La cour des grands

Chapitre 32 : Mitor

5126 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/06/2017 19:19


Mitor


Il était encore une fois seul. Pourquoi était-il encore seul ? Qu'avait-il fait pour se retrouver perdu ? Pourtant, il y avait des gens autour de lui mais aucun d'entre eux n'eussent seulement oser lui porter une quelconque attention. La solitude au milieu de la foule est bien pire à supporter que celle où nous sommes réellement seuls, dans un lieu sans vie. Il y avait pourtant tant de gens autour de lui à un point où il n'arrivait pas à voir dans quel lieu il se trouvait actuellement. Il décida alors de courir, de se faufiler dans la foule, de se mouvoir parmi ces personnes qui ignoraient son existence. Mais la foule était sans fin et les visages se ressemblaient tous. Il déambula durant des heures au gré de la marche des passants sans visages. Puis, enfin, un espace apparu, tel une clairière dans une forêt sombre et étouffante. Cet espace s'agrandit jusqu'à devenir cette place du marché que Mitor commençait par bien connaître. Il n'eut aucune surprise lorsqu'il se retourna et vit la silhouette de son ami défunt Izzir, au regard toujours vide et sans vie. Celui-ci s'agenouilla alors et invita Mitor à s'asseoir devant lui. Mitor accepta l'invitation et attendit que son ami ne prenne la parole.


-Que s'est-il passé, Mitor ? Demanda Izzir d'une voix résonnant tel un écho. Le monde t'a fait faire des choses atroces, on dirait ?


-Cette fois, mon ami, il me fait voir les conséquences de mes actes atroces.


-Regarde-toi, Mitor. Tu peines à te regarder dans les yeux. Tu…


-Ne me dis pas que ce qu'y est arrivé n'est pas ma faute. Coupa Mitor. Je n'en suis peut-être pas le responsable direct. Je ne suis pas le garde qui a forcé les chevaux à avancer. Mais c'est moi le responsable d'origine.


-L'on t'a donné un ordre, Mitor.


-Que j'aurais pu ne pas suivre. Que j'aurais pu désobéir.


-Personne ne sais que c'est toi qui a commis cette chose. Regarde autour de toi. Tous ces gens qui nous regardent. Ils nous prennent pour des bêtes de foire. Même s'ils n'ont pas aimé ce dernier événement, c'était, au fond d'eux, de la distraction, un nouveau sujet à aborder autour d'une table entre amis. Le monde fonctionne ainsi. Et nous n'y pouvons rien.


Mitor se leva, sentant que c'était le moment de s'en aller. Il regarda la foule qui avait laissé la place vide et qui se tenait tout autour, les regardant sans émotions. Il salua Izzir et alla en direction de la foule pour sortir de ce cercle. Mais son ami l'appela. Mitor se retourna en direction d'Izzir mais ce n'était plus lui. Une autre personne avait pris sa place. C'était le capitaine Mortimer. Lui aussi disposait d'un regard vide, et semblait bien moins fou que le jour de sa mort. Son ventre semblait avoir été réduit en charpie et sa gorge était tranché, sans doute la marque des coups de Mitor qui l'ont condamné.


-Tu me reconnais, Mitor ? Je suis ta toute première victime. Ta toute première cible. L'homme dont tu ne connaissais pas la vie.


-Je voulais vous dire que j'étais désolé, monsieur Mortimer.


-Je suis un capitaine, mon garçon. J'aurais dû sombrer avec mon navire. Mais mon navire n'a pas sombrer avec moi. Je me sens comme une épave souillée. Qu'en dis-tu, Marc ? Suis-je dévêtu de mon honneur ?


Marc apparut derrière lui, disposant d'un regard vide mais aussi d'un sourire jaune et de la marque qu'avait laissé la lame qui lui avait traversé la tête de bas en haut.


-C'est vrai, capitaine. Mais ton honneur était parti depuis longtemps avec ta folie. Moi, je n'ai même pas pu voir la mort dans les yeux. Je n'ai pas vu le visage de mon meurtrier, comme mon collègue mort sur le pont. Moi aussi, je suis souillé. J'aurai voulu avoir une mort décente et honorable. Tu nous l'as enlevé, Mitor. Es-tu fier de toi ?


-Je…. Je suis désolé. Vraiment. Pardonnez-moi. Balbutia Mitor d'une voix de plus en plus tremblante.


-Tu pleures déjà ? Remarqua Mortimer d'un ton moqueur et énervé. Mon assassin a-t-il l'esprit si fragile ? Notre mort semble avoir moins d'honneur que nous ne le pensions.


-Je vous emmerde avec votre honneur ! Gueula Mitor qui commençait à avoir des larmes aux yeux. Je n'ai jamais voulu que vous mourriez mais tout cela s'est passé et je n'y peux rien. Un mort n'est pas déshonoré ! Un mort est un mort ! Point ! Alors fermez-vos gueules !


-On dirait que tu as oublié, Mitor. Répondit Marc. Rappelle-toi ce jour où tu as pris connaissance de la conséquence de tes actes, où ton honneur s'en est allé.


Mitor s'immobilisa, ferma les yeux fermement et les rouvrit, baignés de larmes. Mortimer et Marc n'étaient plus là. Mitor voyait à présent trois fois plus de monde autour de la place. Des infrastructures avaient été mis en place pour accueillir plus de monde. Il mit du temps à remarquer qu'il avait les membres liés à des chaînes, elles-mêmes attachés à des chevaux. Il connaissait cet endroit, ce qui lui arriverait bientôt et la personne qui devait être à sa place. Et cette personne s'avança devant son corps, déjà levé par les chaînes qui le maintenait en l'air. C'était cette petite fille, aux cheveux blonds, longs et hérissés, au corps maigre et au visage creux, qui avait subi le supplice atroce de l'écartèlement. C'était cette petite fille qui s'était caché dans la cale du «Loup des mers» durant son massacre. C'était cette petite fille qui était morte à cause de lui, à cause de Mitor. Son regard était, à elle aussi, vide. Elle semblait néanmoins comme inanimé. Mitor remarqua que ses membres avaient été recousu et le fil était encore visible. Sans dire un mot, elle s'avança vers un des chevaux et lui tapa son derrière pour le faire avancer. Mitor semblait sentir une vive douleur au niveau de ses articulations. Il entendit un déchirement et, enfin, finit par se réveiller en sueur. Son lit formé d'à peine quelques brindilles de pailles était humide. Il se leva, un peu sonné par ce rêve si réaliste et insoutenable. Il regarda vers la porte pour voir si Rasar l'avait peut-être entendu gémir. Il n'était pas là.


Il prit son petit-déjeuner, constitué d'un simple croûton de pain, et sortit se barbouiller le visage d'eau à la source accrochée à un mur de l'extérieur. Rasar se tenait debout sur la terrasse, et semblait attendre son esclave. Était-ce le jour J ? Rasar ne lui avait pas donné de date précise concernant la mission pour laquelle il avait été formé. Cette mission consistait à assassiner l'émissaire des «Partisans» posté à Lys. Il lui avait déjà expliqué le plan de sa mission il y a de cela quelques jours.


-Es-tu prêt, Mitor ? Demanda Rasar. Aujourd'hui, tu accompliras la mission pour laquelle j'ai pris la peine de te former.


-Oui, maître. Affirma Mitor. J'espère ne pas vous décevoir.


-J'espère aussi. Suis-moi. Nous allons répéter une dernière fois notre plan.


Mitor et Rasar rentrèrent alors dans le salon, autour de la table où avait été déroulé tout un parchemin. Sur celui-ci, l'on pouvait apercevoir des plans de lieux, des descriptions, des avertissements, des emplacements précis de plusieurs éléments à prendre en compte tels que des gardes, des avant-postes,…. Mitor n'avait cessé d'observer ce parchemin durant toute la semaine au point qu'il était sans doute capable de réciter chacun des paramètres qui y sont indiqués. Rasar lui montrait chacun de ces objectifs dans l'ordre et son esclave savait parfaitement où il allait ensuite déplacer son doigt sur ce parchemin. Mitor se sentait prêt mais il n'était pas véritablement pressé d'être envoyé à cette mission. Celle-ci était bien plus dangereuse et elle était au centre de tellement d'enjeux. Les Partisans, les Chasseurs. Mitor ne voulait prendre part en aucun de ces deux camps et ne voulait plus en être mêlé par la suite. C'est la raison pour laquelle il demanda :


-M...Maître. J'aimerais vous demandez ce qu'il m'arrivera une fois cette mission accompli. Serais-je éloigné de cette guerre caché aux yeux de tous ? Serais-je encore un assassin ?


-Attends de finir cette mission, ingrat. Répondit sèchement Rasar. Ne penses pas à ce qui arrivera après où tu seras déconcentré.


Mitor acquiesça sans broncher. Il avait l'habitude de se faire insulter. De plus, il lui semblait être de la même opinion que son maître. Il ne devait se focaliser que sur cette mission et rien d'autre. Il s'occuperait du reste après. Rasar finit donc de résumer son plan et passa à son esclave la dague qui était maintenant l'arme de prédilection de celui-ci. Mitor regarda la lame longuement et la prit. Il la cacha sous son haillon et, dans une grande inspiration, sortit de la maison et se mit en route, les genoux un peu tremblant.


Le plan avait été préparé dans les moindres détails. Le QG des Partisans se trouvaient tout au bout de l'île. C'était, d'apparence, un simple bâtiment qu'un noble d'une classe moyenne pouvait s'acheter sans problème. Mais d'après les informations de Rasar, il y avait un énorme sous-sol, presque un labyrinthe pour qui n'est pas familier des lieux. Et c'est au tout dernier étage de ce sous-sol que se trouve sa cible, l'émissaire des Partisans postés à Lys, portant le nom de Apa dar Lijus. Pour l'atteindre, il faudra que Mitor passe de nombreux obstacles. Mais d'après le plan de Rasar, la grande majorité de ces obstacles pourront être contournés. En effet, il devra trouver un moyen d'entrer par derrière le bâtiment. La porte qui s'y trouve n'est gardé que par une seule personne. D'ailleurs, il lui faudra faire attention en ce qui concerne les gardes car ils sont vêtus en tenues de civils, et il devra faire attention de ne pas les confondre avec de réels civils. Une fois entré à l'intérieur, il existe une porte caché derrière des draps rouges. Passé cette porte, il lui faudra descendre des escaliers le plus vite possible et se trouver une cachette dans le premier niveau pour repérer les autres escaliers qui mènent aux niveaux inférieurs. Il devra continuer ainsi jusqu'à ce qu'il arrive dans ce que les Partisans appellent la Salle des Torturées. Apa dar Lijus devrait s'y trouver. La mission était très délicate et, évidemment, Mitor ne devait en aucun cas faire la moindre erreur.


Il traversa donc la cité de Lys jusqu'à destination. Il arriva alors dans la rue où se situait le bâtiment des Partisans et, en effet, celui-ci était en tout point semblable à ses voisins. Si Rasar ne lui avait pas indiqué que le QG se différenciait par la présence de tapis bleus tendus au balcon de la fenêtre du troisième et dernier étage, Mitor serait sans doute passer à côté sans l'avoir remarqué. Il remarquait aussi la présence des gardes qui, bien qu'étant vêtus en civils, était facilement détectable par leurs regards scrutateurs et méfiants. Il vit aussi que ce QG était une taverne, détectable par la foule qui semblait s'y tenir à l'intérieur et par les prix accrochés à une fenêtre. Mitor se remémora le plan et se mit à chercher comment accéder à la porte se trouvant derrière le bâtiment. Les maisons voisines étaient rattachés à celle-ci et il semblait impossible de trouver une quelconque interstice entre chacune d'elles. Il continua alors de parcourir la rue et tenta de trouver un moyen d'atteindre son premier objectif. Il finit enfin par trouver un court espace entre deux maisons et passa au travers. Une fois cet espace traversé, il remarqua que ces maisons étaient au bord d'une falaise. Le bruit des vagues martelant les rochers accompagnaient la marche de Mitor jusqu'au QG des Partisans. Une fois en vue, il vit le premier garde que Mitor devait tuer. Ce garde, les yeux dans le vide, semblait beaucoup s'ennuyer et ne vit pas son futur assassin approcher. La distance qui les séparait à présent n'était que de quelques mètres. Mitor se collait au mur pour être le moins possible à porté de vue. Une fois pour le tout, il sortit sa dague et égorgea le garde avant que celui-ci n'est compris quoi que ce soit. Mitor prit le corps et le jeta dans la mer, par-dessus la falaise, pour que celui-ci ne soit pas découvert. Une fois après avoir regardé ce corps se percuter contre les rochers, il s'approcha de la porte, tendit l'oreille, n'entendit rien et entra enfin.


Il se trouvait dans une petite salle sombre. Le bruit des vagues avait considérablement baissé de volume. La salle n'était éclairée que par une simple petite fenêtre, dont la lumière était stoppée par un drap sale. Elle était pleine de mobiliers divers et variés. Mitor vit la porte qui devait sans doute amener au hall du bâtiment. Il entendait des personnes parler, marcher, manger, boire et rire. Cela pourrait lui être assez bénéfique pour pouvoir passer inaperçu. Il devait chercher à présent une porte caché derrière des draps rouges. Voyant que ces draps étaient absent de la pièce où il se trouvait, il regarda par la serrure pour voir si la voie était libre dans la salle principale. Il voyait des gens marcher de tous les côtés mais qui semblaient assez loin de la porte où il était. Il se risqua alors à entrouvrir cette porte et à entrer le plus sereinement possible dans le hall. Personne ne l'avait vu arriver. Chacune des personnes présentes discutaient entre elles et ne semblaient faire attention à aucun élément extérieur à leurs interlocuteurs. Mitor examina cependant chaque recoin de la pièce et remarqua ce qui pourraient être des gardes. Ceux-ci avaient les mêmes gestes et les mêmes regards que leurs congénères à l'entrée du bâtiment mais ils semblaient plus attentif justement à cette entrée situé à l'autre bout du hall plutôt que vers la zone où se trouvait Mitor. Celui-ci discerna d'ailleurs son prochain objectif. Il y avait effectivement une parcelle d'un mur recouvert d'un drap rouge vif. Cependant, il semblait y avoir un problème. Un garde s'y était posté. Remarquant que la salle abritait esclave comme noble, Mitor comprit qu'il pouvait arpenter la salle sans risquer d'être démasqué. Il se laissa donc le temps de réfléchir à un plan. Il examina dans les moindres détails les éléments présents dans la salle, les gens qui étaient présents, la position de chaque garde. Il déambula longtemps avant de pouvoir trouver une idée.


Il avança vers le comptoir où se trouvait un vieil homme très éméché. C'était un noble qui ne cessait de gueuler au tavernier de lui resservir un verre et d'insulter chaque personne qui osait s'approcher de lui. Les beuglements de cet homme n'empêcha pas Mitor de prendre un tabouret et de s'asseoir à côté de lui et même, de commencer à l'aborder.


-Bonjour, cher ami. Salua-t-il d'un ton décomplexé et détendu. Vous me semblez vous être laissé aller aujourd'hui.


-Qu'est-ce que ça peut te foutre, esclave ? Brailla l'alcoolique. Décarre d'ici avant que je ne te mette un pain dans la tronche.


-Vous avez encore de la monnaie sur vous avec tous les verres que vous avez pu siffler ?


Le vieil homme chercha dans sa bourse totalement vidé.


-Ah merde. C'est pas vrai. S'énerva-t-il. Je veux boire encore, bordel !


-Attendez-moi ici. J'en ai pour une minute.


Mitor se leva et s'engouffra dans la foule. Son projet était de subtiliser une des personnes présentes de son argent. Rasar lui avait appris les rudiments de base du vol à la tire et il semblait que Mitor appréciait le faire et trouvait même cela très drôle. Pouvoir voler quelqu'un qui ne se doute de rien de ses biens était assez divertissant pour l'esprit. Mitor vit la bourse d'un noble accrochée à la ceinture de celui-ci et, après avoir vérifié que personne ne risquerait de le prendre la main dans le sac, réussit son coup sans broncher et alla se remettre à sa place, à côté du vieil homme.


-Tenez, mon brave. Vous aurez de quoi vous payez une quinzaine de vin des Îles d'Été avec ça. Annonça Mitor en lui tendant la bourse subtilisée.


-Merci bien. Remercia l'alcoolique qui ne se posait pas la question de savoir comment un esclave avait-il pu se procurer une telle bourse. Du vin de Dorne, garçon ! Cria-t-il au tavernier. Je préfère celui de Dorne, jeune esclave. Il est bien plus gouleyant que celui des Îles d'Été. Tu sais quoi ? Tu m'as l'air de pas être un esclave comme un autre. Toi, tu mérites de vivre. Si tu as besoin de quoi que ce soit, fais-le moi savoir. Ce serait avec joie que je te renverrai la pareil.


-Puisque vous le dîtes, j'ai justement une faveur à vous demander. Dit Mitor qui voyait son plan se dérouler comme prévu. Vous voyez cette homme, là-bas, à côté de ce drap rouge ?


-Oh oui, lui. Il ne bouge jamais de place. Et son regard m'énerve à chaque fois.


-Justement, j'aimerai bien qu'il puisse bouger un peu. Pourriez-vous le foutre en rogne, un court instant ?


-Tu parles bizarrement bien pour un esclave. Mais bon, j'y vais ! Distraire est ma spécialité.


Le vieil homme sifflota le verre que le tavernier venait juste de lui servir et se leva de son tabouret. Il prit sa bouteille de vin et s'approcha du garde. Avant même que ce dernier ne fît quoi que ce soit, le vieil homme martela sa bouteille sur son crâne. Le garde tomba à terre, assommé et évanoui. Mitor ne s'attendait pas à ça et fut étonné de la tournure des choses. Cela ne l'empêcha pas de s'approcher, lui aussi, du drap rouge, tout en restant en retrait pour ne pas éveiller les soupçons. Le vieil homme riait aux éclats et vit plusieurs civils, sans doute d'autre gardes, foncer vers lui. Il prit alors les jambes à son cou et lança ce qui restait de sa bouteille brisée sur un de ses poursuiveurs qui se vit la prendre en plein visage. Les pourchasseurs comme le pourchassé finirent par continuer leur course dans la rue, aux rires incontrôlables de la foule. Mitor profita de la distraction commune pour se faufiler derrière le drap rouge et passer la porte creusée dans le mur.


Mitor suivit le plan et descendit le plus vite possible les escaliers devant lui. Il arriva dans une salle bien plus sombre et bien moins peuplé que le hall. Il chercha des yeux une cachette et vit un espace entre deux caissons. Il s'y cacha et examina les lieux. Il lui fallait à présent trouver les escaliers suivants et vérifier que la voix était libre jusqu'à eux. Le sous-sol de ce QG avait sans doute été construit il y a plusieurs siècles vu l'infrastructure vieillissante et faite d'éléments qui ne sont plus si utilisés à Lys aujourd'hui comme du marbre jaune ou rouge et de la pierre taillée. Cette infrastructure semblait pesante mais donnait en même temps un réel sentiment de sécurité. Pas étonnant que les Chasseurs ne donnent pas de guerre ouverte aux Partisans. Peut-être que le QG de ces premiers à Lys était tout aussi fortifié. Cependant, Mitor était là. Un esclave au service de l'ennemi des habitants de ce bâtiment sous-terrain. Il est d'ailleurs fort dommage que celui-ci soit caché et non pas montré aux yeux de tous pour montrer leur puissance. Mais Mitor se souvînt alors des mots de son maître Rasar lorsqu'il lui expliquait les idéaux des deux camps ennemis. Les Partisans voulaient supprimer les puissants de ce monde et les Chasseurs voulaient tout détruire pour reprendre à zéro. Il semblerait que cela soit un bon message pour les Partisans d'habiter dans un si puissant bâtiment en apparence et de ne pas en profiter. Dès qu'il eut cette pensée, Mitor imaginait le QG des Chasseurs s'il était en accord, lui aussi, avec ses idées. Aussi, Mitor avait réfléchi à ce conflit idéologique depuis le récit de Rasar. Même si moralement, le projet des Partisans soit le mieux pour tous, celui des Chasseurs semblait offrir un tout nouveau monde. Sachant que celui-ci ne sera jamais parfait, le reprendre du début permettait de corriger les erreurs du passé et ainsi, d'avoir un meilleur avenir. Toujours est-il que Mitor n'avait pas définitivement fait son choix, à condition même qu'il le fasse. En attendant, ce n'était peut-être pas le bon moment pour Mitor de penser à tout cela. Il était tout de même dans un lieu qui était pour lui très dangereux. Si quelqu'un le remarquait, Dieu sait ce qui pourrait lui arrivé. Il continua donc à chercher les escaliers et le nombre de membres des Partisans présents dans cette salle qui était plus un entrepôt qu'autre chose. Il vit alors de l'autre côté de la salle des marches menant à un niveau inférieur. Il remarqua aussi qu'il pourrait atteindre cette objectif sans être vu en passant au travers des étagères et entre les caissons comme il avait pu le faire sur le navire du «Loup des Mers». Ce n'est qu'en chemin jusqu'aux escaliers qu'il se souvînt du massacre qu'il avait perpétré sur ce navire et, très vite, il repensa à cette fille blonde qui fut écorché par sa faute. Depuis sa mort, Mitor n'avait cessé de rêver d'elle jusqu'à la voir partout dans la ville. Mais aujourd'hui, le stress dû à cette mission avait réussi à la faire partir de son esprit, jusqu'à maintenant. Il entendait à présent les cris de douleur de la condamnée et s'arrêta quelques secondes pour reprendre ses esprits. Il souffla doucement et continua sa route.


Il réussit alors à atteindre les escaliers sans éveiller les soupçons et à descendre encore d'un niveau. Cette fois, c'est dans un couloir qu'il se retrouva. Le souci de ce genre d'infrastructure, c'est qu'il y avait très peu d'échos. Bien que cela soit, dans un sens, avantageux pour lui pour ne pas se faire repérer par les Partisans, il ne pouvait pas, à l'inverse, entendre leurs bruits de pas et leurs paroles. Il avança donc prudemment, d'autant plus qu'il n'y avait aucun caisson pour s'y cacher cette fois. Il arriva à un virage et se risqua à y jeter un œil. Personne. Mais ce couloir suivant était long, et débouchait sur beaucoup d'autres galeries. À croire que cette pièce était un labyrinthe. Heureusement, Mitor se souvînt d'un des plans que Rasar lui avait montré et qu'il avait étudié durant toute la semaine. Il savait pertinemment où aller pour accéder au prochain niveau inférieur. Cependant, d'après ces informations, aucun niveau n'est dépeuplé entièrement et il faudra sans doute contourner les ennemis qu'il croisera grâce aux multiples couloirs de ce labyrinthe. Et c'est ce qu'il fit sans problème. Il traversa donc le labyrinthe en suivant sa carte mentale et arriva donc à son objectif.


Toujours en suivant le plan prévu et en faisant attention à tous les détails qu'il avait pu retenir, il passa les obstacles sans difficulté et atteignit enfin la salle où devait se situer sa cible, la Salle des Torturés. C'était une grande salle à manger. Il y avait une très longue table qui traversait la salle jusqu'à une grande estrade. Sur cette estrade, il y avait une autre longue table placée perpendiculairement à la première. Derrière elle, il y avait plusieurs sièges dont un, se trouvant au milieu, plus grand que les autres, tel un trône en bois. À cette heure, il n'y avait aucun couvert de placé et personne d'installé autour des tables. La salle était déserte hormis cependant trois personnes, debout devant l'estrade, qui discutaient entre elles. Aucune d'entre elles n'avaient fait attention à l'entrée de Mitor dans la salle qui s'était dépêché de se cacher derrière une rangée de tonneaux. La salle était sombre à cause des bougies éteintes. La seule lumière qui passait était un grand trou dans le mur du fond, derrière le trône, donnant à l'extérieur. Mitor entendait le bruit des vagues et ce trou était sans doute creusé dans la falaise. Mitor voulut entendre la conversation et tenta de se rapprocher de ce groupe. Il se servit de l'ombre et de la rangée de tonneaux, qui continuait presque jusqu'à l'estrade, et termina son approche à pas moins d'une dizaine de mètres. Il entendait à présent parfaitement la conversation et tendit l'oreille.


-Tu n'as pas à être inquiet, Rika. Conforta le plus vieux du groupe. Jamais ils ne trouveront notre QG. Tu peux dormir sur tes deux oreilles.


-Mais je n'ai pas dormi sur mes deux oreilles, bordel. S'énerva une voix féminine. On voit nos membres se faire assassiner un par un depuis le massacre du «Loup des mers». Je vous le dis. Les Chasseurs ont décidé d'en finir à Lys.


-C'est ridicule, Rika. Objecta un troisième sur un ton orgueilleux. Comment reconnaîtrait-il nos membres, sinon ?


-Une taupe. C'est la seule explication. Affirma Rika. L'un d'entre nous livre l'identité de ses camarades et les envoie rejoindre leurs Dieux.


-Nous surveillons tous nos membres. Si l'un d'entre eux a eu une quelconque interaction avec un ennemi, nous l'aurions su. Répondit le vieil homme.


-Alors comment expliquez-vous ces assassinats, Apa ? Demanda Rika.


Mitor lâcha un sourire quand il entendit le nom de sa cible. Il ressentit la même sensation quand il avait entendu, deux semaines plus tôt, le nom de Mortimer lorsqu'il était caché derrière des caisses comme il est aujourd'hui caché derrière des tonneaux.


-J'enquête, Rika. J'enquête.


-Et ? Questionna Rika.


-Et rien, ma chère. Rien. Mais depuis une semaine, les assassinats se sont arrêtés. Peut-être que nos membres pourront parcourir les rues tranquillement, maintenant.


Tout le monde resta silencieux pendant quelques secondes. Mitor osa jeter un regard au-dessus des tonneaux. Rika faisait une mauvaise grimace à Apa en signe de doute.


-De toute manière, ils vont payer ce qu'ils m'ont fait. S'énerva Rika. Je les tuerais jusqu'au dernier.


-Garde ton sang-froid, Rika. Conseilla Apa. Si tu fonces sans réfléchir, tu n'as aucune chance. Chacun ici compatit à ta douleur alors sois-en digne.


Rika ne répondit rien et avait maintenant la mine triste, prête à pleurer. Sentant les larmes monter, elle s'en alla. Mitor baissa la tête quand elle passa devant les tonneaux. Il entendit alors Apa congédier le troisième en exprimant son besoin de rester seul. Comme Rika, celui-ci passa devant les tonneaux où Mitor avait baissé la tête à son approche. Après qu'il soit sortit de la salle, Apa souffla fortement, s'assit sur l'estrade et mit sa tête dans ses mains. Mitor sentit que le moment était venu. Il sortit sa dague doucement et sortit de sa cachette tout en restant dans les zones d'ombres. Il marcha délicatement et se prépara à frapper quand sa cible serait à sa portée. Trois mètres. Mitor fît taire sa respiration. Deux mètres. Apa commença à sortir sa tête de ses mains et Mitor accéléra la cadence. Un mètre. Mitor leva sa dague. Il était à présent juste à côté de sa future victime. Apa sentit une présence et tourna sa tête pour voir le visage de cet étranger. La dague fut baissé et le sang coula. La carotide du vieil homme était tranché. Apa, surpris, contînt le sang qui s'échappait sans cesse de sa blessure mortelle avec sa main gauche et recula de cet homme dont le visage était caché dans l'ombre. Le visage de Mitor lui apparu alors à la lumière du jour. Un gamin ?! C'était un gamin qui mettait aujourd'hui fin à sa vie ?! Apa tomba à terre. Il regarda dans les yeux son assassin et usa ses dernières forces pour lui parler.


-Tu….Tu ne sais pas qui tu es en train de tuer, mon petit. Tu ne sais….p….


Apa cracha du sang. Il perdit ses forces et laissa son sang couler de sa carotide. Voyant sa souffrance, Mitor l'acheva en le plantant dans le cœur. L'intendant des Partisans posté à Lys donna son dernier souffle. Mitor répondit à son cadavre d'un air triste.


-Si, je le sais. Et je me fiche des conséquences. Tout cela ne me concerne plus.


Mitor souffla alors et se prépara à accomplir son dernier objectif : couper la tête de sa victime et la placer devant Rasar pour que celui-ci puisse prouver aux Chasseurs son changement de camp. Il posa la lame sur son cou et observa alors une chose bizarre. La blessure d'Apa à la carotide ne semblait pas naturelle. Une parcelle de peau se détachait à partir de cette blessure. Mitor tira ce bout de peau et vit que celle-ci continuait à se détacher du corps jusqu'au visage de sa victime. Il continua alors et la peau se sépara du visage entier jusqu'à se retrouver dans la main de Mitor. Il remarqua alors avec stupeur que le visage du vieil homme avait pris une autre apparence. C'était à présent le visage d'un homme d'une trentaine d'année. De peur, Mitor recula, lâcha de sa main l'ancien visage de sa victime et se releva.


-Mais…. Mais quelle est cette sorcellerie ?! Qu'est-ce qui se passe ?!


Tout à coup, Mitor entendit une voix grave derrière lui.


-Rien. Tu ferais mieux de dormir.


Mitor s'évanouit alors après avoir ressenti une vive douleur à l'arrière du crâne. Le cri de la fille exécutée accompagna sa chute sur le sol.


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