Doctor Who Alternative: Saison 9

Chapitre 4 : L'Ombre d'un Doute [Partie 4]

8587 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/03/2015 12:04

Aurore ferma les yeux avec force. Elle ne voulait pas voir la mort en face. Si elle les avait ouvert, elle aurait pu ressentir les évènements au ralenti, tout aurait pu sembler si lent et distant. Mais ce fut en réalité bien rapide.

Elle entendit un sifflement dans l'air, et quelque chose comme une poudre ou un liquide s'écrasa sur sa poitrine. Elle eut à peine le temps d'ouvrir ses paupières qu'une main forte l'avait attrapée et la repoussait en arrière.

 

« Aurore, reviens! cria Sigmalion derrière elle.

 

Elle se retourna, et vit le Seigneur du Temps, affolé, lui faire signe de le rejoindre. Mais en regardant face à elle, l'horreur la prit.

Mahieu et Léo affrontaient l'Ombre, avec leurs épées brûlantes. Ils frappaient tantôt le mur, tantôt un tentacule qui essayait d'en sortir. Cependant, ils ne voyaient pas que des bras de chair noire se formaient autour d'eux pour tenter de les envelopper.

 

- Reculez! hurla Aurore. RECULEZ!

 

Léo ne se fit pas prier et courut en arrière, tandis que Mahieu continuait d'asséner des coups d'épées d'où jaillissaient des flots d'atomes libres. La jeune femme continuait de crier, lui demandant, l'ordonnant même, de fuir, de rejoindre le Docteur. Mais il n'écoutait plus rien. En une journée il avait tout perdu. Des amours et des amitiés. Il avait perdu Rokoy, il avait perdu Timo... Et ensuite il avait perdu Léo, qui avait, semblait-il, menti à tous. De même pour Sigmalion. C'était trop pour lui. Il y avait encore des gens, bien sûr, quelques amis, quelques connaissances. Il restait même Aurore. Mais face à toutes ces pertes, ce n'était rien. Alors il frappait, il déversait sa haine, sa rage, sa tristesse et son mal-être dans ces coups de sabres. Le sang battait fort dans ses tempes, réchauffé par la lame qu'il assénait sur le mur noir qui s'effritait de cette poussière d'atomes. Toute la force qu'il lui restait, toute sa vie, était réduite à cette violence bestiale. Ce n'était pas pour venger qui que ce soit, ce n'était pas pour se défendre... Mahieu vivait et se sentait vivant. Frapper le vivifiait. Il n'y avait plus de haine, plus de rage, plus de tristesse, plus de mal-être, plus d'estomac qui se nouait. Non, il n'y avait plus que cette épée, ce mur impénétrable et cette mort presque certaine. Face à cela, Mahieu n'offrait qu'une vie toute faîte de flammes.

 

Quelqu'un l'attrapa brusquement par les épaules, et le tira en arrière. Il ressentit le contact chaud de ces doigts, la poigne de Léo. Il entendit les échos des cris autour de lui, il vit encore le mur noir face à lui, et surtout le bras sombre qui en sortait, couvert d'un sang qui s'obscurcissait peu à peu. Mais tout semblait flou, les sons, les couleurs, les sensations. Son épée lui échappa des mains, mais ce n'était plus important. Un seul mot était important, un mot qui semblait résonner comme un écho au-dessus de tout les autres.

 

- COUREZ! »

 

Il se retourna, et commença à courir. Mais une douleur dans son ventre l'en empêchait. Ses jambes ne lui obéissaient pas, et il s'écroula au sol.

 

Léo se retourna juste avant que son ami ne tombe, et il comprit que c'était trop tard. Car avant que Mahieu ne trébuche, il avait vu son ventre. Son abdomen ensanglanté. Ce trou à travers les vêtements, la peau et les organes. En un éclair il avait compris. Dans sa "folie", le jeune Asmara avait été attrapé par l'Ombre. Elle avait réussi à l'atteindre à l'abdomen, et personne ne l'avait vu. Il l'avait tiré en arrière, arraché brusquement... Une partie de lui avait déjà été transformée, à l'intérieur de son corps. Et il l'avait tiré. Il l'avait condamné.

Devant lui, le visage de son ami se releva. Pas une larme ne coulait sur ses joues. Derrière lui, trois autres tentacules l'avait attrapé par les pieds, et commençaient à le transformer. Il serrait les dents sous la douleur, mais ne criait pas. Il fixait Léo d'un regard que celui-ci n'oublierait jamais. Les yeux bleus clairs du mourant ne lançaient ni le reproche, ni la tristesse, ni même le pardon. Ils hurlaient l'incompréhension. Incompréhension de ce qui se passait en ce moment-même dans sa chair, incompréhension de ce qu'était ce Docteur, de qui était Léo, de ce mariage, de ces morts, de ces vies... Mahieu ne comprenait pas.

Il eut pourtant un dernier geste. Sa main, plantée dans sa poche, ressortit de celle-ci, le poing fermé mais tremblant sous la douleur. Il la ramena jusqu'à son visage, et déploya ses doigts. Et sur la paume rouge et brûlée du jeune Asmara, Adrian vit la pièce d'or. Celle qui les représentaient lui et son épouse. Et alors il pria, quelque divinité que ce fut, Nature, Dieu, les Vivantes Étoiles. Il pria au plus profond de lui-même que Mahieu allait jeter cette médaille devant lui. Qu'il allait employer ses dernières forces à sauver ce symbole de leurs amitiés, et de ce mariage.

Mais dans ses derniers souffles, alors que son abdomen ravagé était presque totalement transformé, et que la vie si brûlante s'échappait de son corps, Mahieu ramena sa main vers lui. Il pressa la pièce sur son torse. Sur son cœur. Et en un éclair il ne fut plus. Son visage retomba mollement au sol, et l'Ombre finit son travail, noircissant à jamais le cadavre du jeune homme et les portraits des amants.

 

L'Ombre d'un Doute

PARTIE 4

 

Léo trotta rapidement jusqu'au panneau orienté vers la sortie du vaisseau, et déclencha deux petits interrupteurs en bas à droite du panneau. Celui le plus à l'extérieur ferma les portes de bois du TARDIS, et celui de gauche les verrouilla.

Un petit hoquet de stupeur retentit derrière lui, et en se retournant, il entendit Aurore bafouiller.

 

« C'est… c'est plus grand… c'est…

 

La jeune femme commençait à perdre ses esprits, et Adrian s'en aperçut à temps pour courir jusqu'à elle, devant la porte, et la rattraper avant qu'elle ne perde l'équilibre.

 

- Mahieu… Il est… l'intérieur c'est…

- Tout va bien, Aurore, murmurait le jeune homme. Tout va bien se passer. On va s'en sortir.

- Papa… L'Ombre… Elle…

 

Léo se pencha et déposa un baiser sur le front de son épouse, essayant de la rassurer. Après quelques secondes, elle s'assoupit, ce qui permit au jeune homme de lâcher un soupir de soulagement.

 

- Laisse-moi t'aider, proposa le Docteur, qui venait de régler plusieurs systèmes sur le panneau qu'avait utilisé son "fils" l'instant précédent.

- M'aider à faire quoi?

- À la déplacer. Il y a un fauteuil, là, on devrait la mettre dedans. Elle se reposera mieux que sur le sol.

 

Adrian hésita quelque secondes, mais finit par acquiescer d'un signe de tête. Le Seigneur du Temps alla attraper les jambes d'Aurore, et ensemble ils marchèrent à reculons pour sortir de l'espace entre les deux barrières dorées qui se trouvait dans le prolongement de la porte, et la déplacèrent vers la droite, pour la coucher sur un fauteuil de cuir garni et confortable, dans l'espace libre entre la console et l'une des portes intérieures.

 

- En fait, qu'est-ce que tu as fait sur la console?

- Te voilà très possessif, Léo. Cela reste mon TARDIS. N'empêche... Rappelle-toi que l'Ombre veut le TARDIS, et l'énergie Artron. Il ne faut pas qu'elle réussisse à les obtenir. J'ai mis les boucliers au maximum, et j'ai réduit leur portée. Ils n'encadrent que le TARDIS et quelques nanomètres d'espace libre autour.

- Pourquoi faire ça? Il faudrait décoller, et…

- Et pour cela utiliser de l'énergie Artron. Bien entendu, l'Ombre sait où nous nous trouvons, et elle arrive. Mais elle réussirait à capturer cette énergie! Même si on peut décoller, elle sera devenu encore plus forte!

- Dans ce cas, autant déployer l'énergie auxiliaire au maximum.

 

Léo alla devant le panneau qui contrôlait la régulation et la distribution d'énergie, et poussa au maximum le levier de gauche, déjà placé au tiers de sa course. À gauche des leviers, quatre petits sliders horizontaux, placés les uns en dessous des autres, étaient tous au milieu de leur fente. Ils contrôlaient la distribution générale en énergie. Le jeune homme déplaça les deux du bas, qui régulaient l'apport des systèmes de survie et des systèmes secondaires, vers la gauche, les poussant presque au minimum, puis il poussa les deux autres vers la droite, au maximum, ordonnant donc à l'appareil de déployer l'énergie disponible en très grande majorité vers les systèmes de propulsion et de dématérialisation, ainsi que vers les systèmes de défenses, incluant donc les boucliers. Après réflexion, il repoussa légèrement le deuxième à gauche, pour laisser la priorité aux systèmes de dématérialisation.

 

- Elle arrive… annonça le Docteur, placé devant le panneau opposé à celui de Léo.

- Tu la vois sur l'écran?

- Oui, partout autour de nous.

- De quoi?

 

Léo se déplaça jusqu'à l'alien, et vit sur l'écran une sorte d'anneau difforme et verdâtre, fait de tâches plus ou moins foncées, qui semblait se resserrer. Et au centre se trouvait la chaumière.

 

- Elle a réussi à encercler la maison, murmura Sigmalion. Elle remonte la colline.

- On ne peut pas compter sur les villageois derrière? Ils ont bien réussi à lui tirer dessus lorsqu'on était face à elle.

- Et on a vu les conséquences. De toute façon, je pense qu'elle ne veut désormais rien d'autre que l'énergie Artron. Et elle est trop près du but pour s'en détourner. Et lorsqu'elle découvrira les dimensions relatives du TARDIS…

- Il faut qu'on décolle le plus vite possible.

- On ne pourra pas. Mais on pourrait décoller lorsqu'elle sera accrochée au vaisseau. Avec un peu de chance…

- Alors on attend?

- Oui, mais il faudra le faire le plus vite possible de toute façon. Supprime toutes les salles auxiliaires.

- Inutile, j'ai assez réduit l'apport en énergie aux systèmes secondaires et aux systèmes de survie pour qu'elles s'effacent automatiquement. Mais il ne faut pas se faire d'illusions.

- Oui, je sais, on aura difficilement assez d'énergie pour un décollage. Mais…

 

La cloche du cloître coupa le Docteur dans ses paroles. Cela ne pouvait signifier qu'une chose.

 

- Elle arrive… chuchota le Docteur.

 

Il y eut quelques secondes d'un silence troublé par le son du danger qui résonnait dans les entrailles du vaisseau, puis d'autres alarmes commencèrent à crier. Sur le panneau à droite de celui de l'interface-écran-radar, une jauge bleue vers la gauche commençait à baisser un peu trop vite: celle des boucliers.

 

- Il faut augmenter leur puissance! cria Léo.

- Non, ça va drainer toute l'énergie dont on a besoin pour la dématérialisation. Mets toi du coté de la régulation, d'ailleurs, il faut que je prépare le TARDIS.

 

Alors que le Seigneur du Temps se déplaçait devant le panneau à gauche de celui de l'interface, plusieurs étincelles sautèrent de la console, ou apparurent dans le rotor temporel.

 

- Il n'y a pas assez d'énergie dans les moteurs… maugréa l'alien en consultant un cadran à aiguilles sur la partie horizontale du panneau. Je crois qu'il va falloir effectuer une dématérialisation d'urgence

- Parce que ce n'était pas sensé être une urgence de toute façon?!

- Quand je dis "dématérialisation d'urgence", je veux parler du système de dématérialisation d'urgence. Tu sais comment on peux en faire une ?

- Oui, je crois… Laisse-moi te montrer.

 

Tandis que Léo se déplaçait pour aller vers son "père", celui-ci avait un peu examiné le panneau. L'ancienne manette double avait été remplacée par une sorte de… levier de vitesse. Au centre du panneau était placé un rectangle creux, rempli de cuir, et d'où sortait une sorte de levier de bois ressemblant grandement à ceux présents sur les boites automatiques des voitures coûteuses. Juste à gauche il y avait le cadran qu'il avait consulté, et juste à droite du levier, plusieurs sliders, épais, semblaient attendre qu'on les utilise. Le Docteur commença les réglages pour la dématérialisation, pour que celle-ci soit la moins violente possible, puis activa quelques interrupteurs placés en-dessous des sliders, et de petits leviers situés sur le panneau vertical, pour configurer précisément le processus.

Du coté gauche du panneau, en-dessous du cadran dont l'aiguille augmentait lentement, mais n'avait pas encore atteint la graduation verte indiquant que le minimum requis était atteint, il y avait un petit volet de bois horizontal. Il ne faisait que 6-7 centimètres de large, pour une quinzaine de long. Adrian le fit coulisser vers la gauche, le faisant disparaître dans la console, et révélant ainsi une cavité rectangulaire à l'intérieur de laquelle étaient placées deux rangées de trois boutons dorés chacune.

 

- OK, là-dedans y a tout ce qui est "urgence", je crois. C'est celui-là pour la dématérialisation, indiqua-t-il en montrant du doigt le bouton en bas à gauche.

- Merci.

- Mais en quoi ça va nous arranger de disparaître? L'Ombre menacera toujours le village!

- Non. J'ai réglé le TARDIS autrement... Je ne souhaitais pas en arriver là, mais je n'ai plus trop le choix...

- De... Qu'est-ce que tu veux faire?

- Sois prêt à pousser le levier d'énergie principal à mon commandement, d'accord? Mais pas au maximum.

- 75%?

- Oui, ce sera amplement suffisant.

 

Le Docteur posa son doigt sur le bouton doré, et fixa le cadran à aiguilles juste au-dessus. C'est un un cadran entièrement circulaire, et l'aiguille à l'intérieur avançait lentement, n'ayant toujours pas atteint le premier quart. Quelques graduations au-dessus de ce point était placé un repère rouge. Le minimum pour une dématérialisation d'urgence. L'aiguille s'en approchait de plus en plus.

Une autre alarme cria, et les deux voyageurs temporels comprirent immédiatement que les boucliers venaient de lâcher. La cloche du cloître résonna avec une force retentissante, surpassant toutes les autres, tandis que les étincelles éclataient de partout et que le vaisseau tout entier semblait trembler.

 

- Il faut décoller! cria Léo.

- On y est presque...

 

Le Seigneur du Temps était fixé sur l'aiguille, qui n'était qu'à deux graduations du repère rouge. Une pensée lui vint brusquement, et il ramena sa main sur le levier horizontal situé en haut à gauche du panneau, presque identique à celui de l'ancien TARDIS. Il s'agissait du levier des freins. Il le poussa en avant, pour les désactiver, puis vit que le seuil minimum était passé.

 

- Pousse, maintenant! hurla-t-il en pressant le bouton. »

 

Le TARIS lança un hurlement métallique, malgré les freins lâchés, et fut atteint d'une forte secousse. Adrian eut le réflexe de s'accrocher à la console, et réussit à pousser lentement le levier.

Le Docteur, quant à lui, se balança vers le panneau à sa gauche (qui était à droite de celui des énergies), et le détailla avec rapidité, pour retrouver le fonctionnement des appareils. C'était la partie de la console dédiée à la navigation, au pilotage. Au centre du panneau horizontal, deux espèce de cercles concaves blancs, enfoncés dans le bois, faisaient office de "manches à balais". Mais c'était les deux leviers à droite de ces disques qui l'intéressaient. Il attrapa celui de gauche, placé à mi-parcours, et le poussa vers l'avant.

 

Et alors, dans le vortex, une forme noire commença à se déplacer. Une forme noire qui était apparue de nulle part quelques secondes auparavant, et qui semblait comme s'étirer, formant une queue, courant comme une sombre comète dans les affres du temps. L'Ombre partait en morceau, les atomes se désolidarisaient les uns des autres et étaient expulsés par la vitesse croissante du TARDIS. Et après quelques secondes, l'Ombre autour du TARDIS avait disparu. Dispersée en des milliards de milliards d'atomes à travers les tréfonds de l'Espace-Temps.

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

Le Docteur releva le levier principal, la "boite de vitesse", comme il commençait à le considérer, et le rotor sembla s'illuminer d'une lueur plus forte, tandis que la respiration métallique du vaisseau emplissait la salle de contrôle. Quelques secondes plus tard, le bruit sourd de l'atterrissage et le silence qui suivit laissa l'occasion aux deux voyageurs temporels de soupirer un peu, et de reprendre leur souffle.

 

« Elle est partie? demanda Léo.

- Oui... répondit le Seigneur du Temps avec une légère émotion dans la voix. J'aurais voulu que le problème se règle autrement, mais elle ne m'a pas laissé le choix.

- C'est vrai... On est à Greyhom?

 

L'alien jeta un coup d'œil à la partie verticale du panneau de pilotage, à sa droite, dans lequel étaient incrustés deux petits écrans qui en encadraient un plus long, placé au centre, qui affichait les informations générales sur les planètes environnantes. Il détailla l'écran tout à gauche, et lu à voix haute les informations affichées:

 

- Localisation Spatiale: Sielda-584 B, système de Sielda-584, galaxie de Brinkner. Localisation Temporelle: -1044 de l'ère Terrienne

- C'est la bonne planète, et la bonne année.

- Regarde les caméras, si tu veux vérifier.

 

Le jeune homme acquiesça, et alla devant le panneau placé en direction de la porte. Il appuya sur l'interrupteur tout en haut de la partie horizontale, à la limite de la verticale, et toute une portion du mur au-dessus de l'escalier descendant devint noire, comme transformée en écran. Six petits boutons dorés se trouvaient autour de l'interrupteur: trois à droite et trois à gauche. Léo appuya sur le plus proche de gauche, et une image de ce qu'il y avait en face du TARDIS apparut sur l'écran, ainsi que sur un hologramme projeté depuis la partie verticale de ce panneau.

 

- C'est bien Greyhom... murmura le Docteur. Ou ce qu'il en reste.

 

L'image montrait les images de terrains de terres nues, ou de chaumières partiellement disparues. Personne ne semblait avoir aperçu le TARDIS, qui avait vraisemblablement atterri au pied de la colline du village, face au cœur de Greyhom, et dos à la maison de Sigmalion et de Léo. Celui-ci appuya sur les cinq autres boutons en même temps, et l'écran afficha une vue panoramique de tout ce qu'il y avait autour, ainsi qu'au-dessus et en-dessous de la cabine. Le jeune homme utilisa une sorte de sphère incrustée dans la partie verticale, à coté du projecteur, pour faire pivoter l'image holographique de celui-ci, ainsi que celle placée sur l'écran, de façon à mettre les vue de l'arrière et du haut au centre.

 

- Il n'y a plus que des ruines...

 

La maison des étrangers n'existait presque plus. Seuls deux murs intérieurs tenaient encore debout, au milieu des débris de bois et de pailles du toit qui avait cédé sous le vide. L'Ombre avait commencé à absorber la demeure, et sa disparition soudaine avait provoqué l'effondrement du bâtiment.

 

- Ce n'est pas comme si je comptais encore y vivre, mais cela me rend triste quand même... soupirait le Seigneur du Temps en s'approchant de son "fils".

- Je crois que...

- … tu me dois des explications, coupa l'alien. Et cette fois tu n'y échapperas pas.

- Tu crois que c'est le moment?

- Oui. Je te rappelle que si tout ceci s'est passé c'est en partie de ta faute.

- N'essaye pas de me faire culpabiliser!

- Mais c'est la vérité, tu ne peux pas nier cela! Si tu n'étais pas resté là, si nous n'étions pas resté sur cette planète pendant plus de trois ans, rien de cela ne serait arrivé. Si tu n'avais pas activé et désactivé le TARDIS à tout bout de champ pour aller nager dans une piscine, l'Ombre n'aurait pas été attirée.

- Je n'ai jamais voulu cela, répondit Léo d'une voix au timbre las mais au ton angoissé et vaporeux.

- Je le sais bien. Mais tu es en partie responsable. Tu crois que ça me fais plaisir de dire cela, à toi, à mon fils? Ce fils que j'ai cru avoir?

 

Le jeune homme ne put s'empêcher de détourner le regard en entendant ces mots. En voyant ceci, le Docteur lança un soupir de dépit, tout en secouant la tête.

 

- Mais c'est à cause de ça que je le fais, tu vois. Parce que tu regardes ailleurs, parce que tu n'arrives pas à faire face aux conséquences de tes actes. Moi aussi j'ai été comme toi, mais aussi je courais sans regarder en arrière, parce que j'avais presque honte de certaines de mes actions. Tu m'as même vu ainsi, mais tu m'as convaincu d'accepter ces conséquences. Et je l'ai fait. C'est ce qui a fait de moi ce que je suis maintenant. Et après ça, tu oses refuser d'écouter ta propre parole.

- Je... tenta de répondre Adrian, sans pour autant réussir à dire autre chose.

- Tu as fait ce que tu avais déjà fait à Coxtin. Coxtin, Greyhom... Des villages déchirés, à jamais changés, parce que tu y es allé, en mentant, et en...

- Je n'ai rien fait à Coxtin! Ce n'était pas ma faute! Et ça, tu le sais, Docteur! Tout ce que je voulais, moi, c'était m'occuper des Anges Pleureurs. Mais j'ai découvert que Clarisse était Clara, alors que je venais d'arriver. Tu ne comprends pas? Tout cela était déjà arrivé avant, ça se serait passé que j'ai été là ou non! À Coxtin j'ai sauvé Clara, tu m'entends! J'ai changé le cours du temps, j'ai crée un paradoxe, tout ça pour que TU ne perdes pas tout espoir et cède à je-ne-sais-quelle-tentation!

 

En entendant cela, le Docteur eut un mouvement de recul. Léo pouvait parfaitement avoir raison...

 

- Peut-être... Mais ici, que voulais-tu faire?

- Je... Juste... C'est long à expliquer.

- J'ai tout mon temps. Explique-moi ce qui s'est passé depuis le début.

- Bon... D'accord... soupira Adrian. Lorsque tu t'es régénéré, tu... tu avais perdu la mémoire. Et tu étais tellement... tellement apeuré. Tellement effrayé. Autour, le TARDIS était en train de se régénérer. Alors je nous ai sorti tout les deux.

- Nous étions sur cette planète?

- Non. On était sur une sorte de planète volcanique. Respirable, mais difficilement vivable. C'était ce que te réservais la Grande Intelligence si tu refusais de t'effacer. Alors j'ai attendu. J'ai attendu des heures, et toi tu avais perdu connaissance. Je voulais pas... Je voulais pas que tu te réveilles, que tu poses des questions. Alors j'ai prolongé ton sommeil, psychiquement. Et ça a du dégrader ton amnésie, vu qu'elle n'a pas disparu. Au bout d'un moment, je suis rentré à nouveau dans le TARDIS, et tout avait changé. Je t'ai embarqué dedans, et j'ai décollé, pour atterrir sur la planète habitable la plus proche. Et je suis arrivé tout près de Greyhom. Des gens m'ont remarqué, dehors. On m'a offert l'hospitalité, et j'ai vite inventé une histoire, une couverture.

- Tu venais d'un pays lointain avec ton père amnésique, c'est ça?

- Oui. Ils m'ont vite accueilli, ils m'offraient même de rester ici... se souvenait le jeune homme avec émotion. Je... Tu étais là, toi. Tu t'en souviens.

- Ils étaient vraiment hospitaliers, c'est vrai. Mais nous ne pouvions pas rester. Tu le savais très bien. Nous ne sommes pas de ce monde, ni de ce temps. Enfin, moi, non. Toi, je n'en sais rien. Et j'aimerais bien...

- Mais je voulais rester! coupa Léo. Tout... Tout était si parfait. Le TARDIS pour ne pas s'ennuyer, toi qui était en sécurité, parce que je veux que tu sois en sécurité. Et puis ces gens qui ne demandaient rien de mieux que de nous accueillir. Alors j'ai décidé de rester. J'ai crée des champs de perception, pour te faire croire que l'on avait fait un long voyage. J'en ai crée dans le village, pour être sûr que personne ne remette en doute notre arrivée.

- Tu as... Tu as altéré leurs esprits? Tu as osé faire ça? Cela n'est pas bien différent de Coxtin.

- J'ai juste fait en sorte qu'il ne remettent pas en cause notre présence, c'est tout!

- C'est déjà beaucoup trop! Ne penses-tu pas qu'ils pouvaient nous accepter par eux-même? Ils nous ont bien accueillis sans que tu ne fasses quoique ce soit! À moins que tu n'ai crée ce champ de perception avant qu'ils le fassent. Tu les aurait donc forcé à nous accepter, sans qu'ils ne s'en rendent compte...

- Je n'ai pas fait ça! cria Léo en serrant les poings.

 

Il y avait dans ce cri quelque chose de terrifiant. Ce n'était pas comme s'il hurlait de douleur ou de colère, non. C'était une forme de désespoir contenu. Tout ce qu'il avait fait été remis en cause, tout l'avenir dont il avait rêvé semblait mourir à chaque parole du Seigneur du Temps, et cela le déstabilisait tant qu'il en tremblait presque.

 

- Mais pourquoi être resté ici? Je ne veux pas me vanter de quoi que ce soit, mais tu sais parfaitement que je peux et que je veux aider partout et en tout temps dans tout l'Univers. Et pourtant tu m'as laissé ici, presque comme un prisonnier, amnésique.

- Je suis resté parce que... j'étais bien. Bon sang, tu n'aimais pas cette vie, toi? Loin des problèmes, à vivre de la chasse, de la pèche et de l'agriculture. Tout ces gens... j'aimais tout ces gens, tu sais. Sincèrement. Ils étaient importants pour moi, et j'étais important pour eux. J'ai... j'ai eu des amis. De très bons amis. Je n'avais jamais connu ça, Docteur. Jamais. J'ai connu Aurore et Mahieu, et après ça je ne pouvais plus quitter ce monde.

- Mais est-ce qu'ils t'appréciaient avec authenticité, dis-moi? Tu as altéré à tous leurs esprits et leurs pensées pour faire en sorte que nous restions, tu as altéré mon esprit pour que j'ai encore plus de difficultés à me souvenir, et pour que j'ai ce sentiment de... d'amour paternel, envers toi. Est-ce que Mahieu était réellement un ami? Est-ce qu'Aurore t'aimait vraiment?

- Oui! cria encore Léo, presque les larmes aux yeux. Je... Je l'aimais, moi. Et elle m'aimait aussi. Et pareil pour Mahieu, c'était une réelle amitié. Je n'ai jamais changé leurs esprits!

- Mais tu comprends que je ne peux pas avoir confiance en toi? Même si cet amour paternel que tu m'as "inculqué" psychiquement me dit de te faire confiance, je n'y arrive pas! Tu as très bien pu forcer leurs sentiments, et avec le temps, l'amour et l'amitié aidant, tu y as cru. Parce que tu pensais que c'était juste un peu d'aide. Un coup de pouce. Mais tes coups de pouce sont dangereux!

- Je n'ai fait de mal à personne en faisant ce que j'ai fait... assura le jeune homme avec difficulté.

- Si. Tu m'as fait mal à moi. Tu te rends compte que pendant des années, j'ai cru que j'étais veuf. Que j'avais aimé une femme qui était morte de maladie, et que j'avais porté sur moi, dans ce "pays lointain", la honte de cette mort. Parce que là-bas la maladie serait un fléau divin. Tu te rends compte la douleur que je ressentais quand je pensais à cette personne qui n'a jamais existé?

- Je... Je ne savais pas que tu souffrirais autant de ça. Je suis désolé, je le jure, et...

- Et même au-delà de cela, tu as vu à quel point tu as interféré dans nos vies? Je veux voyager, je veux aider là où je peux, et tu le savais parfaitement. Pourtant tu m'as gardé avec toi. Pourquoi? Tu pouvais rester ici, et me laisser partir, au pire des cas.

 

Adrian releva son visage, et plongea son regard dans celui du Seigneur du Temps. Les yeux bleus de celui-ci criaient l'incompréhension qui l'habitait.

 

- Je... J'aimais cette vie. Celle où j'avais ce père aimant et souriant.

- Même si tu savais que tout ces sentiments étaient provoqués par... par toi?

- Le temps passait. Je n'y faisais plus attention. J'oubliais tout ça et je vivais. Tu dois me comprendre, non?

- Tu as goûté à une vie tranquille, et tu en a fais une drogue. Je peux le comprendre, je le comprends même parfaitement. Mais tu as provoqué cette tranquillité. Tu as provoqué ces sentiments. Tu as menti à tous, même à moi.

- Je n'ai PAS provoqué ces sentiments! hurla Léo avec désespoir.

- Alors pourquoi cries-tu? De toute façon, tu l'as toi-même avoué, tu réussissais à ignorer le fait que je n'ai jamais été ton père, et que jusque là, le Docteur que tu connaissais était loin de te porter dans son cœur. Tu as oublié, tu as nié la vérité, la réalité, pour créer la tienne. Avec de vrais gens, qui ont subis les conséquences, involontaires, c'est vrai, de tes actes.

- Arrête de dire ça...

- Mais non, au contraire. Je dois te le dire. À Coxtin, il n'y a pas eu de grandes conséquences. Mais ici, si. Ne le nie pas. C'est en niant que tu es arrivé jusqu'ici. En niant, en mentant, en oubliant. En choisissant la facilité. Tu vois, j'agis encore comme ton père, je te fais la morale. Comme on la fait à un ado.

- Ne me traite pas d'ado...

- Tu es bien un adolescent, Léo. Tu veux toujours avoir raison, tu te laisse guider par tes sentiments jusqu'au bout, sans réfléchir. Tu veux que le monde soit à ton image. Et moi je suis ton vieux père qui dois te ramener dans la réalité.

- Mais tu ne peux pas comprendre... murmurait Adrian. Je... Je n'ai jamais connu quelque chose comme Greyhom, je n'ai jamais connu de gens comme Aurore et Mahieu. Je ne voulais pas laisser passer ça. Je ne pouvais pas m'en aller.

- Tu n'as jamais été ado, n'est-ce pas? réalisa le Docteur.

 

En entendant cette question, le visage de Léo se referma, s'assombrit. Il tentait de rester de marbre, malgré la honte et la tristesse qui torturaient son esprit et son corps, et son regard fuyait l'alien.

 

- Voilà un secret que je ne suis pas prêt de connaître... soupira le Seigneur du Temps. Enfin bref... Tu es resté, et tu as vu les conséquences. Tu as probablement altéré les esprits de deux jeunes gens que toi, tu appréciais, pour faire en sorte qu'ils ressentent la même chose. Tu as épousé Aurore sur la base d'un amour dont l'authenticité était douteuse. Tu sais comment elle va se sentir, après cela? Tu sais que cela va la marquer à vie?

- Je n'ai pas changé leurs esprits... répétait Adrian. Crois-moi.

- Mais j'ai peu de raisons de le faire, et tu le sais bien.

- Fais-moi confiance, s'il te plaît... murmura Léo à mi-voix. Pardonne-moi, et fais-moi confiance. »

 

Mais le Docteur ne répondit pas. Il y eut quelques secondes de silence, puis le jeune homme se décida à regarder l'alien. Celui-ci semblait surpris, et légèrement terrifié. Il regardait quelque chose derrière son fils. Adrian se retourna lentement, et comprit ce qui se passait.

Face à lui, Aurore se tenait debout devant le canapé. Elle regardait les deux voyageurs. Et l'incompréhension dans ses yeux se muait en colère.

 

« Tu... tu nous a menti?

- Non... Je n'ai jamais...

- Tu nous a menti! hurla la jeune femme.

 

Elle courut jusqu'à la console, pour venir se planter devant son époux, les larmes coulant sur son visage. Mais elle ne put rien dire. Elle se précipita vers les portes, et les poussa de toutes ses forces. Les deux battants de bois s'ouvrirent vers l'extérieur, et elle sortit à toute vitesse, courant vers le village.

 

- Aurore! Attends!

 

Léo courut à sa poursuite, sortant lui aussi du vaisseau, retrouvant le contact avec la terre et les quelques brins d'herbes épargnés par le passage de l'Ombre. Il réussit à la rattraper, et posa sa main sur son épaule, pour essayer de la stopper.

Elle se retourna immédiatement, et le repoussa en arrière.

 

- TU NOUS A MENTI! À TOUS!

- Non! Je n'ai pas...

- Je t'ai entendu, Léo! Je vous ai écouté tout le long! Cette... Cette armoire bleue s'est secouée dans tout les sens et ça m'a réveillée! Alors n'essaye pas de me mentir encore plus!

- Je... Je vous ai menti, c'est vrai.

- Mais aussi à ton "père"! sanglotait la jeune femme. Sigmalion, le Docteur, peu importe son nom! Qu'est-ce qu'il t'a fait pour que tu lui mentes comme ça, hein? Qu'est-ce qu'on t'a fait, nous?

 

Adrian eut un hoquet de stupeur en entendant la question. Il ouvrit la bouche pour répondre, mais ne trouva pas ses mots.

 

- Pourquoi? répétait la jeune femme.

- Parce que... Parce que je vous aimais bien. Parce que j'aimais vivre avec vous tous. De toute façon, vous n'auriez jamais compris la vérité.

- Mais tu nous as changé, Léo! Tu as changé nos âmes! Tu as fait en sorte que Mahieu t'apprécie, tu as fait en sorte qu'on se marrie! Tout ça parce que tu nous aimais bien, c'est ça?

- Je n'ai PAS changé vos esprits!

- Mais je ne sais même plus si je t'aime vraiment, Léo, tu comprends ça? Quand on s'est marié, hier, je... je sentais quelque chose en moi! Je sentais que c'était "le plus beau jour". Mais maintenant ça a disparu!

- C'est parce qu'il a semé le doute! C'est à cause du Docteur. Tu crois trop en lui. Mais tu dois me croire moi, tu sais.

- Pourquoi?

- Mais parce que... parce que je t'aime vraiment. Et parce que je sais ce que j'ai fait ou non!

- Non. Tu ne le sais pas forcément. Sig... Le Docteur, il l'a dit.

- Il m'en veut, c'est pour ça. Il ne m'a jamais vraiment apprécié, et...

- ET TU LUI AS MENTI! Tu as perverti son âme pour qu'il pense être ton père! Pour qu'il t'aime, comme un père veuf aime son seul fils! Et tu as fait la même chose à Mahieu... Tu l'as changé! Tu ne nous a même pas laissé une chance d'être honnête avec toi!

- Je ne l'ai pas fait, je te dis!

- Ce pauvre Mahieu... répétait Aurore en sanglotant, alors que les larmes coulaient sur son visage.

- Arrêtes de parler de lui, ce n'est pas ça l'important!

 

La claque que reçut alors Léo fut si forte qu'il en perdit presque l'équilibre. Il ramena brusquement sa propre main sur sa joue rougie par la douleur, et se retourna sa tête pour faire face à son épouse.

 

- Comment oses-tu!? Mahieu n'est pas important, c'est ça?

- Je ne... Je voulais pas dire ça!

- Tu disais que toi, tu nous appréciais... Mais tu ne penses même pas qu'il ait une quelconque importance! IL EST MORT POUR ME SAUVER LA VIE!! Ma vie n'est pas importante?

- Je suis désolé d'avoir dit ça. Excuse-moi... Pardonne-moi pour ça, s'il te plaît. Et pour tout le reste...

 

Le ton de Léo était suppliant. Mais le regard d'Aurore était plein de tristesse et de colère. Elle ne pouvait pas lui pardonner. Elle ne pouvait même plus rester une seconde de plus avec lui.

 

- Ne reviens pas, Léo. Pars très loin d'ici et ne reviens surtout pas. Ne retourne pas à Greyhom, ne remets pas les pieds sur ce monde, tu m'entends... Parce qu'ici il y a plus de 30 personnes qui sont mortes à cause de toi. Et chaque jour, Léo, chaque jour, j'irais prier Nature pour que tu sois puni. Il n'y a qu'elle qui peut te pardonner, Léo. Tout comme c'est la seule à pouvoir te punir comme il se doit. Mais je suppose que tu ne crois même pas que Nature soit une divinité.

- Écoute-moi, s'il te...

- Non, toi, écoute-moi! Fuis ce village! Fuis-nous! Va-t-en! Parce que je vais tout dire. Les autres villageois sauront pour tes mensonges! Moi je ne te ferais jamais de mal, j'irais juste prier Nature. Mais les autres, eux...

- Ne fais pas ça, s'il te plait!

- Je ne continuerais pas tes mensonges. »

 

Aurore tourna le dos à Léo, et se dirigea vers les premières chaumières. Celui-ci la regarda s'éloigner, et une première larme coula sur sa joue. Il se retourna, lentement, et fixa la cabine bleue au loin.

 

L'un des battants était fermé, et le Docteur le regardait, depuis l'entrebâillement de l'autre. Ils se regardèrent tout deux, pendant une longue minute, une minute de larmes silencieuses pour l'un, et de regards de quasi-compassion pour l'autre. Une longue minute sans aucun autre bruit que le vent sur la forêt et le flot lointain du ruisseau. Puis le jeune homme baissa la tête. Il entendit le son grinçant de la porte de bois qui se refermait, tandis que tout son corps tremblait sous la culpabilité et la honte, et que sa respiration se faisait de plus en plus forte.

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

Une fois que la porte se fut refermée, le Seigneur du Temps s'avança jusqu'au panneau faisant face à celle-ci, et appuya sur l'interrupteur en bas à gauche, pour verrouiller les battants. Il ne pouvait pas accepter Léo dans son vaisseau. Pas tant qu'il n'en saurait pas plus sur lui. Et pas tant que celui-ci n'aurait pas réussi à comprendre et accepter les conséquences de ses actes. Ce cheminement, il devait le faire seul. Et peut-être un jour se reverraient-ils...

Il eut cependant une pensée pour le jeune homme, et appuya sur le bouton de la caméra avant. Celle-ci s'afficha sur l'hologramme et sur l'écran, et l'alien aperçut son fils, la tête toujours baissée, en train de remuer ses mains. Il était difficile de dire s'il tremblait sous la pression qui reposait sur lui, ou bien s'il manipulait quelque chose.

 

Mais le Docteur se plaça rapidement devant le panneau à gauche, celui de l'interface, pour rentrer les coordonnées de sa prochaine destination dans l'ordinateur de bord. Les souvenirs lui étaient revenu, et une mission semblait s'imposer à lui, une mission dont il devait s'acquitter. Mais pour cela il allait devoir atterrir à nouveau sur sa planète favorite. Il tapa les coordonnées sur le clavier, et les vérifia à l'écran.

 

Nelson Square, Southwark, Londres ; Terre, Système Solaire, Spirale des Murmures ; Mercredi 2 Octobre 2013 (ère terrienne), 20:00:00

 

Voyant qu'il n'avait pas fait d'erreurs, il alla sur le panneau encore à gauche, face à la "boite de vitesse". Le cadran à gauche du levier indiquait que les niveaux d'énergie étaient suffisants. L'alien régla quelques sliders de l'autre coté de la manette, puis agrippa le manche de bois et de fer.

Il eut un dernier regard pour l'écran situé désormais à sa droite, au-dessus de l'escalier. Léo n'y était plus. Le Seigneur du Temps eut un petit regard intrigué, mais décida de ne pas se poser plus de questions qu'il ne s'en posait déjà sur son "fils". Il abaissa donc la manette, et se sentit alors rassuré par la respiration métallique du TARDIS, et par l'inexplicable lumière et chaleur qui s'échappait du rotor temporel de verre. Le 13ème Docteur s'envolait vers d'autres cieux...

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

Dehors, personne ne vit le jeune étranger ce jour-ci. Ni même les jours qui suivirent. Jamais on ne le vit plus. Et personne ne put savoir comment il avait ainsi disparu. Cependant il avait laissé quelque chose à Greyhom. Il avait offert quelque chose à Greyhom, dans l'espoir fou, pourtant, que personne ne retrouve son "leg". Car là où le Docteur le vit pour la dernière fois, dans cet espace de terre et d'herbe éparpillée, il n'avait pas totalement disparu. Une part de lui restait.

 

Au sol, un léger éclat parfois reflétait le soleil. Quelque chose de doré, d'enterré. Comme un dernier souvenir de ces amitiés douteuses, un dernier souvenir du Greyhom d'avant. Le vestiges de deux vies toutes deux brisées, l'une par le mensonge, l'autre par la mort. La dernière pièce d'une vie rêvée devenue maudite.

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