entendant le cliquetis caractéristiques d'un Zippo suivi d'un léger bruit de combustion. Dans son dos, un homme venait d'allumer une cigarette. Le temps que l'assassin se retourne, une petite lampe illuminait doucement les lieux.

-Ne soyez pas déçu: m'avoir trouvé est déjà un exploit en soi.

Le regard perçant, l'Homme à la Cigarette tira une bouffée, et nuança :

-Bien sûr, je vous ai laissé m'approcher. Mais cela n'enlève rien à votre prouesse.

C'était un homme d'âge mûr en costume gris, enfoncé dans un confortable fauteuil. La petite lampe sur le guéridon détaillait son visage usé par le temps et les mensonges, jetant des ombres argentées dans ses cheveux grisonnant.

L'assassin fit en pas dans la lumière, le pointant toujours. Il défia le fumeur, sans une once d'accent russe :

-Et pourquoi auriez-vous fait cela, vieux fou ?

Il avait le visage d'un ange à la chevelure corbeau. Il émanait de lui une impression d'innocence presque juvénile mise à mal par un regard brûlant de rage. Il serra les dents, comme pour contenir sa frustration à l'intérieur. Son poing verrouillé sur la crosse de son revolver se raffermit. Il hésitait entre accomplir sa mission et écouter le beau parleur.

-Et bien, pour commencer, j'avais hâte de vous rencontrer…

Il avait le ton désagréablement mielleux des gens qui aiment s'entendre parler. Mais il avait piqué la curiosité de son visiteur.

Il précisa :

-J'étais curieux de voir si vous étiez à la hauteur de votre nom de famille.

La prise se fit alors plus lâche sur la crosse.

-Que pouvez-vous bien savoir de moi ? Se défendit L'Homme en noir.

Le vieil homme tira sur sa cigarette une fois de plus. L'espace d'un court instant, la lueur rouge de la Morley dessina des traits démoniaques sur son visage. Il posa sa tige sur le rebord d'un imposant cendrier de cristal au pied de la lampe, puis saisi un petit verre de whisky qui attendait patiemment sur le guéridon.

-J'ai bien connu feu vos parents, Alex.

Laissant à cette révélation le temps de faire son effet, le fumeur bu une gorgée. Avant d'ajouter :

-Des gens bien… Pour des traîtres.

De la confiance au coin des lèvres, il tenta de détendre l'atmosphère :

-Je ne leur en tiens pas rigueur: ce sont les Russes qui en ont fait les frais…

Le jeune assassin baissa son arme. Il n'avait qu'un vague souvenir de ses parents. Il n'en savait que ce que les officiels avaient bien voulu lui dire : qu'ils étaient des agents doubles ainsi qu'une honte pour la Patrie. L'homme qui l'avait élevé, l'un des derniers amis de la famille Krycek, avait consciencieusement évité le sujet, dans le but avoué de faire du jeune Alex un patriote dévoué. C'était raté. Les mensonges et les non-dits de son tuteur avaient fait de lui un jeune homme indépendant et critique. Cette éducation avait planté en lui les graines d'un instinct de survie sans cesse grandissant.


L'avait t'ont envoyé tuer cet homme pour l'exemple? Pour ses connaissances? Ce vieil homme était il une menace ou bien s'agissait-il d'une vendetta tardive de ses commanditaires pour laver le nom de Krycek?

-Mais je vous en prie, installez-vous, Alex. Pressa le vieux fumeur en indiquant d'un mouvement du menton une petite table ronde.

Alex Krycek n'avait pas véritablement fait attention à l'agencement de l'appartement. Chichement meublé, à peine équipé, c'était un lieu vide et triste. Le genre d'endroit où l'on ne fait que passer. Un point de chute. Le fumeur ne vivait très certainement pas ici. Il l'avait effectivement laissé venir à lui.

Le visiteur se laissa tomber sur la seule chaise qu'il y avait autour de cette petite table ronde sur laquelle était posée une bouteille de vieux whisky entamée accompagnée d'un verre vide.

-Servez vous un verre mon jeune ami, l'enjoignit le beau parleur.

Alex regarda son arme.

-Vous pouvez déposer votre arme, vous me tuerez plus tard.

Il déposa son verre et reprit sa cigarette en corrigeant :

-Vous me tuerez plus tard si le cœur vous en dit.

Il prit une bouffée, relâcha lentement sa fumée autour de lui. Il continua :

-Notez bien que dans notre milieu, notre espérance de vie et au même niveau que nos opportunités d'évolutions : peu élevées.

La tête dans ses mains, son arme posé devant lui, Krycek lâcha un rire nerveux :

-Vous me proposez un job ?


XXX


Peu confiant, le jeune Krycek se présenta quelques semaines plus tard dans le bureau du Directeur adjoint Skinner, au cœur même du FBI. Infiltrer le Bureau ne semblait pas seulement ambitieux ou impossible, la démarche était tout bonnement arrogante. L'accueil froid et protocolaire du Directeur adjoint le rassura : le plan du fumeur fonctionnait. Celui-ci devait avoir le bras long.

Vêtu pour son nouvel "emploi" d'un costume gris impeccable, Alex traversa ensuite une marée d'agents tous occupés dans un brouhaha de fax, d'appels téléphoniques, de modems et de discussions. L'agent qu'il cherchait était connu de tous. Certain lui souhaitèrent même "bonne chance" en apprenant qu'il allait devoir faire équipe avec le "Martien".

Le type en question était un peu à l'écart. Comme ces élèves turbulents préférant la tranquillité du fond de la classe. Un imposant casque sur les oreilles, Fox Mulder retranscrivait le contenu de la bande audio qui tournait sous ses yeux.

-Agent Mulder?

Lui accordant à peine un regard, Mulder retira son casque et stoppa le lecteur.

-Moui...

Le nouveau venu lui tendit un feuillé sur lequel le "Martien" ne comptait plus vraiment : un ordre de mission.

-Voici votre 302. Le directeur adjoint Skinner vient juste de le signer.

Cloué au sol depuis la fermeture des X-files, Mulder compris à la lecture de l'autorisation que son "302" était un cadeau piégé.

-Il doit y avoir une erreur. Il est écrit ici qu'un autre agent est assigné à l'enquête.

Offrant une main tendue et un grand sourire, le jeune "agent" se présenta :

-Ce doit être moi. Krycek, Alex Krycek.

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