Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 2)

Chapitre 6 : Le fantôme

Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 10:00

Episode 28.1 : Le garçon au regard triste 
 
Le tiroir du bureau s’ouvrit doucement et Kero bâilla, des cernes sous les paupières.
- Yaaaa !! hurla-t-il en apercevant Yue, debout devant lui... Tu m’as fait peur !
- On doit parler. J’ai encore fait un rêve.
Kero arrondit le dos...
- J’ai même pas déjeuné, marmonna-t-il.
Yue fit un pas sur le côté et Kero aperçut le plateau-repas où l’attendait une assiette de pan cakes et du sirop d’érable. Il bondit et s’assit sur les draps :
- T’es un ami, toi.
- C’est Dominique qui a demandé à Mathieu de t’apporter ça.
Kero réfléchit un instant et chercha dans la chambre vide.
- Où est Sakura ?
- Elle est sortie tôt.
- Un dimanche ?
Yue ne répondit pas. Il se tourna simplement vers la fenêtre et Kero ne se priva pas d’engloutir une part de gâteau.
- Est-ce que tu y vois plus clair, petit à petit, toi aussi, Kero ?
- Bo Vreumon... (Miom Miom)
- Cette nuit, j’ai laissé Mathieu dormir et... J’ai fait un rêve. Encore un...
- Raconte !
 
La clochette à l’entrée du salon de thé tinta et Sakura posa son torchon derrière le comptoir, affichant un sourire royal :
- Bienvenue, vous...
Elle s’arrêta net en apercevant la petite troupe qui s’installa le long des larges vitres ensoleillées. Sakura se dépêcha de remplir des verres d’eau et les installa sur un plateau qu’elle leur amena aussitôt, croisant le patron du salon.
- Bonjour Sakura, sourit Tiffany alors que l’adolescente distribuait les verres.
- Comme tu es mignonne, lança Sonya. L’uniforme de l’Abcba te va à merveille !
- Tu nous avais caché que tu allais travailler toute la semaine ici, clama Sandrine. Heureusement que Tiffany nous a conduits en ville pour te voir !
- Je remplace la serveuse qui est partie pour un petit voyage en amoureux. Elle doit se marier, confia Sakura. C’est une connaissance de Linda.
- Qui est Linda ? demanda Alison.
Sakura sortit son calepin et un stylo.
- Tiffany va vous expliquer. Je peux prendre votre commande ?
- Quelle professionnelle, nota Tiffany en brandissant son caméscope. Tourne un peu sur toi-même...
D’autres clients entrèrent et se dirigèrent vers le bar.
- Je vous laisse réfléchir, annonça solennellement Sakura.
Elle alla débarrasser une table et le patron servit les nouveaux arrivés.
 
La journée se terminait presque. Sakura poussa un long soupir en s’appuyant sur le comptoir alors que le salon s’était vidé.
- Ca va aller, jeune fille ? lui demanda Francis.
- Je pense, oui. Mais il y avait du monde !
- Le dimanche, c’est souvent comme ça. C’est un axe important de la ville qui passe devant ma boutique.
- Oh, remarqua-t-elle. Il reste deux verres.
- Laisse donc, je vais m’en occuper.
- Non, non. Je dois finir ma journée, sourit-elle sévèrement. Je ne voudrais pas que vous croyiez que je ne fais pas bien mon travail !
- Bien, alors je te laisse fermer. A demain. N’oublie pas de bien verrouiller.
- Oui, monsieur Francis.
Elle le regarda partir et se dirigea vers la table en coin. Le ciel s’était teinté de pourpre et de vermeil. Et la course lente des nuages inondait la rue dans ces mêmes coloris. Toute la salle s’était parée de la beauté du coucher de soleil et Sakura repensa à cette première journée de travail. Tiffany et les autres s’étaient probablement promenés vers le parc de l’empereur pingouin. Elle se surprit même de ne pas avoir voulu les rejoindre, tellement elle se sentait bien dans ce remplacement. Elle porta les deux verres en cuisine. Et les déposa dans le lave-vaisselle automatique.
- Et voilà, clama-t-elle, ravie d’avoir totalement fini.
« Cing cling ». La porte d’entrée. Elle secoua la tête et regagna la salle.
- Excusez-moi, mais nous sommes fermés, commença-t-elle.
Le garçon qui venait d’entrer ne la regarda pas et s’assit au bar. Elle le rejoignit et se pencha vers lui.
- Monsieur, nous...
- Sabrina, soupira-t-il. Sabrina...
- Monsieur...
Il soupira et elle voulut poser une main sur son bras.
Elle le traversa. Son sang ne fit qu’un tour en sentant la matière translucide glisser autour de ses doigts. Son visage pâlit et elle fit un pas en arrière :
- Yaaaaaaaaaaaah !!
Il releva le visage vers elle et sourit tendrement.
- Vous n’êtes pas Sabrina...
Elle sentait son cœur battre la chamade et elle avait envie de prendre ses jambes à son cou. Elle commença à se faufiler sur le côté.
- J’ai tout perdu désormais, dit-il alors en se tournant vers la salle. C’était pour Paméla, mais tu ne le sauras jamais. Quel idiot je fais, vraiment.
- Je vais devoir fermer, lança Sakura, à tout hasard.
- C’est de ma faute...
Elle ne sut quoi faire. Il se leva et finit un verre imaginaire qu’il posa sur le bar. Il lui adressa un dernier regard et elle ne bougea pas devant la tristesse de ses yeux. Avait-elle rêvé ? Ses doigts lui avaient-ils réellement traversé l’épaule ? Peut-être pas. Il leva la main vers elle et empoigna la porte qu’il fit semblant d’ouvrir, faisant teinter la clochette immobile, avant de s’avancer et de traverser la paroi vitrée. Ses jambes faillirent lâcher sous elle mais elle se reprit et décida de le suivre. Quand elle passa la tête dehors, il n’était plus là.
Elle frissonna et rentra en fermant à double tour, même si elle savait que s’il revenait ça n’y changerait rien...
 
- Un fantôme, avoua-t-elle d’un coup comme pour ne pas avoir à s’étendre sur le sujet.
Au téléphone, Tiffany ne disait rien. Kero secoua la tête, dédaigneux.
- Tu te mets dans de tels états pour un fantôme... ? demanda-t-il.
- Ouiiiii !!! lui rétorqua-t-elle en s’accrochant au combiné, les larmes ravinant sur ses joues.
- A ton âge... Tu as dix sept ans, chasseuse, et tu as frôlé la mort à plusieurs reprises... Et tu as peur d’un fantôme !
- Grrrrr, lui adressa-t-elle pour le faire taire.
Elle attrapa son coussin et lui jeta au museau. Il l’évita en lui tirant la langue, n’évitant pas le second oreiller. Il atterrit dans les peluches.
- Tu dois rester calme, Sakura. Ce n’était pas une force... tu en es certaine ?
- Mes doigts l’ont traversééééé !! Brrrr, j’en ai encore froid dans le dos.
Kero sortit des peluches encore étourdi et virevolta vers le lit :
- Demande à Tiffany de t’accompagner demain !
Elle le dévisagea et Tiffany réagit aussitôt :
- Ce n’est pas bête. Demain nous serons deux pour lutter contre les revenants !!!
- Oui, mais...
- Je t’amène une tenue ! Une super juste faite pour l’occasion !
- Bon...
- Kero sera là ?
- Y’aura un piti gâteau ? souffla-t-il tout près de l’appareil.
- Un gros !
Il se posa sur les draps et prit une pause victorieuse.
- Alors, allons combattre le crime, Dexter !
- Il regarde trop la télé, expliqua Sakura.
- C’est la sixième saison du « Sensible Inspecteur Magret »... j’adoooore !
- ...
Sakura salua son amie et Kero continua de prendre diverses positions devant la glace.
 
- C’est plus calme aujourd’hui... fit remarquer Sakura.
Francis hocha la tête et regagna les cuisines. Il se présenta dans l’encadrement ouvert pour passer les plats à sa serveuse :
- C’est pour quoi déjà qu’elle filme tout, ta copine ?
- Eh eh... sourit maladroitement Sakura. Un reportage pour la rentrée...
- Ah... voici le thé et la glace « arc en ciel, supplément de chantilly » qu’elle a commandé.
Sakura fit la moue en regardant le monticule de crème. « Pour Tiffany, ça ? Pfff »
Dans la salle, un couple discutait tranquillement dans un coin. Kero se tenait sagement caché à côté de Tiffany, tous deux à l’affût du moindre détail suspect. L’objectif du dernier modèle de caméscope se promenait dans la salle tranquille. Sakura leur amena leur commande. Elle se pencha au-dessus de la table et dévisagea sa peluche qui avait endossé le parfait camouflage : imperméable et grosses lunettes de soleil.
- Quoi, articula-t-il en silence. Tu m’as reconnu ?
- Goinfre !
- C’est Tiffany qui a insisté !
- Tu le gâtes, Tiffany, soupira Sakura. Il va être intenable à la maison !
La porte s’ouvrit doucement et Lionel entra.
- Ahh ! Salut, accourut-elle, serviette au bras.
Il déposa une bise sur sa joue. Alison entrait derrière lui.
- Bonjour, Sakura, s’avança cette dernière.
- Tiens, vous arrivez tous les deux... en même temps... murmura-t-elle.
- J’ai rencontré Alison en début d’après-midi et elle ne se sentait pas très bien.
- Et c’est moi qui lui ai dit que tu travaillais ici, assura Alison.
- Ah. Je suis contente de vous voir...
Elle dévisagea longuement Lionel et Alison afficha un large sourire.
- Humm, fit Francis de son bar, rompant le silence qui s’était installé entre eux.
- Oh ! se reprit Sakura. Je vous laisse vous installer.
 
Episode 28.2 : Le sort
 
Sakura tordit sa serviette sous l’œil averti de la caméra miniature. Elle ne contrôlait plus sa force et Kero haussa les sourcils :
- Je ne comprends pas ce qui te dérange, souffla-t-il.
Il reçut la serviette dans le museau et roula sous la table. Quand il remonta sur la banquette, elle s’était éloignée.
- Tu sais, Kero, souffla Tiffany, ce n’est pas si difficile à comprendre !
- En tout cas, je note qu’elle m’a ENCOOOORE lancé quelque chose à la figure !
Tiffany passa sa main sur l’échine du petit gardien et il se calma doucement. Elle glissa un doigt sous sa joue et il lui lança un regard de béatitude.
- Rahh, ce que c’est bon d’être cajolé... souffla-t-il. Ca change...
Le rire pincé de Tiffany jaillit alors et Sakura revint avec un autre chiffon qu’elle passa nerveusement sur la table:
- Et ça vous fait rire, en plus ?
Kero soupira en posant ses mains sur ses hanches :
- Dis, chasseuse. Si quelque chose t’embête, dis-le.
- T’es aveugle ? Lionel et Alison flirtent ouvertement sous mon nez !
- N’importe quoi ! Laisse-moi te dire une chose : le petit morveux est une vraie mule. S’il a des sentiments pour toi, il s’y tiendra.
- Fine analyse, éclata de rire Tiffany.
Il leva deux doigts de victoire vers elle et Sakura se frappa le front.
- Quelle équipe vous faites, vous deux...
Son regard fila droit vers la table où le couple discutait.
- S’il ne s’explique pas vite fait, je vais lui rappeler un certain Brice, moi...
Elle repartit en cuisine et la porte claqua derrière elle.
- Dis, tu m’as vue ?!
- Whaaaaaaaaaaa !!!
 
Le cri résonna dans tout le salon de thé et Lionel bondit, la main sur son orbe chinoise, prêt à faire apparaître son épée. Tiffany sourit derrière son écran à cristaux liquides et filma le jeune homme qui s’asseyait lentement, l’oreille tendue vers la cuisine.
- Si Sakura n’est pas rassurée après cette réaction... murmura-t-elle.
- Miom, répondit Kero, de larges moustaches de crème sous le nez.
 
- J’en reviens pas, tu me vois ?! lui lança le garçon.
- Euh... v... v... voui...
- Je m’étais habitué à parler seul... tu as dû me prendre pour un fou !!
Francis posa son tablier et passa devant elle en soulevant son paquet de cigarettes pour lui signifier qu’il sortait un instant.
- Ca va ? Je vais attendre le nouveau dehors...
Elle ne répondit même pas, les yeux braqués sur l’être translucide. Le même qui était venu au salon de thé la veille. Il voulut la prendre par les épaules mais la traversa et son sang se glaça. Elle tremblait de tout son corps. Il le remarqua rapidement, faisant quelque pas en arrière pour ne plus l’effrayer.
- Qui... qui êtes-vous ?
- Mais toi, qui es-tu pour me voir ? Tu as un pouvoir de télékinésie ?
- Euh...Vous êtes... un fantôme ? articula-t-elle en pâlissant de peur à l’idée d’obtenir la réponse qu’elle craignait.
- J’espère bien que non. Mais je crois que oui.
Elle sentit une chaleur monter subitement en elle et ses jambes se refroidirent dans le même temps, cédant sous son poids. Elle s’écroula. La porte bascula derrière elle et elle s’effondra près du bar. Le jeune homme leva les yeux vers la salle, Lionel arrivait. Il s’agenouilla auprès de Sakura.
- C’est bien ma veine, tiens, souffla-t-il avant de disparaître.
Lionel scruta les alentours, une drôle de frisson lui ayant parcouru le cou.
Alison regardait la scène de loin et Tiffany comprit à quel point elle tenait à Lionel dans ce court instant où ses yeux avaient revêtis une nouvelle expression, la tristesse, car elle savait que le cœur de Lionel était trop inaccessible pour elle. Elle voulut la rejoindre mais Alison attrapa sa veste et balaya machinalement ses mèches en quittant le salon, les yeux inondés de cette même tristesse.
 
Gabrielle inspira profondément en apercevant la jeune fille quitter le bar en courant. Tandis qu’un poids-lourd envahissait son champ de vision, un être apparaissait près d’elle.
- Bonjour, toi, la salua-t-il familièrement.
- Tu es celui qu’on appelle Yolis, n’est-ce pas ? fit-elle, sans le regarder, les yeux posés sur l’Abcba.
- Et toi...
- Tu sais qui je suis.
- Que fais-tu là ?
- Je t’occupe.
Il haussa les épaules. Et de larges ailes s’ouvrirent dans son dos tandis qu’elle lui indiquait le bar :
- Si tu parles de la force qui vient d’être appelée contre Sakura, je suis au courant. Je suis plutôt surpris par le fait que tu aies choisi un camp, toi, Gabrielle. Ou plutôt devrais-je dire...
Elle hocha la tête et il se tut.
- Quelqu’un en veut à ta maîtresse, Yolis. Veille donc sur elle.
- Le Destin est trop sûr de lui, Gabrielle. Ne tente rien contre lui.
- C’est le Destin, nota-t-elle, les yeux fermés. Laisse-moi.
 
- C’est par ici que tu rentreras le matin, indiqua Francis en passant devant la porte, regagnant ses cuisines.
Thomas qui l’accompagnait, portant l’uniforme du salon de thé, se tourna vers la salle et s’y dirigea pour s’agenouiller près de sa sœur. Lionel le rassura d’un simple mouvement de tête.
- Que s’est-il passé ? demanda-t-il.
- Un fantôme, avança Tiffany.
- Un quoi ?!
- Thomas, le rappela Francis. Va donc t’occuper du couple qui est là-bas, on va installer la demoiselle de ce côté.
- Oui, d’accord, fit-il en se levant.
Lionel et Francis relevèrent la jeune femme évanouie et la portèrent dans la salle d’à côté.
- Elle était fatiguée ? demanda Francis. Elle crie, elle s’évanouit. Elle serait pas un peu bizarre ?
Lionel secoua la tête mais ne répondit pas clairement. Que pouvait-il dire ?
 
Yue se posa dans l’entrée et Kerobero, dans sa vraie forme le suivit du regard.
Dominique se tenait assis dans la cuisine et sourit légèrement en voyant arriver le gardien ailé.
- Dominique, commença Yue. Je...
- Je crois savoir ce que tu veux, Yue. Sache que je ne veux pas remplacer ton ancien maître. Je crois deviner à quel point tu l’aimais.
- Merci de le comprendre. Mais qu’avez-vous décidé pour Sakura ? Puisque vous possédez encore la moitié du gigantesque pouvoir de Clow, vous pouvez défaire ce que Clow avait créé.
- Tu parles du Fléau, c’est ça ?
Dominique se leva et le croisa dans le couloir en regagnant la salon où il alluma la télévision. Yue arrivait et Kero s’assit dans le passage, battant le sol avec sa queue.
- La télé ? demanda-t-il.
- Regardez... la carte que Sakura a capturé il y a quelques temps n’a pas encore perdu son effet : Le Sucre a eu un effet terrible sur toute la consommation. Et les procès pleuvent désormais. Le public croit fortement qu’on joue avec lui. Un peu partout dans le monde, les dégâts causés par la pluie, la tempête, les marées intempestives, les périodes de gel intense sont immenses. Clow n’est pas à l’origine de tout ça, vous ne croyez pas ?
- Mais il a tout mis en place pour que ça arrive, supposa Kero.
- Je ne sais pas trop, réfléchit Yue. Ce n’est quand même pas son genre. Kero et moi devons faire erreur. Pourtant Clow a eu son mot à dire là-dedans. Il a créé les cartes pour qu’au final Sakura le libère de ses pouvoirs. De la sorte, elle se retrouvait seule dans le combat à venir. Mais tout ceci est-il provoqué par le Fléau ?
- Je ne saurais vous répondre. Je veux néanmoins que vous fassiez votre possible pour protéger ma fille.
- Bien sûr Dominique, lui répondit aussitôt Kero.
- Je l’avais promis à Thomas quand il...
Il baissa les yeux et hocha simplement de la tête.
- Merci, lui sourit Dominique. Merci beaucoup.
- Veillez sur... ce pouvoir que vous avez reçu...
Mathieu réapparut d’un coup dans le déchirement du corps du gardien ailé. Kero haussa les sourcils et se retransforma à son tour.
- Oh, c’était une discussion importante, remarqua Mathieu.
- En effet, souffla Dominique.
- Je crois que Yue perd peu à peu ses chaînes, approcha Kero. Sakura nous a libéré de l’emprise de Clow, mais son esprit y était encore attaché. La mort des souvenirs de Clow est peut-être bénéfique, en fait.
Dominique sourit discrètement.
- Même s’il ne le montre pas, Yue est très attaché à...
Kero fronça les sourcils et Dominique sembla se perdre dans ses pensées.
- Oui... Lui aussi, soupira ce dernier en retournant en cuisine.
 
- Une nouvelle journée, soupira Sakura en voyant son frère servir les nouveaux clients.
Tiffany passa une main dans son dos et lui sourit en signe de soutien :
- Avec un peu de chance, tu vas revoir ton cher fantôme.
- Woé ?
- Ne t’inquiète pas, ton frère est là ! Il le verra peut-être, lui aussi !
- Oui, tu as raison.
- Il était mignon ?
- T’es bête, souffla Sakura.
 
Brice apparut devant le magasin et fixa un instant le sort posé contre la vitre. Un sort ?! Qui avait installé ce piège ici ? Il l’arracha d’un geste vif et le roula en boule avant de le faire brûler par son pouvoir de Feu. Une jeune femme s’approcha de lui et lui sourit en le frôlant. Elle s’arrêta derrière lui et il la suivit du regard.
- Bonjour, lui lança-t-elle.
- Euh... Bonjour.
Elle avança une main vers lui et à sa grande surprise elle le traversa. Elle dissimula un rire et joua un instant avec ses cheveux, le sourire aux lèvres :
- Mon pauvre petit magicien, le hasard a voulu que tu sois le premier. Passe une bonne journée !
Elle balaya ses cheveux d’un geste souple de la main et entra dans le salon de thé.
 
 
Episode 28.3 : Entre la vie et la mort
 
- Bonjour, clama la jeune femme en rentrant dans le salon.
- Linda ? s’étonna Sakura. Ca me fait plaisir que vous passiez.
- Ton père et moi avons réussi à convaincre le conseil malgré nos retards.
- A cause de l’accident ?
- Oui, mais ne culpabilise pas, s’il te plaît... Je suis vivante, regarde.
Elle ouvrit les bras et Sakura acquiesça, à peine convaincue de son innocence.
Au bar, Thomas avait replongé ses yeux dans le rangement et il inclina légèrement la tête vers Tiffany, assise sur un fauteuil haut, près de lui :
- Ma sœur a le chic, non ?
- Quoi donc ? murmura-t-elle pour rester dans le secret.
- Cette femme...
Il n’en fallut pas plus à Tiffany pour percuter. La logique de Thomas était empreinte de méfiance et de paranoïa et elle le comprenait de mieux en mieux. Il suffisait d’imaginer le pire et on ne tombait jamais loin de ce à quoi il pensait...
- Tu crois ?
Il se tut et se retourna pour servir les deux boissons commandées par Sakura.
Celle-ci, accoudée au comptoir en attendant d’être servie, sourit à Tiffany en s’assurant que ça allait bien.
- Oui, bien sûr, moi j’attends ton fantôme !
Thomas posa les verres entre elles et Sakura sursauta. La limonade se mit à mousser. Elle ne demanda pas d’explications et alla servir les clients.
- Ne lui dis rien. Je ne suis pas sûr de moi. Mais... fit-il, une main sur la poitrine. Je sens que ça s’approche.
Tiffany inspecta discrètement la salle.
 
Brice ne comprenait pas. Plus personne ne le voyait. Il retourna vers le salon de thé et voulut pousser la porte. Celle-ci semblait transparente. Il la traversa, non sans hésiter, et se retrouva au beau milieu des tables. Il se dirigea directement vers la femme qui l’avait accosté, effleura diverses personnes sur le passage et dut se rendre réellement à l’évidence...
Tiffany leva son caméscope vers la table près de la porte, puis vers celle de gauche...
- Les clients disparaissent, articula-t-elle à Thomas.
Sakura ramenait des verres et une coupe et elle soupira :
- Que vient-il faire là, Brice ? Qu’il est collant !
- Qui ça ? demanda Thomas.
- Sakura, les clients disparaissent !
Elle se retourna et fronça les sourcils en dévisageant son amie.
- Tu es sûr que ça va ? Ils sont tous là... un peu... agités, peut-être, remarqua-t-elle. Beaucoup, même... c’est vrai...
Elle s’approcha de l’un d’eux. Il se leva, les yeux effrayés, les mains circulant dans l’air comme des hélices. Elle reçut un coup au visage et la main la traversa. Un énième frisson dégringola dans son dos et elle se figea. Tiffany la rejoignit tandis que peu à peu tous les clients paniquaient et criaient des choses incompréhensibles.
- Je ne comprends pas ce qui leur arrive ! lança Sakura, touchée par leur détresse.
Ils quittèrent le salon en courant à travers les vitres. Sakura en tomba à la renverse.
Deux bras la retinrent et elle ne put bouger. Son sauveur l’assit à terre et la contourna :
- Bonjour. Tu te souviens de moi ?
C’était trop pour elle... Comment tous ce gens étaient-ils devenus...
- Je m’appelle Max, au fait.
- Et moi Sakura, répondit-elle sans y réfléchir.
- Sakura ? demanda Tiffany avant d’être effleurée à son tour par un client en fuite...
- Tiffany... Que se passe-t-il ? demanda-t-elle à Max.
- Je pensais à une blague de mon grand-père ou de mon cousin, mais c’est bien plus fort. Celui qui a fait ça a de grands pouvoirs sensoriels !
- C’est de la magie...
- De la magie ? Voyons... sourit-il, perplexe.
Thomas s’avança dans la salle en appelant sa sœur, Tiffany et les autres.
- Je suis là, se leva-t-elle.
- Il ne t’entend pas. Tu es passé dans l’entre-deux-mondes ! Les limbes en quelque sorte... ils sont tous devenus invisibles et immatériels. Ils ne se voient même pas entre eux. Je me demande pourquoi tu y arrives, toi.
- Entre-deux-mondes ?! Mais ça veut dire...
- Oui, tous ces gens sont morts... je ne vois pas d’autres explications !
- Mais toi...
- C’est un peu long à expliquer.
Thomas sortit et Linda se leva pour le rejoindre.
- Mon frère n’est pas devenu comme eux ?
Elle posa une main dans son cou :
- J’enlève ma clef pour travailler... Mince ! Mais si je suis devenue aussi transparente que toi, alors...
Elle courut dans la cuisine et trouva sa clef posée dans son sac. Mais tout était immatériel pour elle désormais.
- C’est pas vrai... Comment faire... ?!
- Si seulement Sabrina était là...
- Sabrina ?
- C’est... Je l’aime vraiment très fort... Nous nous sommes disputés et... c’est compliqué, nos discussions semblent durer depuis toujours. A force de trop parler, on n’a pas réussi à s’entendre.
- J’en suis désolée...
- Si elle était là, elle sentirait mon appel. Nous sommes liés, tous les deux. Elle m’aime encore profondément... Je le sais. Je le crois.
- Allons voir Lionel, alors... lança subitement Sakura.
- Qui c’est ?
- Je crois qu’il a ces sentiments-là pour moi. Et quelques pouvoirs, en plus !
Max la dévisagea et prit sa main.
- Si je suis assez fort, je vais pouvoir... Je vais...
Il fronça les sourcils et plissa les yeux. Une aura de force les enveloppa et se déchira instantanément. Ils se trouvaient devant l’appartement du jeune homme. Sakura vit son nouvel ami s’effondrer devant la porte et elle entra, traversant la paroi de bois.
- Non, non, Alison, souffla-t-il au téléphone en passant devant l’entrée où Sakura le dévisageait. Je t’assure que non. Je pourrai demain. Je ne me sens pas très bien aujourd’hui. Oui, excuse-moi. Passe le bonjour à ton père de ma part.
- Lionel...
Celui-ci soupira en posant le téléphone dans l’entrée et se dirigea vers sa chambre. Sakura était pétrifiée. Que se passait-il qu’elle n’avait pas vu arriver ? Etait-il possible qu’il... qu’il ne l’ait pas sentie près de lui ?
- Alors ? demanda Max en la voyant retraverser la porte.
- Il... Il dort. Je préfère rentrer...
- Ca va être difficile, mais je vais essayer. Tu es sûre de...
- S’il te plaît, souffla-t-elle, décidée. Moi aussi, je vis des choses compliquées...
- Si je sais une chose, c’est que j’aimerai toujours Sabrina, affirma-t-il en esquissant un sourire sincère. Il m’en a fallu du temps pour le comprendre. Mais ma première impression était la bonne. C’est ce que je crois.
- Je n’ai pas trop envie d’en parler.
- Sakura... Sabrina est peut-être en train de se marier, à l’heure où nous parlons, avoua-t-il, un nœud dans la gorge. Et dans mon état je ne peux rien faire. Crois-moi, si j’avais pu arranger les choses avant...
Elle fronça les sourcils sans savoir quoi dire.
- Parlez-en. Ne reste pas sur ce sentiment qui transparaît à l’instant sur ton visage. Tu dois lui dire ce que tu ressens. Lui as-tu déjà dit ?
Elle leva les yeux vers lui et il se tut.
- Rentrons, dit-elle simplement.
Elle lui tendit la main. Dans un effort surhumain, il les télétransporta dans le bar déserté. Dans la rue, des gens couraient partout et dans tous les sens. D’autre se cherchaient dans les miroirs qu’ils traversaient. La circulation routière était arrêtée et des cris provenaient d’ici et là. Max semblait épuisé.
- Laisse-moi ! cria Thomas en repoussant Linda.
Il ferma la porte derrière lui, s’y adossa et elle le considéra timidement avant d’abandonner et de s’éloigner.
- Je la hais... siffla-t-il.
- C’est mon frère, expliqua Sakura à Max. Peut-être qu’il...
- Ah, te revoilà ! s’écria Brice. C’était pas trop tôt !
- Encore là ?! marmonna-t-elle en le voyant approcher...
- Il nous voit, Sakura, nota max.
- Hein ?!
Un espoir... ?
- Je suis devenu invisible... Vous me voyez, vous deux ?
Sakura relâcha un long soupir en se rendant compte que l’espoir qui était né en elle à l’instant même s’écroulait. Brice ne pourrait pas l’aider avec sa magie, pris lui aussi dans cet entre-deux-mondes.
- Il faut que tu aies confiance en ton frère, lança Max. C’est ton frère !
- Mais... Tu parlais d’un lien. Il faut un lien fort pour que la personne puisse me sentir.
- Il y a toujours un lien entre un frère et une sœur... Bon sang, c’est moi qui dit ça...
Sakura s’approcha de Thomas tout doucement. Elle n’était absolument pas certaine que ça fonctionnerait. Elle se posta face à lui et tenta d’attirer son regard.
- Il ne te voit pas, lui expliqua une voix dans son oreille.
Cette voix...
- Maman ?
- Il ne te voit pas ma chérie. Alors il faut qu’il te ressente...
- Mais comment... ?
- Montre-lui à quel point tu l’aimes.
- Moi ? Je l’aime ?!!
Elle croisa le regard tendre et délicat de Nathalie et elle baissa les yeux.
- Tu as raison...
- Il suffit qu’il te sente...
Elle posa une main sur son épaule et Sakura ne réagit pas immédiatement. La main de la femme aux longs cheveux s’était appuyée sur son épaule, la réconfortant de ce simple contact.
- Tu me... je peux te toucher ! sursauta-t-elle enfin.
- Oui, Sakura, tu es chez moi, ici... tu as fait un pas dans l’entre-deux-mondes. D’où je vous regarde, d’où je vous...
Sakura se jeta dans ses bras et sentit tout le bonheur de son corps monter en elle. Elle se mit à pleurer à chaudes larmes. Son cœur s’envolait. Elle la voyait, elle la touchait, elle la serrait contre elle... Sa maman.
- Pense à ta mission, mon enfant. Plus les gens resteront dans ce monde, plus ils deviendront fous et ne voudront plus le quitter. Referme vite le mur entre ces deux mondes.
- Non, je ne veux plus te quitter.
- Oh... Sakura... Tu le dois, mon enfant.
Thomas sentait une force gigantesque dans le salon et il avança un peu vers les deux silhouettes floues.
- Regarde, ton simple chagrin le renseigne sur toi, tes douleurs, tes peines, tes malheurs. Il t’apporte bien plus que ce que je ne pourrais jamais te donner, Sakura.
- Mais... moi je t’aime très fort... Et je n’ai jamais pu te le dire, maman. Je t’aime !!!!
Le sceptre grandit dans la cuisine et Thomas tourna la tête vers la porte sous laquelle filtrait une puissante lumière. Une lumière qui ne lui était pas inconnue. Mais où l’avait-il vue ?!
Autour du sceptre, un flou se mit à vibrer et à se condenser en carte.
- Il faut que tu crées la carte, Sakura, lui murmura Nathalie.
Mais la jeune fille ne désirait pas lâcher sa mère. La lâcher, c’était la perdre. Ne plus la revoir. Et elle s’y refusait !
- Maman...
- Sakura. Tu as décidé de faire passer ce monde avant toi. N’était-ce pas la promesse que tu as faite ? Alors pourquoi changerais-tu d’avis désormais ? Je serai toujours auprès de toi. Je l’ai toujours été.
Thomas poussa la porte de la cuisine et découvrit le sceptre, tendu vers lui. Il l’empoigna et retourna dans la salle :
- Sakura ?! s’écria-t-il. Où que tu sois, dis-moi ce que je dois faire ! Sakura...
- Tu vois, lui souffla Nathalie. Il t’attend.
- Maman, je voulais te dire...
- Je sais. Tout ce que tu penses de bon et d’agréable me parvient toujours. Il faut que tu sépares nos mondes désormais...
- D’accord. D’accord, je vais le faire... pour toi !
Thomas l’avait approchée et elle lui sourit. Elle posa ses mains sur le sceptre lumineux et prononça les paroles de création de carte. Son frère les répéta machinalement juste après. Sous ses doigts, le sceptre devint matériel et elle recouvrit les mains de son frère avec les siennes.
- Deviens carte, clamèrent-ils ensemble. Carte de l’éterneeeeel !
Un vent soudain les encercla et se répandit autour d’eux, déversant en larges cercles une onde dans la salle, dans la rue, dans le quartier... et plus loin encore.
Max se releva en se voyant disparaître.
- Je ne te vois presque plus... remarqua Sakura. Que va-t-il se passer, Max ?
Il haussa les épaules et lui sourit :
- Je ne sais pas, tu refermes cette ouverture entre les mondes. Je vais peut-être enfin me réveiller... Ou alors...
- Ou alors quoi ?
- Tu es celle dont parlait mon grand-père et tu sauveras mon avenir... J’en suis persuadé.
- Quoi ?!
D’amples vagues de pouvoir rejoignaient le sceptre et les cercles du sceau se mirent à tourner sous eux. Une carte se matérialisa et Thomas en tomba à genoux, d’épuisement. Sakura serra son frère contre elle et attrapa la carte d’une main tandis que Max disparaissait.
Through, la Transparence.

 

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