Doctor Who Alternative: Saison 8

Chapitre 17 : L'Impossible Village [Partie 3]

6618 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 03:35

[Musique facultative (à écouter jusqu'au "générique"/titre du chapitre): http://musescore.com/user/174425/scores/198446]

 

La main du Docteur était tendue en avant, tendue vers l'ange et vers Clara, qui avait fait place au vide. Elle était partie. Disparue. Envoyée quelque part dans le passé, peut-être au même endroit, peut-être à des kilomètres d'ici... Il ne regardait même plus l'ange. Il y avait une lumière, il ne savait pas d'où elle venait, il ne voulait pas le savoir. Il avait le regard dans le vide. Sa bouche était ouverte, figée, tout comme son cri. Ses yeux se remplissaient d'horreur en comprenant peu à peu ce qui s'était passé.

Il ne voyait plus rien, il était perdu dans un tourbillon de pensées. Clara était partie. Clara était perdue. La fille impossible. Celle qui lui avait tant de fois sauvé la vie... Ce compagnon de route...

Oui, elle lui avait sauvé la vie tant de fois. Chacun de ses visages, elle les avait vus. Il lui devait bien des choses... Le Docteur ne pratiquait pas le rituel de la dette de vie, mais ce qu'avait fait cette jeune femme pour lui avait une valeur encore plus grande... Cette dette de vie était comme naturelle, c'était quelque chose d'évident. Et il ne la remplissait pas. Non, loin de là. Il avait cherché à la défendre, à la protéger, mais ça n'avait servi à rien. Une petite seconde d'inattention, une simple petite seconde d'inattention, avait réussi à tout détruire. Cet instant infime où son talon avait cogné une marche d'escalier, lorsque son équilibre, déjà fragilisé par sa course en arrière, s'était brisé. Et ensuite, l'instant précis où Clara avait caché l'Ange... Cet instant où au lieu d'agir, de se relever, de mettre sa tête sur le coté, il avait préféré crier. Qu'il était facile de crier... On pouvait toujours dire qu'on avait tenté quelque chose, que l'on avait voulu sauver la situation, que l'on avait échoué, certes, mais en faisant ce qu'il fallait. Mais tout cela n'était-il pas se voiler la face? Le Docteur commençait à culpabiliser... Les larmes ne coulaient pas encore, mais elles semblaient vouloir se glisser sous ses paupières. Tout était de sa faute. S'il s'était dirigé vers le TARDIS plutôt que vers l'église, rien de ça ne serait arrivé. Il aurait découvert ce qui se tramait réellement. Il soupçonnait qu'il pouvait s'agir d'un Ange Pleureur, ou de toute créature capable d'interagir et d'influencer l'énergie temporelle... Il s'était jeté dans la gueule de l'ange sans réfléchir, pour voir s'il avait raison ou tort... À moins que ce n'ait été pour affronter la menace qui pesait sur le village? En avait-il réellement connaissance à ce moment là? N'était-il pas tout simplement venu par curiosité, parce que la "coïncidence" entre les messes et les disparitions l'intriguait? Il ne le savait même plus... La dernière chose qu'il avait vue était en train d'éclipser le reste.

Il était assis dans l'escalier, il avait fermé les yeux, les paumes de ses mains pressaient son front et ses longs doigts agressaient ses cheveux. Il culpabilisait et se méprisait lui-même, dans le plus grand silence, sans rien entendre de ce qui se passait à l'extérieur...

 

L'Impossible Village

Partie 3

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Jusqu'à ce qu'une main secoue son épaule.

Le Docteur rouvrit ses yeux humides et rougis par des larmes qui n'avaient pas coulé. On le secouait. Jonas le secouait. Il semblait effrayé au plus haut point. Sa main était en train d'agresser l'épaule du Seigneur du Temps.

 

« Docteur! Docteur! Bon sang! DOCTEUR! Où est Clara? Qu'est-ce qui lui est arrivé?

 

Le Seigneur du Temps était encore assis. Il ramena ses mains jusqu'à son menton, pour essuyer ses yeux mouillés, et regarda le jeune homme avec un air désolé, sans rien répondre. Il fixait les yeux remplis d'incompréhension de son dernier compagnon. Lui non plus ne disais rien. Le silence était presque total, si on exceptait les voix des Coxtiniens plus loin dans l'escalier, et un étrange crépitement. Mais tout cela, leurs oreilles ne l'entendait pas. Un silence s'était abattu sur les deux voyageurs temporels. Leurs yeux parlaient pour eux. L'ébahissement du jeune homme disparut en quelques secondes... Il secouait la tête lentement, il ne croyait pas ce qu'il comprenait. Des mots tentaient de sortir de sa bouche, mais il n'arrivait pas à prononcer quoique ce soit. Elle était partie. Disparue. Il ne savait pas exactement ce qui lui était arrivé, mais le regard du Seigneur du Temps était sans équivoque. Ils ne la reverraient plus. Des souvenirs resurgirent dans l'esprit du jeune homme. Sur sa planète natale, dans la Tour des Communications, lorsqu'un garde allait le tuer... Clara avait le choix entre protéger le Docteur ou bien révéler où celui-ci se trouvait. Ils ne se connaissaient presque pas à cette époque. Elle aurait très bien pu le laisser se faire abattre et protéger son "ami". Mais elle l'avait sauvé. "Où est le Docteur?". Le militaire posait la question et pointait son arme sur la tête du résistant. Elle l'avait sauvé. Et depuis, que n'avait-elle fait? Lorsqu'il était sorti de son cauchemar d'illusions, c'était elle qui l'avait aidé à se relever, à reprendre ses esprits. Le Docteur ne faisait que tripatouiller des ordinateurs... Dans le vaisseau de l'Infinium, c'était encore elle qui l'avait soigné, qui s'était assurée de faire un bandage solide et propre autour de son torse, lorsqu'il avait été blessé par l'arme de Night. Pendant les voyages autour des Jeux Olympiques, ils avaient appris à se connaître, ils avaient appris à s'apprécier... Il n'y avait rien d'autre qu'une complicité entre eux, il ne ressentait rien pour elle et espérait grandement que cette absence de sentiments soit réciproque. Mais ils étaient devenus amis, compagnons de voyages, complices à travers le Temps et l'Espace, ils avaient affronté ensemble des mannequins de plastique, des Sycorax et bien d'autres choses encore durant leur tournée Olympique. Et le Docteur avait laissé la jeune fille mourir. Disparaître. Jonas sentait son ventre se nouer, la nausée qui arrivait. Il fallait qu'il évacue tout ce qu'il ressentait en ce moment, et malheureusement il avait en face de lui la cible toute désignée. Et il cria...

 

- Pourquoi?? Mais pourquoi bon sang? Vous saviez que c'était dangereux!! Vous auriez du regarder cette saloperie de statue!! Vous deviez le faire!! Et pourquoi vous nous avez amené ici, hein?? POURQUOI??

- Jonas, s'il te plait... Je suis dé...

- Vous êtes un danger pour nous tous! Pour elle!! Elle vous a sauvé la vie pleins de fois, bon sang!! Je le sais très bien! Même si je n'ai toujours pas compris comment, mais ça j'en ai rien à faire! Vous deviez la sauver!! Si ça avait été moi, si ça avait été Sparrow? Si ça avait été Adrian? Ils seraient morts aussi!!

- Je suis désolé, Jonas... murmurait le Docteur. Je... Je...

- C'EST VOTRE FAUTE!! criait le jeune homme. »

 

Et alors, la colère l'emporta sur la raison, et il frappa le Seigneur du Temps au visage. Et il continua, il se jeta sur lui et le frappa, encore et encore, jusqu'à ce que des mains qu'il n'avait pas vu venir le tirent en arrière et le plaquent sur le mur.

 

« Tu te calmes! Calme-toi! On se calme! Caaaalme!

 

Adrian retenait fermement Jonas sur la paroi de pierre, et leurs deux visages se frôlaient. La forte respiration du voyageur temporel soulevait les mèches du jeune anglais, qui lui lançait un regard qui signifiait clairement qu'il ne le lâcherait pas tant qu'il ne serait pas totalement calme.

 

- Bon, respire! Respire! Inspire, expire. Voilàààà! Et ça va te calmer.

- Je... je... Bon sang! Qu'est-ce que j'ai...

- Chut! Chuuuuut... murmurait Adrian en posant son doigt sur sa bouche. Calme-toi totalement. On est déjà assez stressé en haut.

- OK... Je... suis... calme. Euh, Docteur?

- Oui? couina le Seigneur du Temps.

 

Il s'était relevé, et sa main couvrait son nez, qui saignait légèrement.

 

- Désolé pour... le nez.

- Pas grave, répliqua le Docteur en reniflant. Mais je vous revaudrais ça.

- De quoi?

- Non, je plaisante. Adrian, vous avez réussi à ouvrir la trappe?

 

Le jeune homme lâcha Jonas et se retourna pour faire face au Docteur, avec un air dépité et profondément déçu.

 

- Non... La trappe semble bloquée. Mais dîtes-moi, où est la jeune fille qui était avec vous, Docteur? Clara, c'est ça?

- Je... Attendez, l'ange... Personne ne le regarde là?

 

Les trois hommes se retournèrent vers le couloir, et virent alors un spectacle étrange. La statue était restée dans la même position depuis qu'elle avait capturée Clara, mais elle était comme recouverte d'une sorte de champ de force bleuté, vif et crépitant, qui semblait vibrer sous des impulsions et pulsations...

 

- Qu'est-ce que... murmurait Adrian.

- On remonte vite, coupa le Docteur. On a de la chance, il est immobilisé qu'on le regarde ou non, mais pas pour longtemps, alors on se dépêche. Une fois en haut, je vous expliquerais. »

 

Aussitôt dit, aussitôt fait. Le Docteur remonta les escaliers, son tournevis sonique en main, et sépara la vieille Sparrow et le révérend qui se battaient presque, même en ayant entendu auparavant les cris de Jonas. Le Seigneur du Temps activa on engin en le pointant sur la trappe, et après une vingtaine de secondes, celle-ci se déverrouilla. Tout le monde se précipita à l'extérieur, remontant derrière le cœur de l'église, et le Docteur referma les panneaux de bois, pour enfin répondre aux nombreuses questions.

 

« Miss Sparrow! s'offusqua Palm en remarquant la tenue de la veuve. Vous portez un couvre-chef? Ici? Dans la maison du Seigneur?

- Fermez-la, vous! claqua sèchement le Docteur.

- Bien dit! approuva Clarisse. Au lieu de penser à mon chapeau, vous devriez plutôt nous expliquer ce qui s'est passé, Révérend!

- Mais je n'en sais rien! Est-ce que tout le monde va bien, déjà, parce que j'ai failli avoir des problèmes cardiaques, moi en voyant cett... Mais... Attendez...

 

L'homme d'église passa son regard sur le groupe, qui s'était réuni entre deux colonnes, sur le mur de brique qui condamnait une petite chapelle. Il réajusta ses lunettes sur son nez, et comprit qu'il manquait Clara:

 

- Mais où est donc cette chère Miss Orsan?

- Oswald. Et elle n'est plus là... murmura amèrement le Docteur en appuyant son dos et son pied gauche sur un mur et en croisant les bras. Ne vous inquiétez pas, Jonas, elle n'est pas morte, contrairement à ce que vous pensez. Enfin... Il se peut qu'elle soit morte, maintenant.

- C...C... Comment ça? s'effarait la veuve Sparrow.

- Les anges pleureurs peuvent interagir avec le temps, et avec le Vortex, tenta d'expliquer le Seigneur du Temps. Bien sûr, ils peuvent tuer les gens, et réussissent parfaitement bien à briser les nuques pour ça. Mais la plupart du temps, ils tuent de façon bien plus... "propre".

 

Le Docteur se retira de son mur pour tenir debout sur ses deux jambes, et laissa ses bras retomber.

 

- Ils envoient leur victime dans le passé.

- Comment? s'écria Clarisse.

- Blasphème! Même dans les saintes écritures, le Seigneur ne possède ce pouvoir!

- Taisez-vous... Bons sang, taisez-vous! lâcha Jonas. Ce n'est pas le moment de parler religion!

- Bien dit... chuchota Adrian en regardant le plafond, les mains derrière le dos, le visage innocent.

- Les Anges Pleureurs envoient leur victimes dans le passé, continua le Docteur avec difficulté. Cela dégage de l'énergie temporelle, celle des jours que la victime n'a jamais vécus. Une énergie potentielle. Et les anges s'en nourrissent. Qui sait où et quand elle a été déplacée. Ils transportent aussi les gens dans l'espace...

- Oh... Ooh... hoquetait la vieille Sparrow. Je... Mon dieu c'est...

 

Elle porta une main à sa poitrine, son cœur battant de plus en plus vite. Le Docteur la regardait avec un air désolé. La pauvre vieille femme avait dû vivre une vie bien tranquille jusque là, sans grands problèmes, sans phénomènes surnaturels apparents. Et maintenant, elle comprenait ce qui était arrivé pendant des années aux personnes disparues.

 

- Mais le champ bleu, qu'est-ce que c'est? demanda Jonas.

- De l'énergie temporelle. Beaucoup, même. Les anges ne font pas qu'absorber l'énergie potentielle, ils absorbe aussi l'énergie temporelle "pure" qui nous entoure et celle qui est en nous. Jonas, nos voyages créent de l'énergie temporelle, une énergie qui reste en nous pendant longtemps. Clara a... elle a absorbé beaucoup d'énergie temporelle durant sa vie. Lorsqu'elle a traversé ma.. Ce serait trop compliqué à expliquer. Il n'en reste que toute cette énergie est telle que l'Ange ne peut pas tout absorber d'un coup. Cela l'immobilise le temps qu'il ait tout assimilé. Mais cet ange là n'est pas comme les autres...

- Oui, il bouge! remarqua Adrian.

- Il n'est pas comme les autres anges qui bougent, rectifia le Docteur, agacé. Celui-ci peut changer d'apparence. Mais ce n'est pas la seule chose qui le rend unique...

- Quelle est l'autre chose?

- Venez voir, vous comprendrez, fit le Docteur en contournant le dos du cœur pour rentrer dans la nef de l'église, suivi par les quatre humains.

 

Une fois qu'il furent tous dans la nef, sur l'escalier de marbre du cœur, le Docteur tendit les mains vers les colonnes et les sièges, et tourna sur lui-même en se dirigeant vers un vitrail à sa droite, tandis que les autres restaient sur les marches de marbre.

 

- Vous ne vous êtes jamais dit que cette Église était une impossibilité architecturale?

- Vous êtes à Coxtin, répliqua Adrian. Difficile de trouver quelque chose de proportionné ici...

- Les colonnes ne peuvent pas soutenir un plafond aussi haut, j'en suis sûr... murmurait le Docteur, désormais en-dessous du vitrail. Et ne parlons pas de l'hybridisme entre une cathédrale et une église. Le bâtiment est adapté pour une ville, peut-être, mais pas pour un village de la taille de Coxtin.

- Qu'est-ce que vous insinuez Docteur? Que mon église elle est pas belle? Qu'il y a eu une grande capitale chrétienne il y a des siècles de là, sur l'emplacement de Coxtin? cancanait Palm.

- Non. J'insinue que nous ne sommes pas dans une église.

- Oh, et qu'est-ce que c'est alors? continuait le Révérend. Un bateau? Comme le Victory? Arrêtez de blasphémer et d'insulter notre village et nos croyances!! Ce qui est arrivé à votre jeune amie vous rend complètement...

- Je vous déconseille vivement d'utiliser la disparition de Clara Oswin Oswald pour me critiquer, répondit avec une froideur horrible le Docteur. Mais pour une fois, vous avez raison.

- Vous reconnaissez votre péché de blasphème? demanda avec espoir Palm.

- Non. Nous sommes dans un bateau.

 

Le silence s'abattit dans la grande nef. Tout le monde regardait le Docteur, et leurs visages montraient clairement qu'ils commençaient vraiment à le prendre pour un fou.

 

- Enfin, un bateau... Un vaisseau, plutôt, rectifia le Seigneur du Temps. Pourquoi est-ce que vous me regardez comme ça?

- Écoutez, Docteur... Je veux bien être ouvert, tentait de répondre Adrian. J'ai confiance en vous, et je ne sais même pas vraiment pourquoi, mais là...

- Faudrait penser à consulter, termina Jonas en employant un vocabulaire plus moderne.

- Roh, voyons, réfléchissez un peu! Aujourd'hui, vous avez vu une statue qui bouge lorsqu'on ne la regarde pas et qui peut renvoyer les gens dans le passé, vous avez vu un cylindre de métal s'allumer sans aucune allumette, vous avez vu mon tournevis sonique, qui ne ressemble pas à un tournevis, et qui peut faire des choses que vous n'auriez jamais imaginé avant, et vous avez du mal à croire que cette église est un vaisseau?

- Vu comme ça... songeait Clarisse.

- Jonas, vous vous souvenez de la Bibliothèque de l'Oubli sur Melti IV?

- Euh... non.

- Forcément, vous avez oublié. C'est le principe. Pour votre culture personnelle, et c'est le cas de le dire, c'était quelques jours après le début des Jeux Olympiques. Mais moi, j'ai réussi à contourner les protections, et je me souviens de quelques informations, à propos des Anges Pleureurs.

- Ah? Éclairez-nous donc, Docteur... soupirait Clarisse.

- Les Anges, même s'ils sont solitaires, possèdent une organisation, ou plutôt une hiérarchie. Certains réussissent même à "vivre en groupe", et j'en ai d'ailleurs rencontré. On pense parfois que les anges possèdent des "Royaumes", ou plutôt des "Territoires" dans l'Univers. C'est extrêmement difficile à dire, mais les rares personnes qui les ont étudier et qui y ont survécu ont compris que certains anges donnaient les ordres, et que ces "anges dominateurs", entre eux, sont comme des rois en Europe.

- Ils se font la guerre? proposa Clarisse.

- Non... Ce n'est pas ce que je voulais dire. Ils "cohabitent". Mais ils semblent avoir chacun leur... "champ d'action". Ils ne dirigent pas de territoires, des pays, mais ils sont à la tête de groupes d'anges, groupes dans lesquels chaque individu a une fonction bien particulière. Ces "clans" sont rares, mais ils existent, et ensemble ils ont parfois réduit des planètes à néant en tuant toute leur population, quoique ce ne soit pas vraiment utile pour eux, si ce n'est pour se nourrir de l'énergie potentielle de leurs victimes.

- Bon, mais où est le rapport avec l'église? coupa Jonas.

- L'Ange de Coxtin, parce que c'est à peu près ça, est là pour son "chef", pour ramener de l'énergie temporelle. Peut-être qu'il n'y en a plus chez lui, peut-être que le "chef" est mourant. Il n'en reste qu'il a récolté un tas d'énergie temporelle ici, tellement qu'on en retrouve en-dehors de l'église et même du village, tellement que lui-même, qui en a beaucoup absorbé, en laisse des traces en se déplaçant.

- Mais comment a-t-il fait pour en... euh... "récolter"? demandait Adrian, qui suivait à peu près.

- Vous ne le savez sûrement pas, mais vos chers aînés, eux, le savent parfaitement. Votre mère, en tout cas.

 

Adrian se retourna lentement vers sa mère. Celle-ci le regardait avec un regard triste, et semblait déglutir. À ses cotés, le Révérend ne comprenait pas ce qui se passait, et posait un regard ahuri sur la vieille femme, qui, sans parler, donnait raison au Docteur.

 

- Je dois avouer que vous êtes très intelligent. Tout ce que vous avez dit... cela explique tout ce que nous ne comprenions pas.

- Comment ça? demanda Jonas.

- Qu'est-ce que... Qu'est-ce que ça veut dire? balbutiait Adrian.

- L'église a été construite il y a une cinquantaine d'années, pour vous, expliqua le Docteur. En réalité, elle est apparue d'un coup. C'est un vaisseau d'Ange Pleureur, camouflé en église, et rempli de filtres de perception. Vous avez tous cru qu'elle avait été construite. Et l'Ange, pendant plus de cinquante ans, a absorbé des tonnes d'énergie temporelle, parce qu'il avait crée une situation impossible, des dizaines et des dizaines et des dizaines de quasi-paradoxes, une instabilité et un déséquilibre dans le tissu même du temps.

- Essayez de vous expliquer, Docteur! suppliait presque Jonas, qui était lassé des longues explications.

- L'ange surveille les messes, car elles se déroulent dans ce vaisseau. Lorsqu'un des jeunes de la ville est "prêt", selon lui, il s'en occupe, et l'envoie dans le passé, récupérant donc l'énergie temporelle, mais ce n'est pas tout. N'avez-vous jamais remarqué, Jonas, qu'à Coxtin, il n'y avait que des personnes âgées et des jeunes dans la vingtaine ou moins?

- Euh, maintenant que vous le dîtes... Attendez, ne me dîtes pas que... L'ange transfère les jeunes dans le passé, à Coxtin, pour qu'ils vieillissent et deviennent les personnes âgées d'aujourd'hui... Non... C'est pas possible!

- Oh que si, mais vous oubliez quelque chose. Tout le monde a des parents, tout le monde est né de quelqu'un d'autre, et ici, les jeunes sont les enfants des personnes âgées, qui, pour une raison inconnue, ont fait leurs enfant assez tard, dans la trentaine ou quarantaine. Ces parents sont nés au siècle précédent, et n'ont jamais été attaqué par un ange. Pourtant, presque tout le monde a des enfants, ici...

- Bravo, Docteur. Vous avez tout compris. coupa Clarisse.

- Qu'est-ce qu'il veut dire? demandait désespérément Jonas. Je n'arrive pas à comprendre.

- La première génération, ceux qui n'ont pas été attaqué... continua Clarisse. Leurs enfants l'ont été. Ils ont rejoints leur parents dans le passé, lorsqu'ils avaient à peu près le même âge. Ils ont vieilli, et se sont mariés, ont eu des enfants. Et ces enfants, devenu adulte, dans la vingtaine, ont été attaqués par l'ange eux aussi...

 

Le Révérend, qui était resté à coté de Clarisse sans trop réagir, eut un regard horrifié pour la vieille femme, tandis qu'Adrian et Jonas étaient bouche bée.

 

- Six générations se côtoient à Coxtin, messieurs. La première née avant l'arrivée de l'Ange, les quatre autres, victimes de celui-ci, et la sixième, qui n'a pas été envoyée dans le passé, confessa la vieille femme.

- Certains ont le même âge que leur arrière-petit-fils dans ce village, enchaîna le Docteur. Cinq générations vivant en même temps, et une sixième qui ne se doute de rien. Chaque seconde de la vie de ce village est une impossibilité paradoxale, le méli-mélo spatio-temporel poussé à l'extrême. Et ça, ça fait beaucoup d'énergie temporelle, et ça explique les problèmes sur les arbres et les feuilles dans la forêt. Un transfert temporel en pleine nature a du libérer un peu de l'immense énergie de l'ange, qui a déréglé les lignes temporelles des végétaux du coin. Mais pour revenir aux humains, les jeunes sont renvoyés à Coxtin parce que l'Ange doit garder ceux qui le nourrissent dans le même secteur, tant pour permettre aux paradoxes de continuer, à l'énergie de se concentrer, que pour empêcher un seul membre d'une seule génération de s'enfuir et peut-être d'ébruiter la nouvelle. Coxtin est un village fermé, malgré les apparences.

- Et vous le saviez? hoquetait Adrian.

- Moi? Je l'ai deviné, avoua le Docteur. Mais eux, ils le savaient, vraisemblablement.

- Je ne savais rien de tout cela, Docteur! se défendit Palm. Du moins, je ne savais pas que cela atteignait autant de proportions. Quand je vous traitais de blasphémateur, c'était pour vous éloigner de la vérité. Je tiens à ce que l'Ange ne se venge pas!

- Mais vous aviez peur, non? En voyant la statue apparaître.

- Nous n'avions jamais vu l'ange ainsi, avant!

- Nous ne nous disions que peu de choses, révéla Clarisse. Le silence régnait autour de cette histoire. Nous savions, mais c'était tout. Le Révérend était au courant, mais à peine. Lui il est arrivé à Coxtin après le premier curé de la nouvelle église, et il n'est pas du village. Et il n'a pas d'enfants. Les autres ne comprenaient pas vraiment ce qui s'était passé, pourquoi leurs enfants ou petits-enfants leur revenait de l'avenir et semblaient même plus vieux qu'eux, pourquoi parfois ils se rencontraient eux-même, en bien plus jeune, sans rien pouvoir révéler. Nous avions conscience qu'il fallait laisser les choses se faire. Personne en-dehors n'est au courant, et c'est bien heureux... Nous avions changé nos noms, tous... Impossible de comprendre, en théorie.

 

Elle était au bord des larmes, et avait lâché sa cane. Son fils ne bougeait même pas pour l'aider ou la réconforter. Il était tétanisé par ce qu'il venait d'apprendre. Tout son village était un mensonge, un paradoxe, une anomalie et une impossibilité du rationnel et de la réalité. Enfin, il baissa la tête, en soupirant, accusant le coup.

 

- Et toi, mère? Je t'ai déjà rencontrée? Est-ce que je t'aurais fait la cour, à une époque?

 

Clarisse releva les yeux qu'elle avait baissé. Elle avait honte d'avoir menti au Docteur. Mais elle le devait, pour une raison qu'elle n'avait qu'à moitié révélée.

 

- Oui, tu m'a rencontrée... murmura-t-elle de sa voix usée. Une seule fois.

- Qui était-tu? Qui es-tu, même?

- Sherlock Holmes.

 

Le Docteur avait répondu. Sa voix était caverneuse, remplie d'amertume et d'émotion. Jonas se tourna vers lui, tandis qu'Adrian continuait de regarder sa mère, dont les larmes coulaient encore plus, toujours en silence, en comprenant que le Docteur avait compris.

 

- Dans les bois... continuait le Docteur. Vous... Vous aviez dit que les policiers n'étaient pas des Sherlock Holmes.

- En effet, hoqueta la vieille femme en tentant de reprendre de la contenance.

- Mais c'est impossible... murmurait-il, presque en riant, pour se rassurer.

- Pourquoi? interrogea Jonas. D'après ce que je sais sur ces nouvelles, c'était très populaire dans ce pays, non?

- Oui, en effet. Mais... les nouvelles... elles ne sortiront que dans des dizaines d'années.

- Oh... Oh!

- Vous ne pouvez pas venir de cette époque, ni de celle où Conan Doyle publiait ces livres, vu que l'ange n'est sûrement pas allé jusqu'ici. Clarisse, vous êtes... impossible.

- Comment ça? s'inquiétait Palm.

- Clarisse... Clarisse! criait le Docteur, enragé.

- Quoi, Clarisse? criait encore plus fort Adrian, lui aussi totalement sur les nerfs car déstabilisé par ce qu'il avait appris.

- Clarisse... murmurait le Docteur, qui commençait à pleurer.

 

Jonas regardait la vieille femme. Elle aussi pleurait, en silence, sans sangloter, sans crier. Elle vit qu'il le regardait, et alors elle le fixa dans les yeux. Son regard transperça la jeune homme. D'instinct, en entendant le Docteur, et en voyant ce regard brun de la vieille femme, la vérité prit place dans son esprit, et sa voix répondit alors comme un écho à celle du Docteur et à la question que tous se posaient.

 

- Clara... »

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

Le Docteur regardait le sol, et ses larmes silencieuses coulaient sur ses joues et retombaient sur la pierre qui recouvrait le sol du vaisseau. Devant lui, sur l'escalier, Clara dominait tout le monde. Son fils était au pied des marches de marbre, et Jonas reculait vers le Seigneur du Temps, tandis que le Révérend, totalement abasourdi, s'était assis sur un des sièges du premier rang, essuyant son front couvert de sueurs de sa main déjà suante.

 
[Musique facultative (à écouter jusqu'à "Et tout devint silencieux): http://www.youtube.com/watch?v=3YnseUaz-js]

« Je savais parler anglais, heureusement... Jonas aurait été perdu, lui, sans la traduction du TARDIS. Je suis arrivé quelques semaines après la fin de la... "construction de l'église". L'intégration a été facile: il y avait beaucoup de jeunes... racontait Clara. Certains savaient ce qui c'était passé, et ne me reconnaissaient pas. Mais ce n'était pas un problème. Les gens de la première génération, eux, n'avaient pas vu l'avenir. Ils m'ont... m'ont accueilli. Un d'entre eux, en particulier. Un certain William Sparrow.

- Votre... enfin... ton... ton mari? tenta Jonas.

- Oui. Il était fou amoureux de moi... continuait-elle en se souvenant avec émotion de ces années-là. Ce n'était pas réciproque, mais il fallait bien que je me trouve un homme. Au début du XIXème siècle, c'était mieux. Je me suis marié avec lui, mais je ne l'ai jamais aimé. Du moins, pas par amour. Mais j'avais beaucoup d'affection pour lui. Lorsqu'il est mort il y a quelques années... J'étais détruite. Il ne me restait plus que mon Adrian. Et l'espoir de vous voir, Docteur. »

 

Le Seigneur du Temps ne répondait pas.

Il s'écroula par terre, et recouvrit son visage de ses mains. Il avait perdu toute sa froideur, tout son sang froid, quoiqu'il pleurait en silence, même s'il reniflait... Tout était terminé. C'était fini. Les maigres espoirs qui, un temps, avaient habité son esprit, étaient partis. Jusque là, ils s'était enfui dans les explications, les devinettes et les démonstrations pour ne plus penser à la disparition de Clara. Peut-être se disait-il que tout n'était pas perdu, qu'il aurait pu aller la chercher avec le TARDIS. Qu'il aurait pu la sauver. Que ses voyages auraient pu continuer. Mais il fallait désormais voir la vérité en face, et il se cachait cette vérité. Il ignorait ce qui se passait autour de lui, mais la vérité s'amusait à la narguer dans son esprit. Il y avait un ange pleureur qui avait absorbé des tonnes d'énergie temporelle en liberté, au commande d'un vaisseau spatial rempli de cette énergie, il y avait un village ou chaque parole, chaque acte, risque de créer un paradoxe capable de détruire l'Univers, et il y avait une femme qui avait crée une boucle temporelle en les amenant ici et en amenant la version jeune d'elle-même à devenir sa version âgée. Il y avait un méli-mélo spatio-temporel impossible à démêler, il y avait cette réalité qui l'attendait derrière ses mains, qui couvraient son visage humidifié par ses larmes. Et il ne voulait pas affronter cette réalité, pas alors qu'il avait perdu à jamais Clara. Sa Clara, pas celle qui avait vieilli et vécu loin des voyages, en sédentaire dans le Suffolk. Pas avec un Jonas qui ne serait plus jamais comme avant. Il ne voulait pas affronter cette réalité. Et tout devint silencieux.

 

Il n'y avait plus aucun son... Autour de lui, le silence religieux s'était imposé. Le Docteur sentait qu'il n'y avait plus personne dans l'Église. Une autre dure réalité devait elle s'imposer à lui? Il ne chercha même pas à le savoir, et resta muré derrière ses mains, dans son mutisme et ses larmes désormais sèches.

Jusqu'à ce qu'un bruit le tire de son état.

Une respiration presque divine... Un bruit d'espoir.

Un bruit qui ne venait pas de ce temps. Un bruit qu'il ne connaissait que trop bien.

 

Il enleva ses mains, et regarda. L'église était vide, mis à part Jonas qui semblait reprendre ses esprits, allongé sur le sol, et Palm endormit sur une chaise du premier rang. Et la cabine bleue qui se matérialisait dans le cœur, bien sûr. Adrian et Clara avaient disparu.

Le Docteur réveilla totalement son compagnon, lui fit comprendre qu'il ne comprenait pas plus la situation que lui, essuya ses larmes et se tourna vers son TARDIS. Il n'avait rien à faire là. Personne n'avait pu l'amener ici, personne n'avait pu le contrôler. Ce n'était pas possible. Lentement et avec précautions, le Docteur s'approcha de la porte, et glissa sa clef dans la serrure. Il poussa le battant de bois, et rentra dans la Salle de Commandes.

Le décor Olympique était parti. Le rotor était redevenu bleu depuis un bon bout de temps, et la sobriété et l'austérité du lieu avaient repris leurs droits. Mais cela ne surprenait pas le Docteur, il connaissait son TARDIS. Ce qui le surprenait, et ce qui surprenait encore plus Jonas, qui venait d'entrer, c'était qu'autour de la Console, il y avait trois personnes. La première était Clarisse. La deuxième était Clara. La troisième, qui semblait avoir pris les commandes de la machine... était Adrian.

 

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