Doctor Who Alternative: Saison 8

Chapitre 16 : L'Impossible Village [Partie 2]

5715 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 08/11/2016 23:44

Le Révérend Palm était en train de remplir les bénitiers lorsque cinq étranges personnages pénétrèrent dans son église. Il était habillé d'un classique habit noir, portant cet espèce de chose rectangulaire claire sur son col, dont on ne savait s'il s'agissait d'une pièce de tissu, d'un rectangle de fer ou bien d'autre chose. En les voyant arriver autant et d'un coup, il fut très surpris, et il les regardait avec un air interrogateur, si bien que l'eau bénite dépassa de son contenant et gicla sur le sol. Cela était aussi du aux nombreux tremblements dont les mains du vieil homme étaient victimes: son amour pour la boisson était bien visible.

Il était assez âgé le Révérend Palm, et ses longs cheveux blancs mal arrangés et mal coiffés le montraient bien, ainsi que les pattes qui descendaient jusqu'en dessous des oreilles, tout autant désordonnées et sèches. Sa barbe qui se dressait en diagonale de son menton était tout aussi brouillonne et blanche, et l'on aurait presque pu croire qu'un enfant avait joué avec de la mousse et avait tenté d'en accrocher au bas du visage du vieil homme. Malgré tout cela, il avait tout de même des yeux malins, pétillants, qui semblaient briller à travers les fines et grossières lunettes qu'il portait.

 

« L'eau bénite, Révérend, l'eau bénite... murmurait, exaspérée, Clarisse, en tournant la tête pour ne pas voir le spectacle.

- Que.. pard... Oh! Oui! Sacrebleu de la Sainte Vierge Martine!

 

Et alors qu'il redressait sa petite cruche d'eau, la vieille femme, toujours aussi fatiguée de la bêtise de l'homme d'église, chuchotait dans sa barbe "Sainte Marie, Sainte Marie!", alors que Clara, Adrian et le Docteur pouffaient discrètement. Seul Jonas était légèrement surpris, ne comprenant pas grand chose aux évènements.

L'ecclésiastique observa le petit groupe, prenant un peu de temps pour comprendre qui étaient les inconnus, se souvenant de ce que lui avait dit Sparrow, puis découvrit avec surprise la présence d'Adrian.

 

- M. Sparrow! Quelle agréable surprise! Vous venez enfin confesser?

- Bien sûr que non! répondit la vieille femme pour son fils, avec un ton sarcastique. Il a tellement à dire que cela prendrait toute la nuit.

- Oui, continua le jeune homme en bredouillant. On voudrait pas que vous soyez fatigué pour la messe, demain.

- Vous n'y assisterez pas, de toute façon, donc qu'en avez-vous à faire? railla Palm.

- La messe était ce matin, Révérend, donc elle n'est pas demain... répliqua Clarisse. Vous avez encore puisé dans les bouteilles de la vieille Murdig, on dirait.

- Bon, sinon, on peut tenter de passer au sujet qui NOUS intéresse?

- Bien entendu... Enfin, tout dépend de ce dont il s'agit. Vous êtes le Docteur, n'est-ce pas?

- Oui, c'est ça. Et mes associés, Miss Oswald et Mr... euh... Kromwen!

- Appelez moi Jonas... précisa l'intéressé.

- Bien, vous enquêtez sur les disparitions, n'est-ce pas?

- Exactement. Nous avons d'ailleurs remarqué que les disparitions semblent avoir un lien, un point commun.

- Ah?

- Elles se sont déroulé des jours de messe, du moins, c'est ce que l'on pense.

- Et bien vous pensez bien, Docteur. Et vous avez raison! s'exclama le prêtre en souriant. »

 

L'Impossible Village

Partie 2

[http://img4.hostingpics.net/pics/797799OeildePierre2.jpg]

 

Tout le monde regardait Palm avec un air choqué... Très choqué. Et lui-même semblait surpris de l'effet de son annonce. Il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre les conséquences de ses paroles.

 

« Ne me dîtes pas que vous pensez que j'ai quoi que ce soit à voir avec ça!

- On peut se permettre de douter! répliqua Adrian.

- Mes chers frères, vous m'avez mal compris... marmonna doucement le révérend. J'ai déjà remarqué ce lien entre les disparitions, mais croyez-bien que je n'y suis pour rien.

- Vous avez une explication, alors? lança Jonas avec un ton de défi.

- J'ai bien peur que non. Ils s'agit, sans nul doute, d'un message du Seigneur. Mais je n'arrive pas à le comprendre.

- Vous aviez du temps, pourtant... remarqua innocemment Clarisse en sifflotant et regardant au plafond. Des années que ça dure.

- Seriez-vous en train de dire que je suis idiot?

- Bien sûr que non... répondit la vieille femme. Je ne fais que le sous-entendre.

- Mais comment osez-vous...?

- Trêve de bavardages, les enfants! coupa le Docteur.

- Les enfants? s'égosilla l'homme d'église. Mais savez-vous qu'alors que je devenais prêtre à Tusseltown, vous n'étiez même pas né!

- Allez savoir... murmura le Seigneur du Temps en souriant. Enfin bref! Comment avez-vous deviné le lien?

 

Le révérend soupira en baissant les épaules et en regardant vers le ciel, ne rencontrant que l'image de la voute de l'église. Il enleva ses lunettes pour les essuyer sur une de ses manches, et fit signe aux arrivant de le suivre.

 

L'intérieur de l'église était tout aussi imposant et étrange que l'extérieur. La voute était située à presque trente mètres de hauteur, et les arcs brisés qui la soutenaient semblaient beaucoup trop petits pour permettre au plafond de rester stable. Cependant, les imposantes colonnes qui délimitaient la place des nombreux bancs de bois, et qui mesuraient presque deux mètres de diamètre, donnaient l'impression qu'en réalité, la voute n'était pas prête de s'écrouler. La nef s'étendait sur une quarantaine de mètres jusqu'au transept, la partie de l'église perpendiculaire à la nef, qui fait du bâtiment une croix, vue du ciel. Ledit transept était d'ailleurs d'une longueur minuscule, par rapport à la largeur de l'église. L'intérieur du bâtiment était en effet large de 20 mètres, là où le transept était long d'à peine 25 mètres (laissant donc uniquement 2,5 mètres de chaque coté)...

Au fond de l'église, le chœur, arrondi, était presque aussi haut qu'un jeune enfant, et on y accédait par de larges marches de marbre. Derrière le chœur, les petites chapelles étaient condamnées. Mais le petit groupe n'était pas encore arrivé à ce niveau là. Ils longeaient encore le mur droite de l'église, sur lequel on voyait, en dessous de chacun des vitraux, une statue légèrement incrustée dans le mur.

Adrian s'arrêta devant l'une d'entre elles. Celle-ci représentait une jeune femme au regard légèrement triste, habillée en paysanne, avec une robe qu'on devinait blanche et un tablier que l'on devinait plus sombre. Sur son épaule, un petit oiseau avait été sculpté, comme chantant dans son oreille.

 

- Qui est-ce? demanda le jeune homme.

 

Le Révérend se retourna et arrêta de marcher. Tout le monde s'approcha pour regarder la statue.

 

- Comment ça, "qui est-ce"? grogna le Révérend en ajustant ses lunettes.

- Je ne me souviens pas de cette statue... murmurait Adrian.

 

Les yeux du Docteur s'emplirent peu à peu d'inquiétude en entendant les paroles, et ses compagnons le remarquaient.

 

- Difficile de t'en souvenir, coupa Clarisse. Étant donné que tu n'es venu à l'église qu'une dizaine de fois depuis le début de l'année... dernière. Moi je me souviens de la statue. Même si...

- Même si? interrogea le Docteur.

- Même si j'aimerais diablement savoir qui elle représente!

- Ne blasphémez pas!!! s'écria Palm.

- Roh, arrêtez un peu d'exagérer, vous, et répondez à nos questions! s'exclama Adrian.

- Rohh... C'est Sainte Anne-Line, si vous voulez tout savoir.

- Et elle a fait quoi? voulait savoir Clara.

- Oh, je ne sais plus... soupirait le révérend. Je ne me souviens pas de tout les saints.

- Quel sens du professionnalisme... raillait le Docteur. »

 

Palm ne releva pas la critique du Seigneur du Temps, et se remit à marcher en direction du chœur, suivi du reste de la petite troupe. Malgré la taille de l'église, cela ne leur prit pas un temps énorme, et ils arrivèrent enfin au bout du bâtiment. Le Révérend alla chercher quelque chose dans un coffret placé dans le cœur, accompagné du Seigneur du Temps, tandis que Jonas parlait avec Clara.

 

« Mais alors, c'est quoi cet endroit? Un temple?

- Oui, c'est ça. On appelle ça une église. C'est ici que l'on prie.

- Oh... Et vous priez une étoile, vous aussi? Le Soleil?

- Euh... non... hésitait Clara. On prie Dieu ici.

- Dieu? Qu'est-ce que c'est?

- Et bien... Pour ceux qui croient en lui, Dieu est un... dieu. Un être unique qui aurait créé cet univers. Pourquoi tu me parle d'étoiles, d'ailleurs?

- Chez moi... Enfin, là d'où je viens, on n'a pas de dieu.

- Oh, une autre religion? s'intéressait Adrian, qui écoutait la conversation. On en entend pas trop parler, ici, des autres religions, vu les accès de quasi-fanatisme que peut avoir le vieux Palm parfois. En quoi croit-on chez vous?

 

Jonas observa le grand temple dans lequel il se trouvait. Cet église qu'il trouvait fort étrange... Il inspira, espérant que sa religion serait "prise au sérieux". Il avait déjà tenté d'expliquer sur d'autres planètes, vu qu'il avait beaucoup voyagé durant la tournée olympique, ou encore après les évènements de Moscou. Mais souvent, on lui avait ri au nez, on avait plaisanté dessus, on l'avait traité de primitif, alors que lui, il y croyait.

 

- Là d'où je viens, commença-t-il, on prie les étoiles. La grande étoile qui nous réchauffe, autour de laquelle on tourne, surtout. On l'appelle Orig. Ce soleil, il nous protège, il nous illumine, il apporte l'espoir et la raison, il permet aux arbres de pousser, aux paysans de faire vivre le monde... Les autres étoiles dans le ciel sont comme des demi-divinités... Certaines sont vivantes, pour nous. Celles qui font vivre d'autres planètes... On prie les vivantes étoiles. Elles ont de grands pouvoirs, elle sont sacrées, mais lointaines... Lorsqu'on veut regarder le grand Orig les yeux dans les yeux, on est aveuglé, parce que l'on est rien, face à lui. Il peut tous nous brûler, nous anéantir, tout comme il peut disparaître et laisser Qatros mourir de froid et de faim, dans l'obscurité de la nuit éternelle. Il doit rester à la fois proche et loin de nous. Et nous le prions pour que l'esprit de nos morts le rejoignent et deviennent eux aussi les étoiles de notre ciel.

 

Adrian regardait Jonas qui parlait avec conviction de sa religion... Il admirait ce jeune homme de son âge qui n'avait pas peur de nier totalement les anglicans dans une église. Sa "religion", d'ailleurs, lui semblait presque plus fondée que celle à laquelle on avait longuement tenté de l'initier, sans jamais y parvenir totalement.

 

- Même si ce que tu dis est parfois bizarre, avec tes histoires de planètes et de Qatros... Ben, je te souhaite de continuer à croire en ce que tu crois. Dans ce pays, la "tolérance" envers les religions, c'est pas encore ça... Peut-être que chez toi non plus, d'ailleurs. Mais bon, t'inquiète, à Coxtin, on mord pas pour ça. Regarde, même le vieux Palm ne tente pas de m'excommunier malgré mon athéisme convaincu et...

- … dans lequel j'ai ABSOLUMENT tout marqué! J'aurais juré qu'il était ici! maugréait le Révérend en redescendant du chœur avec le Docteur.

- Vous l'avez peut-être égaré, supposa le Seigneur du Temps.

- Ou bien vous avez trop bu dernièrement et vous ne savez plus où il est! pouffa Clarisse en les entendant.

- Miss Sparrow! Le vin n'est autre que le sang du Christ! Le boire me permet d'approcher le Sei...

- Cannibalisme, en plus! On aura tout vu, avec vous...

- Miss Sparrow!!! Je vous interdit de... de...

- Oui?

- Oh... soupira le révérend.

- Quoi? claqua sèchement Adrian.

- Le livre! Le livre où sont notées les dates de messe depuis l'an de grâce 1782! Je sais où il se trouve!

- Ah... C'est comme ça que vous saviez que les jours de disparition correspondaient aux jours de messe! devina Clara. Mais alors, où est-il?

- Dans la crypte.

- La... crypte?

- Oui, jeune fille. Dans la crypte de l'église de Coxtin. Nous n'avons pas de saint né ici, nous n'avons pas de héros, de grand seigneur... Qui voulez-vous donc qu'on enterre dans la crypte? Il y a deux tombeaux vides, qui sont là pour faire un peu de décoration, mais c'est tout! Enfin, non, il y a aussi, le Livre. Et la Bible du premier prêtre anglican de Coxtin, accessoirement.

- Et bien, dans ce cas, qu'est-ce que nous attendons? remarqua Clarisse. Allons-y! »

 

Le Révérend ouvrit donc la marche, et fit le tour du chœur, passant devant les petites chapelles fermées, pour arriver au bout de l'église, derrière le cœur, face à une trappe en bois pourvue d'une grosse serrure. Palm sortit un trousseau de nombreuses clefs plus ou moins larges, attrapa la plus grande, à moitié rouillée, déverrouilla la trappe, puis se pencha pour l'ouvrir. Le trou ouvrait sur un escalier qui descendait sous terre, vers les ténèbres. Le vieil ecclésiastique descendit quelques marches, tâtonna dans le noir au "sol" de la marche sur laquelle il se trouvait, et finit par attraper ce qu'il cherchait. Après quelques secondes, son visage fut illuminé d'une radieuse lumière jaune-orangée, qui sortait d'une lanterne au cadre de métal rouge qui encadrait un compartiment en verre au fond duquel un bec de métal lançait une large flamme.

 

« Venez donc! encourageait Palm en faisant signe avec sa tête qu'on le suive. Avec une lampe-tempête et un révérend comme moi, vous ne craignez rien!

- Une lampe-tempête? répétait Jonas sans comprendre.

- Une lampe à pétrole dont la flamme est protégée du vent, grâce au compartiment de verre, expliqua le Docteur en entamant sa descente dans l'escalier.

 

Le Seigneur du Temps s'engouffra dans le trou, suivi par Adrian, Clara, Jonas puis par Clarisse. Les escaliers ne descendaient pas très bas, et débouchaient sur un couloir qui avait la longueur des deux tiers de l'église.

 

- Bon sang, il fait noir là-dessous! remarqua Adrian.

 

En effet, la lampe que tenait Palm devant lui n'éclairait pas bien loin, et si les murs de l'étroit couloir étaient parfaitement éclairés, le fond du corridor était invisible d'ici, caché par l'obscurité. Le groupe avança, formant une file, étant donné l'étroitesse du couloir (quoique deux personnes pouvaient tenir dans la largeur, mais pas plus), pour finalement atteindre, au fond, une épaisse porte de bois, fermée elle aussi. Le révérend posa la lampe sur le sol et ressortit son trousseau, cherchant une autre clef.

 

- Bon, vous pouvez pas aller un peu plus vite? s'impatienta le Docteur en sautillant sur place, se prenant presque le bas plafond dans la tête.

- La clef de la crypte en elle-même est plus petite! répondit, exaspéré, le Révérend. En plus, elles se ressemblent toutes, et avec le peu de lumière que j'ai... Pourriez-vous me tenir la lampe, Docteur?

 

Et alors que le Seigneur du Temps se penchait pour attraper l'arc métallique qui permettait de tenir la lanterne, la flamme s'éteignit d'un coup.

 

- Docteur! Incapable que vous êtes! maugréa Clarisse. Maintenant, bonne chance pour qu'il trouve la clef...

- Je n'ai rien fait... Je n'ai même pas touché la lampe. Peut-être qu'elle manquait de pétrole, ou qu'il y a eu une... obstruction dans le bec.

- Impossible, je l'utilise chaque jour de messe, pour mettre le livre à jour.

- Il doit vraiment avoir bu pour avoir oublié où ce livre se trouvait, alors, si la messe a eu lieu ce matin, soupirait Adrian.

- Attendez... murmura le Docteur. Oh non... Jonas, Clara, dîtes-moi que vous avez une lampe torche.

- Vous avez peur du noir? plaisanta la jeune fille.

- Est-ce que vous en avez une? cria le Docteur.

- Oui, moi j'en ai une, indiqua Jonas. Laissez-moi juste la retrouver.

 

Et alors que le Docteur se mordait les lèvres, et que Palm trifouillait et mettait en branle son trousseau, Jonas touchait les moindres recoins de son gilet à poche pour trouver la lampe. Au bout d'une vingtaine de secondes, il chercha dans les poches intérieures du gilet, et en sortit une mince lampe torche assez semblable à une terrienne, de forme cylindrique, avec un bouton sur le manche pour allumer et éteindre, et une ampoule au bout. Jonas cherchait le bouton, et lorsqu'il alluma enfin son appareil (qui éclairait à peu près autant que la lampe-tempête), les trois habitants de Coxtin lâchèrent un "Oh!" de surprise et d'émerveillement face à tel appareil. Et alors que Palm allait commencer un sermon contre le progrès et les inventions diaboliques des habitants des capitales, un bruit sourd se fit entendre au fond du couloir, du coté de l'escalier. La trappe s'était violemment refermée. Tout le monde se retourna. Clara et Clarisse poussèrent un cri de frayeur, le Révérend recula à toute vitesse et cogna la porte, etAdrian s'était instinctivement accroché à la personne la plus proche, qui s'avérait être le Docteur. Jonas, quant à lui, avait ouvert grand les yeux et lâché accidentellement sa lampe torche, qui tomba par terre, mais qui continuait d'éclairer le couloir, et la chose qui les avait tous surpris.

 

Quelques mètres après l'escalier, face à eux, se trouvait une statue. Une statue qui ouvrait les bras, qui possédait des ailes, à la manière de l'Ange de Coxtin qui était sensé surplomber le clocher. Mais le visage de cette statue était celui de Sainte Anne-Line, bien qu'il était ici beaucoup moins paisible. Il était penché en avant, décoré d'un sourire carnassier de prédateur, et dont les yeux, bien que dépourvus de pupille ou d'iris, lançaient pourtant un regard terrifiant en direction des "visiteurs".

 

- Par la Sainte Barbe du Seigneur! s'écriait le Révérend en faisant le signe de croix sur son ventre.

- Taisez-vous, bon sang! Règle 310, tout le monde! tonnait le Docteur en pointant son tournevis vers l'ange. Et Adrian, lâchez-moi!

- Et ça veut dire quoi, la règle 310? s'inquiétait le jeune homme en reprenant un peu de contenance et en lâchant les habits du Docteur.

- Ne lui tournez pas le dos! Ne regardez pas ailleurs! Et surtout ne clignez pas des yeux!

- D'accord, Docteur... frissonnait Clarisse. Vous semblez connaître cette... chose! Alors, qu'est-ce donc!?

- Un ange pleureur. Un ange pleureur très bizarre, mais un ange pleu... Ne me regardez pas, bon sang! Regardez l'ange! Il n'existe que lorsqu'on ne le regarde pas. Lorsque quelqu'un le voit, le regarde, alors il devient pierre. Nous devons absolument le fixer. Nous sommes plusieurs, donc c'est facile, mais si vous vous retrouvez seul face à lui, sachez qu'un seul clignement peut vous être fatal. Il est bien plus rapide que vous ne le pensez!

- Docteur, vous blasphémez!

- Taisez-vous, Palm, et cherchez la bonne clef, plutôt! La crypte est notre seule façon de s'en sortir!

- Mais je dois le regarder! Et puis, la crypte n'a aucune autre sortie et...

- TAISEZ-VOUS et cherchez la clef, je sais ce que je fais, bon sang!

- Grr... maugréait Palm en cherchant précipitamment dans son trousseau. Retournez donc chez les Cathares, hérétique de malheur.

 

Mais le Révérend ne parla pas plus longtemps et continua à tester ses clefs malgré sa frayeur et celle des autres. Le front du jeune Adrian se couvrait de sueur froides, et sa respiration s'accentuait de plus en plus. Il avait peur, et il n'était pas le seul. Clara aussi, était immobile, tandis que Jonas se penchait lentement, sans quitter des yeux l'ange, pour ramasser la lampe torche, et la pointer encore plus en direction de la statue. Clarisse, elle, déglutissait beaucoup, mais réussissait à garder une expression fière et presque détachée... Le Docteur, lui, respirait rapidement, mais son visage restait impassible, malgré un regard déterminé, lancé en direction de l'ange. Il allumait son tournevis et analysait l'être de pierre.

 

- Ah, c'est ouvert! s'exclama joyeusement Palm. On y va?

- Oui, mais doucement! précisa le Docteur. On recule lentement, sans quitter des yeux l'ange, c'est clair?

 

Tout le monde recula, mais pas de la façon la plus prudente et ordonnée qui soit. Jonas trébucha sur Clarisse, et tomba, renvoyant l'ange dans l'obscurité. Son instinct de survie, heureusement, le fit réagir au quart de tour, et il pointa immédiatement la torche en direction des escaliers. Tout le monde lâcha un cri de terreur en voyant que l'ange avait fait quelques mètres, et que le visage de Sainte Anne-Line s'était à moitié transformé en celui d'un ange pleureur "classique". Ses bras, qui étaient auparavant ouverts, étaient cette fois tendus vers l'avant.

Palm se retourna et se précipita dans la crypte, suivit par Clara et Adrian. Jonas, de son coté, aidait Clarisse à se relever, avec l'aide du Docteur, sans dévier sa torche, et le Seigneur du Temps fixait toujours la créature de pierre. Cependant, la lumière commençait à vaciller. Jonas voyait bien qu'elle clignotait sur le mur.

 

- Attendez, elle peut pas être à court d'énergie! rageait-il en tirant la main de la veuve Sparrow.

- Oh, elle n'est pas à court d'énergie, croyez-moi! assura le Docteur en commençant à reculer.

- Attendez, l'ange se déplace si on ne le voit pas, et sans lumière, on ne le voit pas... commençait à comprendre Jonas en se retournant, alors que Clarisse époussetait sa robe, remettait son chapeau en place, et entrait dans la crypte. La lanterne non plus n'était pas à court de pétrole. Et comme c'est une lampe-tempête, elle n'a pas pu être éteinte par un courant d'air!

- Oui, l'ange l'a éteint! Alors dépêchez-vous de rentrer là-dedans!

 

Dès que Jonas fut totalement à l'intérieur de la crypte, le Seigneur du Temps ferma la porte violemment, et la verrouilla, ayant repris le trousseau.

Derrière lui, Adrian avait attrapé une torche de bois, que le Révérend s'était empressé d'allumer (il y avait des allumettes dans la pièce). La crypte était une salle rectangulaire pas bien grande, basse de plafond, et qui n'avait pour seul mobilier qu'un pupitre sur lequel étaient posés deux livres fermés, un assez grand, à la couverture rouge, et moyennement épais, et l'autre d'un format plus petit mais bien plus épais, à la couverture brune. À coté de ces livres, sur le pupitre, se trouvait un encrier et une plume. Le reste du décor consistait en une croix de bois derrière le pupitre, sur le mur opposé à la porte, et à deux tombeaux de pierre, vides, placés sur les cotés, dans des alcôves.

 

- Ah, le Livre des Messes! s'exclamait Palm en pointant du doigt le grand livre rouge.

- Vous croyez qu'on a le temps de s'en inquiéter? siffla le Docteur. L'ange va tout faire pour entrer.

- Bah, la porte est le seul moyen d'entrer. Et croyez-moi, elle est robuste!

 

Et comme pour lui répondre, la porte s'ouvrit d'un coup, claquant sur le mur. Adrian se précipita avec sa torche vers l'ouverture, et l'ange apparut devant eux, dans le cadre de la porte, les bras tendus vers le bas, de façon à bloquer le chemin.

 

- Jonas, votre lampe! Passez-là moi! ordonna le Docteur.

 

Le Qatrosien, qui se trouvait du coté du tombeau situé à droite de la porte, jeta le cylindre de fer au Seigneur du Temps, qui l'alluma, quelques instants avant que la flamme de la torche que portait Adrian ne soit soufflée par un vent venu de nulle part.

 

- Adrian, commencez à rallumer votre torche! J'ai une idée, mais va falloir que je fasse vite.

- D'accord Docteur, mais pas d'idée dangereuse, hein? répondit le jeune Sparrow

- Vous rigolez... murmura l'alien alors que le garçon passait de l'autre coté de la pièce pour aller chercher des allumettes sur le tombeau de gauche. Mais attendez que j'ai fait ce que je vais faire pour la rallumer totalement!

 

La lampe du Docteur clignotait. L'ange commençait à l'éteindre.

 

- Tous, collez-vous aux tombeaux!

 

Personne ne discuta l'ordre du Seigneur du Temps, et chacun se colla donc le plus possible au tombeau le plus proche. Le Docteur ne chercha même pas à s'assurer que son ordre était respecté, continuant à fixer l'ange face à lui. Il compta, dans sa tête, jusqu'à trois, et il éteignit sa torche.

 

En moins d'une seconde, il l'avait rallumée. L'ange s'était jeté vers Clara et Clarisse, toute les deux situées à droite du Docteur, avec Jonas. Tous les trois poussèrent un cri de frayeur et s'éloignèrent du tombeau. De son coté, Adrian craqua une allumette et enflamma le torchon placé sur la torche en bois du Révérend.

 

- Sortez, maintenant, SORTEZ! ordonna le Docteur.

 

On ne se fit pas prier. Le Révérend couru le plus vite possible en passant par la porte, suivit par Clarisse, puis par Jonas, Adrian, et Clara. La lampe du Docteur recommençait à clignoter, et celui-ci se précipita dans le couloir, tout en essayant de garder un œil sur l'ange, qui avait pourtant eu le temps de se retourner et d'arriver dans le cadre de la porte de bois.

 

- Clara, retournez-vous pour le regarder! criait-il à la jeune fille, alors qu'Adrian était déjà loin, sur le point de monter les escaliers, sur les talons de Jonas.

 

La compagne se retourna immédiatement pour aider le Seigneur du Temps, courant donc à reculons, tandis que celui-ci remettait sa tête droit vers l'avant, sans pour autant oublier de pointer sa lampe vers la statue. En quelques secondes de course, il dépassa Clara, et lui lança avec un sourire complice:

 

- On échange!

 

Ainsi, le Seigneur du Temps se retourna pour faire face à la créature de pierre, tandis que Clara courait en avant, s'arrêtant un léger instant pour recevoir la torche des mains du Docteur, qu'il avait lancé de façon à ce que l'ange soit toujours éclairé. La jeune fille tourna la lampe vers la statue, et le Docteur courait à reculons et regardait cet être de pierre. Cependant, l'arrêt de Clara et la vitesse du Docteur faisait qu'il était déjà loin derrière elle. Il l'apercevait, sans la regarder, pour être sûr d'immobiliser l'ange. Mais sans même qu'il n'en ait conscience, il arriva au niveau des escaliers, et comme il ne s'y attendait pas, il trébucha en arrière. Il releva sa tête au dernier moment, par instinct, pour qu'elle ne cogne pas une marche, et surtout pour pouvoir encore regarder l'assassin de pierre. Sauf qu'il était immobile, et que Clara courait en sa direction. Et devant lui se déroula une chose horrible à laquelle il ne pouvait rien. Le temps semblait se dérouler au ralenti. La jeune terrienne courait vers lui, et elle obstruait la vue de l'ange, qui ne déployait plus ses bras. En à peine deux secondes, elle avait totalement remplacée la statue dans le champ de vision du Docteur, qui poussa un cri en comprenant le danger.

 

- ATTENTI... »

 

Il ne finit pas son cri. Devant lui, le visage d'incompréhension de la jeune fille, car elle ne comprenait pas cet avertissement, disparut. Clara disparut, comme aspirée en un seul point en un instant. Et derrière elle, l'ange pointait son doigt de pierre vers l'emplacement désormais vide où se trouvait la jeune fille une seconde auparavant.

 

[http://img11.hostingpics.net/pics/140910OeildePierre1fin.jpg]

Laisser un commentaire ?