Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 2)

Chapitre 7 : Des jours et des heures

Catégorie: G

Dernière mise à jour 04/12/2009 01:31

Episode 29.1 : En retard 
 
Le réveil de Sakura résonna au-dessus d’elle, plus strident que d’ordinaire. Elle se redressa mollement et l’arrêta. Le tiroir de son ami s’ouvrit lentement et il bâilla :
- Qu’est-ce qu’il a ton réveil, ce matin ?
- Je sais pas... Il est peut-être temps que je le change !
- Wahhaaaaa, bailla encore Kerobero en la rejoignant sur la couette de son lit. Une nouvelle année commence, Sakura. Au moins, ce matin, tu seras prête !
Elle fit la moue.
- Ca veut dire quoi, « au moins, ce matin »... ?
- Pas besoin de courir, quoi... tu m’empêches de me rendormir, en courant partout...
- Grrr... tu ne penses qu’à toi. Je te signale que comme tu es réveillé plus tôt tu pourras encore plus manger !
Son sang de gardien ne fit qu’un tour, les cernes disparurent et sa mine s’illumina. Il tendit un bras vers le couloir :
- Go, go, Sakura, et l’aventure continue !!!
- Encore une série télé, soupira-t-elle.
 
- C’est nous ! clama-t-elle fièrement en arrivant dans la cuisine.
Personne.
- Oh !! Papa ? Thomas ? Mathieu... appela-t-elle alors, en vain. On est seuls !
Au tableau des tâches, chacun avait laissé un mot :
« Comme tu ne te levais pas, on est parti » signé Thomas.
« J’espère que tu n’es pas malade, téléphone-moi à l’université si ça ne va pas bien » signé papa.
« Au fond de moi, j’aimerais rester ce matin » signé Mathieu.
- Et ben, voilà ! Plus personne pour le préparer. Le déjeuner nous passe sous le nez ! grommela Kero.
- Je suis encore là, moi ! Je vais te le préparer !
Il souleva un sourcils et retourna se coucher :
- C’est ce que je dis : plus personne pour le préparer.
- Grrrrr !!!
Elle jeta un œil à l’horloge de la cuisine et ne comprit pas que tous aient pu partir si tôt. Ils seraient tous monstrueusement en avance ! Son estomac gargouilla à la vue des pan cakes qu’avait laissé Dominique sur le plan de travail de la cuisine. Elle songea à appeler Kero mais se retint. Il l’avait cherchée, ce matin !
Elle emporta le panier-repas et quitta la maison bien en avance.
 
Le lycée était lui-aussi vide quand elle y arriva.
- Quelqu’un pourrait m’expliquer ?
Un élève courut à côté d’elle et se précipita vers le bâtiment. « En retard... » ? C’est ce qu’il avait crié en la frôlant ?
Elle jeta un regard nerveux à la première horloge venue et constata qu’elle était vraiment en avance ! Presque trop. Elle n’avait mis qu’une minute pour venir à l’école... ? Machinalement, elle se mit à galoper vers le bâtiment, perturbée par la course effrénée de l’élève dans la cour. Les couloirs étaient tous vides mais chaque classe semblait occupée. Sakura commençait à paniquer. Elle était en retard ?! Comment était-ce possible ?
Elle arriva devant la salle, avala sa salive et se prépara à donner une excuse au professeur. Que pourrait-elle inventer ?
Soudain la sonnerie retentit et les portes des classes glissèrent dans le couloir. Les élèves sortaient.
Sakura fit un pas en arrière et ses amis l’aperçurent en quittant la salle.
- Sakura ? On a cru que tu étais malade ! lança Sonya.
- Pour la rentrée, tu es terriblement en retard, fit remarquer Alison.
Tiffany la consola en lui expliquant que leur professeur était un nouveau et qu’il acceptait plutôt bien les retards à la rentrée.
- Lui-même n’arrive jamais à se lever assez tôt, affirma-t-elle.
- Mais c’est tout ce qu’il accepte, souligna Sandrine. Il a l’air très sévère !
- Mais... mais... bafouilla Sakura encore sous le coup de l’émotion. Pourquoi vous sortez ?
- Pour aller manger, voyons ! C’est la pause de midi.
- Woéééé ?!!!
 
Sakura n’avait rien pu manger du panier-repas préparé par son père. Que se passait-il ? Elle passa sa main dans sa poche et sortit discrètement ses cartes. Time était bien là. Ce n’était donc pas le Temps qui jouait avec elle. Mais alors...
- Ca va ? lui demanda Tiffany.
- Non. Je perds un peu les pédales, là.
- Pourquoi ça ?
- Je ne sais même pas !!
- Tu n’as pas touché à ton repas...
Elle ne savait quoi lui dire... Pour elle, le petit-déjeuner ne semblait pas si loin... Pas assez en tout cas pour que ce repas ne lui ouvrît l’appétit !
- Tu n’as toujours pas de nouvelles de ton fantôme ?
Sakura émergea de ses pensées à cette question et secoua la tête :
- Non, soupira-t-elle. Mais je suis sûre qu’il réapparaîtra. Tu te rends compte qu’il a dit que je sauverai son avenir... ?
- Il te connaissait donc.
- Je pense, oui. Son grand-père me connaîtrait en tout cas.
- Peut-être pas toi personnellement, rappelle-toi, Monsieur Larson, il ne connaissait que la légende ! Et avec tes cartes ? Tu as progressé ?
Sakura soupira plus profondément encore. Elle fouilla dans son sac et en sortit son cahier à spirales :
- J’ai fait la liste de toutes mes anciennes cartes de Clow. Et je n’arrive pas à les ranger par deux... elles ne sont pas toutes opposées ! Il y a évidemment l’Eau et le Feu. Mais est-ce qu’on peut opposer Air et Terre ?
- Dans l’absolu, non. Mais si on les considère comme le ciel et la terre, oui. C’est un peu le haut et le bas !
- Bon, d’accord. Il y a aussi Création contre Effacement. Light contre Dark. Lueur et Ombre, j’ai supposé. Bouclier contre Epée. Little contre Big. Silence et Voix. Mais c’est tout... les autres ne sont pas opposées ! Bon, si j’ajoute à ma liste le Lave (contre la Gel) et Attract (contre Float), ça fait deux couples de plus !
- D’où mon idée, Sakura : les cartes de Clow n’étaient pas les seules ! Je te l’avais déjà dit, non ? Il se pourrait que des forces ne soient pas des cartes de Clow. Comme cette femme à la fête foraine !
- Je le pense aussi. Mais quelle explication trouver à tout ça ? Pourquoi Clow n’a-t-il pas mis dans ce livre toutes les cartes de Clow qu’il avait créées ?!
- Tu as raison, à la condition que ce soient des cartes de Clow ! Ca pourrait être autre chose...
La cloche sonna et elles haussèrent les sourcils.
- Ca fait à peine quelques minutes qu’on est là !
Elles se levèrent et rangèrent les affaires de Sakura. En se dirigeant vers le bâtiment, elles se heurtèrent au flot des lycéens qui quittaient l’enceinte.
- Mais ce n’est quand même pas la fin des cours !!! s’exclama Tiffany.
- Voilà ce qui m’est arrivée ce matin...
- C’est impensable !!!!
 
La silhouette qui souriait dans l’obscurité d’une salle, loin de là, soupira de plaisir. Le sort marchait à merveille.
- Ne sois pas si heureuse, l’interrompit une voix.
- Ah c’est toi, se retourna-t-elle, demeurant dans l’ombre.
- Sakura est plus fine que tu ne le penses, avança Yolis, bras croisés.
- Mais elle n’a pas ça ! sourit la femme en brandissant un dossier rempli de feuilles.
- Je vois, vous avez réussi à traduire l’Antéscripte de Clow. Le dernier chapitre de ses manuscrits. Et ceci avant même la famille du jeune Lionel.
- En effet. Et grâce à ça, je connais l’avenir de la protégée de Clow.
Il haussa les épaules et s’appuya à un mur :
- Et qu’en feras-tu ? Si Clow Reed avait eu une seule peur à ce propos il les aurait détruits avant de disparaître, non ?
- Ne bluffe pas avec moi, gardien. Tu sais que ces manuscrits ont été dérobés au sorcier bien avant sa mort. Il n’a jamais pu les retrouver. Une partie a fini en Chine. L’autre était perdue dans le Pays du Cercle. La France.
- Tu es devenue enragée, nota Yolis. Tu t’en rends compte ?
- Non, je ne le suis pas devenue, approcha-t-elle en passant dans la lumière. Je l’ai toujours été...
Yolis aperçut enfin les traits de la jeune femme. Elle... dormait.
- Et oui. Elle dort.
- Alors, tu es...
- Bien... maintenant que tu le sais, laisse-moi aller travailler. On m’attend. J’ai jeté un sort sur ce monde et Sakura en périra à un moment où à un autre. Je suppose que tu ne feras rien pour m’en empêcher, gardien-exécuteur.
- Non, en effet. Je ne tenterai rien. Mais il y aura quelqu’un. Et tu le sais. Car ce quelqu’un est en toi. La dualité le veut. Ton antagonisme naturel !!
- Je contrôle la situation...
Elle sortit et claqua la porte, plongeant Yolis dans le noir. Une allumette craqua derrière les lourdes étagères remplies de livres. La lueur longea le mur. Dominique, une bougie à la main, approcha le sourire aux lèvres :
- Yolis. Bonjour. Enfin, nous nous rencontrons.
- Dans quelles circonstances... Vous avez mis la main sur le chapitre final de l’apocalypse et vous l’avez laissé entre de mauvaises mains...
- Tu n’es pas juge, Gardien. Tu es exécuteur. Alors ne juge pas... exécute. A moins que tu ne commences à te sentir impliqué dans la vie de ce monde ?
- Pardon ? Pas du tout. Ce monde n’a pas changé. Les guerres, la haine, la faim, la maladie... ce ne sont pas quelques siècles qui l’ont modifié ! Je n’ai pas changé d’avis. Le Fléau va faire son travail et je suis là comme exécuteur du Destin, quel qu’il soit.
- Bien, souffla Dominique en préparant quelques livres, j’avais peur que ta légendaire impartialité ne faiblisse. Mais si tu le dis. Sache que l’avenir passe par ce combat.
- Sakura est-elle prête ?
- Je l’espère.
- Hmmm...
 
Samantha se dirigeait, les poings serrés, vers la porte de la chambre d’Anthony mais Gothar l’arrêta net avant qu’elle ne frappât.
- Stop. Il ne veut pas qu’on le dérange.
- Mais il est conscient de ce qui arrive, en ce moment ? demanda-t-elle, en colère. Deux jours viennent de s’écouler en quelques heures. L’humanité entière n’y survivra pas !
- Tu parles... dis plutôt que tu n’arrives pas à suivre la course des heures et que tu ne peux rien faire...
- Ca ne te gène pas, toi, le rat de bibliothèque de n’avoir pas le temps de finir un livre en une journée ?
- Anthony a dit qu’on était revenu pour l’affrontement ultime. Pas pour autre chose.
- Cet affrontement ne viendra jamais si ça continue !!!! 
Le fauve sombre croisa ses petites pattes et fronça les sourcils.
- Nos petites contrariétés passent après.
- En attendant, on ne vit plus !!
- Console-toi en te disant que ça démontre une bonne fois pour toutes que nos pouvoirs ne sont pas éteints et que nous n’allons pas disparaître de si tôt puisque nous ne sommes pas pris dans le pouvoir de ce sort...
- Oh là là, s’exclama-t-elle en s’éloignant, qu’est-ce que je suis soulagée !!!! Wouhhh ! Maintenant, je respire ! Tu parles !!
 
 
Episode 29.2 : La course des nuages
 
On heurta Sakura à l’angle de la rue du marché et elle n’eut pas le temps de voir celui qui l’avait poussée contre un étal, tellement il marchait vite, se perdant dans la foule en quelques pas...
- Ca va ? lui demanda Tiffany.
Sakura en avait encore la tête qui tournait et plusieurs personnes les frôlèrent rapidement, le pas toujours plus rapide.
- Pourquoi tout le monde est si pressé ?
- Je ne sais pas... des réductions faramineuses peut-être ? plaisanta son amie en posant son sac près d’elle.
- Je n’en reviens pas... Tout va si vite... Je ne parviens pas à suivre.
- Moi, c’est encore plus étrange, parfois je suis le mouvement et parfois pas...
- Incompréhensible...
Thomas et Mathieu arrivaient en face, les bras chargés de commissions.
- Voilà ton frère, sourit Tiffany.
- Avec cette foule et la fureur nouvelle de tout ce monde, il va être de mauvais poil ! murmura Sakura.
Mathieu pressait visiblement le pas et Thomas continua sa route sans s’arrêter. Il leur lança un rapide salut et s’envola presque, se glissant à tout allure dans la foule en ébullition. Mathieu le regarda partir et fit une pause à côté des filles, le souffle court.
- J’ai beau être un bon sportif, il m’essouffle !
- Lui aussi est pris dans cet effet de masse ? s’étonna Sakura.
- Oui... mais il n’arrête pas de se plaindre que tout ne va pas assez vite. Il est fatiguant.
- Tu crois que c’est une force ?
- Yue ne semble pas vouloir se manifester. Mais je le crains. Quelle autre raison pourrait pousser tout le monde à courir ainsi ? Il faut être prudent, Sakura, lui lança-t-il subitement. Tout va de plus en plus vite. Yue a arrêté le temps, je crois, hier...
- Je n’ai rien senti !
- Moi non plus, sourit Tiffany.
- Il l’a arrêté suffisamment pour m’éviter de passer sous un camion fou ! Je n’arrive plus à suivre le rythme...
Autour d’eux la masse circulait aisément en pressant le pas à chaque instant. Les femmes restaient à peine devant les étals, les commerçants tapaient leur note plus rapidement que jamais, les vélos filaient sur l’avenue sans renverser les piétons. Les voitures évitaient avec brio toutes les personnes qui traversaient, les nuages parcouraient le ciel à une vitesse hallucinante, le soleil même se levait plus rapidement, atteignait le zénith en un rien de temps et se couchait plus tôt. Les marées suivaient le rythme, la télévision alignaient les émissions sans retenue, la vie avait accru sa cadence...
Mathieu avait aussi levé les yeux vers le ciel et soupira :
- Si je ne parviens pas à vivre à leur vitesse, ma vie peut être en danger. Mais Yue est retenu à tous ces gens par moi : Mathieu. Le danger est plus grand pour toi, Sakura, se tourna-t-il vers elle. Tu ne suis pas depuis le début, n’est-ce pas ?
- Oui, et j’ai l’impression qu’en une matinée, j’ai perdu presque une semaine, désormais...
Le soleil déclinait peu à peu à l’horizon et elle soupira une nouvelle fois.
- Ca va être catastrophique pour ma rentrée ! C’est comme si je n’y allais pas !
- Ce n’est que le début de l’année, lui rappela Tiffany.
- Elle a raison, ajouta Mathieu. Pense d’abord à contrer ce sort... La force qui opère en ce moment est totalement indétectable, à ce que j’ai pu comprendre... Yue semble totalement perdu.
- Et je ne sens rien non plus, avoua-t-elle.
- Je dois y aller, Thomas va encore se poser des questions. On se voit ce soir peut-être ?
- Je ne sais pas si je serai rentrée... Essaie de trouver une excuse pour Papa... Lui aussi va se demander si je suis bien sérieuse.
- Je lui dirai que tu es chez Tiffany !
- Merci...
Il s’éloigna et se perdit peu à peu dans la masse, suivant leur mouvement.
- La nuit, maintenant... soupira Sakura. Ca n’en finira donc jamais ?!!
- Tu veux qu’on rentre ?
- Je n’ai pas sommeil ! Et ça fait quatre de « vos » nuits que je ne dors pas !
- Je vais rentrer, moi. Maman va s’inquiéter et peut-être téléphoner chez toi si je ne rentre pas !
- D’accord. A plus tard...
 
Une autre journée passa. Sakura n’était pas rentrée. Elle avait choisi de ne pas essayer de suivre ce rythme. Vouloir rentrer, c’était arriver chez elle le lendemain midi, c’était surtout vouloir aller à l’école et n’y arriver que le soir... Autant se concentrer sur cette force...
Elle s’allongea dans l’herbe du parc et laissa errer son regard dans la course incessante et insensée des nuages. Ils flottaient si haut, pris dans l’effet de la force mystérieuse. Laquelle des cartes de Clow pouvait bien faire ça ?
- Je te dérange ?
Elle leva simplement les yeux, haussant le menton pour voir Lionel penché vers elle, du haut des marches.
- Ah, c’est toi, fit-elle froidement.
Il la fixa un instant et approcha finalement, s’asseyant dans l’herbe.
- Tu m’évites ? En tout cas, tu ne vas plus au lycée...
- J’ai des ennuis.
- Sakura, pourquoi réagis-tu aussi... bizarrement ?
- Pour rien.
Elle ramena son regard sur le ciel bleu sur lequel couraient quelques moutons de soie blanche.
- Très bien, tu ne veux pas me parler. Je repasserai.
- Oui.
Il se leva et elle sentit son cœur se resserrer. Pourquoi agissait-elle ainsi ?
- Sakura... ? Je vais peut-être repartir, dit-il alors. Il y a des problèmes chez moi, en Chine. Et ici, je ne te sers plus à rien.
Elle se tut, le cœur battant.
- Mais je ne sais pas si je reviendrai, lui asséna-t-il alors. Je ne veux pas jouer au chat et à la souris une fois de plus. Je suis revenu. Je n’avais pas imaginé qu’on pourrait s’entendre de nouveau. Mais voilà que tu ne veux plus me parler...
- Ca passera peut-être. Mais...
Il s’agenouilla tout-à-coup à ses côtés et elle le regarda :
- C’est à cause de quoi ? Tu as retenu la leçon, non ? Moi, oui. Il faut qu’on en parle, tu ne crois pas ? Je t’aime très fort Sakura. Je ne veux pas qu’on se sépare encore.
- Très bien, rumina-t-elle nerveusement en se tournant ver lui : tu ressens quoi pour Alison ?
Il se figea.
- Ne me dis pas que vous êtes amis et qu’elle a besoin d’aide... Tu as été le premier à me dire qu’elle était louche...
- Eh bien...
- Qu’est-ce qu’il s’est passé pendant que j’étais en Europe ? Qu’est-ce qui a changé entre nous ?
- Mais... Rien ! Il y a eu la classe de neige. Et cette avalanche... et je sais que c’est toi qui nous a sauvés. Enfin. C’est tout !
Elle s’allongea de nouveau et soupira profondément.
- Tu ne me crois pas. Tu doutais déjà de ma parole quand nous nous sommes quittés, après la capture de Void. Quand je suis revenu, tu m’as demandé si je t’aimais encore... Pourquoi douter de moi, Sakura ? J’aurais plutôt toutes les raisons pour douter de toi après l’épisode Brice !
Elle secoua la tête :
- Tu sais bien que ce n’était rien... Ce n’est pas pareil !
- Au contraire, se releva-t-il. Ca l’est. Alison... m’attire, puisque tu veux le savoir. Mais rassure-toi, ce n’est que son mystère qui m’attire. Pas autre chose. Crois-moi, je t’en prie. Tout le reste va dépendre de toi. Car c’est toi qui est au centre de tout ça, désormais, seule.
Il ne dit rien de plus. Il s’éloigna et le bruit de ses pas disparut dans le bruissement qui parcourait les arbres alentour.
Que lui arrivait-il ? Pourquoi venait-elle de...
D’interminables larmes glissèrent sur ses joues et le ciel se figea quand l’une d’elle coula contre la terre. Mais Sakura ne le remarqua pas. Venait-elle de tracer un trait sur leur relation quelque peu chaotique ? Elle l’avait poussé dans les bras d’Alison.
« Seule » se répéta-t-elle.
 
Lionel posa sa tasse sur la table et Tiffany haussa les épaules :
- Ne la laisse pas tomber, c’est tout ce que je peux te dire.
- Mais elle m’en veut pour une chose que je n’ai pas faite...
- Un peu comme toi, sourit-elle tendrement.
- Oui, je sais... C’est pour ça que je ne veux pas repartir en nous laissant dans cet état de choses. Je veux lui prouver mes sentiments...
- Pourquoi ne pas l’avoir aidée, alors ? Puisque tu sais ce qui arrive.
- Je l’ai aidée. Mais ça ne veut rien dire pour elle, pour l’instant. Et puis l’aider, c’est mon rôle, ce n’est pas une preuve... C’est ce que voulait Clow. Sauf que j’ai un peu dépassé les limites.
- Ne la laisse pas en tout cas.
- Je serai toujours là pour elle. Mais... Alison a vraiment quelque chose qui me dérange.
- Tu es sûr de pas tomber amoureux d’elle ? lui demanda alors Tiffany, en posant une main sur les siennes.
- Eh bien... En toute sincérité, mon intérêt est tellement suscité que je commence à me poser la question. Je me la pose un quart de seconde et après le doute s’envole. Je ne suis pas assez perdu pour ne pas voir que mon seul et unique grand amour c’est Sakura.
Elle acquiesça, le soutenant par ce geste.
 
- Le ciel est une chose bien mystérieuse...
Sakura sursauta en entendant la voix du sorcier.
- Brice...?
- Bonjour, Chasseuse.
- Que veux-tu ?
- Juste discuter. J’ai l’impression que ça ne va pas...
- Et depuis quand t’occupes-tu de moi ?
Le soleil illuminait le parc de sa couleur rougeâtre et ne tarda pas à se coucher laissant une à une les étoiles apparaître sur la voûte des cieux.
- C’est beau ce temps qui file...
- Tu parles, j’ai passé plus d’une journée à regarder les gens divaguer dans le parc, l’herbe qui bouge, les fleurs qui poussent, les arbres qui remuent toute la journée, la ville qui vit à cette vitesse sans s’en apercevoir.
- Il y aura toujours des choses incontrôlables, tu sais. Je suppose qu’à présent Clow a dû te parler du Destin.
- Anthony y a fait allusion. C’est une force qui ne m’attaquera jamais. Je voudrais me concentrer sur les forces que le nouvel agent du mal éveille...
- Le temps qui file est aussi une carte, désormais, mais tu ne la contrôles pas.
- Où veux-tu en venir ?
- Les choses sont ce qu’elles sont. Clow a fini par me le faire comprendre, Sakura. Il m’a fallu du temps et je voudrais que tu m’excuses pour tout ce que j’ai fait.
Elle se redressa et s’assit, en se frottant les mains un instant, la pupille dilatée dans la nuit.
- Que dis-tu ? Tu t’excuses ?
- Oui. Il est temps, non ?
- Je... je suppose.
- Je ne veux que ton bien, Sakura. Si tu veux savoir pourquoi, sache que Clow m’avait fait une promesse avant de partir pour le Japon où il mourut. Il m’avait promis de revenir un jour, il m’avait dit de rester moi-même contre tout ce qu’on me disait, me demandait de faire ou de penser. Il parlait du Cercle. Il s’en méfiait et m’avait affirmé qu’il reviendrait. Mais en apprenant qu’Anthony avait perdu ses pouvoirs, cela m’a prouvé à quel point il te faisait confiance.
- Confiance ?
- Oui, il a fait son possible pour les perdre. Quand je l’ai connu, il possédait déjà une somme colossale de pouvoirs distincts. Mais sa plus grande force était de vouloir se connaître lui-même. Aller au fond des choses. Mais tout son pouvoir était bien trop conséquent pour une seule personne. Il voulait vivre autre chose. Revenir à la vie simple qu’il avait abandonnée.
- Je sais... Il me l’avait expliqué avant que tu n’arrives à ton tour du Japon.
- Mais depuis longtemps, il sait que le Fléau doit revenir sur Terre. Et j’ai bêtement pensé que cette histoire de réincarnations était prévue pour être sur place, avec un nouveau maître des cartes quand le jour arriverait. Or, Clow est mort, son esprit s’est éteint, comme l’a voulu Anthony. J’en conclus donc que je me trompais.
- Je... hésita-t-elle. Je ne comprends pas pourquoi tu me dis tout ça, Brice... J’ai l’impression...
- Non, dit-il. Ne le dis pas. C’est la vérité...
- Mais... je ne peux pas l’accepter !
- Le Destin, Sakura, sourit-il, serein. C’est lui qui a décidé tout cela.
- Je m’y opposerai ! s’écria-t-elle alors que le jour naissait à l’horizon.
- Te rends-tu compte de ce que tu dis... toi qui me haïssais ?
- Mais...
- N’abandonne jamais. Car toi seule peut dominer la force surpuissante qu’est le Destin. A toi d’écrire ton avenir, Sakura...
Il sourit encore et posa une main sur sa joue. Sa chaleur se répandit en elle et elle vit une larme border ses paupière et longer sa peau, dans la lueur du matin.
- Ta maman doit être fière de toi, murmura-t-il.
- Brice...
Il disparut.
- Briiice... que vas-tu faire ?!!!!!
 
Episode 29.3 : Vers le zéro absolu.
 
Elle volait vers sa maison. Peut-être Kero ou Yue savaient-ils où il habitait. Elle devait le retrouver !
Elle se posa devant la maison et, en un souffle, une voiture s’approcha d’elle. Le capot se rapprochait doucement ; elle crut le choc violent inévitable. Cependant, le temps se figea et Yue vola vers elle pour la pousser. Il planait lentement au-dessus du sol et elle atterrit dans le buisson d’en face. Tout se défigea brutalement et la voiture heurta le gardien qui roula sur quelques mètres.
Elle se releva et bondit, se mettant à courir vers le gardien... Elle courait. Elle sentait ses jambes s’alourdir. Jamais elle n’y parviendrait. Tout se mettait à ralentir autour d’elle et plus loin sur la rue, la vie continuait son périple fou sans les voir. Le gardien remua doucement et elle aperçut le sang couler sous le corps renversé...
- Yue... Mathieuuu !!!!
- A qui la faute ? lui susurra-t-on à l’oreille gauche.
Sakura courait de toutes ses forces mais la rue semblait s’allonger à chacune de ses foulées.
- Tu l’as tué, lui souffla-t-on encore.
- Yueeeee !
- Si tu ne peux pas les sauver, comment peux-tu sauver ce monde... ?
Sakura reçut cette parole en pleine course et tomba au sol à quelques dizaines de centimètres du corps qui recula encore quand elle tendit une main vers lui.
- Il va mourir, si tu ne peux rien faire...
Elle tourna la tête vers la voix mais le visage disparut.
- Veux-tu le voir mourir ? demanda-t-on derrière elle.
Elle fit volte face. Personne.
- Peux-tu seulement l’en empêcher ?
- Qui es-tu ?!!! hurla Sakura, alors que des maisons avoisinantes, des gens émergeaient, au ralenti.
- Je suis tout. Je suis tout ce qui a une conscience, tout ce qui n’en a pas... je suis le nouvel agent, Chasseuse. Et tu es bien faible, face à mon pouvoir...
Cette voix, elle la connaissait.
- Je dois sauver Yue !
- Je le cherchais... La première fois, tu n’as rien pu me dire... Ils doivent mourir avant toi... Twin a fait la bêtise de s’éprendre de toi. Je ne faillirai pas à ma mission.
Sakura enrageait, le corps de son ami se vidant de sa vie si précieuse sans qu’elle ne pût agir. Elle attrapa sa clef et la posa sur une carte au sol en hurlant la formule d’appel des cartes :
- Carte du Bouclier !! Protège-nous, Yue et moi, de cette force !
La carte se vida alors et une bulle s’arrondit autour d’eux. Elle avança une main vers Yue et celui-ci s’éloigna encore. Sa carte ne la protégeait pas ?!!
- Sakura... articula Kero dans sa forme de fauve en la survolant. C’est nous que tu protèges !!!! Le rythme de nos vies a repris !!!!
Elle se redressa et inspecta son propre corps... Elle n’avait jusque là rien senti.
- J’ai une force en moi ?!!
- C’est toi qui fonctionne au ralenti, articula Yue, un œil ouvert sur elle, la bouche en sang. Ce n’est pas le reste du monde qui a accéléré... Tu dois contrer la force pendant que le bouclier protège le monde de toi-même...
- Mais comment contrer mon corps ?
- La mort... articula la voix près de son oreille. Meurt et la force s’évanouira...
- Mourir... ? réfléchit Sakura.
- Il y a sûrement une autre solution !! hurla Kero alors que les voisins s’étaient éloignés.
- Non... Il n’y en a pas... ricana la voix.
- J’accepte de mourir, articula difficilement Sakura. Mais montre-toi d’abord... que je vois ton visage.
- Jamais !! Donne-moi ta vie !
- Sakura... murmura Yue. Je te fais... confiance...
Sa tête heurta le sol et il perdit connaissance.
« Car c’est toi qui est au centre de tout ça, répéta Lionel au plus profond de son esprit, désormais, seule »
Le cœur de Sakura s’accéléra, mais elle se sentait bien. L’idée qu’elle venait d’avoir lui assurerait la victoire... La bulle de Shield commençait à faiblir. Sakura se leva, le sceptre à la main. Elle sortit une carte qu’elle garda contre elle :
- Je vais mourir, souffla-t-elle à Kero.
- Je te l’interdis !! hurla-t-il en se posant près d’elle.
- Je le dois, non ?
- Tu n’as rien compris... tu es importante pour nous. Pour le monde. Je te l’interdiiiis !!
- Faites votre possible, dès que j’aurais perdu connaissance, sourit-elle, sereine.
- Nooon, Sakura !! s’époumona Kero, en frappant le sol de sa patte.
Sakura se tourna vers la silhouette qui se tenait fièrement sur un pilier, en hauteur, et celle-ci fut surprise d’être découverte.
- Tu me vois donc désormais...
- Carte du Gel, lança Sakura en jetant sa carte devant elle.
- Le Gel... ?!
- Baisse la température de mon corps. Atteint la limite de vie !!
- Sakuraaaa, nooon !!
 
Thomas se crispa sur son torse : une douleur gigantesque le piqua soudain au vif. Il tomba à genoux dans la cuisine et lâcha la spatule qui heurta le parquet à côté de lui.
- Reste tranquille Thomas. Tiens bon...
- Maman, sourit-il malgré la douleur... je vais te rejoindre... ?
- Non, reste encore. Survis à cette douleur. Ta sœur devait le faire!
- Mais... j’ai mal... se crispa-t-il en s’évanouissant.
- Je sais, mon petit, je sais.
 
Le Gel se propagea dans la bulle et la solidifia de l’intérieur. Le corps de Sakura se figea et ses doigts lâchèrent le sceptre qui tomba au sol, glacé, lui aussi. Le sceau s’éteignait peu à peu et les battements de son cœur ralentirent. Pour ne plus être perceptibles. Presque inexistants. Le sang ralentit encore sa course dans les ramifications de ses artères et les sens de Sakura s’envolèrent les uns après les autres.
La silhouette n’en revenait pas. Elle approcha et se posa près de Kero, fou de rage.
- Qu’as-tu fait... ?!!!
- Elle a... Elle a préféré ça à... m’affronter, bredouilla-t-elle.
- Si elle meurt, je te tuerai, lui hurla férocement Kero.
Elle était béate mais, d’un geste de la main, elle envoya Kero contre le mur de la maison. La bouche grande ouverte, elle approcha de la boule de glace et rechercha une once de vie à travers l’épaisseur de froid.
- Tu t’es tuée pour ton gardien...
- Ne lui fais rien, je suis... encore vivant, cria Kero en se relevant, battant des ailes pour approcher.
La silhouette disparut soudain, à la grande surprise du gardien-guide.
A l’intérieur du bloc de glace, la lueur de la carte étincela et s’éteignit presque aussitôt. Freeze et Shield retrouvèrent leur forme de carte et le corps de Sakura tomba au sol, inconscient, mort. La carte qui venait de se créer se posa sur elle. Dominique accourut et posa une main sur le visage de Yue.
- Il n’est pas mort. Je vais le retransformer en Mathieu et l’amener aux urgences...
- Et... Sakura... murmura Kero en passant son museau sous la joue de la chasseuse, inerte.
- Use de ton pouvoir de Feu pour la sauver. Je compte sur toi.
- Mais je... Elle savait que je pourrais le faire?
- Elle le savait. Elle a endormi ses fonctions vitales pour leurrer la force. Mais tu peux la réanimer.
- D’accord... D’accord !!
 
Le visage de Tara se souleva et elle sourit au jeune homme qui se tenait sur le fauteuil, au centre de la pièce. Il regardait dehors et ne posa pas les yeux sur elle. La douce lumière qui venait d’envahir la salle suffit à le renseigner sur la présence magique.
- Te voilà enfin, gardienne. 
- Tu est donc bien revenu.
- Oui. Sakura aura une dernière fois besoin de Clow.
- Elle a fait de merveilleux progrès, s’avança la femme en robe longue, rabattant ses ailes dans son dos. Elle est magnifique.
- C’est un peu la fille de Clow, sourit-il.
Yolis apparut dans la pièce et ouvrit les bras face à Anthony et à Tara :
- Petite réunion familiale... Il en manque encore deux.
- Non, Yolis, je ne suis plus qu’Anthony. Nos réunions n’auront plus rien de familial.
- Je le sais bien. Clow nous a suffisamment servi. Il était temps qu’il repose enfin en paix. Il était temps que tu vives pour toi, Anthony. Tara sera d’accord avec moi pour dire qu’il a bien agi. Il a été loyal. Il ne va pas sans dire qu’il mérite tout notre respect. Mais je dois t’avouer que j’ai du mal à cerner Dominique. Dans l’après-midi, il a retransformé Yue selon sa simple volonté.
- Il a acquis la moitié de mon pouvoir. Il est bien normal que sa conscience s’éveille à cette ressource naturelle.
- Et s’il n’agissait pas comme tu l’avais prédit ?
Anthony éclata de rire.
Tara s’inclina vers le gardien exécuteur et secoua sensiblement la tête.
- Ce n’était qu’une idée, se défendit-il.
- Yue et Kero sont sur le chemin de la vérité, lança soudain Anthony, en se tournant vers l’extérieur. Ils se souviendront de tout lors du second jugement.
- Vivement que ce jour arrive, réagit Yolis. Yue s’est trop assagi !
Anthony éclata encore de rire et ne répondit pas.
« Assagi... » se répéta-t-il en silence.
 
- Monsieur, je tiens à m’excuser de mes absences répétées. Des problèmes dans ma famille m’ont forcé à ne pas suivre cette première semaine et je tiens à m’en excuser auprès de ceux qui ont pu s’inquiéter, clama-t-elle devant la classe.
- Si monsieur le directeur a accepté ton retour, alors il ne te reste qu’à prendre place.
- Merci...
Elle retrouva sa place et sortit ses affaires. Tiffany lui sourit et lui fit un petit signe de la main. Sakura ouvrit le cahier dans lequel elle avait rattrapé ses premiers cours. La carte fraîchement créée glissa sur la table et Sakura sourit fièrement en jetant un œil à ce marque-page improvisé : « Rhythm » 

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