Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 2)

Chapitre 16 : A l’origine, le sceau (1/2)

Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/01/2010 13:37

Episode 38.1 : L’ordre des Cartes
 
Sakura ramassa le paquet de levure que le marchand lui tendit en échange de la monnaie. La jeune femme hésita un instant et lâcha finalement le sachet dans son panier. Trop de choses se bousculaient en elle et elle avait horreur de ce vide qui se créait de ce surplus de questions. A croire que plus les questions s’amoncelaient, plus son impuissance à y répondre l’affaiblissait. Il y avait tellement d’ombres autour d’elle désormais. L’Ombre... sourit-elle nerveusement.
Tiffany la dévisagea tristement et posa la main sur la sienne.
- Il y a tant de chagrin dans ton regard, aujourd’hui...
- Il s’est passé tellement de choses, Tiffany, lui fit-elle remarquer en longeant les étals de la rue animée. Alison n’est plus là. Et bien pire encore, tout le monde l’a oubliée.
- C’était un agent, c’est ça ? A ce que tu m’as dit, c’était une amie à nous.
- Oui. C’est si triste. Dire que toute sa vie n’a été créée que pour m’affronter. L’oubli a frappé tout ceux qui l’entouraient parce qu’elle a échoué.
- On dirait le jugement dont parlait Clow dans son livre.
- Je sais. C’est assez étrange. Et puis il y a maman... Maman qui est Tara, mon gardien de la Terre. Maman...
« Dans cette vie aussi, maman est morte... » entendit-elle en elle comme un écho incertain.
- Alison avait tant souffert durant sa vie, confia Sakura. Je me sens responsable, coupable de ça. Une fille a vécu une vie dure et triste juste pour que nous puissions échanger nos places et qu’elle m’ôte tout pouvoir... Cette vie ne lui a rien épargné pour qu’elle m’envie enfin et qu’elle cède au Fléau... et prenne ma place.
- Mais cette vie dure et triste, c’est un peu la tienne, Sakura. Seulement, tu n’es pas seule. Elle si, je me trompe ?
- Elle... hésita Sakura en y réfléchissant. Oui, je crois.
« Et c’est toi qui l’a tuée... papa ! » répéta la voix...
Sakura baissa les yeux, non loin d’un magasin de légumes. Tiffany ne cherchait pas à en savoir plus. Une profonde douleur se lisait sur son visage et elle voyait bien que Sakura faisait des efforts surhumains pour oublier ce malaise... Elle préférait lui faire comprendre qu’elle était là. Qu’elle était son maie, présente, attentive... comme depuis toujours.
- Et puis... Il y a sa phrase... Sa terrible phrase, Tiffany... Si nos vie étaient si semblables... Se peut-il que nos parents aient agi de façon identique ?
- Que veux-tu dire ?
Elle secoua la tête et força un sourire.
- Oublie. Je dois me tromper.
- Je préfère te voir sourire, lui avoua Tiffany en passant un doigt sous son menton. Même si je sais que ton cœur est déchiré derrière ce masque. Et surtout j’ai mal de ne pas pouvoir t’aider.
- Tu as fait tellement pour moi, déjà... J’aimerais tant te rendre cette passion et cet amour un jour.
A son tour, Tiffany détourna le regard.
- Mon amour, sourit-elle... Je...
- C’était tout ce qu’il restait, les coupa le jeune homme aux cheveux blonds qui arrivait avec un sachet de fruits. Oh-oh... Je crois que j’arrive en pleine discussion.
- Non, Kero, lui sourit Sakura. Ce n’est rien...
Ils se fuirent tout trois du regard et un silence s’installa entre les trois amis.
 
- Regarde-la... Elle est si triste, souffla Thomas en quittant le marchand qui les salua. Et pourtant avec Lionel, ça va bien mieux... Je me demande s’il est possible qu’elle se doute de... enfin... de...
Mathieu hocha le menton et le rattrapa alors que le jeune homme se dirigeait vers elle :
- Non, laisse-la, lui souffla-t-il, soutenant le regard sceptique de son ami. Ne culpabilise pas, Thomas. Tu as fait le bon choix en cherchant à soigner cette douleur. Ta douleur, fit-il en passant la main devant son cœur.
- Mais à force,  je ne sens plus le danger qui l’entoure...
Mathieu sourit en regardant les deux amies.
- Ton rôle de grand frère est peut-être fini...
- Alors que rien n’est joué ?
- Oui. Il faut peut-être la laisser quitter le cocon familial, désormais. La laisser agir. La laisser... s’envoler.
Thomas lui jeta à nouveau un regard interrogateur :
- Es-tu sûr de parler de ma sœur... ?
- Yue se meurt, Thomas, céda Mathieu. Et une chose irrésistible nous pousse, lui et moi, vers Tara. Comment me l’expliquer ? J’ai l’impression qu’elle détient ma réponse... Nos réponses.
Au beau milieu de la rue, elle apparut, les ailes battant le vent et Mathieu fit volte face en figeant instinctivement les bâtiments, le quartier, la ville et le monde entier dans un grand geste, se métamorphosant alors en gardien.
- Tara...
- Bonjour mon ami.
Il chercha un instant à comprendre le doute soudain qui l’envahit :
- C’est Mathieu qui a tout figé ?
- Oui... le temps presse, Yue. L’heure du choix approche...
 
Sakura soupira en cherchant une explication autour d’elle. Elle ne vit rien. Personne. Pourtant Yue devait être le responsable de cette pause temporelle. Quand elle se détourna de la rue, Tiffany demeurait figée dans le temps. Et leur ami commun la dévisageait longuement. Sakura sourit tendrement et secoua la tête.
- Si tu continues de la regarder comme ça, lui fit-elle remarquer, ironique , tu vas l’user ! Comme les miroirs...
Il ne réagit pas, le regard porté sur les yeux timides de la jeune femme.
 - Kero... l’appela-t-elle en rigolant légèrement. Kero ?
Elle posa une main contre lui et sentit la raideur de son corps. Son gardien était... figé ?!! Comment cela se faisait-il ? Les pouvoirs d’un gardien n’avaient pas d'effet sur les autres ! Elle le contourna et dut se rendre à l’évidence. 
 
Yolis apparut sur le toit d’un building en centre-ville et inspecta les lieux. Il était seul.
Yue lui avait expliqué venir ici pour retrouver des sensations familières : celles de la Sphère. Le gardien s’approcha du bord du toit et rangea ses ailes pour ne pas attirer les regards. Un vent ascendant le prit par surprise et le souleva légèrement, lui procurant une sensation de légèreté que nulle par ici-bas il n’avait jamais trouvé.
Les sentiments lointains n’eurent pas de mal à remonter à la surface. Et il se laissa envahir.
 
« Clow les a choisi eux, pourquoi ? Tu le sais ? » avait-il lancé dans le vide sombre de la Sphère.
Tara souriait en observant le bébé venir au monde.
- Il veut faire de toi celui qui veillera sur sa descendance. N’est-ce pas un beau cadeau ?
- Rester dans l’ombre, n’être qu’un sentiment, un souffle dans son esprit. J’ai rêvé mieux.
- Eternel insatisfait. Voilà pourquoi tu as été choisi par l’élément de l’Air. Windy est à ton image, le calme, la douceur mais la force et la solitude.
- Que de beaux discours Tara. Tu vas te réincarner, et vivre au grand jour. Tu vas vivre. Moi, je suis condamné à rester ici encore durant tant d’années !
- Vivre... répéta-t-elle à mi-voix, son sourire se ternissant.
- J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ?
- Ma vie va être dure, tu sais. Celle que j’habiterai devra très tôt renoncer à vivre dans sa famille, puis elle aura ses deux enfants. Et puis... Et puis, je lui apparaîtrai quand l’heure sera venue de lui annoncer qu’il faut partir... Je vais dormir au fond de son cœur durant tant d’années, moi aussi. Et mon réveil signifiera sa disparition. Comment le prendra-t-elle... ?
Yolis croisa les bras et vit Tara concentrer une force au creux de ses mains :
- Que fais-tu ?
- Je cherche... il y a tant de naissances. Il y a pourtant si peu de choix.
Dans la boule de lumière qui apparut, elle observait les vies de ces enfants et fronça les sourcils en apercevant un bébé en particulier.
- Elle ? demanda Yolis.
- Ce beau bébé, c’est Nathalie. Elle va rencontrer Clow au lycée. Elle va perdre son père très tôt et entretenir un certain talent pour voir les esprits. Elle acceptera ainsi plus facilement ma présence...
- Tu pars déjà ?
Elle sourit et chassa les idées tristes de son esprit :
- Le temps viendra où à ton tour tu interviendras dans leur vie. Clow ne t’a pas oublié. Tu as forgé son caractère et tu as été l’ami qu’il n’aurait jamais eu, ne l’oublie pas. Même Brice l’a déçu. Devine quelle carte il a placé en premier dans son livre : Windy. Ainsi ton élément est celui qui aidera l’élue dans tous ses faits et gestes.
- Et toi ?
- Moi ? Il veut que je sois le dernier rempart avant le jugement. Il voulait que j’ouvre les yeux de Sakura sur la nature et l’importance de Woody. Je ferai mon possible.
- Nous n’allons plus nous revoir, alors.
- Je t’aime énormément, Yolis.
- Argh !! se crispa-t-il. Pas de scène larmoyante, je t’en prie !
Elle sourit et une silhouette lumineuse approcha :
- Tu es prête, Tara ? Une nouvelle vie t’attend.
- Je te suis. Au revoir, mon ami. A bientôt, lui souffla-t-elle dans un dernier sourire.
- Oui, bougonna-t-il. J’éteindrai tout avant de partir... Et les clefs seront sous le paillasson !! lui cria-t-il de sa sphère. Si tu veux revenir... murmura-t-il.
 
Deux doigts se plantèrent sous sa gorge et il ouvrit les yeux sur le visage démoniaque de Brice.
- Que veux-tu ? articula-t-il, incapable de bouger.
L’homme poussa un peu plus sur sa gorge et lui sourit cyniquement.
- Réponds à ma question ou je te tue...
Yolis acquiesça, incapable d’utiliser le moindre pouvoir.
- Où se trouve le Cercle ? La mémoire de Brice me fait étrangement défaut...
- En Angleterre... lui cracha-t-il.
Brice leva l’autre main vers lui et le projeta puissamment contre l’immeuble d’en face. Les vitres volèrent en éclat et Brice réapparut près de lui, le prenant à la gorge sous les yeux du personnel des bureaux.
- En Angleterre, vraiment ?!!
Yolis sentait sa gorge se resserrer et il était totalement impuissant.
- Non... les derniers membres du Cercle...
- Parle !!!
- Ils sont... A Hong-Kong... En Chine...
- Les Li... je m’en doutais.
Dans un puissant souffle, Brice disparut et Yolis s’écroula au sol. Plusieurs personnes approchèrent, surprises et curieuses... Il était incapable de se relever, vidé de ses forces. Il les concentra pourtant une dernière fois et disparut sous leurs yeux.
 
Episode 38.2 : Le choix de Yue
 
Gabrielle parcourait les allées du quartier en essayant de retrouver le chemin de la maison qu’elle cherchait. Elle s’appuya à un arbre pour reprendre son souffle. Elle se sentait si faible. Elle devait pourtant le trouver ! Elle devait le convaincre...
« J’ai tant besoin de Clow, désormais, se mit-elle à rire nerveusement. Je suis pitoyable... »
Elle concentra son pouvoir au creux de son esprit pour chercher à percevoir l’aura de Clow.
 
Katya décroisa les bras et s’appuya sur le fauteuil d’Anthony :
- Tout est prêt ?
- Oui. Grâce à ton père... Nous avons fini à temps.
- Je suis bien contente, murmura-t-elle. Tout ceci marque un nouveau tournant dans mon existence. Un départ à zéro. Avec toi.
- Oui, lui sourit-il.
On frappa à la porte de la bibliothèque et Samantha passa la tête par l’ouverture :
- On peut entrer ?
- Bien sûr. Je voulais vous voir, justement.
- Je vais aller préparer le repas, le salua Katya.
Anthony la retint un instant, se leva et déposa un baiser sur ses lèvres. Elle plissa ses yeux de plaisir et les quitta.
- En tout cas, tu as retrouvé un certain équilibre, remarqua Gothar en se posant sur le bras du fauteuil.
- Tant mieux, le combat n’en sera que plus passionnant ! affirma Samantha en sautillant sur place.
- Quel combat ? lui demanda Anthony.
- Oui, de quoi parles-tu ? la dévisagea le fauve sombre.
- Contre Curse, voyons !
- Il n’a jamais été question de lutter contre le Fléau !
- Ah bon ?!! s’arrêta-t-elle d’un coup. Mais je croyais...
- Avec quel pouvoir voudrais-tu te battre ? lui siffla Gothar. Contre Brice seul, nous ne faisions pas le poids, alors pense bien que contre le Fléau ce sera dur de tenir debout !
- Ah mais j’avais pensé...
Elle se figea :
- Mais alors pourquoi être revenu ?
- Nous avons préparé un piège, lui répondit Anthony. Un piège pour le Fléau. Désormais, nous pouvons repartir.
- C’est une blaaaague ?!!! Mais je voulais mon combat, moi !!
Gothar la dévisagea, les sourcils écrasés sur ses grands yeux :
- Tu n’es qu’une enfant, Ruby ! Tu n’es même pas capable de sentir le fossé entre nos puissances !
- Mais Dominique a encore du pouvoir en lui... On pourrait peut-être lui « emprunter » !
- Dominique ne te rendra pas ce bien, la prévint Anthony en se levant, se dirigeant vers son bureau. Nous n’allons pas partir de toute façon. Les puissances de l’éternel sont là, souffla-t-il en sortant un cahier de son bureau. Et si personne ne s’élève contre le Fléau, alors tout sera détruit...
- Que veux-tu dire par... « détruit » ? demanda Gothar.
- Tu veux dire que même en Angleterre on ne sera pas en sécurité ?
Anthony sourit amèrement.
- Durant des siècles, des combats, des guerres, se sont déroulés sur terre. Durant des siècles, après des années et des années d’horreur provoquées par un déséquilibre des forces de l’éternel, l’équilibre se rompait subitement et un combat définissait l’avenir du monde. Le Fléau a maintes fois eu sa chance. A ma connaissance, il a presque toujours échoué.
- Et qu’arrivera-t-il si cette fois... ? avança Gothar.
- Il est dit dans les légendes du trois-Cercle que cette humanité n’a jamais connu cet évènement.
- Tant mieux, alors ! sourit Samantha. C’est que ça doit être simple!
- Non, réfléchit Gothar de plus en plus inquiet, cela veut dire que les humanités qui ont connu ça ont été... anéanties !! C’est ça Anthony ?
Les deux gardiens cherchèrent son regard, sans bouger.
Anthony leur ramena un carnet de croquis :
- Effectivement. La dernière fois que le Fléau a vaincu son égal humain, l’humanité entière a été anéantie. L’homme connaît cette date. Et il lui a donné un nom sans savoir de quoi précisément il s’agissait : il l’appelle Big Bang. Toute vie anéantie. Toute matière concentrée en un point de l’univers en quelques secondes. Et une formidable explosion de matières confuses et primitives... Une source de vie. Le résultat d’une destruction finale...
Samantha ouvrit grand les yeux :
- Tu dis ça... pour... nous faire peur ?
- Non.
 
Chez Tiffany dans l’après-midi, Kero serrait les poings et Tiffany demeura perplexe :
- C’est totalement impossible.
- Tu étais figé, répéta Sakura. Tu ne t’en es même pas rendu compte.
- Mais je suis un gardien de l’éternel !!! Comment est-ce possible ?
- Et pourquoi gardes-tu cette apparence au fait ?
- Ca lui va bien, non ? murmura Tiffany.
- Merci, se pencha-t-il vers elle.
- C’est sincère.
- Hum, toussa Sakura. Je te préférais en Fauve... Là, tu fais un peu voyou.
- Pas du tout, jeune fille. Pour ta gouverne, sache que tu me vois là tel que j’étais avant.
Elle le fixa, dubitative.
- Depuis quand tu parles comme ça, aussi ? « pour ta gouverne » ?
Il y réfléchit et fronça les sourcils.
- En tout cas, intervint Tiffany, il n’est pas normal que tu aies été figé. Vos pouvoirs semblent avoir considérablement augmenté depuis que vous possédez les élémentaria. Mais pas au point de te faire figer, si ?
- Non. Nous n’avons aucune emprise les uns sur les autres !
- Peut-être maman pourra-t-elle te répondre, suggéra Sakura.
- En attendant, profitons de ce succulent gâteau, proposa-t-il.
- Eh bien, lui souffla Sakura, tu ne perds pas le nord...
Il sourit innocemment et tendit son assiette à Tiffany qui le servit en rigolant. Sakura secoua la tête et les observa se remercier longuement. Ils étaient devenus si proches... En peluche, Kero cherchait tout le temps des excuses auprès de la jeune femme, en fauve il se plaisait devant son objectif attentif et aimait se faire plaindre... En homme, il semblait pourvu d’un petit quelque chose en plus qu’elle ne parvenait pas à s’expliquer.
Elle soupira et on sonna.
- Ce doit être Lionel !
 
Gabrielle tomba nez à nez avec la demeure qu’elle cherchait. Elle approcha difficilement de la maison et la porte s’ouvrit avant même qu’elle ne frappât. Dominique et elle s’observèrent un court instant et il lui tendit la main.
- Aidez-moi... Clow. J’ai besoin... de...
Elle se sentit partir et les bras de l’homme la rattrapèrent, la portant solidement à l’intérieur.
 
Yolis apparut dans la salle où le petit comité discutait.
- Kero ? Je peux te voir... ?
- Que se passe-t-il ? se leva le gardien, apercevant sa tunique déchirée.
- Une discussion dans le sud du parc qui peut t’intéresser...
Il lui tendit la main et Kero l’empoigna fermement.
- Kero, tu ne vas pas partir comme ça ?! lui cria Sakura.
- Je reviens, affirma-t-il sèchement en disparaissant.
- Quel mufle.
- Il semblait inquiet, remarqua Lionel.
- Kero... murmura Tiffany. Je ne suis pas tranquille...
- Que dis-tu ?
Elle se leva à son tour et disparut dans le couloir, repassant devant la porte avec une veste légère :
- Je reviens ! leur lança-t-elle.
- Que se passe-t-il ? Où va-t-elle... ?
Lionel et Sakura se dévisagèrent sans comprendre.
 
Nathalie se posa au centre du parc et Thomas observa les lieux en souriant...
- C’était ici, murmura-t-il, que je t’ai rencontrée par le passé, maman.
Mathieu fronça les sourcils et se tourna vers la gardienne.
- Yue pense qu’il est temps.
Thomas releva le nez vers son ami et l’écouta attentivement.
- S’il le pense... nota Nathalie. Tu dois toi aussi en être sûr.
- Je le veux depuis... toujours.
- Que se passe-t-il exactement, intervint Thomas. Qu’y a-t-il ?
Tara leva une main vers Mathieu et celui-ci posa la sienne au creux de sa paume.
- Puis-je parler à Yue ? demanda-t-elle au jeune homme.
Il acquiesça et de larges ailes s’ouvrirent d’un coup dans son dos alors que l’apparence humaine se déchirait.
- Yue... Tu es sûr que c’est le bon moment ?
- Expliquez-moi ! s’écria Thomas.
Yue baissa les yeux et Nathalie lui sourit tendrement :
- Yue et Moi, Tara, ne sommes pas comme Yolis et Kerobero. Ils l’ignorent, mais nous ne sommes pas entièrement magiques comme eux... Nous devenons réellement humain... chacun à notre manière, précisa-t-elle. Comme nous appartenons à la Sphère créatrice, notre présence sur Terre n’est que passagère. Aussi, après avoir vécu, nous brûlons notre enveloppe charnelle et nous retournons dans ce lieu mystérieux qui nous a donné naissance à l’origine des temps.
- C’est... ce que tu m’avais dit, Yue ?
- Oui. Je meurs, en quelque sorte...
- Et Mathieu ?
Nathalie posa une main sur l’épaule de son fils :
- Il l’emporte avec lui...
- Mais je... s’emporta Thomas sans savoir quoi dire.
- Je ne le désire pas, lui avoua Yue. Car il ne le désire pas. Je vais lui céder ce corps et cette vie sur Terre.
- Mais si tu le fais maintenant, le dévisagea Nathalie, tu ne pourras rester ici pour l’affrontement final. Tu ne pourras aider l’élue. Et nous savons tous à quel point tu lui serais d’un grand secours.
- C’est Vrai, Yue... ajouta Thomas. Ne prends pas cette décision maintenant.
- Mais lorsque le combat prendra fin, et si par miracle, Sakura remporte ce combat...
Nathalie posa une main sur ses lèvres et il la supplia du regard :
- Elle en souffrira trop ! lança-t-il.
- De quoi parlez-vous ? les interrogea Thomas.
- Mais tu ne peux la laisser seule maintenant, lui souffla Nathalie.
- C’est Tara qui me le conseille... ou Nathalie ?
Thomas recula en songeant à cette discussion. Yue, Mathieu... Tara, Nathalie...
- C’est moi, Gardienne éternelle de la Terre... Mais la voix de Nathalie est là aussi. Protège l’élue, protège ma fille, Gardien de l’Eau...
- Bien... céda-t-il. Mon choix est fait. Je patienterai. 
 
Episode 38.3 : Yin Yang
 
Gabrielle ouvrit un œil et aperçut la silhouette de l’homme à ses côtés, épongeant son front avec une serviette humide. Elle attrapa le tissu d’une main et le jeta à terre. Dominique recula un peu et fronça les sourcils :
- Ce n’est pas sérieux... Vous êtes dans un tel état !
- C’est parce que je suis incomplète... Vous le savez ! Rendez-moi ma moitié.
Il sourit et secoua la tête avant de ramasser la serviette-éponge :
- Je ne peux rien pour vous, souffla-t-il en se levant.
- Attendez !! Vous ne comprenez pas ?
Il s’arrêta net, sans se retourner.
- C’est toi, Void qui ne comprend pas. Je ne peux rien pour toi. Sakura garde ses cartes avec elle.
- Il faut pourtant qu’elle me rende ma totale liberté. Ca aussi vous devez le savoir ! Le Fléau est là. Et il m’a vidée de mes forces ! Je ne suis plus rien... Je dois retrouver mon statut de force de l’Eternel. Seule une force de l’Eternel...
- Peut lutter contre une force de l’Eternel, se retourna légèrement Dominique. Oui. Clow l’a écrit. Les Forces de l’Eternel sont à l’origine de tout. Vous êtes les doigts de Dieu, comme l’a écrit Clow, n’est-ce pas ?
- Alors... ?
- Je n’ai pas le loisir de décider. Mon rôle est ailleurs.
- Vous êtes inconscient ?! se leva-t-elle, s’étourdissant dans ce mouvement brusque.
Il la dévisagea et leva une main ouverte vers elle. D’un souffle, elle retomba dans le fauteuil :
- Tu n’as même plus assez de force pour contrer mon faible pouvoir. Que feras-tu contre cette Force-là ?
- Mais je...
- Sais-tu seulement comment retrouver ton pouvoir, Void ?
- Je dois... je...
- Je m’en doutais, sourit-il. Repose-toi...
 
La femme aux lunettes noires chercha le regard de Tiffany dans le rétroviseur :
- Vous voulez que je vous accompagne, mademoiselle ?
- Non, il ne doit pas être loin.
- Bien, je vais attendre ici.
- Merci.
Elle referma la portière et fouilla du regard les allées du parc qui s’ouvraient devant elle.
 
- Je suis inquiète, moi aussi, confia Sakura.
Lionel se pencha vers elle et esquissa un sourire réconfortant.
- A quel propos ?
- Tiffany. Elle me semble préoccupée. Et je ne sais pas quoi faire.
Il acquiesça, sans savoir quoi ajouter. Il se trouvait dans la même position. L’impuissance face à leur amie si chère. Celle qui les avait soutenus. Celle qui les avait encouragés... Celle qui... Il songea à ce conseil qu’elle lui avait donné. Le moment de lui parler était peut-être venu.
- Sakura, j’ai une chose importante à te dire, avança-t-il d’un coup.
Elle haussa les sourcils et lui sourit :
- Je t’écoute.
- En fait, je le sais depuis longtemps. Mais je ne devais rien te dire. Sur les conseils d’une personne que je n’écoute plus. Une personne qui ne voulait pas de notre bonheur. Quelqu’un qui voulait te cacher cette vérité.
- Tu m’inquiètes.
Il sortit de son sac sa tunique et l’étala sur la table basse.
- Qu’y a-t-il ?
- Regarde ce signe, indiqua-t-il en pointant le doigt vers le cercle bicolore qui ornait le dos du vêtement. C’est l’insigne de ma famille depuis des générations. Or, ce n’est pas le signe de Clow Read.
- C’est vrai, oui.
- En cherchant un peu, j’ai découvert que depuis peu, une centaine d’années tout au plus, ce Cercle ornait nos armoiries. Il est aussi... sur tes cartes. Devant... et derrière.
Elle en prit une dans sa poche et la posa sur la table :
- Oui, derrière, le cercle est bien là, mais devant...
Lionel posa un doigt d’un côté de la face et l’autre index sur le côté opposé :
- Le Yin et le Yang... Chacune des forces que tu as capturés fait partie d’un tout. En fait, elles vont...
- Deux par deux ! Kero me l’avait expliqué.
- Ces cartes, Sakura... ne sont pas des cartes de l’Eternel !
- Pardon ? Mais pourtant la phrase que je prononce...
Il secoua la tête et ferma les yeux.
- Ma famille possède le dernier volume des notes de Clow. Et il explique que les vraies cartes de L’Eternel ne possèdent pas ces deux signes-là, séparés, mais un seul, placé au centre de la carte.
- Comment est-ce possible ? Ce ne sont pas... s’étonna Sakura en sortant ses cartes une à une.
Elle les observa attentivement et se mordilla une lèvre. Comment expliquer ce nouveau mystère ? Elle releva les yeux vers le jeune homme qui lui souriait timidement :
- Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ?
- Parce que j’étais... en mission, admit-il difficilement. Je devais simplement t’observer, Sakura.
- C’est pour ça que tu es revenu ?
Il savait que sa réponse ne lui ferait pas plaisir mais il acquiesça, préférant la franchise au mensonge.
 
Kero regarda Thomas et Mathieu s’éloigner et se laissa glisser de la branche jusqu’au sol où il atterrit lestement.
- Je n’en crois pas mes oreilles...
Yolis le rejoignit et posa une main dans son dos.
- Je savais qu’ils étaient différents de nous mais pas à ce point...
- Ce n’est pas ça qui m’énerve, se tourna Kero, repoussant la main compatissante de son ami gardien... C’est de savoir que Yue était près à abandonner Sakura ! Même si c’est à cause de son trouble !
Tiffany arrivait en courant et Kero posa un regard sombre et déterminé sur Yolis :
- Rends-moi ma vie entière, Gardien. Je ne veux plus avoir à découvrir d’obscures vérités qu’on m’aurait caché !
- Kero ? s’avança Tiffany. Que se passe-t-il ?
Yolis la dévisagea un instant et revint finalement à Kero, figé dans sa direction.
- Cela ne fait pas partie de mon plan, Kerobero. Tu le sais. Nous sommes là pour des rôles qui nous ont été ass...
- Tais-toi ! le coupa-t-il sèchement. Je me fiche bien de savoir quel était mon rôle avant. Je veux savoir qui je suis maintenant. Tu me le dois bien... Et tu en as le pouvoir, n’est ce pas ? 
- C’est Tara qui a ce pouvoir.
- Je parle de Memory...
- Es-tu sûr ? Même si « elle » est là ? fit-il en jetant un vif regard à la jeune femme qui ne saisissait pas le but d’une telle discussion.
- Plus que jamais... murmura-t-il en la regardant du coin de l’œil. Plus que jamais.
 
- Oui, c’est pour cette raison, avoua Lionel. Je pensais ne plus rien ressentir pour toi et cette mission d’observation me paraissait facile.
- Tu n’es donc pas revenu pour moi ? demanda-t-elle encore en revoyant la scène se dérouler à l’aéroport, alors que la Foudre les encerclait dans le hall.
- Mais je me trompais. Te revoir a été un terrible choc : je n’étais pas guéri et je comprenais que je ne guérirais jamais...
- Tu parles de moi comme d’une maladie... releva-t-elle tristement.
Il lui sourit en relevant son visage :
- Je ne désire pas en guérir, désormais. Nous avons crevé l’abcès, grandi...
Elle lui rendit son sourire et il s’approcha d’elle, posant un genoux devant elle.
- Je ne veux plus jamais m’éloigner de toi, souffla-t-il, son regard plongé dans le sien.
- Lionel...
- Oui...
- Dire que tu étais venu me dire ces mots avant le combat contre Brice, il y a trois ans...
Il ouvrit grand les yeux :
- Mais tu... s’étonna-t-il. Tu le savais ? Durant le combat, tu as pourtant dis que j’avais décidé de partir !
Elle fronça les sourcils :
- Comment sais-tu ce que j’ai dit durant le comb... ?
- Et toi, devant chez toi... ?
Ils se dévisagèrent, comprenant petit à petit qu’une seule solution expliquait ce quiproquo. Comprenant qu’ils s’étaient mutuellement parlés, ce jour-là, ouvrant leur cœur, l’exposant sans peur, pour mieux toucher l’autre. Ils sourirent timidement et finirent par éclater de rire.
- Alors c’était toi... soupira-t-elle, heureuse.
- Et c’était toi, chez toi... Return nous avait donc envoyés au même endroit...
 
- Je le veux aussi, affirma Tiffany en prenant la main de Kerobero, haussant les sourcils devant ce geste.
- Bien... je vous reconnais bien là... Malheureusement, la rencontre de Curse m’a affaibli, alors je vais devoir me concentrer très intensément...
- La rencontre de qui... ? releva nerveusement Kero.
Yolis fit apparaître son pouvoir de Mémoire et la sphère de lumière les enveloppa tout trois...
- Que va-t-on découvrir ? demanda Tiffany.
Kero était encore sous le choc de la nouvelle. Yolis... Son état, sa faiblesse... cela venait donc de cette rencontre ?
- Kero... demanda Tiffany.
Ses doigts se resserrèrent sur les siens et il se tourna vers elle :
- La vérité.
- Je saurais donc pourquoi depuis toujours, j’attends celui qui a su toucher mon cœur ? Celui dont la voix m’a longtemps soutenue... Pourquoi je ne l’ai jamais trouvé...
Kero acquiesça...
Une main s’infiltra dans la sphère et Yolis en sembla contrarié, se crispant sur lui-même.
 
Sakura et Lionel ouvrirent les yeux en même temps, au milieu de leur baiser.
- Cette force...
- C’est la première force de l’Eternel que tu vas rencontrer, Sakura.
- Le Fléau ?
 
Brice les dévisagea cyniquement et ouvrit une main devant eux, en s’infiltrant dans la boule de lumière, pour leur indiquer de ne pas bouger :
- Merci gardien, d’avoir déployé le reste de ton pouvoir, fit-il remarquer à Yolis qui s’écroulait au sol. Laisse-moi donc prendre la relève...
- Qui êtes-vous ? cria Kero en rangeant d’un geste Tiffany derrière lui.
- Je suis celui que tu craignais de rencontrer, Alessandro...
- Curse ?!
- Bien ! éclata-t-il de rire. Que les dernières grandes forces que possédaient mon corps viennent à moi !! hurla-t-il en ouvrant les bras, projetant les limites de la sphère dans tout l’espace matériel de l’Univers. Puissances premières ! Affiliées au Feu, à l’Eau, à l’Air et à la Terre, je vous appelle à moi !!!
Une lumière nacrée et opaque envahit le monde et il éclata de rire. 

 

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