Doctor Who Alternative: Saison 8

Chapitre 4 : Le Dictateur [Partie 4]

6459 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 09/11/2016 22:46

[Musique à écouter jusqu'au "générique": http://musescore.com/user/174425/scores/170058]

 

Sur la Place Centrale du Théoïcole, Prog et ses soldats étaient à terre. L'onde de choc les avait blessés, et ils avaient perdus connaissance pour quelques minutes. Et alors que le Docteur finissait d'évacuer l'énergie par ses bras, des dizaines de résistants en armes sortaient de la guérite de garde, dont la porte avait été ouverte. Lorsque Jonas se releva, les seuls mots qu'il réussit à prononcer furent:

 

« De quoi?

- Fermez-là et venez! cria le Docteur.

 

Il empoigna le jeune homme et le tira jusqu'à la guérite en courant le plus vite possible. Ils pénétrèrent à l'intérieur alors que les derniers résistants sortaient. Le Docteur se précipita alors sur une console hexagonale d'où sortait une colonne lumineuse. Il tripatouilla plusieurs boutons tout en criant à Jonas, qui avait trébuché à l'entrée et qui restait encore par terre, tant il était ébahi:

 

- Oui, c'est plus grand à l'intérieur! Ça voyage dans l'espace! Et même dans le temps! Mais n'ayant pas le temps de le dématérialiser, ON VA S'ENVOLER!

 

Le Docteur frappa alors une manette, et le TARDIS décolla violemment, manquant de faire tomber le Seigneur du Temps. Celui-ci se rattrapa sur un des sièges qui entourait la console, et se balança rapidement sur les commandes du vaisseau pour le pousser plus rapidement.

 

- Mode voltige activé! Stabilisateurs... enclenchés!

 

La capsule prit alors une plus grande vitesse, et sa forme de guérite perdit toute influence sur une quelconque histoire d'aérodynamisme. Elle perça la couche de nuage en un éclair, et traversa l'atmosphère en quelques secondes. Le Docteur frappa plusieurs boutons sur une autre partie de la console, et la guérite se métamorphosa rapidement en une cabine téléphonique bleue. Et alors que le TARDIS arrivait dans l'espace à une vitesse proche de 100km/s, le Docteur cria à Jonas de se relever.

 

- Soyez prêt à l'attraper! N'ayez pas peur de tendre les bras au loin et même la tête, j'ai étendu l'atmosphère sur plusieurs mètres!

- DE QUOI?

- Taisez-vous et placez-vous devant la porte!

 

Jonas écouta le Docteur, se releva et se figea devant la porte. Il n'avait même pas besoin de s'accrocher, le vaisseau étant stable. Au loin, il lui sembla voir une forme rouge... Qui se rapprochait rapidement... Très rapidement. Le TARDIS ralenti violemment, et le jeune homme tandis les bras vers Clara, qui n'avait déjà plus d'oxygène à respirer, et qui commençait à bouillir de l'intérieur. Il ne restait que quelques secondes avant qu'elle ne tombe dans le coma. Jonas tendit son bras encore plus loin, attrapa la jeune fille et celle-ci fut projeté contre lui. Le TARDIS avait fait une violente accélération pour être sûr d'attraper la voyageuse temporelle.

Et alors qu'elle respirait en grande pompe et que le Docteur changeait la pression autour de la porte d'entrée pour que les liquides à l'intérieur de Clara ne s'évapore plus, il lança, avec un ton enjoué et fier:

 

- Regardez-moi ça les enfants! Un coup d'état révolutionnaire planétaire en cours, Clara sauvée, Jonas libéré, le tortionnaire hors d'état de nuire et le TARDIS qui reprend sa bonne vieille forme habituelle! Je n'ai qu'une chose à dire: voilà qui est fait! »

 

LE DICTATEUR

Partie 4

[http://img11.hostingpics.net/pics/184094LeDictateur4.jpg]

 

Clara, Jonas et le Docteur se trouvaient dans la Salle de Commande du TARDIS. Le jeune homme était assis sur les premières marches de l'escalier qui menait à la passerelle surplombant la pièce, tandis que Clara était assise sur le siège noir et peu confortable à gauche de l'escalier. Le Docteur, quant à lui, était adossé à la console, prêt à répondre à toutes les questions qui fourmillaient dans l'esprit de ses passagers.

 

« Alors vous aviez un plan? Depuis le début? s'étonna Clara.

- Oh que oui! Dès que j'ai compris ce qui allait vous arriver, Clara, et que Prog allait sûrement lancer une attaque sur la base, j'ai eut l'idée d'évacuer les bunkers avec le TARDIS. Un peu plus d'une centaine de résistants seulement. Le reste devait s'échapper selon des plans d'évacuations qu'ils avaient mis au point il y a des années. Le seul problème, bien sûr, c'était que je ne pouvais pas atterrir dans la Cité Capitale sans me faire remarquer. Donc j'ai décidé de cacher le TARDIS là ou personne n'irait le chercher: sous le nez de Prog. Caché en guérite de garde. Le filtre de perception permettait de faire croire à ceux qui la voyaient qu'elle avait toujours été là. Et je l'ai placé dans un endroit qui n'est surveillé par aucune caméra. J'ai effacé le bruit en desserrant les freins, et je l'ai fait atterrir à une heure de la dématérialisation, pour faire croire à Prog que j'étais venu sans TARDIS.

- Mais pour les cellules, vous ne saviez pas où vous tomberiez, non? demanda Jonas.

- Non, mais je savais que je serais dans les sous-sols du Ministère de la Sécurité, tout comme vous. M'échapper de ma cellule aurait été un jeu d'enfants, comme vous l'avez vu. Ensuite, je n'avais plus qu'à vous retrouver, et on sortait d'ici. On m'a juste mâché le travail. Ensuite, j'étais presque sûr que Prog allait sortir personnellement pour aller me chercher.

- Mais vous ne pouviez pas savoir quand!

- Oh que si! N'oubliez pas que j'avais un TARDIS juste à coté du palais présidentiel. Lorsqu'il a vu Prog sortir avec son cortège, ce cher engin, expliqua-t-il en tapotant la console, a envoyé un message dans le passé à mon tournevis. J'avais un timing précis à respecter. Et je suis ponctuel, les enfants. Arrivé au bon moment. Il ne restait plus qu'à envoyer le signal d'avertissement aux soldats, qui avaient l'ordre de sortir TRÈS vite du vaisseau dès qu'ils entendraient mon cri "MAINTENANT!".

- Très vite? Ne me dites pas que vous aviez prévu ce qu'allait faire Prog, s'inquiéta Clara.

- Je ne voulais pas qu'il y ait de blessés. Si les résistants étaient sortis alors que la garde de Prog me tenait en joue, une bataille aurait éclaté, et il y aurait sûrement eu des morts. Des deux cotés. En lançant une onde, ou une "explosion", d'énergie régénératrice, j'étais sûr que Prog et ses bonshommes seraient neutralisés et très facilement capturables par Lukonor et ses hommes. Le reste du coup d'État était ensuite facile avec un otage pareil. Sauf qu'attaquer Prog, que ce soit avec les soldats ou avec la régénération, revenait à risquer votre vie Clara.

- Vous avez joué avec ma vie!

- Non, j'ai fait du mieux que je pouvais. J'étais presque sûr de pouvoir vous rattraper à temps.

- Presque?

- 95%, disons 90. Bref, c'était amplement suffisant. Il fallait juste que les soldats sortent vite. Comme quoi, Harry Sullivan avait raison!

- Qui ça? demanda Jonas.

- Un imbécile. Un imbécile idiot! Mais alors qu'est-ce qu'il a pu avoir de bonnes idées celui-là...

- Vous êtes totalement timbré!

 

Et la réponse que fit alors le Docteur fut à la fois si prévisible et si déroutante pour le jeune homme qu'il en resta sans voix:

 

- Il faut bien avoir des qualités, non?

 

Le Docteur se retourna ensuite vers les commandes du TARDIS, et tourna plusieurs petits leviers.

 

- Bon, on n'a plus qu'à déposer Jonas quelque part sur Qatros, et ensuite...

- Non, attendez! coupa Clara. J'ai trouvé des trucs bizarre dans les communications de Prog.

- Ah bon?

- Oui. Un message qui n'était ni à destination de la planète, ni à destination d'une autre planète du système. Et il parlait de vous, Docteur. Il y avait une photo du TARDIS qui se dématérialisait, dans la forêt où on a trouvé Orso. Et en dessous, Prog avait tapé un message: "Le Docteur est sur Progus".

- Étrange... murmura le Seigneur du Temps. Il semble en savoir bien plus qu'il ne le devrait sur moi. Surtout qu'il me connaissait avant même de vous avoir capturé. Mais je suppose que vous n'avez plus la carte USB.

- Non, ils me l'ont prise. Mais j'ai découvert un autre truc.

- Quoi encore? siffla le Docteur avec un air excédé. Vous ne pouvez pas tout me dire d'un coup?

- Oui, bon, ça va! s'exaspéra Clara. Bon, les communications étaient toutes définies par une destination dans la liste de l'ordinateur, sauf celle dont je vous ai parlé. Et Prog semblait avoir un grand nombre de communications avec une planète appelée Onos dans le système.

- Onos? s'étonna Jonas. C'est la première planète du système. Elle est tout prêt du soleil. C'est bizarre parce qu'il fait plus de 300°C là-bas.

- Prog n'y a placé aucune base? interrogea le Docteur.

- Non, ou alors je ne m'en souviens pas. Il n'y a jamais eu de vaisseau à destination d'Onos qui ait décollé de Qator.

- Intéressant... Les enfants, je crois que je connais notre nouvelle destination! »

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

La surface de la planète Onos était parsemée de cratères, et elle était constamment bombardée par des rayons solaires extrêmement radioactifs. Aucune forme de vie ne pouvait naturellement s'y développer, ni même y survivre. Et pourtant... Un complexe de bâtiments métalliques assez géométrique, protégé par des champs de force, se détachait à l'intérieur d'un cratère de plusieurs kilomètres de diamètre. Ce complexe était entouré d'un cercle de petits bâtiments cylindriques d'une trentaine de mètres de hauteur, et d'une dizaine de diamètre. Chacun de ces bâtiments étaient reliés par un long et épais couloir au reste du complexe.

 

« Qu'est-ce que ça peut bien être? se demandait le Docteur en regardant le plan du complexe sur un écran.

 

Il se trouvait, avec Clara et Jonas, à l'intérieur du complexe, dans une petite salle rectangulaire de quelques mètres de coté seulement. Une vitre au plafond renvoyait l'image d'Orig, le soleil d'Onos et de Qatros. Une étoile un peu plus orange que le soleil de la Terre, qui balayait la pièce d'une atmosphère orangée et chaude.

Clara était assise sur un siège, et pianotait à toute vitesse sur le clavier d'un ordinateur, seul engin dans la pièce. Elle était devenue extrêmement forte en piratage informatique depuis sa première rencontre avec le Docteur, et cette histoire de Wi-Fi. Puis son voyage dans la vie du Seigneur du Temps avait laissé des traces dans sa mémoire. Donc elle réussissait plus ou moins à pirater le terminal du complexe.

 

- Si vous me prêtiez votre tournevis, j'irais plus vite! s'exaspéra-t-elle.

- Je vous dis que çà ne servira à rien. Le système est protégé contre les appareils soniques.

- Je sais, mais votre tournevis peut quand même m'aider!

 

Le Docteur soupira, puis se résolut à lui tendre l'objet, sous les yeux curieux de Jonas, qui était appuyé sur le mur à gauche de l'ordinateur, qui était interloqué par l'engin. Mais il revint rapidement à son occupation, assistant au piratage de loin et préférant admirer Orig, son soleil. Sur Qatros, la seule religion qui avait survécu à travers les siècle était celle des étoiles vivantes, et de la chaleur protectrice et destructrice d'Orig, étoile divine. Personne d'autre que lui, dans son village ou chez les résistants, n'avait eu ni n'aurait sûrement le privilège d'observer ce dieu de flammes et de lumière à une distance si faible. Il en ignorait presque la discussion du Docteur et de Clara.

Celle-ci était en train d'utiliser le clavier de sa main gauche et de manipuler le tournevis de son autre main. Finalement, l'écran changea, et afficha plusieurs informations.

 

- Ah, vous voyez? lança Clara. Mes talents plus votre tournevis, et rien ne nous résiste!

- La rime est mauvaise, commenta Jonas en continuant de regarder la baie du plafond.

- C'était pas sensé être une rime en fait...

- Gardez la poésie pour vos cours, Clara. Je n'ai pas besoin de la Prof de Lettres, là, mais de la hackeuse rebelle, avoua le Docteur avec un ton légèrement chaleureux.

- Vous avez qu'à lire, Docteur.

 

Celui-ci se pencha donc sur l'écran et consulta les informations. Son visage prit des expressions tantôt surprises, tantôt choquées, tantôt intéressées et parfois même joyeuses. Il parsemait sa lecture de "Ooooh...", qui, avec les changements de son visage, laissaient échapper des rires aux deux jeunes qui étaient avec lui dans la pièce. Lorsqu'il eut terminé, il se redressa, et se mit à réfléchir.

 

- Ce sont des appareils temporels. Des analyseurs, des collecteurs, des amplificateurs...

- De quoi? cracha presque Jonas.

- Nous sommes tout près d'une étoile, Jonas. Une étoile assez massive. Elle a donc une influence sur le vortex. Une influence faible, mais qui facilite l'ouverture de failles à proximité.

- Des failles? Comme sur Trenzalore?

- Non, des failles qui permettent d'accéder au vortex de l'espace-temps. Comme celles que le TARDIS crée lorsqu'il se matérialise ou se dématérialise. Des appareils ouvrent ses failles, dans les cylindres, et d'autres analysent l'intérieur du vortex. Il y en a même qui récoltent des particules du vortex. Le tout est envoyé dans des tuyaux reliés au complexe. Et ici, il y a des laboratoires où des scientifiques tentent d'exploiter ces particules... Voilà qui explique le crash du TARDIS.

- Votre engin s'est écrasé? s'étonna Jonas.

- Oui, dans la forêt où on a retrouvé Orso. Enfin, il a pu se matérialiser tranquillement, mais il avait été détourné et lancé dans des parties dangereuses du vortex pour une raison qui m'était inconnue... Mais je l'ai trouvée!

- Les appareils? se risqua Clara.

- Oui! Les récoltes de particules ont détourné le TARDIS, et mon vol a lui-même dû pas mal endommager les engins eux-mêmes.

- Et, vous là-bas! cria une voix au loin. Qui êtes-vous?

 

Le Docteur et Clara se retournèrent, et Jonas quitta son mur pour se mettre dans l'axe du long couloir relié à l'antichambre de la pièce (où se trouvait le TARDIS) dans laquelle ils se trouvaient. À l'autre bout du corridor, un homme armé les menaçait de son pistolet et courait vers eux.

 

- Clara, verrouillez la porte de l'antichambre tout de suite! Jonas, prenez une arme et soyez prêt à nous défendre!

 

La jeune fille retourna son siège, fit glisser ses doigts à toute allure sur le clavier, et quelques secondes plus tard, une porte métallique s'était fermée entre le couloir et l'antichambre. Jonas avait attrapé le fusil qu'il avait gardé sur lui depuis son échappée, et s'était posté prêt de la porte, dans l'antichambre, à coté du TARDIS.

 

- Clara, je vais encore avoir besoin de votre aide, parce qu'il y a un problème dans tout ça.

- Ah bon?

- Ce complexe n'a rien à voir avec Qatros. Son architecture est bien plus géométrique que ce que l'on trouve sur la planète et sur les colonies. Et la technologie présente sur cette planète-ci est supérieure à celle de Qatros. Dans le complexe d'armes, rien ne résistait au tournevis sonique, alors qu'ici, tout est protégé! En plus de ça, Prog n'a pas les technologies nécessaires à la construction d'un champ de force aussi puissant que celui qui protège cet endroit, et encore moins celles qui permettent la création des machines présentes dans les cylindres.

- DE QUOI? s'écria Jonas, derrière le Docteur, en entendant ce qu'il disait.

- Taisez-vous, vous! Ou alors dîtes quelque chose d'intelligent. Clara, écoutez-moi: cet endroit a été construit par une entité différente de Prog et de son régime. Des gens qui travaillent avec Prog, mais avec lui-seul. Et qui ne veulent pas lui laisser trop d'indices sur les résultats des recherches. Les laboratoires ne peuvent pas étudier en détail les particules. Juste s'assurer de leur exploitabilité.

- Donc quelqu'un les récupère, conclut Clara. Et ce quelqu'un les ramène dans de meilleurs laboratoires.

- Exactement! Et ce quelqu'un est celui qui a du aider Prog à garder sa dictature pendant un si grand nombre d'années, en lui offrant certaines technologies. Et surtout, ces gens lui ont parlé de moi. Je suppose que vous savez ce que je veux.

- Trouver où vont les particules, donc où sont les gens, c'est ça?

- Vous êtes plus intelligente que je ne le pensais, jeune fille.

- Eh! Excusez-vous tout de suite!

 

Le Docteur n'eut pas le temps de répondre: un crépitement bourdonnant semblait s'échapper de la porte. Le garde avait été rejoint par plusieurs amis, équipés de chalumeaux. Clara ne tenta pas de discuter et chercha immédiatement sur l'ordinateur ce que le Docteur lui avait demandé. Et alors que la porte était aux-trois-quarts fondue (ou du moins qu'un grand arc de cercle avait déjà été troué dedans), elle cria au Docteur:

 

- Trouvé! Un vaisseau de tonnage moyen, qui passe ici 3 fois par mois, à destination de la galaxie d'Andromède. J'enregistre les coordonnées précises dans le tournevis.

- Dépêchez-vous! Jonas, entrez dans le TARDIS, tout de suite! Clara, venez dès que vous avez terminé.

- Mais si les types... protesta le résistant

- Ne discutez pas! Une seconde de retard de votre part et on vous laisse ici! »

 

Le jeune homme ne broncha pas, et pénétra dans le vaisseau, suivit du Docteur, et une vingtaine de secondes plus tard, de Clara. Et alors que les gardes venaient de faire tomber la partie de la porte qu'ils avaient découpée, et qu'ils pénétraient dans la pièce, la cabine bleue se dématérialisait avec son bruit si caractéristique.

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

Dix mois avaient passé depuis l'arrivée du Docteur sur Qatros. En une journée à peine, la face de la planète avait changé. On avait fait de l'homme un héros planétaire. Mais il n'était pas revenu pour découvrir les conséquences de ses actes. Il avait juste laissé le jeune Jonas rentrer dans son village natal, et avait disparu.

Dix mois après, donc, la planète était entièrement sous le contrôle du nouveau régime démocratique. Des élections avaient eu lieu, et Lukonor était devenu Chef du Gouvernement. Plus de président, plus de pouvoir centralisé: le Gouvernement dirigeait et s'organisait de façon collégiale, et chaque membre comptait comme une voix lors des votes, le chef étant là pour trancher en cas d'égalité.

Les quadrants et les villes avaient gagné en autonomie, et la Cité Capitale ne pouvait plus interférer dans la totalité des activités locales, comme c'était le cas auparavant.

 

Dix mois après la révolution, les armées étaient grandement réduites, les esclaves des colonies avaient été libérés, et surtout, les responsables de la dictature qui avaient sévi pendant près de cinquante longues années avaient été jugés et condamnés à une incarcération à perpétuité. Tous? Non. Une personne n'avait pas encore été condamnée. Parce que les jurés n'arrivaient pas à s'accorder sur la peine appropriée. Et cette personne s'avérait être Honorius Prog lui-même.

Le jury était en désaccord total. Il était composé de représentants du gouvernement (des ministres tirés aux hasard), de représentants de la Résistance (des résistants tirés au hasard, dont Orso) et des représentants du Peuple (des électeurs tirés au hasard). Sept de chaque groupe. Le tout présidé par un 22ème juré, le Chef du Gouvernement, Lukonor.

Les débats étaient longs et endiablés dans la salle isolée des délibérations: la moitié des jurés souhaitait la mise à mort du Dictateur, tandis que l'autre penchait pour l'emprisonnement à vie, arguant que la peine capitale n'était pas compatible avec la Justice. Au milieu de tout cela, seul Lukonor pouvait trancher. 11 partisans de l'exécution, 10 de l'emprisonnement. S'il choisissait l'exécution, sa voix s'ajouterait aux onze autres. S'il choisissait l'emprisonnement, sa qualité de président du Jury lui offrirait automatiquement deux voix, pour trancher et empêcher l'égalité. Sauf qu'il n'y arrivait pas.

 

« Lukonor, tu as vu ce qu'il a fait de certains de ses citoyens dans les colonies! lança un membre de la Résistance.

- Il a fait renaître l'esclavage! argumenta un ministre. Cela faisait près de six cent années que nous l'avions aboli!

- Je sais tout cela, mes amis. Mais comprenez que j'ai son sort entre mes mains.

- Tu as été le chef, déclara Orso. Et tu l'es encore. Tes décisions étaient toujours réfléchies et sages. C'est grâce à cela que nous sommes ici maintenant. J'ai toute confiance en toi pour que tu choisisses la meilleure des décisions.

- Écoutez donc, cher jury. Comprenez qu'il est pour moi difficile de choisir! Votre voix ne compte que comme une parmi d'autres. La mienne est celle qui décide de tout. Il m'est difficile de condamner à mort un ennemi de son envergure.

- Il faut montrer l'exemple! cria un juré populaire.

- Il est vrai que les horreurs qu'il a commises sont indescriptibles, mais ne nous abaissons-nous pas à son niveau en l'exécutant?

- Non, lâcha un membre de la résistance. Ce qu'il a fait, ce n'est pas du meurtre, c'est bien plus. Nous le savons. Nous ne devenons pas comme lui en mettant fin à ses jours, parce qu'il faut faire bien pire pour... l'égaler. Nous sommes au contraire bien différents, parce que nous faisons ceci dans le cadre d'un procès public, légal et juste.

- Mais la mort est une sortie bien trop facile! interrompit un membre du gouvernement. - Dans l'au-delà, il sera condamné par le grand Orig aux affres des trous noirs et de la chute éternelle! coupa un résistant. La condamnation à mort ne le sauvera pas.

- La Justice des Étoiles est certes grande et indiscutable, mais celles des hommes doit l'être tout autant, répliqua le ministre. Les croyances ont-elles parlé de la destruction totale d'une âme? Non. L'être est éternel. Mais ses souffrances aussi. C'est ainsi que la Justice des Hommes doit fonctionner: comme celle des étoiles. Seule la prison à vie peut répondre aux actes d'un tel tyran. Montrons-lui que nous avons des principes! Et il vieillira dans l'idée horrible, pour lui, que le Bien a fait mieux que lui et qu'il a vaincu le Mal, la Dictature et l'Injustice. »

 

Lukonor fermait les yeux alors que les débats continuaient autour de lui. On parlait religion, justice, grand principes, vieillissement, souffrance, psychologie ou punitions. Les arguments étaient nombreux des deux cotés, et l'incertitude du vieux chef ne faisait qu'augmenter. Il avait eu l'habitude de prendre des décisions importantes, ces dernières années. Il avait abandonné des villages, saccagé des récoltes, fait tuer des soldats, accepté le plan du Docteur... Puis il avait décidé de la démocratie, de ses principes, du nouveau régime, de l'organisation de la planète...

Mais là tout était différent. Tout était froid. Ordonner le meurtre de soldats avait été plus facile pour lui: après tout, ils connaissaient les risques du métier. Et la situation s'apparentait à une guerre, ou à une guérilla. Mais là, c'était du meurtre de sang froid. C'était lui qui dirigeait. Il n'était plus le libérateur, le résistant, le combattant à la tête des combattants. Il était l'État, la Justice. Le Destin. La guerre était terminée. Ce n'était pas du combat, c'était du nettoyage. Et c'était difficile de choisir. Tellement difficile. Et personne ne pouvait l'aider. Il n'avait pas de conseiller, il n'avait personne pour choisir à sa place. Le système solaire tout entier avait confiance en son jugement, mais celui-ci était en train de faillir.

Et alors que la pression se faisait de plus en plus forte, ses oreilles frémirent.

Un son.

Il venait d'entendre un son.

Un bruit étrange, qu'il avait déjà entendu.

Un bruit métallique... Comme une roue que l'on frotte sur du métal, comme une respiration mécanique... Du moins c'est ce qu'il en pensait. Un bruit qui ne venait pas de Qatros. Un bruit étouffé par les murs, mais qui pourtant atteignait tout le monde dans la pièce. Un bruit indescriptible.

Le son de l'espoir. Le son d'une boite bleue. Plus grande à l'intérieur.

 

Quelques secondes après que le bruit eut cessé, la porte de la salle des délibérations qui menait au couloir s'ouvrit sur un homme et une jeune femme.

 

« Clara! L'écriteau disait: "Ne pas entrer"... Vous savez lire pourtant!!

- Allez, Docteur, arrêtez un peu, où est passé votre curiosi...

- Docteur? s'étonna Lukonor.

- Ah! Luke! Comment ça va? Oh... Vous êtes en pleine réunion, à ce que je vois. Je pense que je vais vous laisser. Je souhaitais plutôt atterrir sur le continent opposé, mais le TARDIS a eu quelques problèmes et... Enfin bref, bonne journée!

 

Le duo ferma la porte et se dirigea alors vers le TARDIS, qui se situait quelques mètres plus loin dans le corridor. Mais derrière eux, Lukonor venait de sortir de la salle des délibérations, criant au Docteur de s'arrêter.

 

- Qu'y a-t-il donc?

- Docteur... J'ai besoin de votre aide.

- Ah? Et pour quoi faire?

 

Alors, le président du tribunal expliqua au Docteur ce qui s'était passé durant les dix derniers mois, et le problème qu'il avait avec la condamnation de Prog.

 

- Vous comprenez qu'il soit difficile pour moi de décider... Je pensais que personne ne pouvait prendre la décision à ma place, et c'est vrai. Mais il y a une personne qui a autant de valeur que moi ici, à mes yeux en tout cas. Et c'est vous.

- Vous voulez que je décide à votre place?

- Non, vous ne pouvez pas. Mais que feriez-vous, vous? Si vous étiez à ma place?

 

Le Docteur se mit à réfléchir. Longuement. Il s'avança vers une petite fenêtre situé au bout du couloir et regarda à l'horizon. La mer et les plages de la Cité Capitale s'étendaient à perte de vue. C'était l'été sur Qatros, et des milliers de personnes occupaient l'espace de loisirs et de baignade... La ville, autour, semblait plus sereine qu'avant. Mais cela n'était sûrement qu'une impression. Derrière lui, il sentait le regard de Clara, qu'il devinait plein d'attente et d'espérance en un choix précis. Elle ne souhaitait pas l'exécution, et il le savait. Mais surtout, elle allait encore devoir observer un choix difficile de sa part, comme elle l'avait fait auparavant, lors de la Guerre du Temps. Mais le Docteur devait être impartial. Dans cette situation précise, l'instinct devait lui permettre de choisir, plus que la réflexion. C'était ce qu'il pensait. Ainsi, il se retourna lentement, sortit ses mains des poches de sa veste noire, et décida:

 

- Peine de mort. Le sentence maximale, même. Si elle n'a pas été abolie depuis.

- Docteur! s'écria Clara.

- Clara, c'est ma décision. Mon avis en tout cas. Lukonor, vous en faîtes ce que vous souhaitez.

- Merci Docteur. Je peux comprendre vos réticences mademoiselle. Vous avez vécu la Sentence Maximale, mais je comprends aussi le Docteur.

- Quel choix allez-vous faire? demanda la jeune fille.

- Les délibérations doivent rester secrètes. J'ai déjà trahi mon serment de juge en vous en parlant. Je laisse donc le verdict final parler à ma place.

- Lukonor, avant que nous ne revenions tous à nos occupations, j'aimerais savoir quelque chose.

- Quoi donc, Docteur?

- Qu'est-il arrivé à Jonas? Il a été jugé?

- Oui, pour trahison. Les circonstances atténuantes ont bien sûr été prises en compte, même s'il avait été formé pour résister aux tortures. Cinq ans d'incarcération, donc.

- CINQ ANS? s'écria Clara. Cinq ans pour avoir répondu sous la torture? Mais c'est injuste!

- Mademoiselle, la justice est ainsi, chez nous.

- N'y a-t-il pas un moyen d'annuler cette condamnation? demanda le Docteur.

- Il y en a bien un. Un remplacement de condamnation. L'exil planétaire.

- Vraiment? Dans le système ou n'importe où ailleurs?

- L'exil planétaire, dans la loi, c'est l'exil en dehors de Qatros. Donc n'importe où ailleurs, même si nous sommes limités au système, pour nos voyages spatiaux.

- Alors je vais le prendre.

- Quoi? s'exclamèrent Clara et Lukonor à l'unisson.

- Oui. S'il accepte, bien sûr, mais je pense qu'il acceptera. J'en suis même sûr. À 95%. Disons... 90! Soit je le dépose quelque part, soit il voyagera avec nous. Dans les deux cas, ça reste un exil, non?

- Et bien... Oui. Oui, en effet. Il pourrait voyager avec vous, ou non... Tant que vous l'amenez hors de cette planète, la loi est respectée. »

 

Et c'est ainsi que, quelques heures plus tard, Honorius Prog fut condamné à mort, et queJonas fut libéré et amené, avec escorte, jusqu'à son village, où il prépara ses affaires pour partir. Abandonner cette planète pendant de longues années. Il avait bien entendu accepté la proposition du Docteur. Et c'est ainsi qu'à la fin de la journée, après avoir fait ses adieux à ses parents et à son frère, ainsi qu'à ses amis, il rentra dans une cabine bleue plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur, où il déposa les trois imposants sacs d'affaires qu'il avait apportés avec lui.

Et lorsque la respiration métallique du Tardis se fit entendre, et que la cabine commença à disparaître, la lumière de la lanterne éclairait des visages tristes, certes, mais aussi radieux, qui venaient de faire des adieux rassurant. Le jeune homme était entre les mains d'un héros. La justice avait été faîte. Et une fois que la cabine eut complètement disparu, et que le son se fut tu, les gens sentaient enfin que tout était terminé, qu'enfin ils pourraient vivre leur vie comme ils l'entendaient. Tout les problèmes étaient réglés. La fin d'une époque... Le début d'une autre.

 

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