Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 2)

Chapitre 11 : Quand la douleur nous noie

Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 21:17

Episode 33.1 : Un sentiment qui n’est pas le mien.
 
Sakura courait entre les arbres et le flot la pourchassait sans éviter les troncs qui fondaient sur son passage. Kero survolait le parc et descendit vers elle :
- Remonte !!! Tu vas détruire tout le bois !
- Mais...
Elle s’arrêta net, voyant le fluide couler dans l’air à toute vitesse et dans sa direction. Elle poussa d’un coup sur ses chevilles et s’envola, de grandes ailes s’écartant dans son dos, la transportant bien au-dessus de la ville endormie.
- Je ne peux pas me poser, se tourna-t-elle vers son gardien qui approchait.
- Tu dois l’arrêter, pourtant !!
Le flot luisant sous la lueur pâle des étoiles remontait vers elle en se courbant sensiblement sur les côtés. Sakura chercha dans son jeu mais ne trouva pas une carte pour l’arrêter.
- Little n’a même pas tari son débit... Le Bouclier a fondu ! Le temps s’est fait rongé et Erase s’est fait effacée ! Quelle force est-ce ?!!!
- Attention ! lui cria Kero en la poussant d’un coup de tête.
Le flot s’était séparé en une multitudes de bras qui l’avaient enveloppée en un instant. La poche se referma sur le gardien qui se protégea instinctivement avec son Bouclier.
- Kero !! s’écria Sakura. Kerooo !
- Je suis encore en vie, l’entendit-elle crier au creux de la bulle qui perdait en épaisseur.
- Mais qu’est-ce que c’est ?!!
Yue les rejoignit et figea le temps d’un balancement de sceptre.
- Ca ne sert à rien, lui souffla Sakura.
- Tu étais où, toi ?! lui demanda Kero en se débattant dans sa bulle avec les infiltrations de liquide.
Le temps reprit sa course et un des jets frappa le gardien au flanc, le faisant rugir de douleur. Sa hargne le piqua au vif et d’un puissant rugissement il fit sauvagement voler sa prison en éclats et le liquide se répandit autour d’eux.
Le souffle court, la colère s’atténuant, il réalisa, demeurant coi.
- C’est moi qui ai fait ça ?!
Sakura le rejoignit et remarqua la brûlure qui avait pelé la peau et mit le muscle à vif.
- Comment une force peut-elle être si puissante ?
- Ne restons pas là, leur lança Yue...
- Nous ne partirons pas, se retourna Sakura. Cette force ronge tout ce qui... se mit-elle à réfléchir.
- Tu as raison, chasseuse, souffla Kerobero en serrant les dents dans la douleur.
De partout les particules de fluide se réveillèrent de leur choc et se rejoignirent sous eux. Sakura lança son sceptre au-dessus de sa tête et lança un regard direct à son ami guide.
- Bien, nous nous retirons... souffla-t-il.
Le fauve rejoignit Yue et ils s’éloignèrent rapidement.
- Tu étais où, toi ? siffla Kero.
- Occupes-toi de toi, lui rétorqua sèchement le Juge en passant sa main sur sa plaie. Mon pouvoir de Soin est assez puissant. Mais il s’en est fallu de peu pour que tu perdes une partie de toi...
- Je suis prêt à tout pour elle, moi, mugit Kero en sentant la douleur s’apaiser lentement.
Sakura aperçut son sceau apparaître sous elle. Les cartes, leur ordre... c’était la solution ! Elle concentra tout son pouvoir dans son sceptre et un vent léger se leva dans les environs, soulevant les feuilles, les plantes, les pierres et les branches. Dans les alentours, un pouvoir s’éveillait et Sakura sentit toute la force du sceau terrestre la traverser. Elle frappa la carte qu’elle avait jetée devant elle :
- Carte de la Douceuuuur ! s’écria-t-elle en sentant le pouvoir s’écraser sur Sweet.
Le flot passa à l’attaque et Sakura ferma les yeux pour concentrer ses pensées sur cette attaque. Se pouvait-il qu’elle se soit trompée ? Cet emplacement vide pourtant... Non ! Elle ne pouvait laisser de place aux doutes. Elle inspira profondément et ouvrit les yeux sur le liquide qui se cristallisa sous l’action de la poudre diffuse répandue par sa carte. Un nuage de douceur venait de freiner la force à quelques centimètres de ses pieds et elle plia les jambes vers elle et s’envola encore plus haut pour contourner l’immense cristal luisant.
Elle redescendit auprès de la force et fit tourner son sceptre entre ses doigts. D’un coup de poignet, elle l’orienta et frappa la Force de toutes ses forces. Le cristal se brisa et le liquide jaillit avec une puissance évidente. Mais la capture avait fait son effet et tout ce qui s’échappait de ce cocon de Douceur rejoignit la carte qui se créait. La carte virevolta dans les airs et vint se poser dans sa main.
- C’était Acid !! cria-t-elle à Kero et Yue. Je l’ai eue !
- Acid ? murmura Kero. Qui pourrait bien avoir envie d’attaquer avec une force si faible ?!
Yue haussa les épaules et repartit, son sceptre disparaissant entre ses doigts.
- Je ne sais pas... mais ça ne présage rien de bon. Le troisième agent est à l’image de Yolis le plus vicieux et le plus intelligent.
- Parle pour toi, lui cria Kero alors que l’autre gardien était déjà loin. Parle pour toi...
- Je l’ai eue, s’approcha Sakura. Tu as vu ? Sweet l’a piégée alors qu’aucune de mes cartes puissantes n’y étaient parvenu...
- C’est la nature du jeu de l’éternel, Sakura. Chaque force n’est rien si elle ne peut lutter contre quelque chose. C’est le principe des opposés. Tu l’as vite compris. C’est bien.
- Merci, sourit-elle. J’ai un bon maître !
- Oui. Rentrons, fit-il simplement.
 
Alors que le soleil se levait, non loin de là, Gabrielle s’avançait dans la ruelle qu’elle n’avait pas revue depuis l’incident qui avait détruit en partie l’impasse et les bâtiments qui la cernaient. Elle passa une main sur la porte en songeant à son ami, perdu dans cet épisode malheureux...
Il n’en restait rien. Sakura l’avait capturée. Sakura... Elle n’y était pour rien. Le seul et unique fautif, c’était Clow. Il avait agi inconsidérément en la séparant de son ami de toujours... Le seul qui l’avait comprise. Et le sorcier les avait séparés pour des histoires de vulgaires puissances ! Il devrait payer ! Il devrait sacrifier lui aussi une partie de sa vie pour avoir voulu maîtriser la sienne ! Après tout, elle n’était pas n’importe qui. Mais le jeune sorcier qu’il était alors était bien trop présomptueux pour reconnaître la suprématie des forces sur l’humanité...
En un mot, il paierait !
Elle frappa du poing dans le reste de mur et celui-ci s’écrasa sur lui-même sous la puissance de l’impact. 
Un flash la traversa alors et elle aperçut un  sceptre s’abattre sur elle alors qu’elle l’implorait. Ses yeux s’étaient clos sur elle et il avait murmuré la formule de capture. Le choc de pouvoir sur la surface de son corps astral l’avait presque assommée, déchirée, et un puissant souffle la figea, pouvoir et sens, dans la carte. Gabrielle ouvrit les yeux sur la boutique ravagée, haletante.
« Il paiera pour ses choix !»
 
Thomas longea la rue en bus et s’adossa à la vitre en serrant contre lui la serviette qui contenait son nouveau contrat. Un nouveau travail, un nouveau quotidien... Mais toujours cette impression de mensonge qui rôdait à la maison. Il ne s’y attardait plus, d’ailleurs, y dormant simplement, préférant déjeuner à l’extérieur pour ne plus croiser celui qui lui avait menti.
Son père.
De toute évidence, quelque chose d’imposant se mettait en place, une chose si puissante que ses douleurs au cœur devenaient continues, le crispant à n’importe quel moment de la journée. Quelque chose d’effrayant posait peu à peu un pied à Tomoeda. Et Dominique n’y était pas indifférent. Pire : il était au courant. Et ce silence de son père l’avait blessé. Dominique savait pertinemment que Thomas était capable de sentir ces choses et il ne lui avait rien dit ! Le livre de Clow... La maladie de sa mère... Tout ceci n’était pas des hasards ! Mais qui était-il vraiment ? Simplement une partie de ce sorcier appelé Clow Reed ? Etait-ce tout ?
Il descendit du bus en songeant au pouvoir phénoménal que générait sa sœur à présent. Comment la moitié d’un sorcier avait pu engendrer un tel pouvoir ? Il y avait plus... Quelque chose que Dominique leur cachait à lui et à Sakura !
Thomas se planta face à l’immeuble où il allait travailler.
« Et pendant que ma sœur s’épuise à combattre cette « chose » je me contente de travailler » soupira-t-il.
Un pouvoir se déplaçait non loin et il leva les yeux au ciel. Deux larges ailes se posèrent au sommet du building. Il se mit à courir vers les portes vitrées et se dirigea vers l’ascenseur. En quelques minutes il se retrouva au dernier étage et s’enfonça dans un couloir privé pour atteindre l’escalier qui menait au toit de l’immeuble. Bondissant de marches en marches il rejoignit la porte de métal qui bloquait l’issue et la frappa avec le pied. Le métal du verrou céda et il posa son dossier sur le côté pour chercher celui qui était apparu.
- Yue ?!
Le gardien braqua le regard dans sa direction, debout sur le rebord et haussa un sourcils :
- Que fais-tu là ?
- Je... réfléchit Thomas en reprenant son souffle. Je t’ai senti passer, en bas...
- Ah, fit le gardien en pivotant vers le vide. Je viens souvent ici pour réfléchir, le toit d’une ville me fait penser à... notre ancien monde.
- Votre ancien monde ? Que veux-tu dire, s’approcha Thomas alors que le vent soufflait très fort à cette altitude.
- La Sphère... souffla Yue. Mon monde en tant que gardien.
- Tu... tu n’y vas plus ?
- Je ne peux rien te dire... mais...
Il tourna légèrement la tête vers le jeune homme qui s’approchait du vide.
- Tu veux peut-être parler à Mathieu...
- Mathieu ignore sa vraie nature à présent, lança Thomas sans répondre, sans le regarder, sans bouger, les yeux pendus dans le vide. Pourquoi ?
- Il se passe des choses en lui. Mon pouvoir ne durera pas, Thomas... Et après tout ceci, indiqua-t-il d’un simple geste de la main, je mourrai.
Thomas demeura stoïque, fixant la population qui serpentait en contre-bas.
- Mais tout ça, il le savait, il y a quelques années ! Il a tout oublié.
- Il change. Il devient...
Le gardien se tut alors et haussa les épaules.
- C’est ainsi, les gens changent... termina-t-il.
Thomas se baissa et s’assit sur le rebord en ciment, la tête baissée :
- Tu me mens, toi aussi... Tu n’as jamais parlé de Mathieu comme d’un être à part entière... il faisait toujours partie de toi, jusqu’à présent. Or, désormais, tu le considères comme un homme doué de pensée, de sentiments et de volonté ! Dis-moi ce qui change !
Yue décroisa les bras en l’écoutant et ne chercha pas à croiser son regard pourtant soutenu. Il demeura figé sur l’horizon et secoua la tête :
- Je ne te mens pas. Les gens changent. Et je change...
- Quel rapport avec Mathieu ?
- Il ne veut pas mourir... Alors que j’y suis prêt. Voilà toute la différence.
- Je dois t’avouer que ce n’est pas clair...
Le gardien fit un pas en arrière et descendit du rebord pour se tourner vers Thomas :
- Je peux t’aider, si tu veux... Pour cette douleur, dit-il alors.
- Attends, je voudrais que tu me dises...
Yue s’était avancé et posa un doigt sur ses lèvres pour le faire taire. Dans ses yeux, Thomas discerna un calme apaisant et il fit la moue.
- Dis toujours, souffla-t-il.
- Ton souffle. Souviens-toi de ce jour où tu m’as insufflé ton pouvoir. Ton cœur a relâché cette part de vie par le biais de ton souffle. La douleur qui t’étreint, fit-il en posant une main sur son cœur, agenouillé devant lui, est magique. C’est un aiguillon planté dans ton aura.
Thomas détourna le regard.
- Chasse-le. Chasse tes doutes, ce sont eux qui ouvrent cette brèche à la douleur. Tu peux être plus fort... Je le sais. Tu me l’as prouvé, Thomas...
Il se releva et Thomas inspira profondément.
- Tu m’aides à présent... ? Alors que je veux la vérité... Que caches-tu réellement, gardien ? Que ne veux-tu pas dire de si important... ?
Yue se retourna vers l’horizon et fit quelques pas vers un autre rebord du toit.
- Nous sommes quatre gardiens. Mais nous ne sommes pas semblables ! Je ne possède ni le tempérament de feu de Kerobero, ni la sinuosité d’esprit de Yolis, et encore moins l’infinie compassion de Tara. Mais ce qui me rapproche d’elle est bien plus profond. Je perds mon pouvoir dans les sentiments que je ressens. Je me détruis... en aimant.
- Tu... aimes ?  Tu aimes encore Clow ?
- Je me découvre des sentiments... je me découvre un second Moi... précisa-t-il dans un semblant d’éclat de rire nerveux. Et je vais devoir m’en destituer car nous ne nous dirigeons pas dans la même direction...
Thomas se leva en le voyant élargir ses ailes.
- Tu vas mourir, Yue ! Et ça ne te fait rien... ?!
- Je ne mourrai que dans votre monde. L’univers est riche en expériences. J’aurai goûté ici à un fruit qui m’était défendu. Dark me l’avait expliqué ! « La lumière ne peut qu’effacer l’obscurité, pas l’enrichir » J’ai voulu entrer dans la lumière et je m’y suis détruit à petit feu !
Sur ses mots, il s’envola.
- C’est moi que tu aimes ?!!! lui cria Thomas... Yue !! Yue... appela-t-il avec moins de vigueur. Merci...
 
 
Episode 33.2 : Ouvre-moi... ton cœur.
 
Le mal le rongeait de l’intérieur et Yue se posa dans un parc pour soulager cette douleur et redevenir celui qui le faisait moins souffrir. Sur le sable de l’enclos, l’apparence de Yue se déchira et Mathieu ouvrit les yeux, inspirant légèrement, emplissant ses poumons en cherchant autour de lui à savoir où il se trouvait.
- Il est seul.
- Comme toujours, répondit Tara. L’eau est l’élément le plus riche mais le plus solitaire.
- Il a tellement changé, s’énerva Yolis. Il était si agréable, si mesquin... La vie n’avait de l’intérêt que par ses brimades incessantes et nos affrontements amicaux. Regarde ce qu’il est devenu !
Tara sourit en inclinant la tête.
- Il te fait pitié ?
- Ah ! Ca, c’est le mot !
- Mais tu es triste aussi...
Yolis haussa les sourcils et la dévisagea un instant. Elle secoua la tête alors que Mathieu s’éloignait.
- Toi aussi, tu n’es plus véritablement le même.
- Rahhh, grogna le gardien. Toujours le même discours. Nous changeons tous... Et toi ?
- Moi ? sourit-elle en jetant un doux regard vers le jeune homme qui cherchait son chemin sur la route du parc.
Elle leva un doigt vers lui et un panneau se créa derrière Mathieu. Il sursauta presque en l’observant et chercha autour de lui, avant de s’éloigner dans la direction fléchée.
- Moi, je ne change pas, je suis enfin moi-même... C’est peut-être un changement, aussi.
- Tes mystères m’agacent, Tara. 
- Quels mystères ? reprit-elle en ouvrant les bras. Il traverse simplement la même épreuve que moi. Mais nous ne suivons pas le même chemin. L’instant de son véritable choix arrive. Pourvu que Yue ne se perde pas dans les sentiments de Mathieu...
- Mathieu ? Ah, se souvint Yolis. Son apparence.
- Son apparence, comme tu dis, sourit-elle malicieusement.
 
Yvan traversa la rue et aperçut la demeure immense, ainsi que le jardin qui s’allongeait le long de la bâtisse imposante. « Elle avait été détruite ! » Il poussa le portail et s’avança sur le chemin qui menait à la porte d’entrée.
- Il n’est pas là, le rattrapa Samantha avant qu’il ne frappât. Que voulais-tu ?
Gothar demeura perché sur sa branche et tourna la tête vers l’autre partie du jardin, protégé des yeux indiscrets. « Les temps sont durs pour toi, Anthony, songea-t-il. Mais n’est-ce pas encore une épreuve de Clow ? »
- A quoi penses-tu ? le rejoignit Samantha en se recoiffant, une fois assise à ses côtés.
- Je ne me sens pas bien. Anthony a toujours su quoi faire pour nous réconforter. Et je me sens impuissant.
- L’impuissance n’est que le choix des lâches.
- Pardon ?
- Je pense simplement qu’il faut avoir abandonné tout espoir pour ressentir ce qu’on appelle l’impuissance. Moi, je garde toujours espoir.
- Ben tiens, souffla le fauve sombre. Et d’où te vient cette confiance subite ?
- C’est moi, voilà tout. Vous ne m’écoutez jamais, alors, je me tais d’ordinaire.
- Epatant.
Elle le frappa derrière la tête et il voltigea dans le jardin.
- N’en fais pas trop quand même, lui souffla-t-elle. Sinon mon côté chipie va revenir au galop !
 
Anthony poussa la porte de la salle de méditation et la referma. Il soupira longuement et retira la clef, comme un dernier geste pour clore définitivement cette cave où il avait passé tant de temps dans la concentration et l’espoir d’un jour y parvenir. Voilà qui était fait. Il était normal. Normal. Incapable de quoi que ce fût.
Quand il se retourna vers le balcon de pierre, Katya s’y était appuyée et laissait voguer son regard vers l’infini du ciel. Anthony rangea la clef dans sa poche et s’approcha.
- Katya, l’appela-t-il d’en bas...
Elle mit un temps pour sortir de ses pensées. Mais bientôt elle se pencha vers lui, son visage s’éclairant distinctement :
- Oui... ?
- Est-ce que tu m’excuseras un jour ?
Elle haussa les sourcils et s’appuya au balcon en replaçant machinalement ses cheveux derrière ses oreilles.
- T’en vouloir...
- Tu sais très bien...
- J’en veux à Clow. J’en veux à mon père... mais pas à toi.
- Mais Clow... c’était moi.
Elle recula et descendit.
Il l’attendit sur le perron de granit et elle lui apparut dans une robe qu’il n’avait jamais vue auparavant. Elle approcha et posa délicatement une main sur sa joue :
- Tu es un idiot, Anthony. Comment pourrai-je t’en vouloir ? Tu n’es que la réincarnation de celui qui a pris les décisions. Je n’aime ni ne déteste Clow à travers toi... Tu es celui que mon cœur a choisi.
Il haussa les épaules et fit un pas vers le jardin.
- Mais tu vas perdre ce à quoi tu tenais le plus !
- En partie. Tu avais bien perdu cette demeure. Et Tara te l’a rendue... Rien ne disparaît jamais tant qu’une personne l’a connu. L’esprit garde tout en mémoire.
- Comment peux-tu être si calme à l’idée de perdre le temple... ? Je ne comprends pas. Je m’en veux tellement. A moi, à Clow ou à qui ce soit. Je suis en colère de ne pas l’avoir su plus tôt.
Elle s’assit sur les quelques marches qui descendaient vers le jardin où il avait posé un pied et elle croisa les bras sur ses genoux :
- Au lieu de t’accabler de ce qui me fait mal, pourquoi ne pas te réjouir de ce qui me comble ?
- Parce que c’est plus fort que moi. Je possédais les souvenirs.
Il s’assit, la main tirée par la femme qui lui souriait :
- C’est une douleur que tu ne dois pas vaincre seul. Je suis là...
- Tu as tant d’attentions pour moi...
Elle acquiesça et déposa un long baiser sur ses lèvres. Il ouvrit les yeux sur son visage et recula.
- Katya... Nous nous étions promis...
- Tu n’as pas l’air de comprendre que si une femme reste avec un enfant si longtemps c’est qu’il y a plus qu’un sentiment rassurant de maternité ! Ne te prends pas pour un fils qui doit combler ses parents de joie, Anthony. Parce que je t’aime... je suis amoureuse de toi. Ma promesse ne tient plus.
Il haussa les sourcils.
- Je ne veux pas attendre ta majorité ! Je devais te prouver ce sentiment qui brûle en moi... Depuis... toujours.
Il baissa les yeux et demeura silencieux.
- Tu as raison, je suis un idiot...
- Tu es perdu. Je suis un point d’ancrage, si tu veux. Tu n’as plus de pouvoir et tu fuis la réalité, où donc peux-tu te cacher ?
- J’aimerais tant te rendre cet amour...
- Aucun cadeau... même le sanctuaire ! n’égalera un sourire de toi, dit-elle en se levant. Oublie ce qui va se passer ici, assura-t-elle en orientant son regard vers le parc. Et concentre-toi sur ce se passe ici, finit-elle en posant une main sur son cœur.
Elle leva les yeux vers la haie qui cernait le jardin et sourit.
 
Lionel n’en croyait pas ses oreilles. Il s’éloigna du buisson qui le protégeait et sembla se perdre un instant dans de folles pensées. Yolis avait raison ? Anthony souffrait...
Il rentra chez lui, les pensées ankylosées et désordonnées. Anthony lui était toujours apparu comme une personne totalement équilibrée. Quelqu’un qui savait d’où il venait, ce qu’il était et où il allait... Et c’est les poings serrés et la rancœur au bord des lèvres qu’il était venu lui parler... Ne pas entrer, finalement... en pensant aux paroles de Yolis. Préférer passer sur le côté... et cette discussion !
La porte de son appartement se ferma mollement derrière lui. Pierre lui indiqua que le repas était prêt. Il le refusa d’un silence perturbé. Tout ce qu’il avait construit contre cet ancêtre qui maîtrisait de façon trop mystérieuse leurs vies volait en éclats. Toute sa raison s’était ébranlée dans cet instant de confession. Comment en vouloir à quelqu’un d’aussi perdu ? Peut-être... plus que lui...
Quand il sortit de la salle de bain, dans son peignoir, il ressassait toujours cette impression terrible de s’être encore trompé.
« Il n’est pas si différent de moi... Celle qu’il aime va souffrir et il ne peut rien y faire... »
« Au lieu de t’accabler de ce qui me fait mal, entendait-il encore Katya lui confier, pourquoi ne pas te réjouir de ce qui me comble ? »
« Ce qui la comble... »
« Qu’est-ce qui  comble Sakura ? Qu’est-ce qui la rend heureuse ? »
On frappa. Il posa la serviette avec laquelle il s’essuyait les cheveux et ressentit le pouvoir derrière la porte. Son pouvoir. Pierre posa la main sur la poignée et Lionel accourut pour l’empêcher d’ouvrir. Le silence s’ensuivit et le majordome regagna l’appartement.
Sakura arrondit le dos en voyant la poignée revenir dans sa position initiale.
« Je n’aurais peut-être pas dû venir »
« Que fait-elle ici ? Elle... »
Le silence encore.
- Lionel, tu es là ?
Il fronça les sourcils, les doigts sur la poignée. Son cœur battait tellement fort. Si fort qu’elle aurait pu l’entendre.
- Lionel... murmura-t-elle en sentant le pouvoir du jeune homme se dégager de l’appartement. Je voulais te parler... Je voulais te parler de ce que tu m’as dit dans le parc... A propos... de nous, lâcha-t-elle, un nœud dans la gorge.
Les doigts de Lionel tremblaient sur la boule dorée et il inspira profondément.
- Tu avais raison, poursuivit Sakura. Nous ne devons pas répéter la même erreur. Parce que... Parce que tu m’aimes, et ça je n’en doute plus.
Il finit par lâcher le métal et posa les mains sur le bois sans dire un mot, le cœur au bord de la crise, les sourcils froncés contre ses sentiments, s’opposant de tout son devoir à sa volonté.
- Si tu pars et que tu ne reviens plus... avoua-t-elle dans un murmure qui lui arracha quelques larmes. Je crois... je crois que... Lionel... je crois que je pourrais en mourir.
Il tomba à genoux, les larmes s’écrasant sur le carrelage de l’entrée.
«  je ne peux pas, se répéta-t-il, je ne peux pas... Je n’en ai pas le droit... c’est écrit !! »
- Lionel ? Parle-moi. Dis-moi non, au moins... Repousse-moi si tu crois que c’est le mieux pour nous... Mais... Mais dis quelque chose...
Il se mordit la lèvre et s’adossa à la porte, assis contre elle.
- Pars ! lança-t-il.
- Lionel ? sursauta-t-elle en se raccrochant à ce brin de voix... Je...
- Pars, Sakura !
Elle posa une main sur le bois pour ressentir encore un peu cette chaleur qui l’inondait par le biais de son pouvoir qu’elle recevait de plein fouet au travers de la porte.
- Si c’est... ce que tu veux...
Il se replia sur lui-même. « Comment aurait-il pu vouloir ça ?!! »
- Adieu, alors... murmura-t-elle, la gorge nouée par les sanglots. Je t’aime Lionel. Même si ça ne compte plus pour toi... je t’aime et je suis désolée de t’avoir repoussé, blessé, mal compris... Je t’aime.
Il n’y eut aucune réponse. Elle recula. Puis partit en courant.
Il éclata en sanglots en perdant à chaque seconde la sensation de sa magie... C’était fini... Sa mère pourrait être fière de lui. Et le destin serait enfin ce qu’il devait être. Sans cet amour.
Pierre reparut dans l’entrée et Lionel essuya d’un trait ses larmes en le dévisageant tristement :
- Pourquoi est-ce que je fais ça ? Pourquoi est-ce que je me torture pour une femme qui ne m’a simplement jamais montré le moindre sentiment, Pierre ?
- Votre mère est un pilier de la famille et la dernière magicienne des Li. Son rôle de mère est peut-être passé au second plan mais elle vous aime.
Lionel se leva, sentant sa rage se réveiller. Il l’avait trouvé le responsable !
- Une mère ne devrait-elle pas être heureuse du bonheur de ses enfants ?! Coréane a été mariée à un inconnu... Fiona reçoit tous les jours des commentaires quant à sa vie de célibataire... Feliana a quitté la maison et Venice vit un enfer dans cette grande école qu’elle déteste !
- Peut-être tous ses choix n’étaient-ils effectivement pas... judicieux.
Lionel explosa :
- Ce n’est pas Clow que je hais !! C’est elle !!
- Non, monsieur, ne dites pas ça...
- Elle nous dirige tous depuis toujours. Et je commence à me demander si... Si la volonté de Clow a à voir quoi que ce soit là-dedans !
 
 
Episode 33.3 : Amours impossibles.
 
Sakura finit sa course devant le portail de l’immense propriété. Les yeux remplis de larmes, elle poussa la grille et s’élança sur l’allée de graviers. Tiffany sortit, prévenue par une servante, et partit à la rencontre de Sakura. Celle-ci se jeta dans ses bras et n’en finit plus de verser de lourdes larmes sur l’épaule de son amie.
- C’est fini... murmura-t-elle. C’est fini...
Tiffany comprit tout de suite de qui elle parlait. Elle passa les bras dans son dos et lui murmura quelques mots qui n’apaiseraient pas sa douleur mais qui lui montrerait qu’elle était là, à ses côtés dans ce moment... Le souffle de Sakura se ralentit d’un coup et Tiffany dut bientôt supporter tout son poids, la jeune femme venait de perdre connaissance.
 
Le médecin quitta la chambre et retrouva Tiffany et sa mère inquiètes devant la porte.
- Elle était fatiguée. Enormément fatiguée. Qu’a-t-elle fait qui l’ait à ce point épuisée ?
- Je ne sais pas, commença Suzanne.
Tiffany fronça légèrement les sourcils et quitta les deux adultes pour se précipiter vers le téléphone. Elle composa un numéro et tapa nerveusement sur le rebord du meuble... « décroche... »
 
Il marchait dans le long couloir et une silhouette à l’aura si apaisante lui apparut.
- Tu es Kerobero ?
- Je crois, oui, c’est ainsi que m’a appelé celle qui... commença-t-il en repensant à cet instant qui lui étreignait encore le cœur...
- Je m’appelle Tara. Je vais être la gardienne de la Terre. J’espère qu’on sera amis.
- Si nous sommes gardiens, nous avons intérêt, sourit-il.
Elle leva un bras vers le couloir devant eux pour lui faire signe de passer devant. L’allée s’éclaira et une galerie richement garnies de miroirs leur apparut, miroitant la lumière à l’infini.
- Mais où est-on exactement ?
- Mon guide m’a expliqué que ceci est la sphère créatrice. Une parcelle de la divinité que l’on connaît, je crois.
Kero tourna la tête vers la salle obscure qu’il quittait. Et avec la salle, ses souvenirs qui s’embrumaient... Tout particulièrement ce visage délicat et souriant qu’il avait perdu dans un entrebâillement de porte.
- Kero ? 
- Pardon... je ne me sens pas encore à mon aise, ici... c’est si... mystérieux !
- Il y aura, dans quelques heures, l’Initiation. Alors soit patient...
- Dis, la coupa-t-il sans l’avoir écouté... Gardes-tu des souvenirs de... ta vie... avant ?
- Je suis décédée alors que j’étais une toute petite fille. Je ne veux pas garder en moi le regard triste de ma mère et l’absence de mon père au moment ou j’ai fermé les yeux sur ma pauvre famille. Tout ceci s’effacera bientôt, je l’espère.
- Je commence à oublier ce que je perds de ma vie, moi... et je ne sais même plus si c’est un bien ou un mal !
- Il ne faut pas t’en faire... Tout se passera bien, je crois...
Ils firent quelques pas dans la salle aux miroirs et Kero se tourna vers une des glaces où il apercevaient le visage serein et apaisant de sa nouvelle amie. Il hésita à rechercher son propre reflet et se pencha finalement vers la glace aux reflets flous...
Bip biiiiiip !
Il bondit dans la chambre et en écartant les ailes, de haine... Quand il se rendit compte que le téléphone sonnait, il se calma et secoua la tête. « Pourquoi suis-je si... nerveux, moi ? » Il avança le museau vers le téléphone et décrocha...
 
Dominique leva les yeux vers la porte-fenêtre en voyant le gardien prendre son envol.
- Pourvu qu’il arrive à temps.
- Tu as peur ? lui demanda Nathalie.
- Quand je ne maîtrise rien, c’est bien normal, non ? Ce nouvel agent semble terrible.
- Notre fille est devenue une jeune femme admirable, sourit Nathalie en flottant près de lui.
Il acquiesça et haussa les épaules.
- Mais pour moi, c’est encore ma petite fille. Et chaque seconde, je me demande si j’avais raison de suivre mon intuition. Que se serait-il passé si je n’avais pas possédé le Livre ?
- Ne renie pas tes intuitions, lui confia-t-elle. Elles nous ont souvent aidés.
- Et j’ai tué à cause d’elles, s’obscurcit-il. J’ai ôté la vie... Comment pourrais-je l’oublier ?
- Tu n’es pas un meurtrier... mais un sorcier. Je ne regrette rien, moi. Tout ce que j’ai vécu, même si j’étais guidée par le Destin, ne m’a apporté que le bonheur...
Il inclina la tête et elle la releva en lui caressant la joue :
- Même ma mort, précisa-t-elle du bout des lèvres. J’ai retrouvé mes parents... Et je ne t’ai pas perdu... je vous ai vus vivre, j’ai goûté à une vie nouvelle qui m’était inconcevable de mon vivant...
Elle surprit un sourire au creux de son cœur et l’embrassa avant de disparaître.
- Je t’aime... Nathalie.
 
Kero aperçut le signe de Tiffany et se dirigea vers la porte de derrière :
- Monte... nous irons plus vite !
 Ils volèrent dans le couloir désert vers la chambre. Elle s’accrochait à lui pour ne pas tomber et elle se surprit à passer ses doigts dans sa fourrure de façon discrète... « Mais que m’arrive-t-il ?!!! » se cria-t-elle en pensées en se redressant. Il se posa devant la porte et elle le laissa entrer en jetant un œil dans le couloir avant de rentrer à son tour.
Kero s’approcha de Sakura, étendue sur le lit et se crispa :
- Une force ! C’est une force...
- Mais, elle n’a rien senti, elle... Enfin, elle arrivait en courant de chez Lionel...
- Retire-lui ses cartes de la poche, lui demanda-t-il. J’ai une drôle d’impression.
Yolis apparut derrière eux, les sourcils froncés, cherchant la force qu’il venait de sentir... Tara apparut à son tour derrière lui et lui fit signe de ne pas intervenir. Ils disparurent alors et Tiffany tourna la tête, prise par une intuition étrange.
Kero poussa du museau les cartes qu’elle avait posées sur les draps et rugit de douleur en sentant la force lui brûler la truffe.
- Celle-là !
- Acid ? la prit Tiffany. Mais elle... Une partie de la carte s’est effacé ! Là, sur le côté, lui montra-t-elle, projetant sur lui un peu de cet acide.
Il fit un bond en arrière et elle posa la carte pour s’approcher.
- Non, non, c’est bon, ça va...
- Je suis désolée, fit-elle en s’agenouillant devant lui, en auscultant la plaie qui saignait un peu.
- C’est bon... souffla-t-il, un peu gêné... Hum ! toussa-t-il. Il doit s’être passé quelque chose... la carte se libère !
Il la contourna et se rapprocha du lit poussant Acid d’un souffle.
- C’est... c’est pas vrai ! C’est quoi cette carte ?
Tiffany le rejoignit et prit la carte entre ses doigts.
- C’est Love ! enfin... il me semble, son nom est effacé. C’est la carte qui est née de la communion de Sakura et Lionel sur les toits de la ville, il y a plusieurs mois.
- Love... réfléchit Kero... Ce n’est pas une carte de Clow. Je n’y pensais plus... C’est une carte que Sakura a créée.
- Que doit-on faire ? C’est Acid qui rend Sakura ainsi ? et c’est cette carte sans nom qui libère Acid ?
- Je ne sais pas... je n’en sais rien...
Tiffany ne pouvait pas patienter plus longtemps. Elle se précipita avec la carte nouvelle vers sa chambre et elle revint avec son coffre :
- Je vais l’enfermer là... Peux-tu protéger cette boîte avec Shield ?
- Je veux bien mais...
- Ca devrait être suffisant, et si ça ne marche pas, nous trouverons autre chose.
Il se concentra et elle referma son coffre à clef. Il lança son pouvoir du Bouclier sur l’objet et la clef s’envola à l’autre bout de la salle. Tout deux s’approchèrent d’Acid, le signe qui avait disparut sur le côté droit de la carte venait de réapparaître. Les draps grignotés par la magie de l’Acide se reformèrent autour des cartes et Kero soupira :
- C’était une brillante idée...
- Je vous suis depuis tellement de temps, sourit-elle, gênée par le compliment, j’ai appris à réagir en fonction des cartes !
- Mais quelque chose m’inquiète...
- J’y ai pensé aussi, murmura-t-elle en posant une main sur le front de Sakura. Si cette carte est la carte sans nom que possédait Sakura... Alors Void aussi va peut-être nous attaquer ! En mourant dans le combat contre Brice, Hope serait redevenue les deux cartes qu’elle était avant... ?
Il haussa les sourcils et secoua la tête :
- Ce n’est pas à ça que je pensais mais tu as entièrement raison, j’ai honte de ne pas y avoir pensé le premier... quel gardien je fais !
- A quoi pensais-tu ?
- Eh bien, se tourna-t-il vers la chasseuse endormie, si cette carte a perdu son appellation « Love », c’était parce que Sakura venait de perdre une partie de son pouvoir...
- Comment ça ?
- Une partie... de la carte en elle même...
- Cette carte était en Sakura et... Lionel ! Mais alors, ce qu’elle m’a dit en arrivant... « C’est fini »
- Oui. Je crois que la carte réagit à... leur amour ! Il faudrait presque les empêcher de ne plus se voir ! Ou ce serait tragique... Si cette carte agit sur toutes les autres comme Void, on court à la catastrophe !
- Mais, enfin, Kero... Tu parles de Sakura et Lionel ! Ils s’aimeront toujours ! Nous ne courons aucun danger.
 
- Voilà, maman... murmura Lionel dans un éclat de voix qu’il ne contrôla pas. Je ne la verrai plus ! Comme tu le veux... mais si je le fais, ce n’est pas pour toi... mais pour le Destin ! comme tu dis... C’est... fini...
Il se laissa tomber sur les draps de son lit et soupira, mêlant sa hargne à sa tristesse.
« Quel enfant sage, je fais... »

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