A Galaxy Railways Story : Reiko

Chapitre 18 : Le Karyû

5742 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 16/09/2023 23:22

Chap 18 : Le Karyû


- J’ai hâte de rentrer !, s’exclama Louise.

- Ouais, c’était une longue et épuisante mission, abonda David.

- Tout est épuisant pour toi, rétorqua l’artilleur.

- Non, pas les vacances.

- Tu m’étonnes.


Reiko s’étira en baillant.


- T’as eu une nuit courte ?, la nargua l’ingénieur.

- T’occupes.

- Oh, c’est qu’elle devient susceptible à force de côtoyer notre “Gâchette en chef”.

- Tu sais ce qu’elle te dit, la “Gâchette en chef” ?

- Ouais, j’ai ma petite idée.


Le peloton Sirius avait passé sa journée à remorquer des trains qui tombaient inexplicablement en panne autour de la jonction A-12456. D’après Akatsuki, une étoile mourante en était la cause. Le refroidissement de cette gigantesque boule de gaz aurait déstabilisé la courbe de l’espace, générant ainsi ces incidents.


- Je vais bien dormir ce soir, déclara Manabu.

- Y’en a qui devraient suivre ton exemple, lâcha David en regardant tour à tour Bruce et Reiko.

- Sois pas jaloux. Tu feras pareil quand tu retrouveras ta jolie fleur.

- Bruce !

- Koko, on trompe personne ici.


Elle piqua du nez sur sa console, se sentant étrangement mise à nue.


- Je ne sais pas quel coin de l’univers elle écume en ce moment. C’est plutôt mal barré.

- Vous êtes en service messieurs, les rappela à l’ordre le Commandant, portant ainsi secours à sa pilote.


Destiny étant encore éloignée, le silence s’installa dans la “control room”. Reiko en profita pour démarrer le check up des eagles. Une fois n'est pas coutume, elle avait des plans pour la soirée, incluant une balade en ville et un dîner aux chandelles, très certainement suivis d'une nuit agitée. Elle était donc pressée que la mission se termine enfin.

Une alarme stridente retentit alors dans le wagon de commandement, troublant sa rêverie.


- Qu’est-ce que c’est ?, questionna Bulge.

- Altération système central, répondit Louise.

- Notre niveau énergétique baisse drastiquement, les informa Manabu.


Reiko jeta une œillade par-dessus son épaule.


- À ce rythme, on va bientôt être plongés…


La lumière s’éteignit et les consoles cessèrent de fonctionner.


-... Dans le noir, compléta–t-elle, sidérée.

- Nous n’avons plus accès à rien. Tout est HS, y compris les moteurs.

- Bien joué, Sherlock Yuuki, on n’avait pas remarqué que le train s’était arrêté, railla le sniper.

- C’est dû… À l’étoile ?, commença Reiko, mais on est pourtant à bonne distance…

- Aussi résistant que soit Big1, j’imagine qu’il ne pouvait pas y couper, expliqua David. Il a été exposé trop longtemps à ce dérèglement magnétique.

- Reboot des systèmes, Bruce, ordonna le Commandant.

- Négatif, nous n’avons pas accès.

- On doit se faire remorquer, constata Reiko, dépitée, voyant la perspective de sa belle soirée s’envoler.

- Louise, les radios ?

- Je pense qu’il est possible de communiquer avec le QG.

- Expose leur notre situation et sollicite l’intervention d’une unité.

- Compris !

- Au moins, on a eu le temps de déposer les passagers du 478 sur Herise, dit Manabu.

- Ouais, c’est déjà ça, abonda Reiko.

- Message envoyé. Nos émetteurs sont composés d’électro-aimants, ils ne sont donc pas affectés par l’avarie.

- On n’a plus qu’à patienter, lança David, alors que Yûki se glissait à tâtons dans la “control room”.


***


- Comment ça “durée indéterminée” ?

- Ça veut dire que personne ne viendra avant un moment, benêt, répliqua Bruce, exaspéré.


David appuya sa tête sur le manche de navigation.


- Je peux pas le croire. On est bloqués depuis près de trois heures.

- Au cas où tu l’aurais oublié, d’ordinaire c’est nous “les secours”.

- Nous ne sommes pas prioritaires, signifia Bulge.

- Ben voyons, grogna l’artilleur, irrité que ses plans soient contrariés. Le contraire m’aurait étonné.

- Si encore on n'était pas coincés dans l’obscurité, soupira Louise.

- C’est angoissant, répondit Reiko.


Elle perçut du bruit derrière elle et une main effleura sa joue, hésitante.


- Tu me fais une place ?


Reiko se leva et, une fois Bruce installé, elle s’assit sur ses genoux, goûtant à sa présence rassurante.


- Hé ho, pas de bêtise vous deux. On est là.

- Tais-toi, David.


La jeune femme se pelotonna contre son amant, humant son odeur, mélange improbable de métal et de résineux.


- Si tu veux dormir, ne te prive pas, chuchota-t-il en lui caressant les cheveux. Quelque chose me dit qu’on n’est pas tirés d'affaires.

- D’accord, accepta-t-elle en baillant.


Elle n’aurait su dire combien de temps elle avait somnolé lorsqu’un grésillement la sortit de sa torpeur.


“... Aide… Vous avez besoin d’aide ?”

- Louise, augmente le son  !

- Oui !

“Est-ce que vous nous recevez ?”

- Sans mes consoles, je suis incapable de déterminer la provenance ou la localisation de cette communication.

- Ouvre le canal.

- C’est fait.

- Ici Schwanhelt Bulge, Commandant de la section Sirius de la Space Defence Force. Qui êtes-vous ?

“Bulge ? Tiens donc, comme on se retrouve.”


Reiko se redressa en hoquetant, faisant par là-même sursauter son petit ami.

Elle aurait reconnu cette voix entre mille.


- Wawa ? C’est toi ?

“.... Koko ?! Tu vas bien, princesse ?”

- Okay, c’est bon, c’est lui.

“ Que vous est-il arrivé ?”

- Avarie énergétique, répondit Bulge laconiquement. Big1 est à plat.

“On vous remorque jusqu’à…. Destiny ?”

- Si c’est dans vos moyens, ça nous rendrait service.


Une longue crise de toux avait interrompu Zero. Préoccupée, la pilote se mordit les lèvres. 


- Warrius ? Tu es malade ?

“C’est rien, t’en fais pas. Puisque vous êtes totalement immobilisés, on vous amarre avec nos câbles et je déploie un pont de liaison.”

- Merci, on vous attend.


Moins de dix minutes plus tard, le train fut secoué par le processus d’amarrage.

 

- Allons-y.


Les membres du peloton Sirius quittèrent la salle de commandement, essayant de ne pas se cogner les uns aux autres.

L’une des portes de la première voiture s’entrouvrit et ils plissèrent les yeux face au rai de lumière qui illumina les alentours.


- Warrius, souffla Reiko.

- Salut princesse. Bulge.


Elle s’avança en clopinant et serra le Commandant Zero contre elle, luttant pour retenir ses larmes.


- Content de te revoir.

- Moi aussi.

- T’as mauvaise mine. T’es souffrant ?

- On a un sale virus qui traîne sur le Karyû. Rien qui ne doive t’affoler, ajouta-t-il devant sa mine défaite.

- Ouais, tu devrais lâcher du lest. Tu travailles trop !


Il se gratta le cuir chevelu et un sourire fatigué se peignit sur son visage.


- On croirait entendre Marina.

- Ah ben tu vois. Tu devrais l’écouter.

- Tu me connais.

- Justement. 


Schwanhelt Bulge toussota pour attirer leur attention, écourtant ainsi les retrouvailles.


- Désolé du dérangement. Nous apprécions votre aide.


Warrius balaya ces excuses d’un geste de la main.


- C’est sur notre route. Et si je peux profiter de Koko, c’est gagnant-gagnant, dit-il en croisant son majeur et son index. Suivez-moi, je vous en prie.


Reiko attrapa le bras de Zero.


- T’es tout pâle. Tu manges assez ? J’ai l’impression que t’as maigri.

- T’inverses pas les rôles ?

- Wawa, je rigole pas. Tu m’inquiètes vraiment.

- Il ne faut pas, voyons.

- Vu ton état, j’ai même plus envie de te rentrer dans le lard, dit-elle en pénétrant dans l’un des hangars du Karyû.

- Tiens donc ? Et qu’est-ce que j’aurais fait pour mériter ça ?

- Je suis au courant que t’as tout balancé au Commandant, ronchonna-t-elle. Je voulais pas qu’il ait pitié de la pauvre petite orpheline des rues et maintenant je suis persuadée que c’est ainsi qu’il me voit. 

- Il est persuasif. 

- Mouais.

- Son jugement ne se résume sûrement pas à ça…, dit-il en se raclant la gorge.


Il se plia en deux, crachant ses poumons.


- Wawa ! Tu as mal ?


Yûki s’approcha rapidement.


- Laissez-moi vous examiner.

- Pas la peine, c’est qu’une grippe. Montons à la passerelle.


Alors qu’ils cheminaient au travers du dédale des corridors du vaisseau, ils constatèrent que Warrius était vraisemblablement le plus en forme. Ils étaient nombreux à errer tels des zombies, fiévreux, le regard vide.


- Mettez ces masques, ordonna Yûki en déverrouillant sa mallette. Cette maladie semble contagieuse. Y’a-t-il un médecin à bord ? Je peux l’assister.

- Le Docteur Machiner. Il ne refusera pas un peu de renfort. Comme vous le voyez, la situation actuelle est délicate.


Soucieuse, Reiko ne lâchait pas son ami d’une semelle, tâchant d’ignorer les robots qui les saluèrent pourtant avec déférence. 

Idéaliste dans l’âme, le Commandant prônait l’égalité et l’entente entre les races. Bien que la Terre soit actuellement sous le joug des humanoïdes, il ne tolérait aucune discrimination à leur égard. Sur le Karyû, chacun était logé à la même enseigne. Cette aspiration n’était pas du goût d’Harlock, qui considérait les êtres mécanisés comme des envahisseurs sans foi ni loi qui répandaient le sang et la misère dans leur sillage. Malgré leurs divergences d’opinion, les deux hommes s’étaient finalement liés d’amitié puisqu’ils partageaient le même objectif : défendre la Terre au péril de leur vie.

En tant qu’agent de la SDF, Reiko s’efforçait de passer outre cette vision manichéenne, mais les événements qui s’étaient récemment déroulés au sein du Galaxy Railways ne lui avaient pas facilité les choses. 

“Il existe sûrement de nombreux “Jeff de Tabito” parmi les humanoïdes mais il y en a davantage qui souhaitent l’extermination pure et simple des humains.”

La seule qui faisait exception et trouvait grâce aux yeux de Reiko s’appelait…


- Marina !


Ils débouchèrent sur la passerelle et une jeune femme à la chevelure bleue mi-longue, vêtue d’une tunique rose, fit volte-face. Les traits tirés, elle paraissait à bout de nerf. Sa bouche forma toutefois un fin sourire.


- Reiko, quelle bonne surprise.

- Marina, tu m’as manqué !, s’écria-t-elle en l’étreignant brièvement.

- Comment vas-tu ? La Space Defence Force, n’est-ce pas ? C’était un choix… Inattendu.

- Je vais bien. Oui, c’est… Une longue histoire. Par contre ici…

- On fait face à une épidémie sans précédent. Oh, je suis grossière, je ne me suis pas présentée. Marina Oki, je suis la seconde du Karyû et actuellement apprentie infirmière.

- Schwanhelt Bulge, je dirige le peloton Sirius.

- Oh, c’est donc vous, dit-elle en jetant un bref coup d'œil à Warrius. J’ai beaucoup entendu parler de vous.

- Je n’en doute pas.


Reiko détailla Marina. Elle n’avait pas changé. Cependant, malgré son apparence humaine, elle était aussi humanoïde. Originaire de Miraï-Celia, elle avait été mécanisée contre son gré alors qu’elle n’était qu’une enfant. Néanmoins, elle n’était pas constituée d’un alliage de vis et de boulons mais d’un élément issu du vivant…. L’eau qui remplaçait le sang dans ses veines ne l’avait pas privée de son cœur et de son âme. Au grand étonnement d’Harlock, Reiko n’avait jamais éprouvé d’antipathie ou de rejet vis à vis de la femme de Warrius. Au contraire, elle l'assimilait davantage à une figure maternelle, notamment en raison de la douceur et de la tendresse dont elle avait su faire preuve pour apprivoiser une fillette aussi traumatisée que sauvage.

Marina mise à part, Reiko n’avait jamais apprécié le reste de l’équipage robotique du Karyû et ses séjours à bord de celui-ci avaient toujours été brefs et ponctuels.


- Où sont Ishikura et Raï ?


Elle tendit le cou à la recherche de ses vieilles connaissances.


- Je ne vois ni Grenadier ni Unabara… Et Nobara…

- Tous cloués au lit à l’infirmerie. Nous ne fonctionnons qu’avec 50% de nos effectifs.

- N’hésitez pas à nous solliciter, assura Bulge. Mon unité et moi-même sommes à votre disposition.

- Je vous remercie, il…


Zero s’effondra, terrassé par la grippe qui avait mis à mal ses soldats.


- Wawa !

- Warrius !


Reiko et Marina s’agenouillèrent dans un parfait ensemble à côté du Commandant.


- Son front est brûlant !, s’alarma la première.

- Laisse-moi la place.


Yûki mit un genou à terre et déballa son matériel médical.


- Il faut impérativement qu’il se repose. Pouvez vous l’emmener dans son lit pour que je l'ausculte ?

- Bruce, ordonna Bulge.

- Je m’en occupe.

- Je dois rester ici pour superviser, soupira Marina. Nous allons faire halte sur Destiny, nous n’avons pas de meilleure alternative. Est-ce que ça serait un problème… ?

- Absolument pas.

- Bien, merci de votre compréhension.


Reiko posa une main qui se voulait rassurante sur le bras de Marina.


- Je vais veiller Wawa. Sois tranquille.


Elle acquiesça.


- Destiny est à quelques heures d’ici. Acceluder, modifie notre cap.

- David peut vous aider à la navigation et Louise maîtrise l’utilisation d’un large éventail de radars.

- Ce n’est pas de refus.

- Manabu, trouve ce docteur et assiste-le du mieux possible. Yûki te rejoindra quand elle aura terminé avec Zero. Quant à moi, je peux vous seconder si vous en avez besoin.

- Je me charge de lui, déclara Bruce en soulevant le Commandant. Reiko, tu sais où se situe sa cabine ?

- Oui.

- Ne traînons pas, il est dans un sale état.

- Je te permets pas morveux, marmonna Warrius à voix basse.

- Il est conscient, dépêchons-nous, intima l’infirmière.

- Phase Breaker, accompagne ce jeune homme vers le Docteur Machiner.

- À vos ordres, répondit l’humanoïde. 

- Reiko, Bruce, allez-y.

- Tu peux le porter seul ?

- Oui, c’est bon, vérifie juste qu’il ne glisse pas de mon dos.

- D’accord.


Ils sortirent de la passerelle tandis que la tête de Warrius dodelinait sur l’épaule du sniper.


- Je vous ordonne de me ramener là-bas. Mes hommes…

- Sauf votre respect, vous êtes plus en mesure d’ordonner quoi que ce soit, rétorqua Bruce.

- L’insolence est punie… Sur ce… Vaisseau.

- Encore une fois, sauf votre respect, vous n’êtes pas mon supérieur. Donc j’ai pas à obéir. Fin de l’histoire. Et en plus, vous êtes incroyablement lourd. 

- Bruce !, gronda Reiko.

- C’est vrai.

- C’est pas… Une raison pour le lui faire remarquer. Hé ne t’endors pas, Wawa ! Reste éveillé. Insulte Bruce si ça te fait du bien.

- Hé ! Pourquoi moi ?

- Tu te poses vraiment la question ? 

- Pourquoi… T’as choisi… Ce sale… Morveux, hein ?

- Qu’est-ce que tu as dit Wawa ? J’ai pas entendu.

- Il délire, laisse tomber.

- Dans mes souvenirs, c’était ici, annonça-t-elle.


Yûki ouvrit le battant et ils débouchèrent dans une vaste cabine sobrement meublée. Un large bureau trônait au centre de la pièce, sur lequel étaient disposés une carte, un journal et une lampe.


- Ici, ça fera l’affaire, trancha le sniper.


Il allongea le malade avec toute la délicatesse dont il était capable.


- Voilà, à toi de jouer Yûki.


Reiko observa avec anxiété l’infirmière prendre la situation en main. Elle fit quelques prélèvements, notamment salivaires, et elle injecta un produit dans les veines de son patient.


- Qu’est-ce que c’est ?

- Antibiotique à large spectre. Si l’infection est virale, ce sera inefficace et il n’y aura rien d’autre à faire, si ce n’est surveiller son état et l’hydrater. Et surtout du repos. Il ne doit bouger d’ici sous aucun prétexte. Des antidouleurs, Commandant ?

- Inutile.


Les yeux fermés, il luttait contre l’inconscience. Des gouttes de transpiration ruisselaient de sa peau et, malgré sa température corporelle élevée, il tremblait de tous ses membres.


- Enlevons-lui sa veste, il sera plus à l’aise.

- Je le maintiens, vas-y.


Bruce redressa Zero et Reiko batailla pour ôter le long manteau gris et jaune.


- Reiko, conduis moi à l’infirmerie. Je souhaiterais rencontrer ce médecin.

- Oui, évidemment. Allons-y, maintenant. Bruce est-ce que… ?

- Je t’attends et je fais les trucs que Yûki a dit qu’il fallait faire. Pas de problème. 

- Je reviens vite.

- Hum.


L’artilleur les suivit du regard jusqu’à ce que la porte se referme dans un claquement brusque. Il tira alors un tabouret jusqu’au lit de Warrius.


- C’est donc toi… Bruce ?

- Vous avez entendu parler de moi ?

- Pas… Qu’un peu.

- C’est le pirate, c’est ça ? Qu’est-ce qu’il vous a raconté au juste ?


Le Commandant grimaça.


- T’as du cran… De sortir avec elle…

- Je me fiche de l’avis d’Harlock si c’est ce que vous insinuez. Et du vôtre.

- Si tu… La blesses…

- C’est pas mon intention, même si c’est pas vos oignons.

- Si tu… La fais pleurer… Ça le deviendra.

- Vous devriez arrêter de jacasser et essayer de dormir. Allez, buvez.


Il souleva la tête de Zero et lui fit ingurgiter quelques gorgées d’un verre relégué dans un coin du bureau.


- C’est pas de l’eau mais ça vous fera pas de mal.

- Je préfère ça.


Reiko se faufila dans la chambre quelques instants plus tard.


- Alors ?

- Il est toujours en vie. Il s’est endormi.

- C’est pas drôle

- Chaton, il a juste une mauvaise grippe. Il ne va pas mourir. Hé… !


Des larmes roulèrent le long des joues de la jeune femme.


- Hé ne pleure pas.

- Je ne veux plus perdre personne. Plus personne.

- Ça n'arrivera pas. Je te le promets.

- Ne fais pas de promesses que tu ne peux pas tenir.

- Je la tiendrai, viens vers moi.


Il l’attira contre lui.


- Si ce gars est important pour toi, on bougera pas d’ici tant qu’il n’ira pas mieux, d’accord ?

- O… Oui.


Warrius émergea difficilement.


- T’as fait… Pleurer ma Koko ? Je vais… Je vais…

- Ne vous excitez pas, Commandant. En fait, c’est plutôt vous le responsable.

- Hein… ? Koko… Non…

- Hé, restez allongé bon dieu !

- Ne me touche pas gamin. Princesse, je vais pas t’abandonner. C’est promis. Je partirais pas… Avant ce fichu pirate. D’ailleurs je me sens…. Un peu mieux. 


Bruce arracha son gant avec ses dents, écarta les mèches brunes et posa une main sur le front trempé de sueur.


- C’est vrai. L’intuition de Yûki était bonne.

- Vrai… Vraiment ?

- Est-ce que j’ai pour habitude de te mentir ?

- N-non.


Ils patientèrent encore deux bonnes heures avant que son état se stabilise et ne soit plus inquiétant. Blottis l’un contre l’autre, Bruce et Reiko somnolaient. Il furent réveillés en sursaut par des cognements contre la porte.


- O.. Oui !


Ils se levèrent précipitamment quand ils reconnurent Schwanhelt Bulge.


- On va entrer dans l’atmosphère de Destiny. Comment va-t-il ?


La respiration de Warrius était redevenue régulière.


- Ça ira. Et le reste de l’équipage ?

- Dans le coltard mais les soins de Yûki et du Doc ont l’air de fonctionner. J’ai prévenu nos équipes médicales sur place et la SDF va prendre le relais.

- Merci, Commandant.

- Bien, nous allons assister la Seconde Oki pour l’évacuation des malades. Vos bras ne seront pas de trop.

- On vous suit. Reiko ?


Elle acquiesça.


- Oui, au boulot.


***


- C’était le dernier ?

- Oui.


Reiko s'affala sur un banc.


- On aurait dû refuser leur aide. Finalement, ils ont eu plus besoin de nous que nous d’eux, lâcha Bruce en ignorant le regard noir de sa petite amie.

- Je suis claqué, intervint David. Le personnel soignant du QG ne va pas nous remercier sur ce coup là.

- Je te rappelle que notre travail c’est de porter secours aux voyageurs de l’espace. Qui qu’ils soient et où qu’ils se trouvent.

- Tu dis ça parce que tu les connais. Et, jusqu'à preuve du contraire, cette loi ne concerne que ceux qui voyagent à bord d’un train. Et ce mastodonte là bas, s’en est visiblement pas un.

- Faux. Je dirais ça même si je ne les connaissais pas, gros malin. Où sont Louise et Manabu ?

- En renfort à l’infirmerie.

- Je vais les rejoindre, affirma Reiko en bondissant sur ses pieds.

- Tiens, mais ce ne serait pas… ?, commença l’ingénieur.


La pilote plissa du nez.


- Il est irrécupérable ma parole.


Warrius marchait en titubant, soutenu par Bulge et par Marina. Sa casquette masquait la moitié de son visage et son manteau pendait mollement à son épaule. Il paraissait essoufflé.


- C’est quel mot que t’as pas compris dans “pas bouger d’ici sous aucun prétexte” ?

- Je suis le Commandant, ça signifie que j’ai le devoir de demeurer auprès de mes hommes, grogna-t-il.

- Marina !

- Tu penses bien que j’ai déjà essayé. C’est une tête de mule.

- La fièvre ?

- Elle a baissé, l’informa la Seconde.

- Tant mieux.


Reiko croisa les bras, contrariée que Warrius n’obéisse pas aux indications de Yûki.


- Nous allons passer la nuit ici. Votre Commandement a eu la générosité de nous proposer un hébergement jusqu’à ce que l’air à l’intérieur du Karyû se purifie de ses germes.

-  Va immédiatement t’allonger, Wawa, insista-t-elle.

- Je suis désolée mais je crains de devoir vous retenir. J’espère que vous ne m’en voudrez pas.


Une femme à la silhouette longiligne s’avança. Ses longs cheveux blonds flottaient dans la brise légère nocturne et elle tenait une valise en cuir usé dans sa main gauche.

Sa robe noire se fondait dans l’obscurité, ce qui mettait en évidence son teint pâle et ses grands yeux bleus.


- Mae… Tel.

- Bonjour, Koko. Warrius, Marina. Ça faisait longtemps.

- Quelle… Surprise.

- Vraiment ?


Reiko frotta ses paumes contre son pantalon en toile.

Si Maetel était ici, c’est que certaines de ses craintes étaient probablement fondées.


- Je devais m’entretenir avec Layla mais, si vous avez un endroit tranquille, ce n’est pas plus mal que vous entendiez tous ce que j’ai à vous révéler.

- La salle de pause de mon peloton est à votre disposition, répondit simplement Bulge.


*** 


L’unité Sirius au complet, Warrius et Marina, pénétrèrent dans la grande pièce. Les uns s’installèrent dans les canapés, les autres sur les chaises pendant que Maetel se plaçait au centre de cercle.


- Tetsuro n’est pas avec toi ?, l’interrogea Reiko.

- Non, il est avec Harlock.

- Harlock ?, répéta-t-elle, ébahie.

- Oui.


“Ça n'augure rien de bon.”


- De quoi vouliez-vous nous parler ?, demanda Schwanhelt Bulge, tendu.

- Les attentats du Galaxy Railways.


Reiko serra les poings.

“Ne le dis pas. Ne le dis pas. Ne le dis pas.”


- Je pense connaître l’origine des commanditaires.


Les mâchoires de Manabu manquèrent de se décrocher.


- Et je ne suis pas la seule si j'en juge par l'analyse que tu m'as transmise, n’est-ce pas Reiko ?


Bruce posa une main sur sa cuisse tandis que le Commandant Bulge se retournait vers elle en haussant un sourcil intrigué. La pilote déglutit difficilement. Elle n’avait qu’une envie : disparaître sous les dalles du carrelage.


- Je… Je… J’avais… Des soupçons mais… Pas de preuve.

- Vous évoquez les attaques récentes des stations ?

- Vous étiez donc au courant, Zero, constata Maetel avec un sourire mi-figue, mi-raisin.

- Evidemment.

- D’après moi, vous êtes confrontés à eux depuis un certain temps, reprit-elle à l’intention du peloton Sirius.

- “Eux” ?

- Les humanoïdes. Et plus précisément l’armée de Râ-Métal, ma planète natale.


Un long frisson parcourut le dos de Reiko.

“Pas elle… Pas elle…”

Son cerveau se mit en stand-by pour digérer l’information.


- Ils ont tenté une première fois de vous entraver sur la planète de glace.

- Yoru et Oparu, se remémora Manabu. Les femmes robots.

- Oui, exactement. Et vous les avez rencontrés à nouveau sur Heavy Melder.

- Le métal à vibration électrique, se rappela David.

- Oui. Mon ami est actuellement à bord de l’Arcadia pour en apprendre davantage à propos de celui-ci car de nombreuses données nous échappent encore. Il semblerait que ce composant possède d’autres propriétés déconcertantes.


Elle marqua un silence.


- Vous avez fait un arrêt sur Hal’wasa si je ne m’abuse.

- Exact.

- La tentative d'empoisonnement de ce couple était sûrement du fait de Râ-Metal. Il espérait obtenir l’immortalité en échange…

- De notre mortalité, argua Bruce. 

- En effet. Quant à l’attaque du Galaxy Express 999, elle visait manifestement à m’emmener de force sur Râ-Métal.

- Pourquoi vous en particulier ? Et pourquoi vos dirigeants auraient-ils attaqué nos stations ?, questionna Bulge.

- Maetel.


Les épaules de Reiko tremblaient.


- Est-ce qu’elle est revenue ?, demanda-t-elle d’une voix suraiguë. Est-ce qu’elle est revenue d’entre les morts pour se venger ?

- Mais de qui parles-tu ?, s’enquit Bruce, perplexe.

- De ma mère. La reine des humanoïdes. Râ Andromeda Promethium.


Maetel pinça les lèvres alors que Reiko se décomposait.

“Ce nom me provoque encore des terreurs nocturnes.”


- Je ne peux pas affirmer qu’elle est de retour mais je ne vous cacherai pas que cette probabilité est plus qu’envisageable. J’ai conscience que ce n’est pas facile à accepter, Reiko, mais tu le sais depuis un moment déjà, non ?

- Pourquoi tu ne m’as pas confié tes soupçons ?

- Je… Je… Je ne pensais pas que vous me croiriez, Commandant.  Excusez-moi, dit-elle en baissant les yeux. Maetel, est-ce que Harlock… ?

- Il prend la menace au sérieux et il se consacre à la surveillance de Râ-Métal et de ses agissements. Nous planifions une infiltration sur place mais leurs dispositifs de sécurité nous compliquent la tâche.

- Je vois où vous voulez en venir, mais je suis dans l’incapacité de vous aider.


Warrius Zero réprima une quinte de toux.


- Si nous nous mêlons de cette histoire, cela créera des dissensions au sein de mon équipage. Qui plus est, nous sommes étroitement contrôlés par le gouvernement terrien qui reçoit ses ordres des humanoïdes. Je suis pieds et poings liés et je ne vous serai d’aucune utilité.

- Je m’en doutais, Zero, mais il est essentiel que vous possédiez ces renseignements. Vous serez plus à même de veiller sur la Terre en ayant connaissance de cette potentielle menace.

- Je resterai à l’affût, comptez sur moi.

- Je ne comprends pas le rapport avec notre Compagnie, les interrompit Bulge.

- Pouvez-vous afficher un hologramme du Galaxy Railways ?

- Bien sûr.


Les lumières se tamisèrent et une sphère se matérialisa au centre de la salle de pause.


- Cette projection représente nos trains et nos installations en temps réel.

- La Compagnie des Chemins de Fer Intergalactiques relie les planètes entre elles, permettant ainsi aux hommes et à toutes les races extraterrestres de voyager, de commercer ou de travailler. Elle peut être assimilée à l’appareil cardiovasculaire de l’univers et les trains sont le sang qui circule dans ses veines. Si les artères se rompent, le système est paralysé et le corps finit par mourir.

- Vous voulez dire qu’en s’en prenant au Galaxy Railways, ils espèrent déstabiliser voire anéantir les connexions entre les peuples pour annihiler toute tentative de résistance ?

- C’est ma théorie, oui. Le Galaxy Express 999 a toujours été dans leur collimateur. Mais cette fois-ci ils visent plus grand.

- Avez-vous des preuves ?, continua Bulge.

- Hormis tout ce que je viens de vous énumérer, le métal à vibration électrique est assurément la clef de nos interrogations. L’ingénieur de l’Arcadia, Yattaran, ainsi que Tetsuro essaient de percer le mystère de ce composite.

- Le petit gars énervé avec son poncho ?, intervint Manabu.

- Celui-là même.


Reiko grattait nerveusement son poignet et il fallut que Bruce emprisonne ses doigts dans les siens pour qu’elle cesse de se labourer la peau.


- Promethium… , balbutia-t-elle, perdue. Promethium…

- Reiko, l’appella doucement Maetel. S’il s’agit bien de son œuvre, nous empêcherons les événements du passé de se reproduire.

- Toutes ces disparitions… Ces meurtres… Les enfants… Mes amis… Kidnappés… Tués…

- Cette fois, nous serons préparés. Et si Harlock et Zero joignent leurs forces pour protéger la Terre, son peuple sera préservé.

- On va aller prendre l’air, trancha le sniper. Ici, c’est étouffant. Lève-toi. 


La jeune femme se laissa faire, trop accablée pour protester. Warrius la suivit du regard, maussade.

Il savait que ces révélations réveillaient de douloureux souvenirs qu’il aurait mieux valu garder enfouis.


- C’est assez pour ce soir, conclut Schwanhelt Bulge. Commandant, Marina, je vais vous accompagner jusqu’à votre chambre. Maetel, avez-vous un endroit où loger ?


Celle-ci acquiesça.


- Très bien.


Il se tourna ensuite vers son unité.


- Fin de service. Rentrez et essayez de fermer l'œil. La nuit porte conseil et nous avons tous beaucoup d’informations à digérer. 


Alors que les lieux se vidaient, Bulge retint Maetel par le bras


- Savez-vous pourquoi ma section est-elle visée parmi toutes celles que compte la SDF ? 

- Je me suis posée la même question. D'après moi, Big1 est un symbole. Le chien de garde de la Galaxie. S'il vient à tomber, c'est toute la Compagnie qu'il entraînera avec lui dans sa chute. 


***


Reiko haletait, peinant à conserver son calme.


- Respire profondément. Voilà. Inspire. Et expire.

- C’est horrible… Je m’en doutais mais l’entendre de la bouche de Maetel rend la chose bien plus réelle.


Bruce s’appuya contre un mur recouvert de lierres, contemplant le patio central du Quartier Général dans lequel fleurissaient quelques fleurs automnales.


- Chaton, dis-moi la vérité. Cette femme…

- Ce robot sans âme. Cette abomination. Cette harpie.

- Si tu veux. Qu’est ce qu’elle t’a fait pour te mettre dans de tels états ? Est ce que c'est lié à ce que tu m'as raconté ?


La pilote joignit ses mains contre sa poitrine et s’agenouilla pour humer le parfum d’un lys.


- Elle m’a enlevée et a tenté de me mécaniser par la force.

- Pardon ?, s’étouffa-t-il.

- Je vivais déjà sur le Death Shadow. C’était le vaisseau d’Harlock avant que l’Arcadia ne soit achevée. J’ai pas la force de te narrer toute l’histoire ce soir. Sache seulement que c’est Maetel qui m’a tirée des griffes de cette sorcière. Que ce soit sur Terre ou dans l’espace… Les humanoïdes… Ils n’ont jamais arrêté de me poursuivre.

- Zero… Il ne l’a pas mentionné au Commandant. Est-ce qu’il sait… ?

- Bien sûr, il a dû se joindre aux recherches mais Maetel a été la plus rapide. Et s’il n’a rien dit c’est qu’il n’est pas totalement le sale mouchardeur grippé que je croyais qu’il était.

- Et si on allait chez moi ?

- Je dois…

- Tu les verras demain. Ils ne partiront pas sans te saluer.


Elle hocha la tête.


- C’est plutôt raté pour la soirée romantique, lança Bruce.

- Oui, désolée.

- C’est pas de ta faute, espèce de nouille, dit-il en l’attrapant et en la chargeant en travers de son épaule.

- Hé, qu’est-ce que tu fais ?, dit-elle mollement.

- Je porte ma copine quand elle est écrasée par le poids de ses soucis.


Un petit sourire se dessina sur le visage de Reiko.


- Tu n’auras pas assez de forces pour ça.

- On parie ? 


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