Doctor Who Alternative: Saison 8

Chapitre 15 : L'Impossible Village [Partie 1]

4939 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:26

Clarisse Sparrow bravait avec assurance la Street du petit village de Coxtin, principale rue du lieu, et regardait autour d'elle les habitants qui s'affairaient à ouvrir leur commerce, à accrocher le linge à sécher sur des cordes qui pendaient sur les murs de leurs petites maisons anglaises, ou encore à prendre un bol d'air avant d'aller aux champs. La rue était particulièrement large pour un si petit village, mais l'on pouvait dire de Coxtin qu'il était le village le plus disproportionné du Suffolk, voir même de l'Angleterre toute entière: la rue principale, simplement appelée The Street, n'était qu'un des visages de cette malformation urbaine. L'église en était un autre: le bâtiment était digne d'accueillir la population d'un quartier de Londres, disait-on, et malgré le faible niveau d'éducation en mathématiques du village, tout le monde s'accordait pour dire que l'on pouvait faire la messe aux paroisses voisines à l'intérieur sans avoir besoin d'ajouter le moindre siège. Le bâtiment, imposant, situé sur une place à l'extrémité ouest du village, était visible de très loin, mais le clocher ne lançait qu'un son très faible, qui contrastait grandement avec le "gigantisme" de l'église.

 

Clarisse Sparrow remontait donc la rue, en direction, justement, de l'église, la Street s'achevant justement sur la place où se trouvait le bâtiment. Miss Sparrow était une vieille dame, mais elle n'avait aucun problème à marcher dignement et d'un pas assuré, n'utilisant d'ailleurs pas sa canne, qu'elle portait pourtant en main... Les habitants de Coxtin, qui la saluaient, savaient bien que l'objet ne servait à rien. Mais Clarisse aimait bien avoir l'air distinguée. Du haut de ses presque 70 ans, elle en avait bien le droit, ou du moins elle le pensait. Elle avait un visage arrondi, aux pommettes saillantes, mais dont les traits étaient moins ridés qu'on ne pouvait le penser. Cependant, la majorité de son front était cachée par un chapeau melon en feutrine, mis légèrement de travers, qui recouvrait aussi la masse de cheveux gris parfaitement coiffés qu'elle possédait. Ce chapeau était entouré d'un ruban d'un violet foncé, presque bordeaux, couleur qui semblait recouvrir le reste des vêtements de la vieille femme. Elle portait une simple robe tout aussi mauve, mais faîte d'une matière qui semblait assez coûteuse, ce qui déclenchait d'ailleurs des compliments dans la rue.

 

« Vous voilà bien habillée, Lady Sparrow! lança une voix masculine à sa droite.

 

Il s'agissait de John Spock, le poissonnier, déjà bien vieux. Il ne faisait plus que vendre ses produits, tandis que son fils de 23 ans allait pêcher dans la Mer du Nord, à quelques lieues à l'Est du village. Des rumeurs couraient cependant sur l'origine des poissons, et l'on soupçonnait Spock de les acheter à d'autres poissonniers, alors qu'il assurait fournir sa propre marchandise.

Clarisse se retourna vers lui, et s'approcha de sa petite poissonnerie, qui consistait en un simple étalage de poissons qu'il était en train d'installer devant sa maison, et qui prenait toujours un peu de place dans la Street, ce qui ne gênait cependant pas grand monde, vu la largeur de la voie.

 

- Pardonnez-moi, Mr. Spock... M'auriez-vous appelé "Lady" Sparrow?

- Et bien... oui, pardi!

- Mais voyons, je... je ne suis pas une Lady, vous savez, tentait d'expliquer la vieille femme.

- Oh, pour moi, vous serez toujours une lady, vous savez.

- Mais, voyons, que dirait feu mon mari s'il vous entendait? pouffait la dame.

- Voyons, il serait content de vous voir ainsi habillée, et de vous sentir joyeuse et...

- Lui au moins avait l'intelligence de ne pas me donner de stupides sobriquets aristocrates que je n'ai jamais aimé! coupa-t-elle avec une voix qui imposait le respect. Et il savait faire la cour, lui!

- Et bien... dans ce cas... et bien, bonjour, Miss Sparrow.

- Dans ce cas, au revoir, Mr. Spock! »

 

La vieille femme leva alors sa canne de bois noir et lisse, releva le menton, et s'en alla d'un pas décidé vers la place du village, où se trouvait l'hôtel de ville (une maison un peu plus grande que les autres) et l'imposante église. À cette heure, on n'y trouvait personne. Les hommes qui allaient aux champs passaient par d'autres chemins, les artisans restaient sur la Street, et la petite auberge du village n'ouvrait pas avant la fin de la matinée, sauf si la vieille Murdig, l'aubergiste, accueillait des clients dans l'une des ses cinq chambres peu salubres, ce qui n'était pas le cas. On pouvait cependant croiser sur les pavés mal arrangés de la place le Révérend Palm, prêtre anglican de l'église. Et c'était justement celui-ci que l'honorable femme souhaitait voir. Il sortait par la grande porte du bâtiment, en habit d'église, et lorsqu'il aperçut la veuve Sparrow, il s'approcha d'elle et la salua comme une amie.

 

« Ah, Mrs Sparrow! J'ai à vous parler!

- Moi aussi, Révérend! Mais aux hommes d'églises d'ouvrir la messe, n'est-ce pas? Parlez d'abord.

- Et bien, c'est à propos de votre fils...

- Oh! ça peut bien attendre, dans ce cas! lâcha la vieille femme en gloussant. Laissez-moi plutôt vous expliquer. J'ai une amie à moi, qui vit à Ipswich, et qui m'a avertie de la venue de voyageurs, ici. Oh, ils logeront à l'auberge de la vieille Murdig, bien entendu, mais j'ai accepté de les guider.

- Oh, je vois... Et, en quoi cela me concerne-t-il?

- Et bien...

 

La vieille femme se pencha en avant pour arriver à l'oreille du Révérend, et lui chuchota, avec un ton complice:

 

- Ils ne sont pas très croyants, à ce que l'on m'a dit.

- Des libres-penseurs! Ah, diable! s'écria Palm.

- Moins fort, voyons! Et puis, ce sont des gens honorables, cultivés. Ils viennent là pour enquêter sur les disparitions, vous savez. Ce fléau intrigue beaucoup. À l'origine, il paraît qu'ils ne souhaitaient que "visiter" Ipswich, mais notre affaire les a beaucoup intrigués: ils ont donc changé leurs plans.

- Ah, ce que vous appelez fléau n'est rien d'autre, je vous le dis, qu'une épreuve que nous envoie le Seigneur pour mettre à l'épreuve l'amour que nous avons de nos enfants et..

- Oui, bon, ils vont tenter de trouver des explications un peu moins... enfin un peu plus...

- Ce sont des policiers?

- Non, pas du tout. Ils sont bien plus cultivés que des policiers! Ils sont trois, deux hommes et une femme.

- Oh! Gomorrhe et Sodome réunies en notre pieux village! s'effarait le prêtre. Mais c'est...

- Révérend, voyons! Ce sont des gens respectueux et cultivés, des intellectuels. L'un d'entre eux est, aux dires de mon amie, un docteur. Ou plutôt, comme il l'a lui même précisée à cette chère amie... Le Docteur. »

 

L'Impossible Village

Partie 1

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« Mais vous avez quel âge? demandait Jonas.

 

Les trois voyageurs temporels étaient assis autour d'une table, dans la salle à manger de l'auberge de Coxtin. La pièce était miteuse: les poutres, au plafond, étaient plus ou moins faîtes d'un bois pourrissant, le papier peint qui recouvrait les murs était décollé par endroits et les trois tables qui occupaient la pièce n'étaient pas très plates, tandis que les dossiers des chaises peu esthétiques, loin de soulager le dos, ne faisaient que l'agresser.

Les trois voyageurs temporels mangeaient un peu de poisson, servi par un jeune homme, avec qui ils discutaient.

 

- Je sais pas... répondit le garçon, désolé. Je dois avoir 19... 19-22 ans, quelque chose comme ça.

 

Il se tenait assis à coté des voyageurs temporels, sur un autre coté de la table. Il avait des cheveux châtains assez lisse, qu'il semblait avoir coiffé assez rapidement, étant donné que certains d'entre eux dépassaient de sa tête. Cette chevelure était d'ailleurs assez longue, lui entourant les oreilles, couvrant toute sa nuque et prête à laisser tomber des mèches capables de barrer une grande partie de son front juvénile. Il avait d'épais sourcils noirs, qui couvraient des yeux bruns plus vivants et profonds que des yeux bleus, mais il était difficile de détailler plus encore son visage: il n'avait pas une ride, pas un problème d'acné, rien de tout cela.

 

- Vous ne savez pas? s'étonnait Clara.

- J'ai jamais su, en fait. J'ai été abandonné quand j'étais nourrisson, et on n'a jamais pu retrouver ma date de baptême, expliquait-il tristement.

- Mais je croyais que Clarisse Sparrow était votre mère... C'est faux? demandait le Docteur.

- Et bien, ce n'est pas ma vraie mère, mais...

- Sa mère adoptive! coupa une voix de vieille femme qui venait de la porte de la salle.

 

Tout le monde se tourna pour voir Clarisse Sparrow entrer dans la pièce, et venir se planter devant la table de son fils et de ses "invités".

 

- Miss Sparrow, je présume?

- Vous présumez bien, monsieur le Docteur... répondit la vieille femme.

- C'est le Docteur tout court.

- Pour moi, c'est monsieur le Docteur! lâcha sèchement Clarisse.

 

Clara et Jonas ne purent s'empêcher de glousser en entendant la vieille femme s'imposer ainsi face au Seigneur du Temps, mais ils reprirent vite de la contenance lorsque celui-ci leur envoya un regard noir.

 

- Mais pour revenir à mon cher Adrian... continuait la vieille femme en caressant les cheveux de son fils, ce qui semblait l'exaspérer un peu. Ce pauvre garçon était encore un très jeune enfant, un bambin, lorsque le poissonnier, Mr. Spock, l'a retrouvé abandonné sur une plage d'où il partait pour pêcher, à quelques miles à l'est. C'était il y a 19 ans, je m'en souviens encore... L'an de grâce 1840. À peine un mois après le mariage de la Reine Victoria. Spock l'a ramené ici, et le Révérend Palm a cherché quelqu'un pour s'occuper de ce pauvre enfant.

- Vous vous êtes proposée? demanda, curieuse, Clara.

- Bien sûr! À l'époque, mon cher William était encore parmi nous. C'était mon mari. Nous n'avions jamais réussi à... à avoir un enfant. L'occasion était belle, et puis je ne pouvais tout simplement pas laisser ce pauvre enfant mourir de froid, de faim ou de je-ne-savais-quoi d'autre.

- Oh, je vois... murmurait Clara.

 

Adrian avait baissé la tête, et rougissait un peu gêné par ce que sa mère venait de révéler... Il aurait pu sourire face à la preuve d'amour que montrait la vieille femme, qu'elle avait montré à l'époque. Mais il ne souriait pas, sûrement trop gêné pour ça.

 

- J'ai réussi à l'envoyer dans une école religieuse à Ipswich, mais il a été renvoyé il y a quelques années, continuait Clarisse en rouspétant. Depuis il travaille ici et aide la vieille Murdig dans son auberge, en servant les clients.

- Très émouvante histoire, c'est vrai... murmurait le Docteur. Mais bon! Nous sommes là pour autre chose, comme vous le savez.

- Bien sûr, monsieur le Docteur. Je n'ai pas oublié. Nous allons y aller, avec Adrian. Et ne discute pas, toi! Tu es mon fils, et la vieille Murdig peut bien survivre quelques heures sans toi!

- Où va-t-on? demanda Jonas en se relevant.

- Sur les lieux de la dernière disparition, pardi! répondit Clarisse en rigolant un peu. »

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

La forêt de Coxtin se trouvait en réalité assez éloignée du village, de presque un demi-mile. Mais les gens avaient l'habitude de se déplacer jusque là-bas pour se promener dans cet endroit frais et charmant. La lumière du soleil passait dans les feuillages et laissait se dessiner sur le sol un tapis d'ombres floues et mouvantes.

Adrian ouvrait la marche, guidant sa mère et les voyageurs temporels dans les bois, tandis que le Docteur interrogeait Clarisse Sparrow.

 

« Alors, dîtes-moi, depuis combien de temps ces disparitions ont-elles lieu?

- Oh, beaucoup trop, croyez-moi! s'exclama la vieille femme. Presque... dix ou quinze années, je pense.

- Toujours des jeunes? interrogeait Clara.

- Toujours des jeunes, oui. La vingtaine, à peu près. Je commence parfois à m'inquiéter pour mon Adrian, vous savez... Quand il ne rentre pas le soir, et que l'auberge de la vieille Murdig est déjà fermée, j'ai vraiment peur pour lui.

- Mère, je t'ai déjà dit qu'il ne fallait pas t'inquiéter dans ces cas là. C'est juste que la nuit, tout est tranquille, on peut se promener sans ennui.

- Ah oui, tiens! C'est vrai, ça! ON peut le faire, en effet! rouspétait Clarisse. Tu sais ce que m'as dit le Révérend? Il m'a parlé de ta conduite... "romantique"!

- Roooh... soupira Adrian en regardant un peu partout autour pour retrouver son chemin.

- La fille du poissonnier! J'ai appris qu'elle n'était pas rentrée un soir, l'année dernière, tout comme toi. C'était le même soir! Le Révérend vous a surpris lorsque vous êtes rentrés! Vous vous promeniez "innocemment", peut-être?

- Oui, bien sûr! se défendait le jeune homme. Il ne s'est rien passé de pro... enfin d'in... Bref, je n'ai rien fait qui puisse aller contre la morale, tu dois me croire, mère.

- Bon, c'est peut-être le cas... Cependant, un soir, ce n'était pas avec une fille qu'il t'a aperçu par un vitrail de l'église!

 

Et alors qu'Adrian allait répondre quelque chose, Jonas porta sa main à son front et soupira, avec un air fatigué:

 

- Pas encore...

 

Le Docteur et Clara se mirent à sourire en entendant la réaction du Qatrosien, mais ne dirent rien. La jeune fille lui lâcha un petit coup de coude sur la côte pour le faire décompresser, ce qui déclencha un petit rire au chatouilleux Jonas.

Adrian réussit à éviter de répondre à sa mère en arrivant enfin dans une petite clairière, annonçant qu'ils étaient arrivés.

 

- C'est là que ça s'est déroulé? demanda Clara.

- On suppose... tentait d'expliquer le jeune anglais. En fait, c'est juste que la dernière disparition concernait un homme et une femme prêts à se marier. Ils étaient légèrement plus vieux que moi. 25 et 26 ans.

- Un couple... murmurait Jonas.

- La dernière fois qu'on les a vus, continuait Clarisse, ils allaient dans la forêt. Mon fils semble connaître assez bien les... lieux, à ce que vous avez pu comprendre.

- Cet endroit est très beau la nuit... expliquait Adrian. Ils sont forcément venus ici. Après, il suffit de suivre leur traces, mais j'ai déjà essayé, et ça ne mène à rien.

- Parce que VOUS avez essayé... remarqua le Docteur en sortant son tournevis sonique. Avec vos moyens.

 

Il activa alors son gadget, et sonda le sol, à la recherche des traces de chaleur résiduelles, d'empreintes de chaussures ou de quoique ce soit qui puisse lui permettre de suivre le chemin des "victimes".

 

- Quand ont-ils disparus, déjà? marmonnait le Seigneur du Temps

- Il y a une semaine, répondit Clarisse.

- Et il n'y a jamais eu aucun signe d'un des disparus depuis que ces disparitions ont commencé, il y a dix ans, c'est ça?

- Absolument aucun... soupirait la vieille femme en caressant sa canne. Ils ont disparu de la circulation.

- Pourquoi ne pas avoir appelé la police? demanda Jonas.

- La Maréchaussée d'Ipswich, vous voulez dire? interrogea Adrian.

- Oui, c'est ça! coupa Clara, pour éviter à Jonas un "décalage de vocabulaire" trop important.

- Oh, on l'avait fait, à l'époque... croassait Clarisse. Mais, ce ne sont pas des Sherlock Holmes! Ils n'ont rien trouvé! Maintenant, quelqu'un va juste les avertir des disparitions, mais ils ne viennent pas pour enquêter.

- Tiens, voilà qui est étrange... marmonna le Docteur en regardant son tournevis. Il y a ici un tas d'énergie temporelle...

- De quoi?

- Jonas, taisez-vous!!

- Hé! C'était pas moi, cette fois! répliqua le Qatrosien. C'était Adrian.

 

Clarisse prit alors sa canne et frappa dans les jambes de Jonas, sans lui faire mal, étant donné qu'il avait déjà subi bien pire et que la vieille femme n'avait plus toute sa force d'antan.

 

- Vous faîtes dans la délation, jeune homme!? s'indignait-elle.

- Bon, on se calme! coupa Clara. Docteur, expliquez-nous ce que ça signifie?

- Je n'en sais absolument rien. Un tas d'énergie temporelle, concentré en un endroit comme ça... Ce n'est pas naturel, mais les causes possibles sont très nombreuses. Heureusement, il y a une forme d'énergie temporelle qui semble se démarquer par sa force...

- C'est à dire?

- L'énergie temporelle est partout, toujours. C'est une énergie ambiante. Ici, elle est à un niveau de concentration qui n'est pas naturel. Mais même là-dedans, il y a des traces d'une énergie encore plus forte et plus concentrée, qui se dissipe peu à peu. Quelques jours plus tard et elles auraient totalement disparu. Mais elles sont encore là! Et elles semblent former une piste.

- Alors suivons-là! proposa Clara.

 

Les quatre humains suivirent donc le Seigneur du Temps à travers les bois, les deux habitants de Coxtin regardant avec curiosité le tournevis du Docteur, se demandant ce qu'il pouvait bien être. Cependant, Adrian tourna un peu la tête et s'arrêta brusquement, suivit de quelque secondes par les autres, qui se demandaient ce qui se passait.

 

- Docteur, regardez par terre... murmurait-il avec incompréhension.

 

De son doigt, il montrait le sol, et un tas de feuilles mortes.

 

- Des feuilles mortes... et alors?

- Nous sommes en Juillet! railla Clarisse. En Juillet, il n'y a PAS de feuilles mortes!

- Oh, étrange, en effet...

- Docteur! s'exclama Jonas. À gauche!

 

Tout le monde se tourna vers la gauche, et vit alors un étrange paysage. Un arbuste de la taille d'un arbre, au tronc de quelques centimètres de diamètres seulement, pendait et se courbait, prêt à se briser.

 

- OK... grimaça Clara. Je n'ai pourtant pas bu d'alcool dernièrement.

- Oh, vous avez mangé le poisson de Spock, plaisanta Clarisse. C'est tout comme, pour les effets négatifs, en tout cas.

- Intéressant... murmurait le Docteur en pointant son tournevis vers le tas de feuilles et vers l'arbuste. Très intéressant. Bon, retournons à Coxtin, je crois que je vais avoir besoin du TARDIS pour analyser tout ça.

- Du tarquoi? hoqueta Adrian.

- Ne cherchez pas à comprendre! répondit sèchement le Seigneur du Temps en pointant son tournevis sur le jeune anglais.

 

Le petit groupe fit donc demi-tour et s'engagea en direction du village, supportant ainsi les nombreux commentaires de Miss Sparrow.

 

- … Avec ce que je sais sur les sorties de mon cher Adrian, je commence à me poser des questions sur ce que faisaient ces jeunes gens dans la forêt! Non mais j'ai raison, n'est-ce pas? Ils pouvaient bien vouloir un peu d'intimité pour faire des... des choses qui... Qu'on ne devrait faire qu'une fois mariés, je vous le dis! Ah, et en plus c'était un jour de messe, ce jour là! Quelle hypocrisie de leur part! Oser prier et promettre la morale alors que la nuit ils faisaient des... Rah!

- Vous pensez la même chose de votre fils? interrogea Clarisse. Après tout, ça semble être une situation similaire, non?

- Hé! protesta l'intéressé.

- Pas du tout, mademoiselle Clara. Parce que mon fils va rarement à la messe, lui.

- Attendez... Le jour de la disparition était un jour de messe? s'inquiéta le Docteur.

- Oui.

- Mais ce n'était pas un dimanche, pourtant. Il y a une semaine, soit 7 jours...

- Mais la messe n'est pas toujours le dimanche, vous savez. Le Révérend décide de quand la messe a lieu. Et vous êtes à Coxtin, et ici, c'est selon son humeur du moment.

- Mais attends, mère... murmurait Adrian. La disparition précédente, en début d'année...

- Celle de la fille Spock?

- Oui.

- Et bien? Qu'y a-t-il à dire?

- C'était aussi un jour de messe! Et je suis presque sûr que la disparition d'avant aussi.

- Si vous avez raison, Adrian, je crois que nous allons changer de destination... commenta le Docteur. »

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

L'église de Coxtin était une église néo-gothique, soit gothique, mais avec un demi-millénaire de retard à peu près. Tout était organisé en forme d'ogive: la porte, les arcs, les vitraux, les cinq contreforts (il n'y avait pas eu assez d'argent pour en construire un sixième, donnant ainsi à l'église une forme asymétrique)...etc. Le bâtiment était particulièrement large et imposant pour un lieu de culte de campagne. Comme on disait, on pouvait mettre plusieurs fois Coxtin dedans. Elle était aussi assez haute, cette union ratée d'une cathédrale et d'une église, et il devait bien y avoir la place pour trois étages dans le chœur, et bien plus pour le clocher, qui culminait à presque 40 mètres de haut. Les quarante mètres étaient d'ailleurs atteints si l'on comptait la statue au sommet du toit de la tour, qui représentait un ange aux ailes déployées et aux bras ouverts sur le soleil.

 

« C'est l'ange de Coxtin, expliquait Clarisse. Lorsque l'église a été construite, au début du siècle, ils ont terminé en sculptant cette statue. Ils étaient 13 sculpteurs. 13, vous pensez bien que ce n'est pas le nombre le plus chanceux qui soit. On raconte que lorsque l'ange fut totalement terminé, ouvrant les bras vers le sud, et donc vers le soleil de midi, on raconte, donc, que l'un des sculpteurs, en tentant de descendre, s'est cogné la tête contre un coude de la statue et a chuté vers la place.

- Il en est mort? s'inquiétait Jonas.

- Bien sûr! répondit joyeusement Clarisse. On raconte que l'ange sentait qu'un malheur arriverait, et qu'il a donc brisé le nombre 13 en tuant l'un des sculpteurs.

- Qu'est-ce qu'on peut pas inventer pour augmenter l'attraction touristique d'un petit village... soupirait Clara. Enfin bref, on rentre?

- Mais bien sûr, mais bien sûr!

- Même si je ne vois pas en quoi ça va nous aider d'aller à l'église... remarquait Clara.

- L'église est une des seules similitudes entre les disparitions, Clara.

- Même pas sûr. On a 3 disparitions, et encore c'est incertain, qui se seraient déroulées lors de jours de messe. Ce n'est peut-être qu'une coïncidence.

- Vous savez ce que je dis sur les coïncidences? L'univers et rarement si paresseux. Et puis à partir de trois exemples, la coïncidence se transforme en similitude. Alors entrons, ne serait-ce que pour vérifier les dates. Et puis, si on n'entre pas, on ne trouvera aucune piste. Il faut entrer et... on verra la suite plus tard.

- Vous n'avez pas de plan? s'étonna Jonas.

- Si, bien sûr! Enfin... une ébauche. Une sorte de truc difforme en pâte à modeler qui peut changer de forme à tout moment...

 

Et face au regard plein de reproches de ses compagnons, il finit par se résoudre à avouer cette petite vérité qui entachait son ego.

 

- Bon, OK, je n'ai pas de plan! Mais ce n'est pas une raison pour ne pas entrer! »

 

Et ainsi, le Docteur et ses compagnons poussèrent la grande porte de l'église, suivis de Clarisse et de son fils. Lorsqu'ils l'eurent fermée, ils ne virent pas que la place derrière était vide, ce qui n'avait pas, en soi, une réelle importance.

 

Ce qui avait de l'importance, par contre, c'était le clocher de l'église. Sous le toit d'ardoise bleu à moitié usé par les pluies, la faible cloche s'apprêtait à sonner les douze coups de midi. Mais au-dessus du toit... l'Ange de Coxtin avait disparu.

 

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