Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 2)

Chapitre 4 : Un nouveau monde

6398 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 22/06/2019 00:48

Episode 26.1 : Où suis-je ?

 

Au loin, sur la tour de Tokyo, une silhouette la fixait, immobile, puissante et solennelle. Sa longue chevelure flottait en ondulant majestueusement dans l’air chaud. Sakura fit un pas et se retrouva soudain au bord du toit d’un bâtiment, le sceptre entre les mains et Kero à ses côtés.

- Courage, Sakura, lui souffla ce dernier.

- Mais...

Elle reconnut parfaitement les cartes qui virevoltaient de manière désordonnée autour d’elle et le sceau qu’elle fixa pour reprendre courage.

- Le sceptre de Clow...

La lune disparut peu à peu dans l’obscurité opaque du ciel et les ténèbres tombèrent sur la ville.

- Sakura, lança une voix froide et grinçante. Tu me reviens. Tu ne peux rien contre moi. Je suis tout, je suis toi, je suis tes amis, tu ne peux lutter contre quelqu’un qui est partout, qui est tout le monde, qui est tout. Et je te tuerai. Car mon règne arrive.

Kero s’avança en rugissant et Yue se posa près d’elle. Elle dévisagea l’être ailé et fronça les sourcils.

- Nous sommes là, chasseuse, assura le fauve du sceau.

L’individu qui se tenait dans le lointain leva un bras et un violent trait de lumière transperça les deux gardiens.

- Aaaaaaaaaaah !! 

Sakura sursauta dans son lit. Elle bondit et se figea, assise, le souffle court.

- Un rêve. Ce n’était qu’un rêve...

Kero sortit de son tiroir, une énorme bosse sur le front :

- Tu ne peux pas arrêter de crier ?!! Je me suis cogné en sursautant !

- J’ai encore fait un rêve. Un nouveau... Terrifiant. Mais je n’étais pas seule cette fois et tu...

- Qu’est-ce qui s’y passait ?! approcha-t-il, intéressé.

- Je... hésita-t-elle en le dévisageant, sur le bord du lit. Non... non, ce n’est sûrement rien.

Elle aperçut son réveil au-dessus de la peluche et son sang se figea :

- Il faut que je me prépare !!!

Elle tourna rapidement dans sa chambre puis dévala les marches quatre à quatre.

- Je ne déjeune pas, Maman, je suis déjà en retard...

Une voix de femme surgit du salon :

- Ce n’est pas sérieux...

- Je sais, répondit-elle en jetant un regard embarrassé vers la femme qui arrivait avec le panier-repas.

- N’oublie pas de déjeuner, Sakura... Fais vite, tu vas être en retard.

- Oui. Merci.

- A ce soir, ma chérie, lui sourit la femme en s’éloignant vers la cuisine.

Sakura eut un moment d’égarement et demeura figée sur le couloir sans s’en rendre compte, les mains posées sur les crochets de ses patins. On frappa derrière elle et elle répondit sans trop y songer. La porte pivota et Lionel passa la tête dans l’ouverture.

- Qu’est-ce que tu fais assise par terre ? On est de corvée aujourd’hui...

- Oui, je... je...

- Allez, étourdie !

 

Ils filaient sur leurs rollers. Le lycée serait bientôt en vue.

- Au fait, lui souffla Lionel en prenant sa main. Ne lui dis rien, s’il te plaît. Je ne me sens pas encore prêt...

Elle lui adressa un clin d’œil et les joues du garçon virèrent à l’écarlate.

- Evidemment, je sais tenir ma langue. Mais je continue à penser que vous devriez vous parler...

- Chut, lui fit-il, elle nous attend au portail.

Tiffany leur fit signe, ils s’arrêtèrent et la saluèrent.

- Nous avons encore beaucoup de temps avant le début des cours, sourit la jeune fille, c’est bien...

Sakura sourit en les voyant se fuir mutuellement du regard. Elle prit rapidement congé de ses deux amis et s’élança vers le bâtiment en les abandonnant à leur timidité. Elle était heureuse d’avoir mené son amie sur la voie de l’amour. Du grand Amour !

 

Le cours de sport de l’après-midi arriva vite. Saut de cheval pour tout le monde. Sakura arrondit le dos et Sonya passa une main autour de ses épaules :

- Ne te fais donc pas de soucis. Tout ira bien...

- Tu peux parler, toi. Moi, je suis nuuuulle !!

- Il faut simplement que tu y croies. C’est tout.

- Y croire... soupira Sakura. C’est facile à dire...

- Sakura Gauthier, l’appela leur professeur.

- Oooooh...

L’adolescente prit place face au cheval, à une dizaine de mètres, et fixa le trampoline. Se concentrer avait dit Sonya. Sakura jeta un regard vers Tiffany et celle-ci croisa les doigts pour elle.

 

Deux ombres se glissèrent au bord du toit :

- Elle peut réussir, d’après toi ? demanda la silhouette la plus fluette.

- Ce n’est pas un test probant, clama l’homme au manteau sombre. Je crois simplement que c’est elle. C’est plus fort que tous les tests que je pourrais lui faire passer.

- Tu es toujours sûr de toi...

- Celle-qui-sait ne t’a-t-elle pas dit de suivre ton cœur ?

 

Concentration. Respiration et concentration...

Sakura s’élança et parcourut rapidement la distance qui la séparait de son espace de saut... Elle prolongeait chacun de ses pas avec ses bras et chacun des battements dans l’air devenait plus précis. Elle sentait l’air lui apporter le bien-être en parcourant ses poumons. Un sentiment de calme la traversa alors et elle devina parfaitement l’instant où elle devait lancer ses mains, bondir sur la toile tendue, plier les genoux et accentuer son saut. Elle rencontra le trampoline qui rebondit bruyamment sous elle. Ses jambes s’envolèrent en une chandelle très réussie et elle inversa ses mains alors que ses pieds frôlaient le sommet de leur trajectoire. Les yeux étaient fixés sur elle et elle retomba de l’autre côté du cheval, heurta violemment le sol et plia légèrement les genoux avant de lever un bras pour la position de sortie.

Un silence s’ensuivit et elle se tourna vers son professeur, surpris.

Une salve d’applaudissements s’éleva de la classe, enjouée et ravie de cet inhabituel exploit de la part de la jeune fille.

- Bien, fit l’homme dont le sifflet était encore pendu à ses lèvres. La... la suivante ?

 

- Tu vois. Elle va s’ouvrir à son rôle petit à petit. Il lui faut un guide, souffla l’homme.

- Quand l’approchons-nous ?

Il secoua la tête:

- Elle viendra vers nous. Je lui apprendrai.

- Alors c’est elle, l’élue ?

- Si ce n’est pas le cas. Ce monde s’éteindra... assura-t-il fermement, comme si la supposition précédente n’avait pas lieu d’exister. Cette fois, pas d’échappatoire !

 

- Maman ?! cria-t-elle dans la maison en courant dans tous les sens. Maman...

- Je suis là, je suis là, Sakura. La salle de bain.

Sakura accourut et se posta dans le passage :

- J’ai fait un saut de cheval presque parfait. Tu te rends compte ?

- Eh bien, tu vois... Tu te plaignais d’être aussi maladroite que ta maman. Mais en travaillant, on peut lutter contre ses faiblesses. Rappelle-t-en, quoi que tu fasses.

- Thomas est là ?

- Non, il n’est pas rentré du lycée !

- Mais pour mon repas d’anniversaire... Il avait promis d’être là. Pour mes 14 ans !!

- Tu connais ton frère, il a un contre-temps au lycée. Mais il arrivera pour le repas.

- Il fait essprès en fait, enragea-t-elle, en serrant un poing devant elle. Un jour... un jour...

- Un jour, se leva Nathalie, tu comprendras à quel point tu l’aimes.

- Ben c’est pas sûr, ça... grommela Sakura, les yeux plissés de colère.

 

Thomas avait assis Mathieu contre le mur et la roue de la bicyclette tournait dans le vide un peu plus loin.

- Mathieu... Est-ce que tu te sens bien ?

Mais le jeune homme s’était évanoui. Thomas posa une main dans son dos et fouilla frénétiquement la rue des yeux. Elle était déserte. Les villas qui la bordaient n’étaient pas ouvertes sur cette allée piétonne. Fallait-il le laisser là ? Comment pouvait-il seulement y penser ?

Il s’assit à côté de son ami et décida de patienter. La roue tournait encore et Thomas secoua la tête en réfléchissant à ce qui venait d’arriver. Mathieu s’endormait de plus en plus souvent, mais pas en faisant du vélo ! Que lui arrivait-il donc ? Pouvait-il l’aider... Il prit la main de son ami et le dévisagea, impuissant. Dans les reflets de ses cheveux, il crut voir le mur, derrière eux... Il eut un mouvement de recul et ausculta le corps inerte de son ami.

« Il... il disparaît... ? »

 

- Alors ? demanda Nathalie en voyant sa fille rentrer.

- Il n’est pas dans le quartier et la nuit est tombée.

- Ce n’est pas normal.

Tiffany et Lionel arrivèrent alors essoufflés et d’un hochement de tête ils répondirent aux interrogations de Nathalie.

Sakura rencontra le regard de ses amis et leur fit signe d’occuper sa mère, pendant qu’elle... « sortirait ». Ils acquiescèrent et elle en profita pour monter dans sa chambre. Elle tira le tiroir où dormait son ami et il ouvrit un œil et bâilla.

- Moué ?!! Quoi ?

- C’est Thomas, il a disparu... est-ce que tu crois que je peux utiliser ma magie pour aller le chercher ?

- C’est pas trop prévu pour ce genre de choses... Mais comme tu vas y aller de toute façon.

Il se tourna et s’endormit.

- Pas étonnant que tu aies laissé échapper les cartes, mon pauvre, souffla-t-elle en libérant la puissance de sa clef.

Elle choisit entre ses quelques cartes celle du Vol et ouvrit la fenêtre pour quitter la maison, assise sur son sceptre ailé.

 

- L’heure est venue, précisa l’homme en manteau sombre. Il faut la former...

- Est-ce qu’elle l’acceptera ?

- Elle n’aura pas le choix. Le Fléau va être de plus en plus agressif... Et les jours passent, je te le rappelle. Yue va bientôt s’éteindre à cause d’elle... Elle nous suivra pour cette simple raison. Comme il y a longtemps... Elle est trop sensible.

 

 

Episode 26.2 : Qui suis-je ?

 

Le corps s’estompa et Thomas ne put rien faire. Peu à peu le garçon disparaissait. Sakura se posa à côté de lui au moment où les dernières lueurs du corps s’effilochaient dans l’air... Thomas demeura figé un long moment et finit par réaliser. Il baissa la tête et frappa le sol avec le poing en contenant un hurlement de douleur. Sa gorge avala difficilement sa salive et il releva finalement le visage et hoqueta avant de hurler au ciel toute sa souffrance... Sakura fut saisie et n’osa pas bouger... Que se passait-il ?

- Thomas...

Il se cogna la tête au mur contre lequel il s’était adossé et ses mains recouvrirent son visage...

- J’ai rien fait... j’ai rien pu faire...

Elle sentit les larmes monter en elle et elle secoua la tête. Elle n’avait jamais vu son frère pleurer. Et qu’était-il arrivé... ? Mathieu avait disparu ? Elle s’agenouilla et posa une main sur l’épaule de son frère.

- Où est Mathieu ? demanda-t-elle, les yeux rougis. Thomas...

- Il... il vient de disparaître !!! s’écria Thomas en baissant ses mains. J’ai rien pu faire...

Elle parcourut sa figure du regard et enroula ses bras autour de son cou.

- Thomas...

- Stoooop !! cria-t-on derrière elle.

Sakura ne sentit plus le souffle de son frère contre sa nuque ; tout était calme autour d’eux, dans une teinte ocre étrange. Elle sanglotait encore quand elle aperçut la femme qui l’avait approchée et qui souriait effrontément, dans la lumière d’un lampadaire qui dissimulait son visage. Celle-ci balaya ses cheveux d’un geste et éclata de rire.

- Te voilà perdue, Sakura.

- Qui... qui êtes-vous ?

- Je dirige tout ça, lança-t-elle en faisant un grand geste vers le ciel. Je suis la maîtresse. Mais... je vais te faire un aveu : tu me gênes. Je pensais qu’on pourrait s’entendre, toutes les deux... Tu es un poids, Sakura.

- Mais, je... bafouilla l’adolescente éblouie. Qu’est-ce que j’ai fait ?

- Dis-moi ce que tu sais des gardiens et je te laisserai la vie sauve, ma pauvre enfant.

- Mon...gardien... réfléchit rapidement Sakura. Kero?

- Mais non, s’énerva la femme aux cheveux longs.

Elle relança le temps d’un claquement de doigt et fit apparaître un être de lumière à ses côtés qui tendit une arbalète vers Thomas.

- Si tu ne parles pas, c’est ton frère qui sera touchée par Arrow.

Sakura était pétrifiée. Elle sentait la puissance phénoménale de la carte de Clow qui se tenait aux côtés de la femme. Mais elle ne pouvait rien lui dire ! Elle ne comprenait même pas le sens de sa question... Arrow décocha une flèche et Sakura s’interposa entre le trait et son frère, bras tendus. La flèche tomba au sol et se planta dans le goudron avant de partir en fumée. La femme fronça les sourcils et lança un regard à Arrow qui disparut.

- Je serais toujours là, Sakura. Tu me conduiras bien à eux.

 

L’homme en manteau se pencha vers la rue et dévisagea le frère et la sœur, blottis l’un contre l’autre dans la lumière d’un réverbère.

- Que faisons-nous ? demanda la jeune femme.

- Le Fléau va les ramener chez eux pour les déstabiliser. La disparition de Yue n’était pas prévue. Pourquoi Thomas ne lui a-t-il pas donné son pouvoir... ?

- Et s’il ne savait pas que Mathieu était un gardien ?

- Comment serait-ce possible ?

La jeune femme fronça les sourcils et encra son pouce entre ses lèvres.

- Je ne sais pas. Je ne sais pas. Plus rien n’est comme avant, nous les premiers... lança-t-elle en se regardant une nouvelle fois.

- Et moi, donc !! Humain... Mais il faut que je m’y fasse. Nous sommes les nouveaux gardiens des sentiments de Clow. Alors, notre rôle est de suivre l’avenir de sa fille...

- Oui, soupira-t-elle. Je sais...

Le paysage se modifia et la chambre de Sakura apparut autour d’eux. Sakura était dans son lit. Elle dormait.

- Tu crois que l’agent est là ?

- Oui... Nous devons ramener Sakura dans le vrai monde. Où le présent en pâtira. Tu as la lettre de notre nouveau maître ?

- Je l’ai là, sourit-elle en le tenant entre le pouce et l’index.

- Bien. Attendons son réveil.

 

Sakura ouvrit les yeux sur le plafond de sa chambre.

Elle demeura interdite un long moment, en réfléchissant à ce curieux rêve qu’elle venait de faire. Quelle sensation étrange l’étreignait désormais... ? Un mal-être et à la fois le bonheur. Le bonheur de retrouver quelqu’un de proche. Quelqu’un de proche... ? Mathieu....

- Mathieu !! se redressa-t-elle d’un coup.

Kero sortit de son tiroir, une énorme bosse sur le front, recouvert par un pansement énorme:

- Tu ne peux pas arrêter de crier ?!! Je me suis cogné en sursautant !

- Kero... mais tu...

Il fronça les sourcils en la dévisageant.

- Chasseuse ?! Tu te sens bien ? demanda-t-il en lui posant la patte sur le front.

- Oui, mais... Kero... j’ai fait un drôle de rêve. Et je me demande même si ça en était un...

Il croisa les bras et virevolta devant elle, la tête entre les épaules :

- Hmmm... étrange.

Sakura jeta un œil vers son étagère et posa la main sur le réveil. Il se mit à sonner et elle l’arrêta net. Elle n’en était pas sûre mais quelque chose clochait. Une carte de Clow ?

« Non... songea-t-elle en se levant, pas le jour de mes quatorze ans ! »

Elle s’habilla et descendit les marches deux à deux. Elle arriva dans la cuisine et trouva Thomas, assis derrière son journal, un café fumant sur la table. Il baissa un coin du quotidien et la dévisagea :

- Tu es à l’heure...

- Bah, oui, rétorqua-t-elle. Ca m’arrive...

- Je vois... Il y a du courrier pour toi. Je l’ai mis à côté de la photo de Papa.

Elle s’arrêta net et tourna doucement la tête vers le meuble de la cuisine. Cette impression encore. Elle se jeta sur la lettre et Nathalie arriva avec un pot de fleurs vide.

- Bonjour ma puce, souffla-t-elle en déposant un baiser sur le front de sa fille, tu es bien matinale.

- Incroyable, hein ? lança Thomas.

Sakura parcourut le courrier des yeux. C’était signé Clow. Clow Read lui avait écrit ?

« Ne va pas à l’école aujourd’hui, Sakura. Un tout autre destin t’attend. Suis le lapin blanc. Il te mènera à moi. »

- Et que te raconte ton amoureux ? siffla Thomas.

Elle colla la lettre contre elle et ne sut quoi faire.

- Tu déjeunes, Sakura ? la rappela Nathalie.

- Euh... Je n’ai pas le temps... annonça-t-elle, hésitante. Lionel est là.

On frappa et Nathalie et Thomas se regardèrent, surpris.

- Bonne journée, leur lança-t-elle, préoccupée.

 

Au détour d’une ruelle, Lionel se retourna sur ses patins et lui sourit en roulant en arrière.

- Je voudrais te remercier, Sakura.

- Ah bon ?

- Pour ce que tu as dit à Tiffany. Enfin, pour le lui avoir caché.

Elle baissa les yeux.

- Ca m’embête quand même de lui mentir... c’est ma meilleure amie.

- Je comprends bien. Mais tant que je ne serais sûr de rien, dit-il, je préfère laisser les choses suivre leur cours.

- Ho ! les salua Mathieu de loin.

- C’est Mathieu !!! s’extasia Sakura.

- Je te laisse, moi, se renfrogna Lionel. Tu sais que je ne l’aime pas trop.

Il s’éloigna et Sakura s’approcha du jeune homme.

- Bonjour Mathieu.

- Bonjour Sakura. Tu vas en cours ? Je ne veux pas te retenir trop longtemps.

Un frisson la parcourut et des flashs de la soirée précédente la traversèrent. Elle vit les larmes de son frère, le vélo renversé. Elle fit un pas en arrière et Mathieu haussa les sourcils.

- Qu’y a-t-il ? On dirait que tu as vu un fantôme, sourit-il.

- Mais tu...

Il se redressa et tourna la tête vers la rue qu’il venait de quitter :

- Je suis passé par le parc Pingouin, en venant, ils installent un nouveau manège. C’est un tourniquet. Il y avait du monde...

- J’irai plus tard, sourit-elle. J’ai cours, et je...

Son sang ne fit qu’un tour quand elle aperçut le motif de son pull. Mathieu... Un lapin blanc... Non... ! Alors, la lettre de Clow...

- Ca ne va pas, Sakura ?

Elle secoua la tête. Pourquoi tout lui semblait-il si surprenant, aujourd’hui ? Comme si... Elle leva le nez vers la rue en question et salua son ami en roulant d’un nouvel élan vers le parc. Qui sait ce qu’elle y découvrirait ? Mais si Clow lui écrivait depuis son Angleterre, c’est qu’il y avait une raison importante ! Elle devait y aller.

 

En arrivant à l’entrée du parc, elle posa son regard sur les enfants qui jouaient. Deux adultes se tenaient au milieu de la foule en la dévisageant. Elle se retourna pour chercher la cible de leur regard fixe et elle dut se rendre à l’évidence, elle était leur point de mire. L’homme souleva ses lunettes et avança vers elle. La jeune femme qui l’accompagnait ne tarda pas à en faire de même, un portable à l’oreille.

 - Sakura. Te voilà.

Les enfants s’étaient mis à crier en courant autour du pingouin central et ils quittèrent le parc en file indienne désordonnée.

L’homme leva une main vers elle et lui fit signe de se rapprocher. Mais elle préféra garder une certaine distance, une main sur sa clef.

- Qui êtes-vous ?

- La question est plutôt qui TU es. Le sais-tu ?

- Je... Je m’appelle Sakura.

La jeune femme leva un doigt vers elle :

- Tu as peur de nous. Tu veux utiliser ta clef... ? Tu as commencé à sentir la Différence, non ?

- La...

- Alors regarde ta clef, Sakura. Que vois-tu... ?

La jeune fille tira sur sa chaîne et observa le médaillon qu’elle tenait au creux de sa main.

- Vous... commença-t-elle sans lever les yeux, vous connaissez cette clef ?

- Que vois-tu ? demanda l’homme.

- C’est ma clef. La clef de Clow.

La femme secoua la tête et se rangea derrière l’homme aux lunettes rondes.

- Sakura. Si tu veux comprendre, il faut faire de la place aux souvenirs. Nous ne pourrons pas t’aider sinon.

- M’aider ? Comment pourriez-vous m’aider ?

- Chasse tes souvenirs, chasseuse. Chasse la disparition de Mathieu.

- Vous savez... ?! Vous vous en rappelez aussi ? bondit-elle aussitôt.

La jeune femme la dévisagea cyniquement et lui lança son téléphone portable.

- Quand tu auras choisi entre venir avec nous et rester ici, tu lui téléphoneras.

- A qui ?

- Décide, d’abord... Fais ton choix.

Sakura était perdue. La vérité, puisqu’ils semblaient la détenir, était alléchante, mais elle ignorait totalement ce qu’elle devrait laisser derrière elle si elle utilisait ce téléphone... Beaucoup de choses la traversèrent. Tous ses souvenirs. Tiffany, Lionel. Ses amies en classe. La découverte du livre de Clow, et le réveil de son ami-peluche, s’élevant de la couverture du Livre pour faire d’elle la chasseuse. La capture de sa première carte et celle des quelques suivantes... Elle ouvrit les yeux en grand :

- Qui me dit que vous n’êtes pas vous-même, une carte... ?

- Tu ne ressens pas notre magie, Sakura ? Samantha, se tourna l’homme, montre-lui.

La jeune femme secoua la tête pour défaire ses chignons et sa chevelure tomba dans son dos. Elle présenta une main à Sakura et prépara une attaque. Sakura se mit à trembler en ressentant la force qui émanait de ses poings... Elle fit un pas en arrière et l’homme posa sa main sur l’avant-bras de sa partenaire.

 

 

 

Episode 26.3 : Où vais-je ?

 

Sakura sentaient ses idées se multiplier, s’emmêler, se contredire, s’affronter, la déséquilibrer, la gêner... Elle prit ses tempes entre les mains, lâchant le portable, et secoua vivement la tête. Pourquoi tout était-il si douloureux ? Tous ces doutes, toutes ces certitudes... Les certitudes de sa vie n’étaient-elles plus valables ? Ses doutes devenaient-ils raisonnables ? Où se trouvait la vérité... ? Elle était chez elle, cette ville, ce ciel, cet air, cette lumière, c’était chez elle.

L’homme approcha alors qu’elle tombait à genou.

- Tu as déjà souffert, Sakura. Tu as déjà vécu. Chaque instant, tu sens la différence et tu veux savoir quel est le Vrai. Cherche au creux de ta volonté le courage de prendre ce téléphone, fit-il en récupérant l’objet au sol.

Il s’accroupit face à elle.

- Ta peine quand Mathieu a disparu... Pourquoi était-elle si forte ?

- Je... C’est parce que je l’aime, cria-t-elle.

- Et qu’en pense-t-il, lui ?

- Il dit... Il dit qu’il ne me voit que comme sa petite sœur.

Elle ouvrit les yeux et posa son regard sur le sable du terrain. Mathieu lui avait dit ça, c’est vrai. Mais quand... ?

- Que décides-tu, chasseuse ?

Il lui tendit l’objet qui se mit à sonner. Elle hésita et le scruta minutieusement pour qu’il l’aidât à se décider mais il ne broncha pas. Elle finit par prendre le téléphone et le porta à son oreille. Il la rassura finalement d’un hochement de tête. Un silence interminable la parcourut, dans l’attente de la voix qui la sauverait peut-être de ses doutes. La Voix... Cette voix-là. Elle l’attendait, comme à chaque réveil, cette voix qui lui réchauffait le cœur. Cette voix qui avait le don de l’émouvoir, de l’attendrir et de lui donner la force.

- Sakura... ?

C’était Lui... La voix chaude...

- Puise en toi les souvenirs... les vrais.

Le noir les enroba et elle se retrouva dans un couloir sombre. Une voix chantait à l’étage. Sakura se retourna et aperçut des enfants qui couraient vers elle. Ils la traversèrent sans la voir et se dirigèrent vers l’escalier qui menait au toit.

C’était elle. Elle, Tiffany, Lionel et Stéphanie dans la capture de la Chanson.

- Tu était mignonne dans ce vêtement...

Une silhouette était apparue dans la pénombre qui régnait dans le fond du couloir.

- C’est vous... ?

- Je resterai ici. La distance apporte tant.

- J’aurais tant voulu vous poser des questions... J’en ai tellement qui...

- Il y en a une pourtant que tu ne peux réprimer, mon enfant, n’est-ce pas ?

- En fait, se mordilla-t-elle la lèvre, il y en a bien une... mais...

- Dis-moi.

- Ce pouvoir... Pourquoi est-ce moi qui.... d’où me vient la possibilité d’utiliser le sceau ? lança-t-elle d’un trait. Kero dit que n’importe qui doit pouvoir l’utiliser car il cède sa force à celui qui...

- Qui tu es ? la coupa-t-il. Telle est la grande question, Sakura. Tu es celle que le dernier Gardien a choisi. Tu es celle vers qui le sang d’autres générations a guidé le pouvoir. Tu es une fille de Clow, tu es une fille hors du commun.

- Mais Lionel aussi descend de Clow.

- Je te propose un marché, sourit-il en s’éloignant.

Elle le suivit de loin. En quelques courts instant, ils se retrouvèrent dans un paysage laiteux où de candides nuages flottaient en dansant lentement. Le paradis peut-être... L’homme avait disparu. Elle voulut se retourner mais une main sur son épaule l’arrêta :

- Ne me cherche pas. Je t’offre un choix simple, lui glissa la voix dans le cou. Je te donne la réponse mais tout ceci reste à jamais ce que c’est.

- Je ne peux pas accepter...le coupa-t-elle. Ce n’est pas un choix !

- La seconde alternative est la suivante : je t’ouvre les yeux mais tu ignoreras à jamais ce que nous avons dit ici...

- Et tout ce monde étrange s’effacera... ? s’intéressa-t-elle.

- Quel est le monde étrange, Sakura ? Celui que tu ne comprends pas ? Mais ce monde est un monde. Un de tes mondes. C’est un lieu où tu t’es interdis tout progrès en magie. Un monde où tu es encore cette enfant insouciante. Tu avais peur de ce pouvoir. Tu as peur du sceau.

- Oui, avoua-t-elle. Il y a comme une force gigantesque en moi quand je l’utilise. Et ça me fait peur.

- Et tu as fui. Tu as créé un monde où tu n’es qu’une fille simple. Une fille sans vrai pouvoir, sans avenir, sans consistance. Tu n’es plus Sakura. Sakura Gauthier est et restera à jamais l’élue de Tara.

- Qui êtes-vous, exactement, pour me connaître aussi bien... ? En y réfléchissant, j’ai l’impression de... de discuter avec...

- Le Destin. Je suis le bras du destin. Ta volonté le dirige, le savais-tu ? Ton pouvoir touche tout ce qui est. Et tu es « tout ce qui est » quand le sceau te transmet son pouvoir. Le Tout. Le Plein.

- Je ne comprends pas.

- Tu voulais ouvrir les yeux. Avant cela, je dois te dire la vérité. Sakura... Tes gardiens...

« Kero, ton gardien-guide... »

Elle l’aperçut, dans son souvenir, flamboyant et lumineux.

« Yue, ton gardien-juge... »

Au creux de ses pensées, elle le revit diriger vivement son regard sur elle.

« Yolis... »

Ses mains contre elle pour affronter le Gel...

« Tara... »

Qu’elle n’avait encore jamais vu... Pourtant Sakura secoua la tête sans le vouloir et sentit de chaudes larmes couler sur ses joues, mélange de bonheur et de frayeur... Les souvenirs étaient là... Tous. Et cette vie n’était effectivement pas la sienne. Mais alors...

- Je ne reverrais plus maman ! sursauta-t-elle.

- C’est le choix que tu as fait. Tu t’éveilles à une parcelle de vérité en échange de l’abandon de cette vie.

- Mais... Comment puis-je l’accepter ? demanda-t-elle à l’homme qui se tenait encore derrière elle. Elle était là avec moi, vivante... Elle... se mit-elle à pleurer à chaudes larmes, elle était vivante...

- Il est temps de te réveiller.

- Et si je ne veux plus ?! Je veux être là, rester dans ce monde. Avec... avec maman.

- Pourquoi ? Pour elle, tu es sûre ? Ou pour ne pas retrouver ton rôle ?

- Pour elle... ou les deux. Je ne sais plus.

- Au fond de ton cœur, il y a un sentiment divin, un amour indestructible. Elle sera toujours avec toi. Me crois-tu, Sakura ?

Elle baissa les yeux et n’aperçut que la blancheur des nuages environnants.

- Je voudrais tant ne pas avoir ce sceptre et cette mission.

- Alors tu ne comprends pas ce que pourrait être ton monde sans toi...

- Pourquoi sans moi ?

- Parce que dés maintenant, tu peux abandonner ce pouvoir, ce lien, ce contrat.

- Mais... mes amis.

- Il faut savoir choisir...

- Mais... hésita-t-elle encore. Comment choisir entre moi et eux ?

Elle se posa la question. Elle sentait chaque partie de son âme se poser la question, se balancer entre les deux alternatives...

- Je préfère agir pour eux, conclut-elle.

- Tu as donc ta réponse. Alors, Sakura, qui es-tu... ?

- Je... Je suis la Cardcaptor.

- Alors tu es prête, conclut la voix rassurante dans un dernier souffle de bien-être. 

 

Sakura se redressa dons son lit. Elle avait rêvé.

« Rêvé... de quoi, déjà ? Je suis sûre que c’était important... »

Il ne lui en restait rien... Excepté le souvenir de s’en être échappée. Elle venait de quitter son rêve, sa prison. Dream !! Elle se leva rapidement et ouvrit le tiroir de son bureau. Son gardien dormait.

- Kero... Kero le secoua-t-elle, en vain.

Rien ne le réveilla. Elle sortit en courant et descendit au rez-de-chaussée, jetant un œil vers la chambre de son père. Elle s’y dirigea et frappa. Comme elle n’entendit pas de réponse, elle ouvrit. Il dormait profondément, appuyé contre son lit. A cette heure avancée de la journée...

- Il n’y a pas que le Rêve... réfléchit-elle. Il y a Sleep, aussi.

- Tu es réveillée, Sakura ? lança-t-on du salon.

Une voix de femme que Sakura connaissait l’appela et elle accourut, sa clef en main.

- Katya ?!!

Elle se jeta dans ses bras et aperçut Gothar et Samantha devant la porte-fenêtre.

- Vous êtes revenus, tous les trois ?

- Cela fait deux semaines, Sakura. Cela fait deux semaines que tout le monde dort...

- Woee ?!! Comment est-ce possible ?

- Parce que tu t’es laissée capturée par Dream, lança Samantha.

- Mais... Tout le monde s’est endormi ?

- Tout le monde, sauf tes quatre gardiens, expliqua Gothar.

- Et donc, nous non plus, ajouta Samantha.

Katya sourit en ouvrant son sac et en sortant une boîte qui semblait très ancienne, ciselée d’or et gravée de runes antiques.

- C’est un ami à toi qui devait s’en servir. Mais il a préféré veiller sur les gens endormis. Alors je te l’ai apportée, moi-même.

- Qu’est-ce que c’est ?

- Le dernier cadeau de Clow. Il possédait la cloche ancestrale pour convaincre Yue de faire de toi la chasseuse. Et cette boîte à musique céleste qui t’aidera à libérer les gens du monde fictif où ils croient tous vivre encore.

- Une boîte à musique...

Katya ouvrit délicatement le couvercle et une mélodie aiguë s’éleva du disque central qui miroitait comme un diamant la lumière qui se déposait à sa surface. L’air vibrait au contact de la mélodie. Tout le salon sembla s’éveiller, Sakura ouvrit la porte-fenêtre et sortit une carte :

- Carte de la Voix, reproduit cette chanson dans toute...

- Non, Sakura, approcha Katya. Une seule à la fois, regarde...

De partout, des particules de pouvoirs s’élevaient, et se dirigèrent vers elle. Sakura leva une main et une carte se créa petit à petit. Quand la chanson cessa, Katya récupéra la boîte céleste et Sakura observa la nouvelle carte de l’éternel : Sleep.

- Avec ceci, tu vas pouvoir lutter contre l’illusion de Dream.

- Oui, assura-t-elle en serrant son sceptre, convaincue. Merci Katya.

La femme acquiesça et lui sourit tendrement tandis que les trois cercles apparaissaient sous les pieds de la chasseuse.

- Est-ce que les gens se souviendront de ce temps passé dans leur sommeil ?

- Ils ont vécu dans ton monde et leurs souvenirs seront pour eux réalité. Ne t’inquiète pas.

- D’accord, se retourna Sakura en brandissant son sceptre. D’accord... 

 

- N’importe quoi, grogna la peluche au bord de la banquette du le salon de thé où ils s’étaient tous retrouvés.

Anthony posa un regard nouveau sur la jeune femme assise près de Lionel qui secoua la tête. Il se sentait tellement proche d’elle avec si peu de différence d’âge. En perdant le pouvoir de Clow, il n’avait cependant pas perdu les pensées qu’il avait forgées de lui-même durant cette vie « commune ».

- Je te le jure, assura Sakura à sa peluche. Katya m’a bien précisé que mes gardiens s’étaient réveillés... Et toi tu dormais comme un loir. Non, Pire !!

- C’est parce que j’étais un peu faible, grommela-t-il. Elle ne me donne rien à manger, lança-t-il aux autres.

- Mon œil, souffla Gothar, assis à l’opposé de lui.

Kero se pencha sous la table pour entrevoir l’autre peluche :

- Grrrr... on t’a rien demandé.

Gothar grignotait un gâteau salé et lui tira la langue.

- Ce n’est pas grave, Kero, lui souffla Tiffany. On t’excuse tous.

- Merci, tu es gentille, toi.

Elle lui sourit amicalement, détourna le regard et Lionel soupira :

- Oui, on l’excuse ! Surtout qu’on a l’habitude avec lui... Il roupillait déjà quand Sakura s’est approchée du livre, la première fois.

- Vous êtes tous contre moaaaaa !

- Moi, je le défends, assura Anthony. C’est Clow qui l’avait enfermé dans le livre.

Kero devint soudain sérieux :

- Alors c’est vrai, s’envola-t-il. J’étais piégé ?!!

Katya l’attrapa et le posa à côté d’elle alors qu’un serveur passait. Elle s’amusa avec la peluche et joua les ventriloques pour commander une autre boisson. Le serveur éclata de rire et les salua.

- Grrrrrr, enragea Kero. Je ne suis pas une marionnette !

- Je m’excuse, Gardien, mais tu t’étais envolé devant tout le monde.

Kero dévisageait Anthony avec froideur. Katya le sauvait encore une fois de nombreuses explications. Mais un jour, Clow devrait s’expliquer. Un jour...

De l’arrière salle, le serveur et deux jeunes femmes habillées aux couleurs du salon de thé et portant un gâteau arrivèrent en chantant « Joyeux anniversaire », repris en chœur par toute la salle. Sakura sentit le feu lui monter aux joues et le gâteau fut posé devant elle.

- Merci, sourit-elle, gênée.

- Il a l’air bon, lança Kero, des étincelles dans le regard.

- Pas touche, le gronda-t-elle en levant un doigt. On attend encore un peu...

La clochette du salon de thé tinta et Thomas et Mathieu entrèrent.

- On est un peu en retard, désolé.

- On vous attendait, murmura Katya.

Sakura sourit fièrement et fit un vœu. Ses dix-sept bougies brillaient devant elle et elle sentit la joie s’éveiller au fond de son cœur. Sans savoir pourquoi, elle se dit qu’elle se sentait bien dans ce monde-ci et que pour rien au monde elle ne voudrait changer... « Pour rien au monde » se répéta-t-elle en sentant la main de Lionel posée sur la sienne.

- Bon anniversaire !

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