Doctor Who Alternative: Saison 9

Chapitre 5 : Mona [Partie 1]

7282 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 09/11/2016 16:42

« Bye, Mona! »

 

La jeune femme lança un "Tourlou!" au vendeur qui venait de la saluer après l'avoir raccompagnée jusqu'à la porte du magasin Jeans Jeans Jeans, tout en lui faisant un signe de main, puis elle continua sa route sur le trottoir, son sac à main et son sac de course tout deux tenus entre les mêmes doigts.

C'était une jeune étudiante, à n'en point douter, respirant la sympathie. Elle avait des cheveux longs d'un brun presque châtain, qui retombaient jusqu'au niveau de ses épaules. Son visage ovale souriait presque naturellement en ce samedi après-midi, et ses yeux bruns pétillaient à l'idée d'avoir quelques jeans plus légers pour le printemps qui était supposé s'affirmer de plus en plus ces jours-ci.

 

Mona avait à peine fait cinquante mètres qu'un étrange son l'atteignit, venant de sa droite. Un bourdonnement, qui se transformait progressivement en une respiration métallique, étouffée par les bruits de la ville autour d'elle et par les murs de briques des immeubles. Elle se tourna vers la droite, et comprit que ce bruit venait d'une petite ruelle d'une cinquantaine de mètres de long, perpendiculaire à la rue dans laquelle elle se trouvait, et qui débouchait sur une rue parallèle, comme dans toute bonne ville d'Amérique du Nord qui se respecte. En regardant au-dessus de sa tête, l'acheteuse aperçut les panneaux indicateurs du croisement, accroché à un poteau électrique en bois. Elle était dans ce qui semblait être l'ancien croisement entre l'avenue Casgrain, et la ruelle Swiss. Ancien car le panneau était situé devant un large immeuble de briques, qui avait vraisemblablement remplacé une portion entière de la voie.

Une sorte de curiosité s'insinuait en Mona. Il fallait qu'elle aille voir ce qui se passait. Elle traversa la chaussée de l'avenue Casgrain (qui n'était pas plus large et encore moins plus fréquentée qu'une simple rue), et rentra dans la ruelle. À droite il y avait le mur d'un bâtiment de briques marrons, et à gauche, une construction plus petite, en briques rouges. Les deux n'allait que jusqu'au milieu de la ruelle, mais l'immeuble s'achevait en une sorte de préau, d'espace vide, qui devait être utilisé pour décharger des camions ou des fourgons, supposait la jeune femme. Elle n'avait pas fait trois pas qu'elle vit un homme sortir de ce "préau", marchant vers le parking situé dans la deuxième partie de la ruelle, à droite aussi.

 

« Oh... Je suis arrivé un poil trop tôt, il semblerait... lança-t-il pour lui-même.

 

Il sembla observer le grillage qui séparait le parking de la rue situé de l'autre coté, celle parallèle à "l'avenue", ainsi que de la ruelle, mais son regard s'arrêta sur la plaque d'immatriculation de la seule voiture présente sur le parking.

 

- Qu'est-ce que...

 

Il recula, et tourna un peu son visage sur le coté, comme pour dévisager de loin le véhicule qui l'intriguait tant. Mona fit de même, instinctivement, revenant sur la petite avenue, prête à se cacher pour ne pas être vue. Elle ne savait même pas pourquoi elle faisait cela, d'ailleurs.

Devant, l'homme arriva au niveau où s'arrêtait le grillage, et son crâne se tourna vers la rue de l'autre coté, où circulaient plusieurs voitures. Il se mit dans la ruelle et avança jusqu'au trottoir, puis tourna à droite et disparut du champ de vision de l'étudiante, passant devant des bâtiments. Elle attendit quelques secondes, puis elle marcha jusqu'au "préau". C'était en effet une sorte de quai de chargement pour fourgon (vu qu'aucun camion ne pouvait rentrer dans la ruelle). Et au beau milieu se trouvait une cabine bleue.

Elle s'approcha, déposa ses sacs au sol, et la détailla un peu. Elle tourna autour, une fois, puis se dressa sur la pointe des pieds pour tenter de voir ce qu'il y avait derrière les fenêtres. Cependant, elles ne laissaient passer rien d'autre qu'une sorte de lumière orangée et chaleureuse. Mona ne put donc pas apercevoir l'intérieur. Ce qui était particulièrement frustrant pour elle. Elle voulait savoir d'où venait la lumière, et comment cette chose était apparue. Elle posa sa main sur l'un des battants de la porte, et ressenti alors une forme de chaleur à travers le bois. Elle devait savoir ce qu'il y avait derrière, et l'instant après que cette pensée l'ait traversé, elle poussa le battant.

 

Une forte lumière s'échappa du bois sous sa main, alors que la porte résistait. Elle essaya d'enlever ses doigts de la cabine, mais ils étaient comme collés. Un bruit sourd s'échappa du TARDIS, et la respiration métallique s'empara des lieux, tandis que le vaisseau disparaissait en clignotant sous la main de la jeune fille.

 

- Aaaah! À l'aide! Au s'cours! cria-t-elle.

- Non, non, non, NON! hurla un homme derrière elle.

 

Le Docteur déboula dans la ruelle et courut jusqu'à la cabine, tout en cherchant dans les poches de son épaisse veste bleue-grise.

 

- Aidez-moi, tabarnac! grogna Mona, alors qu'elle tirait sur son bras droit pour tenter de se décoller.

- Je... Quoi!? »

 

L'alien n'eut pas le temps de dire quoique ce soit d'autre: la lumière sous la main de la jeune femme disparut brusquement, et celle-ci perdit l'équilibre et tomba à terre. L'instant d'après, le TARDIS s'était totalement évaporé.

 

Mona

PARTIE 1

 

L'alien aida Mona à se relever, mais une fois que celle-ci fut sur ses deux pieds, elle eut le réflexe de reculer de quelques pas.

 

« V'z'êtes qui?

- Je pourrais vous retourner la question, vous savez. Après tout, vous avez réussi à déclencher le système de déplacement hostile du TARDIS.

- Chu pas sûre d'comprendre, là...

- Du moins, c'est une supposition. Il y avait une lumière sous votre main, non? Comme si le TARDIS avait réagi au contact de votre peau.

- Mais j'm'en crisse de ça! Dîtes-moé qui vous z'êtes, oui?

 

Le Seigneur du Temps soupira face à ce langage à moitié inconnu auquel on le confrontait. Cela ressemblait à du français, mais sans la matrice de traduction du TARDIS, il devait s'en remettre à sa connaissance du seul français de France. Et s'il ne se trompait pas, il ne se trouvait pas vraiment dans ce pays.

 

- Je suis le Docteur.

- Docteur Qui?

- Le Docteur tout-court. Et vous?

- Moé? Pourquoi que j'vous l'dirais?

- Et bien, je me suis présenté, non? Vous savez qui je suis, moi je ne sais pas qui vous êtes.

- Z'allez pas m'arnaquer, l'Doc "tout-court" qu'y dit... Y avait une boîte bleue just'icitte, et l'a disparu! C'tait la vôt', non? Les boîtes téléphoniques, ça disparaît pas comme ça!

- Euh... Oui, oui, en effet. C'est bien ma cabine. Et elle a en effet disparue, juste après qu'une demoiselle inconnue l'ait touchée.

 

Il lança un regard insistant à l'étudiante, tout en rangeant la clef du TARDIS qu'il avait réussit à sortir de son costume. Face à lui, l'inconnue soupira, et ramassa ses sacs.

 

- OK, j'vais vous l'dire. J'm'appelle Manon Boucher. Mais tout l'monde m'appelle Mona.

- Enchanté de faire votre connaissance, Manon "Mona" Boucher! répondit alors le Docteur en faisant un signe de tête.

- Oué bin dîtes "Mona" tout court.

- Bien sûr Mona. Maintenant, dîtes-moi, pourriez-vous apporter une preuve, autre que votre langage, au doute qui me torture l'esprit... Je ne suis pas au Nelson Square, à Londres, n'est-ce pas?

- Mais z'êtes malade dans vot'tête, vous! s'exclama la jeune femme. Là on est à Montréal, Québec, Canada. J'vois ben qu'z'êtes pas d'ce coté d'l'Atlantique, mais faudrait pas m'prendre pour...

- D'accord, d'accord! coupa le Seigneur du Temps. Je suis donc au Canada.

- Au Québec!

- Oui, au Québec, bien sûr. Sur Terre, donc. C'est déjà ça.

- Ben oui, sur Terre! Nan mais z'allez pas me faire croire qu'v'z'êtes un alien, le Doc'. Chu pas Jos Beau!

- Jos Beau?

- Le Québ... Canadien moyen. Pasqu'le Québécois moyen yé moins moron. 'Fin n'empêche qu'chu pas twit, chais bien qu'les aliens ça existe pas.

 

Le Docteur croisa les bras et fixa Mona en arquant légèrement un sourcil, comme pour la mettre en défi.

 

- Quoi?

- Vous êtes toujours aussi agressive avec les gens? Et butée, aussi?

- Chu pas agressive! Bon, OK, un peu. Mais j'crois qu'jé mes raisons, non? Et en quoi chu butée?

- À cause de ces "raisons", justement. Vous avez posé votre main sur une cabine vraisemblablement faîte en bois, et elle y est resté collée. Une lumière s'en est échappée, et la cabine a disparu, sous vos doigts, devant vous. Et l'idée que je sois un alien ne vous traverse même pas l'esprit... C'est sûr que vous n'êtes pas "Jos Beau".

- Ouais ben la théorie du complot m'branche pas trop. J'pellete un peu dans les nuages, parfois, mais pas au point d'croire aux aliens.

- Vous faîtes quoi avec les nuages?

- Rien, oubliez, "monsieur l'alien".

- Vous n'y croyez pas malgré tout ce que vous avez vu?

- Bah... Je...

 

Mona se mordit la lèvre. Bien entendu qu'elle le croyait quand il disait qu'il était un extraterrestre. Mais l'idée l'avait tant dérangée qu'elle la refusait. Pourtant elle devait bien avouer que c'était crédible. Sauf qu'elle détestait avouer quelque chose lorsqu'elle l'avait renié juste avant.

 

- Bon, OK... soupira-t-elle. Y a d'quoi douter. Mais z'êtes pas v'nu dans c'machin bleu, quand même? C't'un peu p'tit, non?

- Ne vous fiez pas aux apparences, Mona. Quoique vous puissiez penser, il n'y a qu'en ouvrant une porte que l'on sait ce qu'il y a de l'autre coté.

- Au lieu d'jouer au philosophe, z'allez m'dire pourquoi vot'... capsule, elle s'est effacée comme ça?

- Le TARDIS, c'est le nom de mon vaisseau, s'est dématérialisé au moment où vous l'avez touché, non? Donc vous êtes probablement la cause de cela. De plus, il ne s'est pas matérialisé bien loin de vous, je suppose. Alors qu'il était sensé m'amener à Londres.

- Eh, j'ai rien fait, moé! se défendit l'étudiante.

- Je vous crois. C'est pour ça que je vous m'intriguez. Si vous n'êtes qu'une simple terrienne, comment avez-vous pu faire ça?

 

Mona ne put s'empêcher de se poser la question elle aussi. Elle n'avait jamais rien vu d'extraordinaire dans sa vie, rien d'extraterrestre. Elle était parfaitement banale. Il y avait quelque chose de totalement impossible dans cette histoire. Pourtant tout s'était bien déroulé, elle n'était pas en train de rêver. Elle était debout, dans la ruelle Swiss, au beau milieu de Montréal, un sac de jeans à la main, face à un alien barbu qui se faisait appeler le Docteur. L'impossible était avec elle.

 

- Bon, sinon, quel jour sommes-nous?

- Le... le 4 avril.

- De quelle année.

- Ben 2015, tsé!

- D... d'accord...

 

Le Docteur se caressa le menton avec nervosité. En plus des quelques milliers de kilomètres trop à l'ouest, la matérialisation avait eu lieu un an-et-demi trop tard. Le 2 Octobre 2013 était bien loin... En temps normal, il n'aurait été que très moyennement inquiété par ce genre de détail, mais Mona changeait tout. Il y avait quelque chose d'étrange avec elle, et il devait absolument découvrir de quoi il s'agissait. Sauf qu'il ne pouvait pas le faire tout seul.

 

- Je dois contacter certaines personnes... Mais il me faudrait un ordinateur ou un téléphone.

- Si c'est pour l'web, j'peux pas v'z'aider, y bug trop sur mon phone. Mais j'ai un portable chez nous.

- Étant donné que c'est assez urgent, et que j'ai vraiment besoin d'internet... Vous me laisseriez aller chez voé? Euh, chez vous?

- Oh, relax Doc'! J'va pas vous laisser entrer dans mon condo comme ça!

- Vous voulez savoir pourquoi vous avez fait décoller mon TARDIS, oui ou non?

 

Mona soupira, et regarda l'alien droit dans les yeux, d'un regard plein de soupçon mais aussi de curiosité.

 

- Bon, OK... Pis j'devais rentrer chez moi de toute façon.

- C'est loin chez vous?

- Pfiou... Une heure-et-demi, à pied. Mais on peut prendre un taxi. »

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

Lorsque Mona poussa la porte d'entrée de son condo (ce que les non-canadiens appelleraient longuement un appartement d'immeuble de copropriété), le Docteur arriva dans un "hall d'entrée", qui n'était long que de trois mètres et large de quatre pieds à peine. La jeune femme lui fit traverser ce hall et se posa devant le large séjour du lieu. Le mur de droite s'ouvrait grandement par de larges portes vitrées sur une sorte de "bureau", à en juger par les deux meubles du même nom sur chacun desquels était posé un ordinateur portable. Plus loin sur le mur, près des fenêtres menant au balcon, une porte blanche fermée menait à ce que l'alien supposait être une chambre. Le séjour en lui-même était composé d'une partie "cuisine/salle à manger", au même niveau que le bureau, faîte d'un bar américain et d'une table carrée entourée de quelque chaises en bois. L'autre partie, c'était le salon: une télévision écran plat à droite, sur un petit meuble, et sur le mur opposé, un canapé pouvant faire office de lit, tandis qu'entre les deux trônait une table basse recouvertes de bouteilles de bières.

 

« C'est sympathique, comme endroit... remarqua le Seigneur du Temps. Bien qu'un peu de nettoyage puisse être utile.

- Ah, mais ça c'est cause d'RP... Ça doit être lui qui s'lave, là.

- Mona, c'est toé? cria une voix masculine étouffée par les murs.

 

L'alien se retourna en même temps que Mona, et remarqua alors que depuis qu'il était rentré, il y avait un bruissement, comme un jet d'eau, qui habitait l'appartement. En entendant la voix, il compris qu'il s'agissait sûrement de quelqu'un qui prenait sa douche.

 

- Oui, c'est moé! cria l'étudiante. Chu... Mais qu'est-ce... Oh criss! RP!

- Qu'est-ce qu'y a? demanda la voix.

 

La jeune femme marcha à grands pas vers le hall d'entrée, et ouvrit brusquement une porte blanche sur le mur de droite, qui menait à la pièce derrière la cuisine.

 

- Y a qu't'es qu'un sale traîneux! Tu vas arrêter d'garrocher tes bobettes et ton linge dans l'salon, un jour?

- Hé, mais j'regardais un film! À la fin, chu allé me laver, et chu pas allé m'mettre dans ma chambre pour m'déshabiller, c'est toutE!

 

L'alien balaya la pièce du regard et aperçu qu'en effet, plusieurs vêtements étaient étalés à terre près du canapé. Plus jetés qu'étalés, pour tout dire.

 

- Y a quelqu'un avec moé, avertit Mona.

- Ah? Tu t'es enfin trouvé un chum?

- Nan, j'veux pas d'chum! C'est juste un... un invité. Compliqué à expliquer, en fait... Bon, j'te laisse sortir et pis j'vais lui jaser un peu.

 

Elle referma la porte, et revint vers le Seigneur du Temps, qui lui lançait un regard curieux.

 

- Est-ce que vous pourriez m'en dire un peu plus sur vous, Mona?

- Pourquoi?

- Pure curiosité. Mais cela pourrait être très utile, qui sait?

- OK... Bon ben j'vis ici avec RP et mon frère. S'appelle Louca, mon frère.

- Et RP, ça signifie...?

- Rémi-Pierre. C'est plus court de dire "RP", mais vous aviez compris, j'pense. C'est lui qu'a trouvé l'condo. Y connaissait l'proprio.

- Il y a assez de chambre dans votre appartement? Ou bien quelqu'un dort sur le canapé?

- Non, y a qu'deux chambres. RP c'est l'blond d'mon frère.

- Arrête de dire que chu son blond! cria la voix masculine depuis la salle de bain. C'est homophobe! Chu son chum!

- Roh, ça r'vient au même.

 

Mona soupira, et alla jusqu'au bar de la cuisine à l'américaine pour se verser un verre d'eau.

 

- RP et Louca, y partagent la chambre, tsé-veux-dire... lança-t-elle avec un regard malicieux. Donc j'prends la deuxième.

- Oh, je vois. Dîtes-moi, vous travaillez?

- Bah, à droite à gauche. Faut bien payer l'loyer. Mais j'étudie, aussi, moé. Chu au Collège Ahuntsic.

- Au collège? s'exclama presque le Seigneur du Temps en sursautant. Mais... vous avez redoublé?

- Ben oui, comment qu'vous l'savez?

- Mais vous avez redoublé combien de fois exactement? hoqueta l'alien.

- Une fois... J'avais 12 ans. Pourquoi? Ah mais attendez, l'collège ici c'est juste avant l'Université! Cégep, qu'on dit. Collège d'Enseignement Général Et Professionnel.

- Ah, ouf, vous m'avez fait peur!

 

La porte de la salle de bain s'ouvrit, et Rémi-Pierre en sortit, une serviette autour de la taille. C'était un jeune homme petit, pas très musclé, aux courts cheveux bouclés et d'un châtain cendré. Il eut un léger mouvement de recul face à l'alien, surpris de voir que sa colocataire avait ramené un homme si "âgé" dans l'appartement. Celui-ci, dès qu'il vit le québécois, tourna son regard vers la télévision éteinte, par pudeur naturelle, ce qui fit sourire Mona, tandis que le jeune homme se dirigeait vers la chambre au fond du salon.

 

- Vous étudiez quoi exactement à ce... Collège Ahuntsic? demanda-t-il à la jeune fille.

- Elle étudie pas grand chose, si vous voulez mon avis! remarqua Rémi-Pierre en ouvrant la porte de sa chambre.

- Y t'a pas d'mandé ton avis, RP! grogna l'étudiante alors que son colocataire refermait la porte. J'fais des sciences humaines.

- Ce serait caricatural de dire que vous ne faîtes rien... remarqua le Docteur.

- Bon, RP il s'pète un peu les bretelles parce qu'il est au Bois de Boulogne. L'est parfois limite crissant quand il en parle.

- Au... au Bois de Boulogne? Là c'est plus que caricatural, vous savez...

- C'est un Cégep aussi. Plutôt de bons élèves. Yé à trente mètres d'l'immeuble, c'pour ça qu'on a pris c'condo. Ahuntsic c'est plus loin, mais j'y vais en bicycle.

- Je vois... Euh, on peut aller sur l'ordinateur?

- OK, j'vous allume le portable. »

 

Mona alla dans le bureau, passant par les larges portes vitrées, ouvrit l'ordinateur portable et l'alluma. Le Docteur rentra dans la pièce lui aussi, appuyant au passage sur un interrupteur qui, comme il le pensait, alluma la lampe au plafond. La jeune femme s'était assise à son bureau, sur lequel traînaient de nombreuses feuilles éparpillées, représentatives du sens de l'organisation qu'avait l'étudiante. L'autre bureau était bien mieux rangé, lui.

Alors que l'ordinateur chargeait, Rémi-Pierre sortit de sa chambre, attrapa ses vêtements laissés à terre, les jeta à travers la porte, puis reparut devant les portes de verre, habillé d'un jogging et d'un T-shirt ample.

 

« J'vous prépare un truc? demanda-t-il.

- Oh, je ne voudrais pas vous déranger plus que nécessaire, et...

- Ah mais ça m'dérange pas, tsé. Chu ben serviable, qu'elle dit toujours, Mona.

- Dans ce cas, je voudrais bien... un thé. Vous en avez?

- Ouep! Earl Grey, Fruits Rouges, Menthe et... euh, un thé japonais qu'Mona aime bien.

- Tu touches pas à mon Hojicha, RP! avertit l'intéressée en tapant son mot de passe à l'ordinateur.

- Fruits Rouges, dans ce cas... indiqua le Seigneur du Temps. Sans sucre, mais avec une cuillère à café de miel.

- De... miel? Vous êtes sérieux?

- Bien entendu. C'est si surprenant?

- Euh... Non, c'est OK.

- C'est bon, on y est, Docteur! annonça Mona.

 

Elle se leva, et l'alien sauta presque immédiatement sur la chaise de bois, ouvrit le navigateur internet et tapa dans la barre de l'URL l'adresse "www.unit.int". Il y eut quelques secondes de chargement, avant qu'il n'arrive sur la page d'accueil de UNIT en version franco-canadienne. Il passa sur la version britannique, et passa sur l'écran de connexion.

 

- Vous êtes Docteur? demanda Rémi-Pierre depuis la cuisine.

- Plus ou moins, oui.

- Vous avez un doctorat de quoi, exactement?

- Oh, c'est un mystère que même moi, je ne saurais éclairer. Enfin bref, 2015, 2015... Le mot de passe change trois fois par an... 4 Avril, donc...

 

Le Seigneur du Temps commença à taper un identifiant étrange, une série de chiffres et de lettres sans aucun sens, dans le champ du pseudo, et passa sur celui du mot de passe.

 

- Les quatre premiers mois de 2015... Il y avait un rapport avec Harriet Jones, je crois...

- La Première Ministre? interrogea Rémi-Pierre en arrivant derrière lui et en lui laissant sa tasse de café légèrement fumante à coté de lui. Celle qu'était avant Harold Saxon?

- Remarquable mémoire, félicita le voyageur temporel. Merci pour le thé.

- Bah, on est en train d'étudier la politique au Royaume-Uni de 1980 à nos jours au collège. Saxon c't'un bon sujet d'étude. Yé resté au pouvoir quelques jours mais a réussi à chambouler la planète...

- Je l'ai bien connu, à une époque... murmura l'alien pour lui-même. Et Harriet Jones aussi, d'ailleurs. Toujours à brandir sa carte et à lancer "Harriet Jones, Premier Ministre!"... Le bon vieux temps...

- Elle faisait ça? s'étonna Mona. Mais d'où qu'vous la connai...

- Mais bien sûr!

 

L'alien tapa sur le clavier avec frénésie, appuya sur la touche "Enter", et après quelques secondes de chargement, se retrouva connecté à un compte sur le site d'UNIT, ayant accès à toutes les informations de l'organisation.

 

- Yes, we know who you are! cria-t-il avec un ton victorieux et en brandissant sa tasse de thé en l'air.

 

Il but une gorgée, failli la recracher sous la chaleur, ce qui l'envoya dans un gloussement qui fit rire les deux québécois. Après avoir soufflé un peu sur sa boisson, le Docteur repris quelques gorgées, fit craquer ses doigts, et commença son "travail".

 

- Alors c'était ça l'password? s'étonna Rémi-Pierre. We know who you are?

- Exactement. Tout attaché, naturellement. Enfin bref, il me faut maintenant contacter... ah, et voilà! Vous avez une caméra intégrée dans l'ordinateur?

- Yep! répondit Mona. Et un micro, bien sûr.

- Dans ce cas, permettez-moi de passer un appel. »

 

Le Seigneur du Temps tapota le touchpad de l'appareil, et une fenêtre s'ouvrit, montrant le visage d'une femme d'âge mur, aux cheveux blonds et lisses. Celle-ci ouvrit grand ses deux yeux marrons sous la surprise en voyant qu'on venait d'activer une vidéo-conférence avec elle.

 

« Ma chère Kate, vous êtes ravissante aujourd'hui! complimenta l'alien.

- Que... Qui êtes-vous?! s'écria la chef de UNIT. Comment avez-vous fait cela?

- Voyons, qui donc peut connaître le mot de passe ultime de votre site?

- Vous... Vous êtes le Docteur?

- En effet.

 

La patronne de UNIT sembla dévisager l'alien à travers les écrans et caméras, ce qui le gênait légèrement.

 

- Vous avez changé...

- C'est aussi vrai. Mais l'heure n'est pas vraiment à la discussion. Je suis bloqué sur Terre.

- Qu'est-ce que...

- Ce n'est pas ça mon vrai problème, cependant! continua le Docteur en coupant RP. Si je suis bloqué c'est parce que mon TARDIS s'est dématérialisé. Et il s'est dématérialisé dès que cette jeune demoiselle ici-présente l'a touché.

- Attendez... Qui sont ces gens?

- Manon Boucher, qui préfère être appelée Mona, et Rémi-Pierre... euh... Rémi-Pierre comment?

- Mais c'est à qui qu'vous parlez, là?

- Disons "Rémi-Pierre", dans ce cas. Mais revenons au plus important. Vous n'auriez pas détecté l'atterrissage du TARDIS quelque part, je suppose?

- Euh... Non... Ou alors je n'en ai pas encore été informée. Mais qu'est-ce que vous voulez dire par "il s'est dématérialisé quand cette jeune femme l'a touché"?

- Et bien, il est difficile de l'expliquer autrement... Mademoiselle Boucher a touché mon TARDIS, et celui-ci s'est dématérialisé immédiatement, alors que j'étais dehors.

- Il pourrait donc être n'importe où, c'est vrai. Et n'importe quand, je suppose. Mais que voulez-vous qu'on fasse? L'hébergement pour touristes spatio-temporels?

- Euh... Non, pas vraiment, non. Mais peut-être qu'en comprenant ce qui a fait dématérialiser mon vaisseau, je pourrais le retrouver. Je ne pense pas que Mona ait volontairement fait cela, mais elle doit avoir été en contact avec quelque chose... quelque chose d'alien.

- Alien? Mais j'ai jamais rencontré d'alien, moé!

- Mona, c'est qui ce Docteur? s'inquiéta RP en se grattant la nuque. Y va nous apporter du trouble, là!

- Calmez-vous, Rémi-Pierre... rassura le Seigneur du Temps en buvant une gorgée de thé. Bref, Kate, revenons à nos affaires. Je vous demande simplement un laboratoire et des technologies assez avancées.

- On a tout ce qu'il faut à Londres. Et puis, il faut absolu...

- WHAT !? s'écria Mona en sursautant. Non mais ça va pas? Je vous interdis d'me faire quoique ce soit, Doc', vous m'entendez? Je vous ai pas amené icitte pour qu'vous demandiez à vos copines de m'envoyer dans un laboratoire!

 

L'alien ne put s'empêcher de sourire en entendant la jeune femme protester. Il se leva, et se planta face à elle.

 

- Mona... Ces gens, ils défendent votre planète toute entière. Je les connais, ils me connaissent, et si je leur impose quelque chose, ils m'écoutent. Ils ne feraient jamais quelque chose que je leur interdirais de faire. N'est-ce pas Kate?

- Et bien, disons que...

- N'est-ce pas, Kate?

- En effet... lâcha la fille du Brigadier.

 

Elle ne mentait pas totalement. Le Docteur avait une autorité qu'il avait gagné au fil des années, et au fil de ses propres vies. Et il était capable de bien des choses, même sans TARDIS (et il leur avait montré en entrant dans la chambre forte des archives secrètes...). En plus de cela, elle ne savait rien de ce Docteur inconnu, et elle préférait ne pas prendre de risque.

 

- Mona, faîtes-moi confiance.

- Pourquoi? demanda la jeune fille avec insistance.

- Parce que... parce que je suis le Docteur.

- C'est supposé marcher, quand vous l'dîtes?

- Plutôt, oui.

 

La québécoise soupira, puis recula et détailla l'alien.

 

- J'vous fais confiance, vous inquiétez pas. Mais j'ai quand même deux p'tites questions...

- Allez-y.

- Pourquoi qui faut aller à Londres ?! Y a un océan à traverser, quand même!

- En avion ça doit faire 6 heures-et-demi...

- 4 heures, en réalité, si je vous dépêche un de nos avions. Ils possèdent des réacteurs "améliorés".

- Vous feriez ça pour moi? hoqueta l'alien avec surprise tout en se retournant vers l'écran.

- Oui. J'allais expliquer pourquoi, mais j'ai été coupée par "Miss Boucher". Docteur, nous avons trouvé un vaisseau, caché au beau milieu de Londres grâce à une sorte de... de filtre de perception! Nous serions très reconnaissant si nous pouvions avoir votre... expertise, disons.

- Laissez-moi deviner... Nelson Square, dans le Southwark?

- Que... C'est là où nous l'avons trouvé. Comment le savez-vous?

- C'est précisément l'endroit où je souhaitais atterrir. Je cherchais le vaisseau. Mais à la place, j'ai atterri à proximité de Mona.

- Et à son contact, votre TARDIS s'est dématérialisé... murmurait la directrice. C'est troublant, je vous l'accorde. Bien, je vous prépare cet avion, Docteur.Il vous attendra à l'Aéroport Montréal-Mirabel: il est fermé depuis des années, donc l'embarquement sera rapide.

 

La liaison vidéo se coupa, et le Seigneur du Temps lança un léger soupir de satisfaction, tout en terminant sa tasse de thé.

 

- Chu... Chu pas bien sûr d'avoir compris c'qui vient d'se passer, là... souffla Rémi-Pierre. Mona, qui c'est ce Docteur? Et c'est quoi c't'histoire de TARDIS, Nelson, London et tout l'reste?

- Tais-toi! coupa la jeune fille. Doc', j'ai une deuxième question.

- Ah, oui, c'est vrai! Excusez-moi, j'ai l'impression que cette fois, la mémoire n'est pas mon fort.

- Cette fois?

- Peu importe, dîtes-moi ce que vous voulez savoir.

- Pourquoi vous êtes habillé comme ça? Vous sentez le swing, vous savez?

- Le sw...? Ooh...

 

L'alien réalisa soudain qu'il dégageait une petite odeur de transpiration... Mais ce n'était pas bien étonnant vu les vêtements qu'il portait. Un épais pantalon, une sorte de tunique cachée par une épaisse veste en cuir et en tissu, fermée par des "lanières", le tout d'un bleu très foncé, presque noir.

 

- Je... Je dois avouer que je n'ai pas eu le temps de me changer. Pardonnez-moi. Mais sinon, on y va?

- Chais pas... Vous m'demandez quand même d'aller à Londres sur un coup de tête!

- Écoutez...

 

Il s'approcha d'elle, et faillit poser sa main sur son épaule pour la rassurer. Il eut la présence d'esprit de se retenir, tout d'abord parce qu'il transpirait, et ensuite parce que ce geste était sujet à de mauvaises interprétations.

 

- Je vous l'ai dit, je connais UNIT. Sans moi, ils ne seraient pas ce qu'ils sont maintenant. Ils me doivent bien des choses, mais je n'ai jamais réclamé quoique ce soit en échange de mon aide. Je ne crois pas que Kate, la femme que vous avez vue, soit capable de trahir ma confiance. J'ai confiance en eux. Et vous... Et bien vous, vous m'avez clairement dit que...

- ... qu'j'ais confiance en vous... acheva l'étudiante. C'est vrai... Euh, j'dois prendre des affaires, vous pensez?

- Mais t'es complètement crackpot, Mona! s'exclama RP. Tu vas pas t'en aller comme ça avec un inconnu!

- Prenez de quoi subsister, répondit le Docteur sans faire attention au jeune homme. Les trois indispensables suffiront: brosse à dent, tasse, thé.

- Et dentifrice, sinon ça sert à rien. Bon, j'm'en vais préparer ça, j'en ai pour cinq minutes.

 

Sur ces mots, la jeune femme s'en alla dans la salle de bain, tandis que son colocataire tirait une tête scandalisée. Il se tourna vers le Seigneur du Temps, et le pointa du doigt:

 

- Vous faîtes quoi avec elle, là? Pourquoi qu'elle vous écoute? Et c'est quoi ces histoires d'aliens, de TRADIS ou d'UNIT.

- TARDIS, Rémi-Pierre, TARDIS. Temps à Relativité Dimensionnelle Inter-Spatiale. Ce n'est pas contre vous, mais je préfère ne pas expliquer à n'importe qui de quoi il s'agit. Quant à UNIT, vous êtes libre de consulter leur site internet pour en savoir plus. Sinon, deux questions pour vous. Est-ce que je mets ma tasse dans le lavabo?

- Quoi? Euh... Non, non, dans le lave-vaisselle, c'est plus simple.

 

Le Docteur alla jusqu'à la cuisine américaine dans le séjour, et alors qu'il ouvrait le meuble, le québécois l'apostropha.

 

- Et vous voulez savoir quoi d'autre?

- Auriez-vous du déodorant? demanda l'alien avec un air grave. »

 

ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ-ΘΣ

 

À peine quelque heures plus tard, le Docteur et Mona marchaient dans les souterrains cachés de la Tour de Londres. Le voyage avait en effet été court, et ils avaient pu arriver au QG de UNIT à 22h30, après que leur identité ait été vérifiée (notamment en cherchant la présence du deuxième cœur de l'alien).

Deux soldats les guidaient à travers les corridors de pierre, et au bout de quelques minutes, ils atteignirent une pièce de la taille d'un bureau, où les attendait la responsable de UNIT.

 

« Bonsoir, Kate! lança l'alien en tendant sa main en avant.

- Ravi de vous rencontrer, Docteur... répondit-elle simplement en lui serrant la main. Et vous êtes Manon Boucher, n'est-ce pas?

- C'est bien moi, répondit la québécoise dans un anglais presque parfait.

- Bien. Ne perdons pas de temps, et allons-voir cet appareil.

- Où se trouve-t-il exactem...

 

L'alien fut coupé par un grand flash blanc accompagné d'un sifflement mécanique, et sentit qu'il venait de se faire téléporter, bien que la pièce où il se trouvait était identique à la précédente.

 

- ...ment? Oh, vous avez...

- Bien entendu. UNIT a étudié les appareils de téléportation Sontariens utilisés dans l'affaire Rattigan, et nous avons pu reproduire une version fixe comme celle-ci.

- Ça permet de décentraliser... murmura le Seigneur du Temps. Mona, vous allez bien?

- J'ai l'impression que mon estomac a fait des saltos, mais sinon ça va...

- Les premières téléportations, c'est toujours un peu dur... Enfin bref, où sommes-nous?

- Je préfère garder secret l'emplacement de cette chambre forte, je suis sûre que vous comprenez. Maintenant, suivez-moi. »

 

La fille du Brigadier les guida hors de la pièce, et traversa ensuite quelques couloirs, pour finir par descendre un escalier de fer, et par taper un code à coté d'une lourde et épaisse porte blindée.

Quelque secondes plus tard, ils étaient à l'intérieur de la chambre forte, une grande salle blanche, au milieu de laquelle trônait le vaisseau.

 

L'appareil avait la forme d'une ogive assez large, d'une dizaine de mètres de long à peine, sur un peu plus de large. La coque, d'un métal noir et mat, ne reflétait presque pas la forte lumière des puissants néons blancs accrochés au haut plafond. Le vaisseau était posé sur trois petit piliers de béton armé, qui le surélevait à moins de deux mètres du sol, et sur le toit du vaisseau, une sorte de verrière semblait délimiter le poste de pilotage.

 

« C'est ce que vous souhaitiez chercher dans le Southwark, Docteur? demanda la chef de UNIT.

- Je suppose que oui. Je ne l'ai jamais vu de mes yeux, pour tout dire.

- Oh tabarnouche... lâcha Mona en français.

- Tabar... Qu'est-ce que vous voulez dire, exactement? s'étonna l'alien en se tournant vers l'étudiante.

- Moé si.

- C'est à dire?

- Vous dîtes qu'vous avez jamais vu c'te chose... Mais moé si, j'l'ai déjà vue! »

 

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