Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 2)

Chapitre 14 : La carte sans nom

Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 07:05

Episode 36.1 : Mon cœur a choisi
 
Kero se posa sur le balcon et vérifia que personne ne se promenait aux alentours. Il fit quelques pas vers la fenêtre et aperçut la silhouette qui s’occupait à différentes tâches dans la chambre. Tara eut un petit rire derrière lui et il se tourna brusquement vers elle comme pour la faire taire :
- Que fais-tu ici ? lui murmura-t-il.
- Je savais que tu n’oublierais jamais vraiment ton ange.
- De quoi parles-tu ?
Tiffany s’était figée en apercevant le fauve sur son balcon. Elle s’approcha lentement et Tara tendit une main vers le rideau qui s’envola entre eux, entrecroisant leur regard, les plongeant dans un silence infini. Un souffla tiède emplit la chambre et balaya délicatement les cheveux sombres que la jeune femme avait relâchés. Dans la chaleur du dimanche après-midi, l’air était si doux.
- Mon ange... reprit-il à voix basse.
- Kero ? Que fais-tu là ? lui demanda Tiffany en retournant préparer une petite mallette.
- J... je... bafouilla-t-il, un peu perdu, tandis que Tara disparaissait aussi silencieusement qu’elle était apparue.
- Tu es venu prendre des nouvelles de La carte ? suggéra-t-elle, penchée au-dessus de sa valise, les cheveux voilant son regard.
- Euh, oui...
- Ah.
- Du neuf ? demanda-t-il en entrant.
- Je ne sens rien, tu sais...
- Ah oui.
Il renifla faussement le coffre protégé par son pouvoir du Bouclier et haussa les épaules.
- Je pense que ça va. Faut-il le dire à Sakura... d’après toi ?
- Tu ne l’as pas fait ? s’étonna-t-elle en s’asseyant sur ses draps.
- Non. Je... Je craignais qu’elle ne s’alarme.
- Elle aurait raison, non ? Ce qui est arrivé ici laisse présager bien des choses... Je crois qu’il ne faut pas lui mentir. Elle est celle que tu as choisie après tout.
- Tu as raison... avoua-t-il en se dirigeant vers la porte-fenêtre.
- Attends, Kero...
- Oui ?
- Je... Ca n’a peut-être pas d’importance, le prévint-elle en détournant les yeux, mais je fais des rêves plutôt bizarres.
Il fronça les sourcils et elle croisa les doigts, jouant nerveusement avec une mèche :
- Est-ce que moi aussi, je peux faire des rêves... prémonitoires ?
Il inspira profondément et acquiesça :
- Tout être a cette capacité. Faut-il encore avoir la possibilité de s’en souvenir au réveil.
Il la salua et passa le rideau.
- Et quand ce rêve me hante jour et nuit, murmura-t-elle en posant une main sur son cœur. Si je ne peux même pas l’oublier...
Il leva les yeux au ciel, le rideau se refermant derrière lui et il poussa un profond soupir.
 
Lionel lui tendit la main et elle sourit tendrement, y déposant la sienne. Il la tira contre lui et un courant d’air balaya le parc. Le gazon frémit autour d’eux ainsi que dans les allées.
- Tu sais que je t’aime ? lui demanda-t-il encore.
- Ah bon ? feignit-elle. Je l’ignorais.
- Alors je te le répète : je t’aime. Au-delà de tout ce qu’on m’a imposé, au-delà de tout ce que Je me suis imposé.
Elle passa une main sur sa joue et il répéta les trois mots sans parler.
- Qu’est-ce qui a changé ? demanda-t-elle alors.
Il haussa les sourcils et la fixa :
- Entre nous ?
- Oui. Je tenais tant à t’en vouloir, Lionel.
- Je n’ai rien fait pour nous aider...
- Et maintenant, je suis si...
- Comblée ? ce serait normal avec un gars comme moi, affirma-t-il en gonflant le torse.
- Vantard, souffla-t-elle en le frappant gentiment à l’épaule.
L’herbe se mit à scintiller entre eux sans qu’ils ne le vissent.
 
- Que se passe-t-il ? s’étonna Katya, une main sur l’écorce faiblement luisante. Est-ce que ça... commence ?
Anthony secoua la tête, mais l’homme qui arrivait le devança :
- C’est trop tôt.
- Papa...
 
Le coffre de Tiffany se mit à grésiller et de pâles lueurs filtraient ici et là sur tout le pourtour. Kero se retourna, les ailes déployées et se jeta vers Tiffany pour la protéger.
Alors qu’ils roulaient au sol, le coffre explosa.
 
L’homme en longue toge ouvrit grand les yeux et aperçut la figure de l’adolescente se crisper, une lueur étrange se décomposant sous les traits de son visage. Un fantôme translucide semblait se débattre avec son enveloppe charnelle et l’homme recula, prit de frayeur.
- Quel spectacle, éclata de rire Yolis en se recomposant derrière l’homme affaibli.
- Qui es-tu... ? Le gardien exécuteur, c’est ça ?
- Ta protégée semble avoir un sommeil agité, non ? s’exclama-t-il en s’approchant du lit.
- Ce n’est pas normal... Elle dépasse ce qui était prévu.
Yolis fronça les sourcils en se retournant, bras croisés.
- Attends ! Toi, immense puissance de l’éternel, puissante force parmi les puissantes, tu es... effrayé ? se mit-il à rire.
- Je ne suis pas encore moi-même, gardien.
- Ah oui, je préfère ça...
- Comment l’apaiser ?
- Apaiser cet agent ?!! Ah ah ah... éclata-t-il franchement de rire en disparaissant.
La porte s’ouvrit et un homme poussa la porte pour s’approcha du lit :
- Que se passe-t-il, ma chérie... Qu’y a-t-il ? demanda-t-il de sa voix douce en passant une main sur son front.
Dans un doute il releva les yeux sur l’obscurité de la chambre et revint vite à sa fille :
- Alison... prends un peu de ma force... Il faut que tu luttes contre cette chose, lui susurra-t-il en levant une main au-dessus d’elle.
Un violent éclat de lumière passa de sa paume à la poitrine de l’adolescente et elle se calma.
L’homme caché dans l’ombre recula en apercevant le flot mystérieux se répandre sous le lit et sur le sol de la chambre. Le père d’Alison y baigna la main et secoua la tête.
- Trop tard... 
 
Tiffany se releva, étourdie ; Kero s’était figé face à la carte étincelante.
- Tu n’es pas évanouie. Comment se fait-il que personne ne soit venu ?
- Je suis seule à la maison. Je devais préparer des affaires pour Maman pendant qu’elle réglait les dernières affaires d’un dossier en cours.
- Ce n’est pas normal, ce comportement, affirma-t-il en pivotant vers la carte en lévitation devant lui. Je ne peux même pas la toucher. Il faut pourtant qu’on l’amène à Sakura.
La jeune femme s’avança et posa les doigts dessus.
- Ca a l’air d’aller, je peux la tenir.
- Alors, grimpe sur mon dos, on y va... Je suis vraiment inquiet, cette carte semble ne pas obéir à Sakura...
- Pourtant Sakura l’a capturée, non ?
Il haussa les épaules pendant qu’elle s’installait sur lui.
- Accroche-toi, Tiffany.
 
Une lueur envahit le parc et Sakura et Lionel se regardèrent sans comprendre.
 
Thomas releva le nez, plutôt fier de lui. Dans la rue, les passants les longèrent sans se rendre compte de rien.
- Ca va mieux ? s’inquiéta Mathieu.
- Oui... J’ai appris à me contrôler... Grâce à... songea-t-il, mystérieux.
Mathieu sourit et posa sa main sur la sienne.
- Tu sais, ça ne me gêne plus vraiment que Yue soit trop présent.
- Comment ça ?
- Je tenais à te le dire... J’ai une drôle d’impression. C’est tout.
Thomas fronça les sourcils et il s’arrêta sur le trottoir, retenant son ami par la manche.
- Que veux-tu dire ?
- Il y a quelque chose que je dois t’avouer, Thomas.
- Une chose...
- Oui. Une chose que j’ai un peu honte de t’avoir cachée. Voilà, j’ai des souvenirs de Yue.
- Tu veux dire... d’avant ?
- Non, des souvenirs de ses faits et gestes quand il redevient lui-même.
Thomas le dévisagea sans comprendre la douleur qui se lisait derrière le sourire qu’il affichait
- Et je sais ce qu’il ressent... continua-t-il.
Thomas se décrispa d’un coup et éclata de rire.
- Qu’y a-t-il ?
- Ce qu’il m’a dit est donc bien vrai.
- Je ne comprends pas...
- Lui se perd parmi tes sentiments, lui assura-t-il un doigt pointé sur son torse. Ce sont les tiens qui l’envahissent. Ne te méprends pas, tête de linotte.
- Mais... essaya Mathieu, en proie à des souvenirs flous d’une discussion sur un quai.
- Et tu sais ce qui me plaît le plus en lui ?
Mathieu baissa la tête et délaissa son regard, plongeant le sien vers les pavés du trottoir. Thomas le rattrapa d’un doigt sous le menton :
- C’est toi. 
- Moi...
 
Episode 36.2 : Quelques notes
 
Kero atterrit dans l’aile du parc, déserte, et Tiffany posa un pied dans l’herbe.
- Ils ne sont pas là, remarqua-t-elle.
- Je ne comprends pas, c’est ici que j’ai senti leurs deux auras...
- La carte est si chaude, pourtant. De plus en plus, même.
- Je ne comprends pas... c’est impossible qu’ils aient disparus.
- Une force ?
- Non... c’est... impossible : si elle venait de les attaquer, elle ne serait pas loin.
- Serais-tu seulement capable de la sentir ?
- Evidemment, souffla-t-il, préoccupé. Depuis que le Feu a retrouvé sa véritable puissance j’ai recouvré la mienne.
- Ah, fit-elle. Attendons, donc.
- Moui... soupira-t-il, inquiet.
 
Dominique referma le livre qu’il replaça sur l’étagère. Le jeune ami de sa fille avait trouvé et emprunté tous les livres intéressants. Alors il n’y avait qu’une explication. Il sourit intérieurement.
- Un problème, professeur ? l’interrompit Linda dans sa rêverie.
- Pas du tout. Pas du tout. Tu as trouvé ce que tu cherchais ?
- Non... mais... j’ai pris une décision, Dominique, avoua-t-elle en baissant les yeux.
Après un silence pesant, elle entrouvrit les lèvres et...
- Tu pars, n’est-ce pas ?
Elle releva la tête, étonnée, mais soulagée de ne pas avoir à le lui annoncer.
- Oui. J’ai mis trop d’espoir dans un sentiment qui n’était pas le mien.
Il posa une main sous son menton et releva son visage :
- Linda, ce qui te hantait n’a rien à voir avec ton ambition de devenir archéologue.
- Mais... et si cet esprit avait désiré ça pour moi, uniquement pour me rapprocher de toi et de ta fille ?
- Ne sois pas sotte, Linda. Ton cœur te dicte ton chemin depuis bien plus longtemps que cette force ! Elle a dû prendre possession de toi à ton arrivée, ou plus tard encore. Ne renonce pas pour ça.
Elle haussa les épaules.
- A moins que ce ne soit pour autre chose ? continua-t-il.
- Hein ? Euh... hésita-t-elle.
- Alors tu serais prête à renoncer à ton plus grand projet d’avenir pour... un amour déçu ?
Elle se mordilla les lèvres et recula, gênée qu’il lût si facilement en elle. Elle s’éloigna sans rien dire.
- Elle est délicate, survint une voix derrière lui, belle, intelligente et sensible. Elle m’aurait plu.
- Nathalie...
L’apparition angélique sourit et déploya ses ailes avant de se poser au sol près de lui.
- Ou devrais-je dire... Tara ?
- Nous ne formons plus qu’une désormais. Mais ma personnalité a pris le pas sur la sienne.
- Alors tu as tout dit à Sakura.
- Non, pas tout... Le plus important ne lui est pas destiné. Moi, je n’ai pas voulu partir pour pouvoir veiller sur elle. Tara, elle, avait d’autres ambitions.
- Je suis tout de même heureux qu’elle sache enfin qui tu es.
- Moi aussi. C’était si... pesant, avoua-t-elle dans un souffle.
- Tu es si belle, Nathalie, fit-il alors remarquer. Alors que je me fais vieux.
- Ne dis pas ça.
- J’ai en moi tant de pouvoirs que je ne veux pas utiliser. Mais tout ce qui arrive m’y contraint.
- Je le sais, s’avança-t-elle en passant sa main translucide dans ses cheveux. Quand Tara m’est enfin apparue, un jour où je souffrais beaucoup, elle m’a expliqué à quel point ce serait surtout dur pour vous tous. Pour Sakura, pour Thomas et pour toi...
- Tout est bientôt fini. Nous nous rejoindrons peut-être.
- Peut-être.
 
La main de Sakura se resserra sur celle de Lionel alors que le paysage s’étendait progressivement devant leurs yeux. Une prairie verdoyante se trouvait baignée dans la lueur d’un matin déjà bien avancé, le soleil se dévoilant à travers l’épaisseur nuageuse qui habillait l’horizon. Des oiseaux s’envolèrent ensemble, balayant le ciel dans un mouvement fluide et circulaire, le vent bruissant dans les branches d’une forêt non loin d’eux.
- Où sommes-nous ?
- On dirait une province du Nord, réfléchit Sakura.
Un flot de lumière remplit la campagne et le paysage se modifia peu à peu, le soleil accélérant sa course dans le ciel, le traversant à plusieurs reprises. Quand tout se calma, une chambre se reconstitua autour d’eux. Avant même qu’ils ne comprissent ce qui leur arrivait, une femme s’avança à travers eux avec une bassine d’eau chaude et la posa près du lit où une femme mourante respirait difficilement. A son chevet, un homme et une petite fille.
- Mamaaaan... !!!  se mit à hurler l’enfant quand les yeux de la malade se figèrent dans le vide du plafond.
La petite fille pleurait et son père la prit contre elle. La main de la femme glissa dans celle de son mari et sa tête se coucha sur le côté. Les pleurs aigus de la petite fille pénétrèrent Sakura qui sentit les larmes monter en elle. Lionel la prit contre lui et elle se mit à sangloter tout en le frappant modérément, comme pour refuser le sentiment qui l’étreignait.
- Sakura, murmura Lionel.
- C’est... C’est comme ça que maman... hoqueta-t-elle sans se redresser, blottie entre les bras du jeune homme.
L’homme se leva et ferma les yeux de sa femme. Sa fille entre les bras, il se dirigea vers le piano et referma le clavier lentement.
- Plus personne ne  jouera désormais, annonça-t-il. Plus personne...
Il se perdit dans l’ombre du couloir et la petite fille se serra contre lui en cherchant un dernier regard de celle qui venait de s’éteindre.
- Que faisons-nous là ? se demanda Lionel.
- C’est si douloureux, murmura Sakura tandis que le paysage changeait encore autour d’eux. Et je ne sais même pas pourquoi j’ai si mal maintenant que je sais...
- Parce que la douleur grave en nous un sillon qu’on ne peut jamais combler, lui indiqua Lionel.
Un carillon résonna et les jeunes élèves se précipitèrent vers la classe qui venait d’apparaître autour d’eux.
- Dans un sens, je suis heureuse de savoir qu’elle n’est jamais vraiment partie... Mais je n’y peux rien. Je ne peux rien retenir de ce chagrin, tenta-t-elle de se calmer.
- C’est étonnant que tu ne t’en sois jamais douté, sourit-il pour la détendre. Un si grand pouvoir. Juste à côté de toi. C’était presque évident.
Elle fit la moue en le fixant :
- Tu te moques de moi, là, sourit-elle finalement. Tu veux parler de Yue en Mathieu... Je crois que les personnes les plus insoupçonnables sont celles qui sont les plus proches de nous. Maman ne pouvait être que maman...
- Tu possèdes une part de Clow et de Tara en toi, en fait. Depuis le début, tout était décidé. Le livre de Clow, le jugement, l’affrontement de Clow, la séparation des pouvoirs, le Fléau, et le sceau terrestre. Tu sembles même née pour ça. Et moi dans tout ça ? s’assombrit-il.
Elle posa une main sur sa joue et leurs lèvres se frôlèrent.
- Alison, allez, viens... C’est l’heure.
- Oui, madame, répondit une toute petite voix.
Les deux amoureux se figèrent, tournant la tête ensemble vers l’écolière, seule dans son coin qu’on venait d’appeler et qui courrait vers la classe. Alison ?!!
 
Gabrielle serra les poings devant le grand portail. La force n’était plus là.
- Mademoiselle ? l’interpella une femme en tailleur en descendant de sa voiture. Je peux vous aider ?
Gabrielle la dévisagea brièvement et secoua la tête avant de repartir.
- Etrange, grommela Suzanne, il se passe de bien étranges choses en ce moment à la maison.
- Que faisons-nous madame ? demanda une de ses gardes du corps.
- Comme d’habitude, indiqua-t-elle. Ce n’était rien.
 
Tiffany observa le petit garçon qui les avait approchés et qui s’éloignait désormais et elle sentit la peluche gigoter nerveusement. Quand plus personne ne fut en vue, il réapparut dans sa forme de fauve dans une déflagration sourde.
- Puf puf puf, souffla-t-il difficilement. Je n’arrive plus à rester sous cette forme.
Tiffany lui sourit et baissa les yeux vers le chemin, en contrebas.
- N’y aurait-il pas... c’est un peu fou, comme idée, le prévint-elle.
- A quoi penses-tu ? Dis.
- N’y aurait-il pas une... une autre... forme où tu te sentirais plus à l’aise encore ?
- Autre qu’en fauve ? Non, assura-t-il. Mieux vaudrait aller se cacher en attendant. Je vais essayer de me faire plus discret.
 
Alors que Lionel s’avançait sur la cour d’école, un mur s’éleva entre lui et Sakura.
- Lionel ?
Quand il se retourna en sursautant, il n’aperçut qu’un vaste désert chaud et sec. Un paysage morcelé, composé de terres séchées. Tout autour de lui, tout avait changé.
- Sakura ?!!
 
- Ah !! s’écria Tiffany en lâchant la carte qui se mettait à chauffer encore plus.
Kero lança une boule de Feu qui retint la carte au sol et la fixa grâce au Bouclier.
- Ca va ?
- Oui, oui... la carte a un peu brillé et...
- De plus en plus bizarre !
 
Gabrielle sourit en sentant l’appel. Elle n’était plus très loin...
 
Sakura recula encore un peu et le paysage se modifia une nouvelle fois. La cour du lycée...
- Sakura ! l’appela Lionel en accourant. Tu étais là !
Elle courut vers lui et se jeta à son cou :
- J’ai eu si peur un instant. Que s’est-il passé ?
- C’est une force. Elle a essayé de nous séparer. Mais pourquoi ?
- Quelle force ?
- Je me le demande...
Une mélodie au piano les surprit dans leur réflexion et ils levèrent la tête vers les fenêtres de la salle de musique.
- Qui joue, un dimanche ?
- Allons voir, proposa-t-il.
 
Episode 36.3 : Nos mamans
 
- Tu es sûre ? demanda Sandrine.
- Je lui ai téléphoné, expliqua Nadine, et c’est son père qui me l’a dit. Elle est au lit avec de la fièvre.
- En tout cas, c’est une bonne idée de passer la voir.
Sonya serrait contre elle le cadeau qu’ils comptaient lui offrir.
- Je ne sais pas trop, moi, avança-t-elle tout d’un coup.
- Quoi donc ? lui demanda Yvan.
- Si ceci est une si bonne idée, souffla-t-elle en désignant le paquet du menton. Après tout, si elle est si nostalgique lorsqu’on parle de piano... ce n’est pas forcément parce qu’elle aime en jouer... Je ne voudrais pas la blesser si ses sentiments se rapportent à une douleur passée...
- Une douleur ? reprit Nadine. Oui, c’est vrai.
- Vous savez quoi ? clama Yvan en levant un doigt. J’ai découvert il y a peu que les cadeaux qu’on offrait contenaient un peu de nous-même ! Chacun de nous s’offre en quelque sorte lorsqu’un cadeau est préparé avec amour !
- Allons bon, murmura Sandrine.
- Et quand nous offrons un présent de « tout notre cœur », c’est pour signifier que la personne à qui il est destiné reçoit une part de notre affection. Donc cela lui fera vraiment plaisir même si tu as raison, Sonya.
- Ce n’est pas si bête, lui sourit Sandrine en le prenant par le bras. C’est un peu comme les chocolats de la Saint-Valentin.
- Non, à la Saint-Valentin, tu essaies toujours de m’empoisonner !
Elle le cogna derrière la tête et fit mine de bouder. Elles éclatèrent de rire.
 
Kerobero tournait en rond à l’abri des regards :
- Je me sens inutile. Où peuvent-ils être ?
- Ca devient inquiétant, tu as raison. Les autres gardiens pourraient-ils nous aider ?
Gabrielle courait sur le chemin sentant les appels de plus en plus proches.
- Une force ! bondit Kero, toutes griffes dehors. Il y a  une force qui arrive !
- Une force ?
 
La porte de la salle de musique glissa sur le côté et Alison releva le nez entre deux mesures, suspendant la mélodie qu’elle jouait. Elle ne tourna pourtant pas la tête vers eux. Elle tremblait doucement et Sakura s’approcha :
- Alison ? ça va ?
- Non, répondit-elle entre deux sanglots. Non, ça ne va pas... j’ai perdu ma maman...
Sakura se figea, le souffle court et le cœur gros.
Lionel la prit subitement par les épaules et il se jeta avec elle dans le couloir alors qu’une puissante vague de pouvoirs envahissait la salle. L’onde les poursuivit dans les couloirs et ils grimpèrent jusqu’au toit, fuyant l’énergie dévastatrice qui lézardait les murs à son passage.
- Qu’allons-nous faire, Lionel ?
- Fais-moi confiance !
 
Gabrielle ralentit sur le chemin et tourna la tête vers le fourré où se cachaient Tiffany et Kero.
- Je t’ai trouvée, enfin... susurra-t-elle pour elle-même.
La carte clouée au sol se défit de ses liens et s’envola vers Gabrielle qui tendit une main pour la recevoir.
Dans une grand flash sonore, Lionel apparut entre la carte et la jeune femme, atterrissant sur la carte sans nom et roulant au sol.
- Lionel ! accourut Tiffany. La carte ! Ramasse-la !
Il leva le nez vers la carte et s’en empara alors que le sol se mettait à trembler, des arcs électriques circulant dans l’air instable. Un bord du canal céda et Kerobero et Tiffany glissèrent vers l’eau. Lionel ne lâcha pas son attention, face à cette femme qu’il ne connaissait pas.
- Ca va ? leur lança-t-il, en position de défense.
Tiffany s’agrippait aux ailes du fauve qui ne pouvait plus voler, suspendu à la rive fragile, plusieurs mètres au-dessus de l’eau.
- Tiffany, essaie de remonter... lui souffla-t-il. Tu me... paralyses.
- Ca va aller ?!! leur demanda Lionel.
- Donne-moi ça, petit idiot, c’est à moi, enrageait Gabrielle.
- Ces cartes sont celles de Sakura, lui répondit-il en reculant prudemment, rejoignant le bord du canal.
 
Tara sourit en volant silencieusement au-dessus des habitations qui bordaient l’autre rive du canal et Yolis croisa les bras :
- Vas-tu le faire ? sourit-il. Tu sais à quoi tu l’exposes, Tara. Alors que tu pourrais simplement soulever la Terre sous eux.
Elle haussa les épaules dans un petit rire coquin et leva la main vers eux :
- Que mon pouvoir de Create te redonne ton apparence, Gardien du Feu éternel.
 
Kero haussa les sourcils en sentant ses sensations de lui-même se modifier. Entre les mains de Tiffany, les ailes disparurent peu à peu et elle n’eut bientôt plus rien à quoi se retenir. Elle chuta.
Une main la rattrapa et elle demeura un instant pendu à ce bras sauveur. Quand elle releva la tête, elle le vit.
- Ca va aller ? demanda-t-il, sa chevelure blonde envahissant son visage. Maintenant, remonte...
- Oui...
- Vous n’êtes que des idiots, s’écria Gabrielle. Un jour je la possèderai de nouveau et je vous balaierai d’un coup ! s’écria-t-elle en désignant le petit groupe de l’index avant de disparaître.
- Elle... elle est partie ? s’étonna Tiffany en rejoignant le bord.
- Qui c’était ? demanda Lionel.
Kero observa son corps et fronça les sourcils.
 
Sakura courait dans les escaliers et déboucha sur le toit. Une colonne sombre traversa les plafonds successifs et la silhouette réapparut en son centre sur le recouvrement du toit.
- Alison... Mais pourquoi fais-tu ça ?
- Parce que j’ai perdu ma maman...
Lionel fit passer Sakura derrière lui et leva son épée face à la lycéenne. Sakura fronça les sourcils :
- Quand t’es-tu changé, Lionel ? nota-t-elle en observant le sigle sur le dos de sa tunique.
- Vite, utilisons Fly pour partir, la brusqua-t-il.
- Mais... On ne va pas laisser Alison dans cet état...
- Elle n’a que ce qu’elle mérite. Elle a voulu m’utiliser contre toi. Alors que tu m’aimes tant... je te dois tant Sakura.
- Pardon ?
 
Chez Alison, Maxime les fit entrer et Sonya lui tendit le cadeau :
- Si elle dort nous n’allons pas la déranger.
- Je ne sais pas... je vais aller voir.
- Ce ne sera pas la peine, intervint un homme en toge sombre, en sortant du couloir, sa capuche rabattue sur son visage.
- Qui êtes-vous ? Que lui voulez-vous ?! lui cria le père, comprenant qu’il sortait de la chambre de Alison.
- Son âme est à moi, désormais, tu peux disparaître !
Il leva une main vers le père d’Alison et Yvan le poussa sur le côté.
- Encore toi... petit rat. Soit ! Je te le laisse, mais sa vie est finie, elle va le quitter petit à petit, je ne voulais que lui abréger de longues souffrances !
Et dans un éclat de rire diabolique, un passage s’ouvrit dans le néant et se referma sur lui.
- Monsieur Gauthier...
- Qui était-il ? Qu’a-t-il fait à... ma fille.
L’homme s’effondra à terre et les filles s’approchèrent. Yvan, lui, chercha le téléphone pour prévenir Sakura.
 
- Comme je devenais trop gênant, j’ai été expulsé de ce monde d’illusions, expliqua Lionel en cherchant un moyen d’y retourner. Il faut que je le réintègre, pourtant. Pour Sakura.
- Est-ce qu’on ne pourrait pas plutôt la faire revenir ? réfléchit Tiffany.
- Tu as une idée ? la fixa-t-il.
- Peut-être...  Ton compas magique. Il vise les cartes de Sakura, non ?
Kero croisa les bras et secoua la tête, le regard sceptique :
- Ce ne sera pas suffisant. Un simple objet magique ne suffira pas.
- De toute façon, il est resté en Chine !! les prévint Lionel.
- Kero a raison, les surprit Tara, accompagnée par Yolis.
Elle tendit une main vers eux, paume vers le ciel et Yolis y fit apparaître l’objet.
- Alors nous allons lui rendre sa liberté à elle aussi.
Tiffany observa la femme aux cheveux longs et se mordilla la lèvre... Une idée venait de la traverser... Une idée de cadeau pour... Mais elle chassa cette idée saugrenue. Ce n’était pas le moment d’y penser...
« Plus tard » se dit-elle alors.
- De quoi parlez-vous ? demanda Lionel.
- Tu ne le savais donc pas ? Tout comme le Cercle a réussi à enfermer les Elementaria dans des talismans, ta mère a su capturer une force. La seule qui lui suffisait pour trouver les autres. La seule qui garde un lien avec toutes les forces du monde. Et c’est une force sauvage qui m’est affiliée, sourit-elle en passant la main au-dessus du compas magique.
- Vous voulez dire que mon compas est une carte créée par ma... mère ?
- Par le sceau terrestre, je défais le lien qui te retenait parmi nous, clama Tara. Maintenant, cette force va retourner à son état sauvage, elle va se fondre dans le corps électromagnétique de cet univers.
- Et pour Sakura ?
- Eh bien il n’y a qu’une solution, lui indiqua Yolis tandis que Tara créait un petit objet au creux de ses mains. Capture-la.
- Que je la capture ? Avec quoi ?
- Une clef du Sceau ! lui tendit Tara. Fais de ton mieux...
 
- Je ne comprends pas, souffla Sakura, pourquoi dis-tu cela, Lionel ?
- Hi hi hi... je ne suis pas Lionel, ricana presque joyeusement le jeune homme.
- Nooon ! se mit à hurler Alison en tombant à genoux. Ne libère pas... cette force-là !
- Elle ne va pas me libérer, lui cria le garçon. Je vais me libérer tout seul.
- Tu vas... mourir, lui confia Alison, le visage entre les mains, si tu me quittes...
- Alison, s’approcha Sakura. Que t’arrive-t-il ?
- Je suis fatiguée, avoua-t-elle. Je suis fatiguée de tout ce mal. Je suis fatiguée de te jalouser, Sakura. Alors que j’aimerais vivre en paix, avec mon père... et ma chère mère qu’Il a tué !
- Qui ça ?
Une puissante lumière sombre l’enroba et elle disparut sans un bruit.
- N’aie crainte, Sakura, tout ceci n’est qu’un rêve.
- Mais qui es-tu ? se retourna-t-elle. Si tu n’es pas...
Il écarta les bras et un flot de particules l’enveloppa pour lui rendre sa forme originelle qui se posa au sol. Sakura s’en approcha. C’était un miroir. Son reflet cligna de l’œil et lui fit signe.
« Je ne te voulais pas de mal. Je crois que tu ne le mérites pas, Sakura. Ton frère a su me donner tant d’affection. Même si je n’étais alors pas moi-même... Je ne l’oublierai jamais. A présent, capture-moi. »
Elle tendit une main vers le miroir.
- Force du Miroir, quitte la forme qui est tienne !! Deviens Carte. Carte de l’éternel !!
L’objet magique partit en lambeaux de lumière pour se recomposer dans sa main. « Mirror, lut-elle. Merci à toi»
Une particule virevoltait encore sur le toit et Sakura fronça les sourcils devant la pureté de l’aura sombre qui semblait chercher son chemin. Elle approcha doucement de la force nouvelle.
- Qu’est-ce que c’est...?
Elle s’agenouilla à côté de la particule sombre qui se posa au sol.
- On dirait...
Dans son dos, une myriade de cette même poussière magique venait de s’élever et approchait dans le silence le plus total.
 
Le corps de Sakura tomba sur l’herbe, inconscient. Tiffany s’approcha d’elle alors que le sceptre s’allongeait entre les mains de Lionel.
- Elle... Elle est... Je ne sens plus son pouls, se tourna-t-elle vers Lionel.
- Il n’est pas trop tard, leur confia Tara. Les chemins de la mort sont longs et sinueux et elle peut encore faire un pas vers nous. Guide-là.
- De la... mort ?! s’étouffa-t-il.
- Aide-la ! lui cria Yolis.
- Oui...
Il leva le sceptre terrestre au-dessus de lui.
« Sakura... Ne meurs pas »
 
Elle tourna la tête vers la silhouette qui s’était formée derrière elle alors que la fine particule avait filé entre ses chaussures.
- Qui êtes-vous ?
- Alors te voilà donc, Sakura...
- Cette voix... Je l’ai déjà entendue...
- Qu’importe !
- Au parc d’attraction... C’était vous ?
- Non, c’était ma sœur...  Tu vas devoir mourir, Sakura, lui annonça-t-elle en leva un doigt vers elle.
 
- Sakuraaaa !!! hurla Lionel, revieeeeens !
Il abattit le sceptre au-dessus du corps.
 
Le rayon de lumière noire finit sa course dans le sol et la silhouette sourit. Sakura venait de disparaître.
- N’est-elle pas à la hauteur ? demanda une autre femme très lumineuse en apparaissant à ses côtés.
- Non. Elle n’a pas agi seule. Il faudra encore la tester.
- Mais ma sœur... La fin est proche et tu sais que nous serons l’équilibre ou le déséquilibre dans la balance du Destin...
- Justement, pesta la silhouette sombre. L’issue de ce test mettra un terme à cette longue attente... Elle décidera pour nous. Le Destin est entre ses mains depuis le début des temps. C’est ainsi. Retournons à la sphère. Nos places ne sont pas ici.
- Tu as raison, avoua la silhouette lumineuse en inclinant la tête.
- Cesse de t’apitoyer. Light et Dark ont eu trop d’égards pour cette enfant. Nous devons la juger avec plus de sérieux. Il en va de l’avenir de tout ce qui est, en ce monde.
- Je le sais, et cela m’attriste encore plus.
- Rentrons.
 
Quand elle ouvrit les yeux, Lionel se laissa tomber près d’elle et la serra contre lui de toutes ses forces. Tiffany essuya une larme et sentit une main posée sur la sienne. Elle releva les yeux sur...
- Kero ?
- Tu nous as été bien utile, Tiffany. Sakura peut être fière d’avoir une amie comme toi.
- Merci... c’est gentil... Je...
De larges ailes poussèrent dans son dos et il fronça les sourcils.
- Kero... tu... lança-t-elle sans oser continuer.
Et dans un grand éclat, son corps redevint félin. Elle s’agenouilla à ses côtés et le serra simplement contre elle pour le remercier.
- Maman ? s’étonna Sakura. Que s’est-il passé ?
- N’aie crainte. C’est fini...
- Pour l’instant, murmura Yolis en se tournant légèrement.
- Ah...
- Et tu es en vie, lui murmura Lionel en posant ses mains sur ses joues.
Il lui sourit de tout son cœur et déposa un long baiser sur ses lèvres, alors qu’elle passait une main dans son cou. Tant de choses auraient pu se dérouler autour d’eux dans cette seconde. Sakura sentait un tel bien-être la parcourir... Elle savait désormais quel était le droit chemin. C’était celui du cœur. Celui qu’elle avait toujours suivi, s’opposant parfois à trop de gens qui voulaient la raisonner. Mais tout ce temps, elle avait raison. On ne vit réellement qu’en étant soi-même. Et de tout son cœur, c’est Lui qu’elle réclamait. Et il était là.
Quand il prit un peu de recul, il ouvrit les yeux et la dévisagea tendrement.
- Je ne sais pas ce qui adviendra désormais, avoua-t-il. Mais c’est moi qui décide pour moi. Et je sais que je veux rester à tes côtés.
- Je le veux aussi... 

 

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