Doctor Who Alternative: Saison 8

Chapitre 18 : L'Impossible Village [Partie 4]

8275 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:49

« De quoi?

 

Ce n'était pas Jonas qui avait lancé ces mots. C'était le Docteur.

Dans la Salle de Commandes, l'atmosphère était lourde et silencieuse. Adrian actionnait quelques interrupteurs, sans se tromper dans ses réglages, sous l'œil ahuri du Seigneur du Temps.

Jonas se précipita vers Clara mais ne la toucha pas, ne l'enlaça pas. Il s'était arrêté juste devant, comme pour vérifier que ce qu'il voyait n'était pas une illusion ou un hologramme. Et la jeune fille lui semblait tout à fait réelle.

 

- Clara... C'est toi? C'est vraiment toi? balbutiait-il.

- Oui, c'est moi... répondit la jeune fille en murmurant.

- Mais c'est... C'est impossible...

- Paradoxal est plus approprié, coupa le Docteur.

 

Le Seigneur du Temps contourna la Console, frôlant Clarisse mais ne la regardant même pas, pour venir se planter devant Adrian.

 

- Je suppose que vous voulez reprendre le volant... suggéra celui-ci.

- Je voudrais surtout que vous enleviez vos sales pattes de mon TARDIS.

- Mes sales pattes? Pourquoi êtes-vous aussi désagréable avec moi, alors que je viens de...

- Créer un paradoxe! interrompit le Docteur. Écoutez, je ne sais pas qui vous êtes, comment vous avez pu sortir de l'église, comment vous avez pu retrouver, ouvrir et piloter mon TARDIS, mais ce que je sais, en revanche, c'est que vous m'avez menti depuis le début, et que vous venez de provoquer un paradoxe temporel énorme!

 

Le jeune anglais, s'il l'était vraiment, soupira en entendant le Seigneur du Temps parler. Il décida cependant de reculer, pour laisser la console entre les mains du propriétaire, mais tenta d'expliquer au Docteur ce qu'il avait réellement fait.

 

- Les paradoxes peuvent être contenus, Docteur, vous le savez très bien.

- Oui, et vous, vous n'êtes pas sensé le savoir! Comment avez-vous pu le contenir, d'ailleurs?

- Le TARDIS y est pour beaucoup. Ainsi que Clara.

- Moi?

 

La jeune fille, qui était restée silencieuse, se retourna d'un coup en entendant Adrian, faisant ainsi flotter ses cheveux en l'air en bougeant.

 

- Oui, vous. Vous êtes un paradoxe contenu, depuis bien longtemps. Vous n'auriez pas pu rencontrer le Docteur si vous ne l'aviez pas sauvé des dizaines et des dizaines de fois dans son passé, mais dans votre avenir. Vous l'avez sauvé parce que vous l'avez rencontré, mais vous l'avez rencontré parce que vous l'avez sauvé.

- Comment savez-vous tout ça? s'exclama le Seigneur du Temps.

- Je le sais, ne cherchez pas à comprendre, pas maintenant! répondit Adrian. Vous contenez votre propre paradoxe, Clara. Vous pouvez en contenir d'autres, vous deux, avec l'aide du TARDIS.

 

En disant cela, il regardait les deux Clara, la jeune et l'âgée. Le Docteur, quand à lui, même s'il écoutait et parlait, vérifiait toutes les manipulations que le jeune homme avait effectué sur sa machine.

 

- Si vous ne restez pas ensemble trop longtemps, il n'y aura aucun problème, continuait-il.

- Pour l'instant il y a un autre problème... murmurait le Docteur en regardant un des écrans de la console.

- Lequel?

- L'ange a absorbé toute l'énergie on dirait. Il reprend le contrôle total de l'église. Et on peut raisonnablement penser que maintenant, il est rassasié. Ce qui signifie...

- … qu'il va décoller, acheva Adrian. »

 

L'Impossible Village

Partie 4

 

La porte du TARDIS s'ouvrit vers l'extérieur, et le Docteur en sortit, droit, imposant, le regard de l'homme qui veut arriver à ses fins emplissant ses yeux. D'un pas rapide, il descendit les quelques marches du cœur, se retourna pour s'assurer que les quatre autres personnes soient bien sorties, puis claqua des doigts, ce qui eut pour effet de fermer violemment les deux portes de la cabine bleue.

 

« Vous n'êtes pas obligé de vous la jouer comme ça, vous savez... remarqua Adrian.

- Je fais ce que je veux, c'est mon vaisseau.

- Je ne suis pas sûr que le TARDIS sera d'accord avec le possessif employé, Docteur... lança Clara. Je parle en connaissance de cause, en plus.

- Peu importe... Il faut trouver l'ange maintenant, soupira Jonas.

- Rien de bien compliqué, expliqua le Docteur. Il est bourré d'énergie temporelle: mon tournevis sonique peut détecter sa trace.

- Pas du tout, répliqua Adrian. Le vaisseau-église est rempli d'énergie temporelle, à une saturation bien trop grande pour qu'on puisse suivre la trace de l'ange. Mieux vaut explorer l'endroit en se séparant pour le trouver plus facilement.

- Cela reviendrait à se retrouver seul face à un ange pleureur, beaucoup trop dangereux!

- Sauf que si l'ange est occupé à faire décoller une église au beau milieu d'un village anglais du XIXème siècle, il ne va pas s'occuper de nous, et...

- Hum! Hum! toussota Clarisse pour les faire taire. Peut-être pourriez-vous arrêtez de vous chamailler comme des enfants et essayer de réfléchir quelques instants.

 

Les deux hommes se tournèrent vers la vieille femme. Elle avait repris de la contenance, et son comportement sarcastique avait pris le dessus sur la grande tristesse de sa situation. Elle n'était pas censée exister, et pourtant toutes les longues années qu'elle avait vécues, toutes les rencontres qu'elle avait faîtes, toute cette vie qui lui avait forgé une personnalité différente de jour en jour, tout cela semblait bien réel. Elle en avait oublié, en presque 50 ans, la tortueuse et absurde réalité du méli-mélo spatio-temporel.

 

- Réfléchir, réfléchir! Plus facile à dire qu'à faire, vous savez! s'emportait le Docteur.

- Mais attendez, vous avez lu des choses sur les vaisseaux-églises des Anges, donc vous devez savoir où se trouve la "passerelle de commandes", remarqua Adrian.

- C'était à la Bibliothèque de l'Oubli, difficile de se souvenir de tout. Réussir à me souvenir des informations sur l'organisation des Anges Pleureurs est déjà assez incroyable en soi, alors...

- Taisez-vous et réfléchissez! coupa Clarisse.

 

Le Docteur se plongea donc dans ses pensées, cherchant à se remémorer les étagères et rayons de la Bibliothèque de l'Oubli. Le livre qu'il avait trouvé était sous forme papier, un grand livre gris, il s'en souvenait. Les feuilles, le contact du papier ancien, qui tombait presque en poussière. Les lettres, écrites à la mains. Un homme courageux que celui qui avait écrit ces lignes... Un homme qui avait réussit à étudier les Anges Pleureurs, à les comprendre, et à y survivre.

Le livre parlait des vaisseaux-églises, mais avec peu de précisions. Cependant, il y avait quelques informations sur les principaux systèmes, comme les réacteurs camouflés, l'antenne-clocher capable de transmettre quasiment partout dans l'univers pour communiquer, mais surtout capable de lancer un grand nombre de filtres de perception à proximité du bâtiment, pour que l'activité des Anges Pleureurs et les quasi-paradoxes qu'ils créent ne soient pas remarqué. L'antenne qui d'ailleurs se trouvait au-dessus de...

 

- La passerelle! Oui, je m'en souviens! s'écriait le Docteur en rouvrant les yeux. La passerelle est dans le clocher!

- Alors allons-y! lança Adrian en courant vers la porte de l'église, qui se trouvait à proximité des escaliers menant au clocher.

 

Tout le monde le suivit, tentant de suivre son rythme rapide. Les voyageurs temporels y arrivaient, habitués à courir, mais la pauvre Clarisse, septuagénaire de son état, avait du mal à suivre. On l'attendit devant les escaliers de bois qui menaient en haut de la tour, et le Docteur ouvrit la marche en montant doucement les marches de bois, qui grinçaient et craquaient sous le poids de ces cinq personnes.

 

- Attendez... commençait Clara. J'ai raté quelques petites choses, là. Je sais qu'on a crée un paradoxe en me sauvant, mais...

- Te sauver la vie? s'exclama Clarisse. Je te demande pardon? Non mais regarde-moi un peu! Ne suis-je pas aussi vivante que toi? Certes, la vie que j'ai vécue n'était pas celle que nous aurions dû vivre, toutes les deux... Mais je ne peux pas te laisser dire que moi, Clarisse Sparrow, de mon vrai nom Clara Oswin Oswald, je suis une sous-toi, une toi à qui l'on n'a pas sauvé la vie, une Clara Oswald qui a tout perdu, une Clara qui ne devrait pas exister, qui est une erreur, un paradoxe! J'existe tout autant que toi, tu m'entends! Tout ce que tu as vécu avant d'arriver à Coxtin, je l'ai aussi vécu!

 

En entendant cela, Adrian, qui se trouvait entre Clara et le Docteur, se retourna, pour monter en arrière, et parla à ce que l'on pouvait considérrt comme ses deux mères adoptives.

 

- S'il vous plaît, ne vous criez pas dessus à cause de ça, vous deux. Lorsque j'ai décidé de créer le paradoxe, pour vous ramener, et pas vous sauver, Clara, je l'ai fait en pensant que vous pourriez survivre ensemble quelques minutes ou heures. Mais vous êtes toutes les deux les vrais Clara Oswin Oswald, vous entendez? Vous n'avez pas vécu la même vie, vous avez toutes les deux un caractère différent, parce que Clarisse n'a pas du tout vécu dans la même situation que vous, Clara, et parce qu'elle a une cinquantaine d'années de plus que vous, mais vous restez Clara.

- Vous savez, remarqua le Docteur, j'ai déjà vécu un cas comme ça. C'est très, très difficile. Heureusement que cette chère Clarisse n'a pas un caractère aussi trempé qu'Am...

 

Le Docteur s'était coupé au milieu de sa phrase, non pas comme s'il avait oublié la suite du prénom de la Fille qui avait Attendu, mais plutôt parce que les souvenirs auxquels il faisait appel étaient loin d'être les plus beaux. La résolution de ce problème de méli-mélo spatio-temporel, sur Apalapulcia, avait été assez... radicale. Il en était peu fier, mais cela avait été la seule chose à faire. Peut-être avait-il eu peur de voyager avec la version plus âgée de sa compagne... Lui-même avait du mal à s'en souvenir. La Régénération avait détruit son ancienne personnalité, et il posait un regard nouveau et différent sur sa vie. Comme à chaque fois.

 

- Docteur... Vous allez bien? s'inquiéta Jonas, qui fermait la marche.

- Je... euh... Oui! Oui, parfaitement. Bon, continuons de monter.

- Attendez, vous tous! coupa Clara. Cette église est un vaisseau? J'ai manqué un épisode, là, non?

- Et bien, pour être tout à fait honnête... Oui, vous avez manqué un épisode, Clara, lâcha le Docteur en montant les escaliers.

- Et oui, c'est un vaisseau spatial, utilisé par les Anges Pleureurs et camouflé en église, expliqua Adrian. C'est ce qui explique que l'ange ait réussi à ouvrir la porte de la crypte sans l'enfoncer, et qu'il ait pu verrouiller la trappe sans problème non plus. Et pour que personne ne se pose de questions, l'église projette des champs de perceptions un peu partout.

- Palm baignait dans ces champs depuis des décennies, remarqua le Seigneur du Temps. Voilà qui peut expliquer son comportement alcoolique et loin de ce que l'on attend d'un homme d'église. À terme, le cerveau peut être gravement endommagé.

- Oui, c'est vrai... murmurait Clara en se remémorant ces événements si proches pour elle. Mais attendez, vous, Adrian, comment vous savez tout ça?

- Clara, s'il vous plaît! bredouilla le jeune homme. Qu'est-ce que nous avons dit, dans le TARDIS?

- Oui, qu'est-ce que vous avez dit, dans le TARDIS? répéta le Docteur en s'arrêtant et se retournant pour faire face à Adrian, qui fit de même pour regarder le Seigneur du Temps.

 

Le jeune homme, dont on ne savait finalement rien, baissa légèrement les yeux, puis replongea son regard dans celui du Seigneur du Temps, intransigeant et froid.

 

- De ne pas soulever la question. De ne rien me demander, d'accepter la situation.

- Je déteste accepter les situations de ce genre. Je veux savoir à qui j'ai affaire, si je peux me fier à vous, et ce n'est pas parce que vous l'avez sauvée... Enfin, que vous l'avez ramenée, sans démolir la moitié de l'univers par un paradoxe énorme, que vous avez toute ma confiance.

- Mais vous allez accepter la situation, répliqua Adrian avec une voix lasse. Je le sais. Parce que vous ne pouvez pas faire autrement.

- Oh que si je peux faire autrement! Je pourrais m'arrêter là, et c'est ce que je fais, d'ailleurs. Je pourrais vous poser toutes les questions auxquelles j'ai besoin que vous répondiez, si j'en avais envie.

- Mais vous n'en avez pas envie. Parce que ce que vous voulez faire, c'est vous venger de l'Ange Pleureur, l'empêcher de faire décoller cette église, qui tremble déjà sous nos pieds, parce que si vous vouliez vos réponses, vous perdriez un temps fou. Et il ne nous reste plus beaucoup de temps, là...

 

Le jeune homme soutenait le regard du Docteur, qui faiblissait sous les arguments difficilement parables qu'il lui opposait. Oui, c'était vrai, il voulait se venger. Parce que l'ange avait réussi à le déstabiliser complètement, lui qui pensait être l'une de ses incarnations les plus endurantes psychologiquement. Il souhaitait presque plus venger son orgueil que venger Clara, qui, de toute manière, était revenue.

 

- Vous avez raison... avoua le Docteur. Mais ne croyez-pas vous en tirer comme ça, Adrian. Je sais que vous avez réussi à neutraliser Jonas et le Révérend. Et vu que Palm dort encore, alors que Jonas, lui, s'est réveillé lorsque le TARDIS est arrivé, je comprends que vous les avez hypnotisé, et que vous avez fait en sorte que Jonas se réveille en entendant le bruit. Donc vous allez devoir réveiller le Révérend. Mais surtout, ne croyez pas pouvoir fuir. Je vous en empêcherai, Adrian, ou quel que soit votre vrai nom, et ce, par tout les moyens. Tous. Vous me devez des explications.

- Nous verrons ça plus tard, Docteur. Pour l'instant, on a une statue à arrêter. »

 

Le petit groupe continua de monter les escaliers, qui ne grinçaient plus. Les marches, désormais métalliques, étaient collées au mur, épousant ainsi la forme carrée de la tour. Le clocher était "séparé" du reste de l'église par le plafond de pierre de la nef, qui faisait office de sol pour une grande zone qui, vide, aurait mesuré une vingtaine de mètres de hauteur, voir plus. Sauf que cet étage n'était pas vide. Du sol au plafond, et dans les murs, passant au-dessus et en-dessous de l'escalier, des dizaines, des centaines de câbles, de toutes tailles, allant des fibres optiques à ce qui ressemblait plus à de gros tuyaux très flexibles. Tous sortaient de l'épais plafond métallique qui plongeait l'endroit dans une quasi-obscurité, troublée par les rayons de jours qui traversaient les volets de fer menant à l'extérieur, que l'on voyait sur les clochers.

Alors que le groupe atteignait une trappe métallique électronique, les vibrations dans le sol se faisaient de plus en plus fortes. Au-dehors, les rares personnes qui se promenaient sur la Place de Coxtin ne regardaient plus la grande église, qui commençait à sortir du sol, doucement, en lançant un grognement auquel personne ne semblait vouloir prêter attention, tant les filtres de perceptions étaient efficaces.

Le Docteur eut besoin de quelques secondes pour déverrouiller la trappe métallique, mais une fois cela fait, il s'engouffra dans la passerelle de commande en montant les dernières marches.

 

La pièce était étrangement lumineuse. Le vaisseau n'étant contrôlé que par un seul ange pleureur, il ne devait pas craindre la vision de congénères. L'un des quatre murs de la pièce carrée portait le grand cercle qui accueillait l'horloge de l'église, qui semblait faire office de vitre teintée, l'intérieur étant invisible depuis Coxtin, ce qui n'était pas réciproque. La haute-technologie du vaisseau permettait aux lourdes aiguilles de tourner sans engrenages. Le gros de la pièce était utilisé par des câbles qui se traînaient au sol. L'ange ne les regardait pas, faisant face à la vue imprenable sur le village, et entouré d'une aura indescriptible, ce genre de déformation que laissent les flammes et la forte chaleur dans l'air. Étrangement, il n'y avait pas beaucoup d'appareils informatiques sur les murs et dans la pièce.

 

« Il est en transe ou quoi? plaisanta Clarisse en remontant sa robe pour éviter de l'empêtrer dans les câbles.

- Euh... oui, avoua le Docteur. Les anges dirigent leurs vaisseaux par la pensée, qu'ils soient sous forme de pierre ou sous leur forme réelle. Mais faîtes attention: celui-ci est bourré d'énergie temporelle. C'est pour ça qu'il réussissait à changer de forme, à se transformer en Sainte Anne-Line, qui, d'ailleurs, est une sainte catholique, alors que cette église est sensée être anglicane, autre erreur du...

- Attention! coupa Clara.

 

L'ange s'était retourné. Il les fixait tous, et tous le fixaient. Une nouvelle aura, bleue cette fois, commençait à l'entourer.

 

- Il va utiliser les énormes ressources d'énergies temporelle qu'il possède pour déjouer le Quantum! s'exclama le Docteur.

- De quoi?

- Il va pouvoir bouger, même en étant vu.

- Bon, au moins, on aura le privilège d'être les premiers à voir un ange sous sa vraie forme... soupira Adrian.

- Et les derniers! nota Clarisse avec une voix angoissée.

- Pourquoi le vaisseau continue de vibrer? demanda Clara.

- Pilote automat...

 

Le Docteur se coupa en voyant l'aura bleutée de l'ange devenir de plus en plus vive, et cacher de plus en plus son corps.

 

- Bon sang, même s'il pourra ignorer le verrou quantique, il ne veut pas qu'on voit à quoi il ressemble. Comme s'il s'abritait autour d'un mur d'énergie temporelle, dont il se nourrit.

- Pourquoi il veut se cacher? Par pudeur? s'affola Clarisse, totalement désemparée.

- On va peut-être pas lui poser la ques... commença Jonas.

 

Il n'eut pas le temps de continuer. L'ange, surnourri et caché par son bouclier lumineux, venait de foncer à toute vitesse, ne laissant apparaître qu'une traînée bleue, et faucha Adrian, le plaquant sur le mur opposé dans son élan. Tout ce qu'on voyait, c'était une sorte de cocon bleuté qui cachait à la fois le corps de la créature et celui du jeune homme, un cocon d'où sortaient des cris de douleurs et des crépitements continus. Personne ne pouvait rien faire. Personne ne faisait rien. La lumière bleue, pourtant, faiblissait de plus en plus vite, sous les yeux ahuris du Docteur, qui comprenait ce qui se passait. L'énergie temporelle diminuait grandement. Et alors, après quelques secondes, le cocon disparut totalement, laissant place à l'Ange de pierre, verrouillé à nouveau, et entre ses bras tendus vers l'avant se trouvait le garçon, qui s'accrochait dur comme fer aux manches de la statue, en train de souffler, comme s'il avait couru un marathon. Il se laissa tomber par terre, s'affalant sur le sol pour reprendre sa respiration et ses esprits.

 

- Continuez à regarder l'ange! ordonna le Docteur. Et ne touchez pas Adrian.

 

Personne ne chercha à discuter ses ordres. Le Seigneur du Temps ressortit son tournevis, et analysa, de loin, Adrian.

 

- Vous... Vous avez absorbé toute l'énergie? balbutiait-il, incrédule.

- Impressionné? lâcha le jeune homme en se relevant avec difficulté.

- Vous auriez du mourir... ou vieillir grandement, voire rajeunir. Mais vous n'auriez même pas du pouvoir absorber l'énergie!

- On avait dit que les questions étaient pour plus tard.

- Adrian... murmura Clarisse avec horreur.

 

Le jeune homme n'avait pas l'air d'être dans la meilleure des forme, conséquence de son absorption massive d'énergie. Mais la vieille dame semblait horrifiée pour une raison différente. Elle regardait son fils adoptif avec des yeux d'incompréhension et d'affolement, et ses lèvres murmuraient des "Pourquoi?" inaudibles, comme si elle venait tout d'un coup de comprendre ce qu'elle n'avait jamais compris.

 

- Qu'y a-t-il? demanda le Seigneur du Temps avec inquiétude.

- Docteur... Un paradoxe produit beaucoup d'énergie n'est-ce pas?

- Euh... Oui, beaucoup d'énergie temporelle, une énergie très dangereuse lorsqu'elle sort d'un paradoxe, mais où est le rapport avec...

- Il n'y en a aucun. Du moins, si, d'une certaine façon. Est-ce qu'un paradoxe peut tuer l'ange?

- Clarisse... Non... murmurait Adrian, brisé.

- Clarisse, je ne sais pas ce qu'il s'est passé avec Adrian, quoique j'ai mon idée sur la question, mais vous ne devez pas...

- Répondez à la question!

- Oui... confessa le Docteur. Oui, un paradoxe détruira l'Ange, s'il est assez puissant.

- J'en étais sûre... C'est comme l'eau: on en a besoin pour vivre, mais on peut se noyer.

- Exactement.

- Maintenant, que ce passera-t-il si je touche Clara?

- NON! cria Adrian.

 

Il tendait ses mains vers Clarisse, comme pour l'implorer, mais ses jambes se dérobaient presque, tant il avait été affaibli par le choc de l'absorption.

 

- Docteur, lorsqu'il a récupéré Clara... lorsqu'il m'a récupérée plus jeune, Adrian a dit que nous ne devions surtout pas nous toucher. Pourquoi donc? demandait la vieille femme avec un air piteux.

- Votre paradoxe est contenu, mais il est puissant. L'équilibre qui vous tient en vie toutes les deux est instable, surtout lorsque vous êtes au même endroit et au même moment. Si vous veniez à vous toucher, cet équilibre se brisera... révéla le Seigneur du Temps. Vous commencerez à vous effacer, Clarisse. Et si vous touchez l'ange, le paradoxe le tue...

- Ne lui expliquez pas, bon sang! Vous êtes inconscient? protestait Adrian.

- Vous êtes sûre de vous, Clara? interrogea le Docteur.

 

[Musique facultative (à écouter jusqu'aux ΘΣ): http://www.youtube.com/v/e5PEz99nUu0]

La vieille femme regarda son fils avec un regard triste et nostalgique, puis l'ange, Jonas, qui regardait la statue pour l'empêcher de bouger, et enfin, sur Clara. Sur la jeune "elle". Puis elle regarda le Docteur.

 

- Je n'ai pas choisi ma vie. Ces cinquante longues années, j'ai du les accepter. C'est ce que j'ai fait. Et j'ai aimé ma vie, Docteur. Une vie ordinaire, loin des problèmes, dans cette famille qu'est Coxtin. J'ai vécu avec un homme merveilleux et amoureux, pour qui j'éprouvais une affection particulière, qui n'était ni de l'amitié, ni un réel amour. J'ai vécu... J'ai cru vivre avec un fils fantastique. Je sais maintenant que c'était faux. Vous vouliez savoir ce que j'ai compris il y a quelques instants, Docteur? J'ai compris que je n'ai jamais vécu une vingtaine d'année avec ce garçon, qu'il n'y a jamais eu de bébé sur la plage. Que ce n'était qu'un autre filtre de perception, parmi tant d'autres, du moins je pense. Utilisé par d'autres raisons, sûrement. Mais cette vie est terminée.

- Non... murmuraient Clara et Adrian.

- C'est grâce à ma présence que nous avons pu ramener Clara, Docteur. Mais maintenant, je ne devrais pas exister. Oh, j'existe, et j'en suis fière. Mais cette existence, si elle a eu un sens pendant de longues années, elle n'en a plus, désormais. Mon William est mort, mon Adrian n'a jamais été mon fils. Moi-même, je n'aurais pas du vivre cette vie. Toutes les belles aventures ont une fin, non?

- Clarisse, vous pouvez continuer à vivre sans...

- Non. Je ne vivais plus que pour mon fils. Du moins je le pensais. Je ne vivais plus que pour vous revoir, vous trois. Jonas, le Docteur, et moi. Jonas qui, malgré tout ce qu'il a vécu et enduré dans sa vie, sous la Résistance, ou avec nous, reste droit, et ne cligne pas des yeux. Vous, Docteur, qui êtes merveilleux, malgré que vous soyez parfois froid et distant. Et moi... Cette moi qui avait disparu, remplacée par une personnalité qui s'était forgée année après année. J'avais oublié tout ça, et maintenant... Je suis sûre que si tout était à recommencer, je ne changerai rien. Que je voudrais avoir la vie que j'ai vécue, à Coxtin, parce que celle du TARDIS est trop dangereuse. Mais c'est le choix de Clarisse Sparrow. Celui, finalement, de ne pas avoir le choix. Clara, tu as le choix de ta vie, toi. Tu peux voyager avec le Docteur, voir le temps et l'espace, voir des étoiles vivantes avaler des souvenirs, des sous-marins se perdre dans les banquises, des planètes brûler ou revivre, des centaines d'aliens réunis en un seule lieu, une boîte bleue plus grande à l'intérieur... Tu peux faire tout cela, uniquement si tu le souhaites. Moi je ne le souhaite plus. Mais je ne souhaite plus continuer ma vie non plus, parce que j'y ait tout perdu, même ce que, finalement, je n'ai jamais eu.

- Clarisse... S'il vous plait... S'il te plait... sanglotait presque Adrian.

- Tout ce qu'il me plait, Adrian, tout ce que je souhaite, c'est que Clara vive la vie qu'elle veut. Que je puisse vivre la vie que je souhaite, justement. Parce que je n'ai pas pu le faire. J'ai eu la chance de bien aimer celle que l'on ma offerte, mais maintenant il n'y a plus rien pour moi. Clara, écoute-moi, maintenant. Chaque aventure, chaque étape de tes voyages avec le Docteur... Toutes peuvent y mettre fin,. Toutes peuvent changer ta vie du tout au tout, et celle-ci aurait du le faire. En cinquante années, que pendant les quelques heures passées avec vous, j'en ai enfin pris conscience, et j'ai pris conscience que jamais je ne me posais la question de rester ou non, jamais je ne me disais qu'à chaque voyage, j'avais le choix de rester, de continuer, de tout arrêter, de rentrer... Et maintenant, toi aussi tu en as conscience. Alors lorsque tout sera terminé, tu pourras choisir.

 

Une larme perlait sur la joue de la jeune Clara. Elle allait se sacrifier pour se sauver la vie. Une vie à laquelle elle n'avait jamais vraiment réfléchi. Et face au regard indescriptible de Clarisse, elle abandonna tout espoir de raisonner la vieille femme. Parce qu'elle avait raison: elle avait 70 ans, elle avait perdu son mari, elle avait vécu dans une horrible illusion, et son existence était désormais impossible. Si elle se sacrifiait, tout rentrerait dans l'ordre, tant pour elle que pour les voyageurs temporels.

Et alors, en ayant totalement conscience de ce qu'elle faisait, elle tendit sa main. Son bras se releva, et ses doigts, à moitié resserrés en un poing, lançaient un indescriptible appel vers la vieille femme. Clarisse soupira, et prit doucement la main de sa jeunesse entre les siennes. Sa peau usée caressa quelques secondes la peau lisse et pleine de vie de Clara. Puis tout commença.

La main de la veuve s'illumina doucement d'une lumière blanche, et la réalité elle-même semblait se déformer autour de ses doigts, à la vision en tout cas. De légers crépitements accompagnaient les minuscules étincelles qui éclataient avec calme autour de la peau de Clarisse. Ses deux mains étaient atteintes, et le paradoxe commençait à l'effacer, lentement. Après avoir admiré ses bras qui commençaient eux aussi à s'illuminer, la vieille femme se retourna pour faire face à l'Ange.

 

- Ce sera douloureux, Docteur?

- Pour vous, non. Mais pour nous...

- Si vous parlez du choc émotionnel, j'en suis désolée par avance, croyez-moi.

- Les énergies... murmurait Adrian avec émotion. Il parlait des chocs entre les énergies potentielles, paradoxales et toutes les autres. Le clocher tout entier sera soufflé.

- Je vois. Jonas, tu n'as plus besoin de regarder l'ange. Je vais m'en occuper. Et enfin, si Adrian a raison, je crois que j'ai une dernière chose à vous dire.

 

Clarisse soupira une dernière fois, se permettant de cligner les yeux, pour la dernière fois aussi. L'ange n'avait pas bougé. Elle le fixa, et murmura:

 

- Courez.

- Non... sanglotait Clara.

- Courez, espèces de petits malins!

 

Malgré l'émotion, personne ne se fit vraiment prier, et lorsque Clarisse entendit les premiers pas sur les escaliers métalliques, elle murmura ses derniers mots:

 

- Et souvenez-vous de moi. »

 

Et lorsqu'elle n'entendit plus que le lointain écho des pas rapides, elle avança, sans cligner des yeux, vers l'ange qui semblait s'entourer à nouveau d'énergie. Mais il était trop tard pour survivre. Clarisse Sparrow se planta face à la statue, et après un dernier soupir, elle posa ses mains crépitantes sur les épaules de pierre. Une forte lumière blanche éclata à l'endroit où se touchaient la peau et la pierre, une lumière qui se propagea à toute vitesse, et un sifflement de plus en plus fort, qui annonçait l'imminente fin.

Et dehors, alors que l'église flottait et volait au-dessus des terres d'Angleterre, le cadre de verre de l'horloge du clocher éclata, laissant sortir un souffle bleuté de temps et de mort disperser à jamais les atomes qui jadis constituèrent une fille impossible et un ange maléfique.

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

[Musique facultative (à écouter jusqu'aux ΘΣ): http://musescore.com/user/174425/scores/170058]

 

La porte du TARDIS s'ouvrit à la volée. Depuis la Salle de Commandes, on pouvait voir des étincelles et des flammes surgirent de partout dans la nef du vaisseau, désormais obscure, les vitraux ayant été "fermés" lors du décollage. On pouvait voir les colonnes de pierres éventrées, d'où sortaient des dizaines de câbles coupés qui crachaient des arcs électriques partout, on pouvait voir les bancs de bois brûler et éclater sous le feu.

Le Docteur se précipita à l'intérieur, suivi de très près par Jonas, Clara et finalement Adrian, qui s'était remis de la "surcharge" d'énergie temporelle, et qui tirait du bras le vieux révérend, qu'il avait réveillé de son hypnose.

 

« Mais c'est plus grand à l'intér...

- TAISEZ-VOUS! coupa le Docteur qui enclenchait des dizaines de réglages en tournant autour de la console. Adrian, si vous savez vraiment utiliser le TARDIS, alors vous allez m'aider.

- OK! souffla le jeune homme en reprenant sa respiration, et en relâchant la manche du religieux. Qu'est-ce que je dois faire?

- Je dois essayer de reprendre le contrôle de l'église.

- Avec le TARDIS? Mais...

- Le TARDIS peut remorquer l'église!!

 

Personne ne tenta de poser d'autres questions, vu l'urgence de la situation. L'explosion de la passerelle avait totalement déréglé les systèmes du vaisseau, et toute la machine s'était désynchronisée, résultant en la surchauffe de plusieurs systèmes, faisant fondre les câbles, exploser des réacteurs et parfois pire encore. Le vaisseau était totalement inutilisable, et il fonçait, incontrôlé, en direction de l'espace, au-dessus du Suffolk.

Adrian se jeta sur la Console, et se lança dans de nombreux réglages, en se coordonnant avec le Docteur, ce qui avait le don de surprendre celui-ci.

Après quelques manipulations, le TARDIS se souleva, lévitant dans la nef, et se dirigea à toute vitesse vers la porte de bois imposante du bâtiment, pour l'enfoncer avec force, et déboucher dans les airs.

 

- Je commence l'absorption de l'énergie temporelle, mieux vaut qu'elle ne reste pas dans l'église si l'atterrissage venait à ! criait le Docteur alors que la console elle-même commençait à lâcher des étincelles.

- OK, je tente de faire faire demi-tour au vaisseau! répondit Adrian en se précipitant sur un panneau de la console couvert de manettes.

 

Après en avoir tiré un grand nombre, dans bien des sens et à bien des vitesses différentes, il réussit à raccrocher le TARDIS à l'église, par un lien invisible, et à la retourner en direction de Coxtin, qui se trouvait à plusieurs kilomètres au loin et en contrebas.

 

- On va faire s'écraser l'église si on ne réussit pas à arrêter ses moteurs! hurlait le Docteur pour couvrir les bruits des réacteurs et la respiration mécanique du TARDIS.

- On pourrait tenter de connecter le TARDIS aux systèmes du vaisseau de l'ange!

- QUOI?

- L'ange pilotait avec un lien mental. Il suffit de le réutiliser, mais avec le TARDIS! Il est vivant, non?

- OK, va pour cette solution, mais rien ne nous dit que les réacteurs soient contrôlables même comme ça. Occupez-vous en!

 

Adrian ne parla pas plus longtemps, et courut un peu partout autour de la console, sous l'œil encore triste et larmoyant de Clara, celui ahuri de Palm et celui totalement dépassé de Jonas. Après quelques secondes, le jeune anglais lança:

 

- Lien établi! Moteurs désactivés!

- Bien, on descend vers Coxtin, maintenant! expliqua le Docteur. Adrian, je pilote, regardez par la porte si l'église ne traîne pas trop au sol, vu que ça risque d'arriver.

 

Le jeune homme alla jusqu'à la porte encore ouverte, et regarda sur le coté, pour surveiller le vaisseau de l'ange. Après quelques minutes de descente, et un ralentissement certain, l'église commença à racler le sol, détruisant quelques champs et arrachant plusieurs arbres dans une forêt.

 

- Docteur, la forêt!! avertit le garçon.

- Je fais ce que je peux! Je vous rappelle que je suis en train de remorquer une église à l'aide d'une cabine téléphonique bleue! »

 

Enfin, après quelques secondes, le trou laissé par le décollage apparut devant le TARDIS. Le Docteur désactiva le "lien" de remorquage, laissant l'église glisser seule, grandement ralentie, jusqu'à son réceptacle, ce qu'elle fit sans aucun problème. Le Temple de Coxtin retrouvait sa place, bien que la majorité des vitraux aient éclatés, que le clocher était en flammes, et que l'intérieur de la nef était à moitié ravagé.

Le TARDIS, quant à lui, se posa doucement sur la place de Coxtin, dont les pavés avaient été retournés et brisés par l'impact de l'église. Le Révérend sortit en trombe, totalement affolé. Et derrière lui, la porte de la cabine se referma.

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

[Musique facultative (à écouter jusqu'à la fin du chapitre): http://www.youtube.com/watch?v=V7F3PGRbzRU]

 

« Tout est fini... murmurait Adrian, encore dans le TARDIS.

- Oui, tout est fini, répétait Jonas.

- Non.

 

Tout le monde se retourna vers le Docteur, qui venait de prononcer ces mots.

 

- On s'est occupé de l'ange, donc il est temps pour notre cher ami de répondre à mes questions. Vous ne vous appelez pas Adrian Sparrow, n'est-ce pas?

- Non... répondit le jeune homme.

- Comment vous appelez-vous, alors?

- Je n'ai pas de nom.

- Tout le monde a un nom, même moi. Quel est votre nom?

- Je n'en ai pas, je vous l'ai dit. Je prend un nom quand j'en ai besoin. Et je m'appelle tant Adrian que Léo ou Franck.

 

Le Docteur se tut en entendant la réponse. Cela lui rappelait quelque chose, étrangement... Franck...

 

- Vous saviez pour Clarisse?

- Oui... murmurait le questionné avec une légère culpabilité.

- Depuis combien de temps vous faisiez-vous passer pour son fils?

- Deux mois. Pour bien intégrer le village, c'était nécessaire...

- Et pourquoi avoir fait ça? Pourquoi venir ici? Vous saviez que j'allais arriver?

- Oui, puisque je savais pour Clarisse. J'ai joué le jeu en vous faisant croire que je ne savais rien, que je découvrais tout en même temps que vous.

- Oui, mais pourquoi? insista le Docteur. Pourquoi avoir joué le jeu, pourquoi avoir monté cette mascarade? Pour Clarisse, je comprends qu'elle ait menti, mais vous, pourquoi?

- Parce que je devais vous aider. C'était primordial.

- Pourquoi? asséna le Docteur.

- Je ne peux pas vous le dire.

- Comme toujours. Je vous garderai enfermé là-dedans s'il le faut pour que vous répondiez à mes questions. Mais soit, passons à autre chose: qui êtes-vous?

- C'est pas l'heure, murmura Adrian d'une voix lasse.

 

Le Docteur devint blême. Une personne disait toujours cela, une personne qui ne pouvait pas être ce garçon qu'il avait en face de lui, mais qui pouvait lui ressembler en bien des points.

 

- Pas ça... Pas une deuxième River, je ne le...

- Non, je ne suis pas comme River Song, ne nous comparez pas... Elle vaut mieux que moi... soupirait le jeune homme. Mais comme elle, je connais votre avenir, c'est vrai.

- Quoi?

- Mais pas que.

- Quoi d'autre? Je ne supporte pas les mystères de ce genre! Si vous êtes venu ici, pour me protéger, m'aider ou je-ne-sais-quoi, vous saviez pertinemment que j'allais vous poser ces questions! Alors répondez!

- Non. Je sais assez de choses sur votre avenir et sur votre passé pour qu'une seule de mes paroles provoque des paradoxes sans précédent, Docteur. Et vous le savez. Du moins vous en avez conscience. C'est ma police d'assurance, ma première garantie que vous allez me laisser sortir d'ici.

- Qui pouvez-vous donc être, mystérieux garçon sur lequel on ne peut même pas poser de nom? murmurait le Docteur.

- Vous n'avez qu'à me considérer comme étant... votre Ange Gardien.

- Je crois qu'en matière d'ange, j'ai été serv...

 

Mais le Docteur se coupa au milieu de ses paroles. Parce qu'une étrange mélopée venait de s'insinuer dans son esprit, une mélodie qu'il connaissait bien, qu'il avait bien trop entendu, une chanson qui l'intriguait plus que tout depuis des semaines et des semaines, la chanson du vilain ange et du diable... Et il commença à comprendre.

 

- C'était vous... murmurait-il.

- Oui, avoua le garçon en devinant ce à quoi pensait le Seigneur du Temps.

- La musique, sur Gallifrey, cette "ombre qui a disparu", c'était vous. Franck du Tennessee, à New-York, dans Hooverville, c'était vous, je m'en souviens!

- Et là, bien de nouvelles questions se posent, Docteur, concluait le jeune homme en marchant en direction des portes fermées du TARDIS. Qui suis-je? Comment ai-je fait pour pénétrer dans les installations de l'Infinium pour mettre la musique? Comment ai-je pu vous rencontrer ici et dans presque un siècle? Comment ai-je réussi à placer un champ de perception sur ce village? Comment ai-je pu piloter le TARDIS? Comment ai-je fait pour le retrouver avec Clarisse?

- Vous n'y répondrez pas, n'est-ce pas? Vous pouvez autant être un agent du temps qu'une de mes futures incarnations, j'ai tort?

- L'avenir vous le dira. L'avenir nous le dira, même. Toutes ces questions sont ma deuxième garantie.

- Vous pensez vraiment que je vais vous laisser sortir?

- Oui, Docteur. Parce que toutes ces réponses, vous ne voulez pas les connaître.

 

Le jeune homme attrapa la poignée de la porte, et l'enclencha, prêt à pousser le battant vers l'extérieur, pour revenir sur la place.

 

- Vous voulez les deviner. »

 

Et alors il poussa la porte, et déboucha sur la place de Coxtin, où les habitants se réunissaient autour de l'église en ruine. Dans le TARDIS refermé, le Docteur restait bouche bée, impuissant, laissant partir celui qui avait sauvé sa vie et celle de ses compagnons dans les illusions de Gallifrey. Et après quelques secondes, il se retourna, sous les yeux de Clara et de Jonas, qui avaient du mal à comprendre ce qui se passait, et il arriva face à la grande manette de la console. Un soupir, un léger souffle... C'est tout ce qu'il fit. Une pensée pour Clarisse lui traversa l'esprit. Les souvenirs allaient le hanter, et la seule chose qu'il pouvait faire, c'était s'éloigner.

 

« Clara? demanda-t-il avec un ton qui montrait bien que ce n'était pas une simple apostrophe, mais la question qu'il voulait lui poser.

 

La jeune fille s'approcha de lui, caressa la console du TARDIS, regarda autour d'elle, croisant le regard de Jonas, légèrement triste, et soupira. Il fallait choisir, et bien elle avait choisi. Elle prit la grande main du Seigneur du Temps entre ses doigts, comme pour lui redonner confiance, et lui chuchota sa réponse.

 

- Je reste Docteur... Je reste. »

 

Alors, de son autre main, l'homme triste dans sa boite bleue abaissa la manette, et le silence des questions sans réponses fut remplacé par la respiration mécanique du TARDIS, qui jamais n'avait semblé être aussi froide, à l'oreille du Docteur.

 

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