Doctor Who Alternative: L'Heure des Choix

Chapitre 23 : Chapitre 22: Juger?

5419 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 09/11/2016 18:53

Il était là, dans son expression la plus méprisante, la plus pédante, la plus noble et la plus satisfaite. Le Professeur Walter Siméon. Il se tenait, droit comme un pic, fier comme un coq, à droite de la console mortifiée. L'œil du Docteur se déplaçait pour le détailler, mais il s'agissait bien de lui.

 

« Ce n'est pas possible... murmurait le Seigneur du Temps.

- Malheureusement pour vous, si, Docteur, si tant est que vous soyez encore digne de ce nom.

- Comment avez-vous pu arriver ici? Et comment avez-vous pu prendre cette forme?

- Pour tout vous avouer, je ne suis pas vraiment "là".

 

Et pour illustrer son affirmation, la Grande Intelligence attrapa le cou de Sparrow, qui s'était relevé. Sa main traversa la peau sans même que le jeune homme ne sente quoique ce soit.

 

- C'est un hologramme... murmurait Adrian. Mais qui c'est, Docteur?

- Le Professeur Walter Siméon, ou plutôt, je suppose... la "Grande Intelligence". Je me demandais où était passé Oswin, tiens...

- Elle est morte, indiqua l'hologramme. Les Daleks l'ont exterminée lorsque je leur ai avoué ce que vous planifiez de faire. Ils avaient l'information, ils n'avaient besoin de rien de plus. Mais j'ai réussi à m'échapper de ce corps.

- Et vous avez trouvé refuge ici, c'est cela?

- Oui. Mais le TARDIS s'était fermé à moi. J'ai réussi à rentrer en même temps que vous, mais je restais ici, dans l'air... Jusqu'à ce que vous m'ouvriez grand la porte, Docteur, en ravageant cette salle de contrôle, ce qui a aussi brisé le TARDIS en son plus profond. Je suis à l'intérieur, j'ai le contrôle de presque tous les systèmes. Et je projette cet hologramme pour communiquer plus facilement.

- Ravagé?

 

Malgré l'état horrible de la pièce, le Seigneur du Temps n'avait pas prêté attention aux "ravages". Il avait oublié ce qui s'était passé, bien que d'étranges sensations lui revenaient en mémoire, mais surtout, Siméon avait accaparé toute son attention. Il balaya l'endroit de l'œil, et resta interdit.

Le rotor temporel avait perdu deux néons, et la vitre qui le contenait était fissurée, et à certains endroits, même, brisée. Au-dessus, les "rondelles métalliques" crachaient des étincelles, toutes les petites lampes qu'elles contenaient ayant éclatées, et plusieurs morceaux métalliques avaient été comme arrachés. La console, quant à elle, semblait avoir été frappée par des marteaux: de nombreux boutons manquaient, certains leviers avaient été expulsés, et le panneau ne contenant qu'un écran avaient été jeté en-dehors, laissant la carcasse de l'interface brisée et des centaines fils nus à moitié fondus à la vue de tous. Autour, les deux consoles secondaires étaient en piètre état, l'une ayant vu presque tout ses interrupteurs éclater, tandis que l'autre avait été cassée en deux, l'un des morceaux tenant encore droit, tandis que l'autre, un peu plus long, avait été entrainé au sol par son poids. Sur les murs, les lampes avaient toutes explosé, et crachaient çà-et-là des étincelles. Les parois métalliques étaient parsemées de fissures profondes, qui amenaient sur des mécanismes et des forces multidimensionnels particulièrement dangereux et radioactifs... Le regard inquiet du Seigneur du Temps sur ces cicatrices fut très vite remarqué par la Grande Intelligence, qui se fit "rassurante".

 

- Ne vous inquiétez pas pour les possibles radiations, Docteur. Les champs de forces tiennent bon. Ce n'est pas dans ces failles qu'est votre problème.

- Parce que j'ai un problème?

- Il n'a pas changé, Docteur. Les dégâts occasionnés au TARDIS sont tels qu'il est en train de se résorber... très lentement. Trop. La pression transdimensionnelle, ajoutée aux aléas quantico-temporels, vont faire imploser votre vaisseau.

- En effet... Cela pose problème.

- Tout les êtres vivants étant à l'intérieur seront effacés. Ils n'auront jamais existé.

- Et ça continue... soupira le Seigneur du Temps en s'appuyant sur l'une des barrières.

 

Devant la console, Adrian semblait réfléchir. L'alien aurait pu parié qu'il se remémorait quelque chose, mais bien entendu, il n'avait aucune idée de ce que c'était. Il fixa le jeune homme avec un regard intrigué, puis se tourna vers la Grande Intelligence.

 

- Laissez-moi réfléchir... Ma ligne temporelle a beau avoir "gagné" le combat, elle ne s'est pas encore totalement "implantée". Elle n'est pas encore totalement "soudée" au reste, au passé. Alors si ce vaisseau venait à imploser, au pire, je mourrais sur Trenzalore.

- Vous devriez être un peu plus inquiet, Docteur, remarqua Siméon.

- Pourquoi le serais-je? Nous avons atterri sur une planète, je le sais. Le TARDIS n'est pas en vol, et la lumière qui s'échappe par les fenêtres m'indique bien que nous sommes dans une atmosphère, très probablement respirable pour moi. Il me suffit de sortir, et...

- Et de vivre à jamais sur cette planète. Sans espoir de retour.

- Oui c'est.... c'est un problème difficilement négligeable.

 

Sparrow était bien surpris par le comportement du Docteur. Il plaisantait presque, alors qu'il était en grand danger. Mais finalement, quand il y pensait, Adrian savait que l'alien était plus qu'angoissé en son fort intérieur.

 

- Je vous connais, Docteur, continua Siméon.

- Vous voyez, ça, j'ai du mal à y croire.

- Et pourtant... J'ai accès à tout le TARDIS, même aux champs télépathiques et aux systèmes de surveillance. Toute votre histoires, toutes les pensées les plus fortes, je les connais. Et croyez-bien que les dernières sont des moins belles.

 

En entendant cela, le Seigneur du temps commença à resserrer son poing sur la barrière métallique, mais ne coupa pas son ennemi.

 

- Le Docteur... Le Seigneur du Temps renégat dont le nom est inconnu de tout l'Univers ou presque. L'homme qui rend les gens meilleurs. L'homme qui, en moins d'une heure, a sacrifié sa compagne de voyage, a condamné des millions de Daleks à la destruction mutuelle, a cédé à la tentation la plus vile qui soit, celle du pouvoir absolu, et qui après avoir cédé, a commis le pire et le plus horrible des massacres qu'il n'a jamais eut l'occasion de commettre.

- Ce n'était pas MOI! se défendit l'alien. J'étais sous influence! J'étais sous l'emprise de... du Grand Méchant Loup.

- Mais vous aviez cédé! assénait Siméon. Vous aviez accepté cela. Et dans tout les cas, vous pouviez résister, la preuve étant que vous avez expulsé cette entité hors de vous, et que malgré plusieurs minutes passées sous son pouvoir, vous n'êtes pas en train de mourir, comme vous l'aviez été la dernière fois.

- Je...

- Et si, encore, ce n'était que cela. Mais je sais, par les souvenirs de Clara Oswald et grâce aux champs télépathiques, ce que vous avez fait durant les derniers mois. Depuis votre régénération.

- Et alors?

- Vous avez condamné Honorius Prog à la peine capitale, et vous avez tué des dizaines d'innocents dans une base militaire.

- Ce n'était pas ma faute! J'ai fait en sorte qu'ils sortent tous, j'ai déclenché l'alarme! Certains sont restés, certains ont été atteints par les débris et le souffle, mais ils connaissaient les risques, et ils pouvaient s'éloigner!

- Il n'en reste que Prog a été exécuté par votre faute.

- Je ne l'ai pas condamné, vous le savez très bien.

- Non, en effet. Vous n'avez fait que donner votre avis à un homme qui vous a demandé, mot pour mot, ce que vous feriez si vous étiez à sa place. Vous saviez pertinemment que votre avis ferait loi. Et ce jour là, aviez-vous réfléchi avant de donner votre décision? Aviez-vous pesé le pour et le contre?

 

Le Seigneur du Temps lâcha la barrière, et ses yeux trahirent l'espèce de surprise qui le traversait. Parce qu'il n'avait pas pesé le pour et le contre. Il s'en souvenait parfaitement. Ce jour là, en cet instant précis, il avait décidé de choisir en comptant sur son instinct uniquement. Et il avait choisi la mort.

 

- Et si encore ce n'était qu'un Dictateur qui avait tyrannisé son peuple... Il y a eut d'autres innocents. Les esclaves de cet homme qui avait détourné les travaux scientifiques sur la Régénération. Vous vous en souvenez de ces esclaves?

- Vous ne pouvez pas être au courant de cela!

- Bien sûr que si. Vous étiez accompagné par un jeune homme à ce moment, un certain "Jonas". Ces souvenirs l'ont marqué, et les champs télépathiques les ont détectés. Il vous a vu transformer le scientifique, le "traître", en esclave. Il vous a vu appuyer sur la manette et lancer la régénération. Et ensuite, il vous a vu faire exploser le vaisseau.

- Je n'ai pas fait exploser le vaisseau!

- Mais vous avez ordonné aux esclaves de le faire! C'est tout comme: leur esprit était modelé pour l'obéissance, et vous les aviez hypnotisés! C'est vous qui avez fait exploser le vaisseau, et c'est vous qui avez fait tuer le Dictateur! Vous "utilisez des intermédiaires", vous faîtes tout cela indirectement, pour vous donner bonne conscience! Vous ne supporteriez pas que vos mains soient tachées de sang. Et pourtant elles le sont. En orbite autour de la Terre, dans le vaisseau de ce "Night", vous étiez retenus prisonniers sur la passerelle. Vous vous êtes dégagé, et en cherchant à atteindre l'un des moniteurs, vous avez abattu un homme de sang-froid.

- Je n'ai JAMAIS fait cela! Il y avait le compte à rebours, j'avais déjà été ralenti par d'autres qui avaient voulu m'attaquer pour m'empêcher d'empêcher l'Infinium de prendre le contrôle de la Terre! Je DEVAIS annuler l'ordre avant la fin!

- Et alors? C'était de sang-chaud, dans ce cas? Dans le feu de l'action? Comme toujours, vous vous justifiez, vous trouvez des arguments pour vous défendre, vous n'arrivez pas à assu...

- Il n'était pas mort! Bon sang, j'ai tiré, oui! Au torse! Mais cela ne l'a pas tué.

- Comme c'est triste, alors. Il a souffert le martyr, jusqu'à l'autodestruction du vaisseau, qui a d'ailleurs tué des centaines d'autres innocents et innocentes.

- Des innocents et innocentes? Ils travaillaient pour l'Infinium!

- C'est aussi à ce moment que vous avez tué Night et celui qui se faisait appeler "l'Illusionniste", continua Siméon. Quelle sera votre excuse, cette fois? Votre dédouanement? Ils sont tombés tout seul? Vous vous êtes trompé de coordonnées? C'est la gravité terrestre qui les a attiré vers le bas?

- L'un d'entre eux a survécu, rappela le Docteur, en serrant les dents.

- Oh, mais bien entendu, vous le saviez déjà, à ce moment. Vous vouliez les tuer! Et n'oubliez pas Clarisse Sparrow: c'est VOUS qui lui avait expliqué comment faire pour que le paradoxe l'efface.

- C'est elle qui a demandé, et c'était sa volonté, indiqua Adrian, dont la mine était de plus en plus sombre.

- Et de toute façon, le paradoxe ne pouvait pas continuer trop longtemps. Il fallait qu'elle s'efface. Mieux valait qu'elle ne s'efface pas en vain.

- Et nous y revoilà! Une excuse! crachait la Grande Intelligence. Et voilà la façon dont vous considérez les "erreurs", c'est cela? Elle n'aurait pas du exister, alors il faut s'en débarrasser? Voilà qui est bien loin des idées que vous défendez. Et ces esclaves, qu'avaient-ils fait pour qu'ils aient besoin de faire exploser leur vaisseau?

- Ils avaient trahis eux aussi!

- Vous auriez pu utiliser le régénérateur du vaisseau, et les transformer, en faire des gens "exemplaires", repentis.

- Et manipuler tant leurs corps que leurs âmes? s'exclama le Docteur. Et devenir le Bâtard du Temps que Thangan Witnink, l'un des hommes les plus honnête que je n'ai jamais rencontré, a refusé de devenir alors que sa vie en dépendait? Et trahir sa confiance? Ses dernières volontés?

- Encore une excuse! Une autre façon de se dédouaner!

- Mais peu importe, où voulez-vous en venir, bon sang!?

 

Siméon lâcha un rictus méprisant. De son coté, Adrian semblait angoissé. Au fur et à mesure de la "conversation", son estomac se nouait de plus en plus. Ce qu'il entendait commençait à lui faire peur.

 

- Il y a longtemps, Docteur, je vous ai demandé quel était votre nom, rappela l'hologramme. Grande question, n'est-ce pas? Laissez-moi vous en poser désormais une autre. Quel est votre titre?

 

En entendant cela, l'alien, qui fixait Adrian, tourna sa tête vers la Grande Intelligence. Ses yeux s'étaient agrandis et sa respiration s'accélérait.

 

- N'essayez même pas! grogna-t-il violemment en marchant rapidement jusqu'à la console, pour se planter devant Siméon..

- Ne le reconnaissez-vous pas vous même? Ne le comprenez-vous pas au plus profond de votre âme, en réagissant aussi brutalement?

- Vous ne savez rien de moi, vous m'entendez! Ni de ce que tout cela représente.

- Bien au contraire...

- Pourquoi suis-je parti, d'après vous, Docteur? demanda une voix masculine derrière le Seigneur du Temps.

 

L'alien desserra les poings en entendant cette voix. Il la reconnaissait parfaitement. Et l'entendre l'effrayait un peu. Il se retourna, lentement, et fit face à celui qui l'avait accompagné pendant des mois. Il était là, devant lui, Jonas, avec sa veste remplies de poches, son visage innocent, et son regard curieux.

 

- Pourquoi? répéta le Qatrosien. Pourquoi ai-je abandonné la vie incroyable dans le TARDIS?

- Parce que... Parce que vous... vous ne vouliez plus voir des choses horribles, parce que vous aviez une dette envers Élémohn... Parce que vous aviez trouvé une vie qui vous convenait et... Et pourquoi est-ce que je le vouvoie. Il n'est pas là. Ce n'est qu'un hologramme... Comment osez-vous l'utiliser comme ça!! hurla le Docteur en se retournant brusquement vers Siméon.

 

Celui-ci regardait toujours l'alien de haut, mais ne parla point. Aucune expression ne traversait son visage holographique. Il était froid comme le marbre.

 

- Parce que j'avais peur, asséna Jonas derrière le voyageur temporel. J'avais peur de vous.

- Vous ne pouvez pas connaître ses raisons... assura le Docteur à la Grande Intelligence.

- Bien sûr que si, répondit Siméon. Que croyez-vous qu'il avait en tête en préparant ses "valises"? Il ne l'a pas fait de gaieté de cœur, c'est sûr. Il en a même pleuré, si vous voulez tout savoir, en voyant sa chambre vide. Mais il a décidé de partir. Parce qu'il vous craignait. Et il avait raison.

- Vous... Vous...

- Vous ne méritez plus le titre que vous vous êtes octroyé.

- Vous ne pouvez pas dire...

- Si, je le peux!

 

Siméon disparut. Le Docteur recula, surpris. Et alors, derrière l'endroit où se trouvait auparavant la "Grande Intelligence", un autre hologramme apparut. Celui du Docteur, mais pas n'importe lequel. Le Docteur de la Guerre, avec ce visage vieilli qu'il avait lors de ses derniers jours, avec sa barbe irrégulière, son manteau de cuir, ses longues bottes, son tournevis attaché à une bandoulière qui ceignait son torse, et son regard fatigué.

 

- Je vous interdit de...

- Est-ce que tu te souviens de ce que l'on avait dit? coupa le vieil homme avec sa voix brisée. Ce que j'avais dit, en tout cas. Ce jour là... Le dernier jour, malgré tout les changements, une chose est restée, avec les trois qui ont suivi. Une mission et un principe que tu a rejeté. Une autre promesse qui faisait de nous ce que nous sommes devenus après cette guerre. Moi, et ceux qui m'ont suivi. Ce jour là, j'avais dit qu'il en était assez. Ce jour là, je faisait une nouvelle promesse, que tu n'a pas tenue. J'avais dit "assez"... J'avais dit "plus jamais"...

- Et tu as failli commettre un double génocide! répliqua le vrai Seigneur du Temps, sans même se rappeler qu'il ne s'agissait que d'un hologramme de la Grande Intelligence.

- Oui mais il y avait cet homme, ce dictateur... rappela une autre voix, plus à gauche.

 

L'alien se tourna, et vit qu'un deuxième hologramme était apparut, celui d'un homme de petite taille, habillé d'une veste noire et d'une chemise bleue, aux cheveux obscurs parfaitement coiffés en une sorte de casque.

 

- Il me ressemblait beaucoup... continua cette deuxième incarnation du Seigneur du Temps. Salamander, n'est-ce pas? Certains "résistants" me demandaient mon aide. Des anciens hommes d'états déchus par Salamander, diffamés! Je ne les ai pas cru tout de suite, d'ailleurs l'avenir m'a en partie donné raison. Mais je voulais avant tout des faits! Ils souhaitaient que je me fasse passer pour lui, pour mettre la main sur les dossiers l'incriminant. Mais ils voulaient aussi que je le tue. Et qu'avais-je répondu? Mot pour mot, mon cher: "Je le confondrai, le ruinerai, le ferai arrêter, mais je ne serai pas son exécuteur! Personne n'a ce droit!"

- Je n'ai pas tué Prog! répéta l'alien.

- Mais tu souhaitais sa mort.

 

Encore à gauche, un autre était apparu, dans son long manteau, les mains dans les poches, mais le regard grave. Celui qu'Adrian avait rencontré à New-York.

 

- Et tu souhaitais la mort de tout ces Daleks. Alors que des siècles auparavant, il y avait Caan. Dalek Caan. Celui qui a détruit la meilleure chance qu'avait les Daleks de devenir meilleurs. Celui qui a fait tué Salomon. Celui qui a déclenché un génocide devant des yeux innocents.

 

Il fixait Sparrow, dont la gorge se nouait en se souvenant de ces horribles événements. Puis, il se tourna vers "sa future incarnation".

 

- Et malgré tout cela, je l'ai épargné. Je lui ai laissé une chance. Tout comme j'ai toujours voulu laisser une chance à tout ceux qui la méritait. Une chance, juste une. Alors que toi tu les a tous tués. Tu avais la possibilité d'enfermer le Dictateur à vie dans une prison, celle de transformer tout ces esclaves en humains doués de véritables consciences, voire même de leur redonner leur formes précédentes. Tu aurais pu donner une autre chance à ce Night et à l"Illusionniste. Mais tu ne l'a pas fait. Tu ne l'as jamais fait. C'est bien trop facile d'agir comme tu le fait, mais que fais-tu de cette promesse que nous avons toujours voulu respecter? Jamais de cruauté. Jamais de lâcheté!

- Jamais céder! continua une autre voix encore à gauche.

 

Le Docteur avança, et vit un nouvel hologramme apparaître. Ils apparaissaient autour de la console, comme des aiguilles allant à l'envers... Celui-ci avait un T-Shirt noir, et un gilet de cuir de la même couleur. Ces cheveux coupés très court laissaient parfaitement dépasser ses voyantes oreilles.

 

- Tu as cédé à la pire des tentations. Tu as regardé dans le cœur du TARDIS, dans le vortex. Et tu l'as laissé te prendre. Tu l'as laissé te posséder. Tu as utilisé son pouvoir. Alors que tu savais pertinemment qu'il utiliserait ta haine et ta colère! Moi, je savais parfaitement que je n'étais pas blanc comme neige, dans mon esprit! Lorsque j'ai enlevé ce pouvoir du corps de Rose, lorsque j'ai absorbé le vortex, j'ai tout de suite résisté! Je l'ai tout de suite rejeté! Même si je savais que cela me tuerait. J'avais conscience du danger. Et tu l'avais aussi!

- Un jour j'ai fait une promesse, rappela une voix chevrotante.

 

Encore une fois, l'alien se tourna vers la gauche. Il avait presque fait le tour de la console. Face à lui se dressait sa toute première incarnation, dans les dernières années de sa vie. Diminuée et vieillissante.

 

- Je crois qu'il n'est jamais inutile de se rappeler de cette promesse, de s'en souvenir, et de la répéter. Plusieurs fois j'ai failli ne pas la respecter, mais je m'en suis toujours souvenu, ou quelqu'un me l'a rappelée, toujours à temps. Jamais de cruauté. Jamais de lâcheté. Jamais céder. Jamais abandonner.

- Ce n'est pas aussi simple! Ce n'est pas que ça, être le Docteur! Ce n'est plus la même chose!

- Alors c'est comme ça? Vous refusez d'assumer. Comme toujours. Cela vous fait peur.

 

La voix qui venait de parler était plus que familière au Seigneur du Temps. Il recula de sa première incarnation, passant devant Adrian, qui restait silencieux, pour se placer devant la console, dans l'axe de la porte. Et là, en face de lui, dans le petit chemin menant à la sortie, un sixième hologramme était apparu. Chemise blanche, veste noire, yeux d'un bleu-vert grisâtre... C'était lui. Le douzième Docteur, la treizième incarnation, la quatorzième vie. Il était face à lui-même. Et en voyant cette projection, il recula, et se colla au panneau de la console, alors qu'autour de lui, il sentait presque les regards durs des cinq autres hologrammes.

 

- Vous pourriez très bien abandonner votre titre. Mais vous ne pouviez pas le faire, pas après avoir révélé cette promesse à votre compagne, et surtout pas après avoir "réhabilité" votre autre vous. Surtout pas après avoir vécu l'apogée de ce qu'il signifiait. Mais vous pouviez aussi garder ce nom et mentir. Respecter la "Règle N°1", et l'assumer, ne serait-ce que pour vous-même. Mais ça non plus, vous ne pouviez pas le faire. Cela vous effrayait. Non, vous trouvez une excuse, encore. Vous changez les choses. Vous modifiez le sens de ce que c'est d'être le Docteur, vous gardez une large interprétation. Vous adaptez le titre à ce que vous êtes devenu plutôt que de vous adapter au titre et à ce que vous vouliez devenir. Car vous avez peur de ce que vous êtes devenu.

- Je n'ai pas peur de moi-même, répondit le Docteur avec un ton laissant sous-entendre qu'il s'agissait là d'une évidence.

- Bien au contraire. C'est votre plus grande peur.

 

Adrian se tourna vers le vrai Docteur, et son visage trahissait une certaine incrédulité de sa part.

 

- Ce jeune homme semble surpris... murmura l'hologramme. Lorsque, sur la fausse Gallifrey, vous êtes allé "sauver" ce cher Seigneur du Temps ici présent, vous ne semblez pas être resté plus longtemps. L'Illusionniste l'a confronté, par le biais de champs télépathiques très sophistiqués, à sa plus grande peur. Ses plus grandes peurs, dirais-je. Il les a affronté avec "brio", ce jour là. Mais il ne les a pas totalement comprise. Il s'est retrouvé nu sur Trenzalore. Dans la neige. Trenzalore, Docteur, l'endroit où vous deviez prononcer votre nom. Vous pensiez que c'était cela votre peur, et vous n'aviez pas totalement tort. Les Seigneurs du Temps, le spectre de la Guerre. Vous vous êtes débarrassé de ces illusions, mais pourtant, au fond de vous-même, vous sentiez que ce n'était pas tout. Et vous en rêviez chaque nuit passée dans ce TARDIS, dans vos cauchemars.

 

La gorge du Seigneur du Temps se noua en entendant ces mots. Parce que cet hologramme avait raison.

 

- Sur Trenzalore, il y avait ce champ de vérité. La vérité vous fait peur. Et sur Trenzalore, vous êtes né, vous, cette incarnation que vous avez face à vous! Vous risquiez de donner votre nom, la chose la plus précieuse que vous aviez, ce que vous cachez sous votre titre, titre qui n'a plus lieu d'être si vous répondez à la Question. Vous étiez nu sur Trenzalore, dans la neige, exposé à la vue de tous, le vrai vous était là, et non pas les titres et phrases qui camouflent votre véritable personnalité. Vous avez peur de la vérité, vous avez peur de vous-même et de ce que vous êtes devenu. Voilà votre plus grande peur: le vrai vous. La vérité sur vous. Celle que vous souhaitez même cacher à vous même.

 

Et alors que cet hologramme achevait de dire ceci, les autres se mirent à parler, et à répéter leurs paroles.

 

- Plus jamais!

- Personne n'avait ce droit!

- Tout le monde mérite une chance!

- Tu as cédé!

- Jamais de cruauté! jamais de lâcheté! Jamais céder! Jamais abandonner!

- Arrêtez... murmurait le Docteur, affolé. Arrêtez! ARRÊTEZ!!

 

Les voix l'assaillaient, et il plaqua ses mains contre ses tempes et ses oreilles pour ne plus rien entendre, mais rien n'y faisait, et les larmes commençaient à couler sur ses joues.

 

- Voilà pourquoi vous n'allez pas sortir par la porte! continua son hologramme. Parce que si vous le faîtes, vous vivrez avec tout cela sur la conscience. Alors qu'en restant ici, en vous faisant effacer, vous effacerez tout ce qui vous déshonore. Et vous sauveriez la vie de Clara Oswald. Si vous mourriez sur Trenzalore, cette "Tasha Lem" pouvait très bien la ramener à son époque.

- Mais cela effacera aussi ses bonnes actions, toute celles qui l'honorent! intervint Adrian, qui s'était remis de ces dernières révélations. Même s'il sauvera Clara, il condamnera sûrement l'Univers, il l'a dit lui-même! Il y a l'Infinium!

- Certes, vous avez le choix, Seigneur du Temps. Alors choisissez! Entre l'exil et l'inexistence! La culpabilité et la rédemption. Choisissez, entre sortir, et rester ici! Maintenant! »

 

Et alors que la Grande Intelligence prononçait ces derniers mots, un bruit résonna dans les entrailles du vaisseau. La cloche du cloître vibra dans les oreilles du Docteur. L'implosion était imminente, le danger était grand. Mais dans l'esprit de l'alien, et dans celui d'Adrian, la cloche sonnait autre chose. La fin du douzième Docteur. Car jamais plus il ne le serait, ou jamais il ne l'aurait été. Minuit s'achevait en ce jour. La cloche du cloître sonnait sa dernière heure. L'Heure des Choix.

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