L'Ecrin des illusions

Chapitre 23 : Les Flammes de la Saint-Valentin (deuxième partie)

3067 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/04/2024 16:07

Note: Il s'agit de la deuxième partie du chapitre 23 "Les Flammes de la Saint-Valentin"


La Grande Salle était en pleine ébullition. Les lettres d'amour circulaient entre les tables et tombaient entre les mains des élèves les plus âgés. Hazel, tout en prenant place à la table des Gryffondor, jeta un regard à la table des professeurs. Le professeur Jekyll avait revêtu une superbe robe pour l'occasion et ne cessait de tripoter sa maudite parure rougeoyante. Flitwick, qui avait lissé sa moustache et gominé ses cheveux, jouait les chevaliers servants en lui versant un verre de vin ; Brûlepot, habillé d'un très élégant costume, avait poli son crochet et découpait le poulet de Jekyll avec application. McGonagall observait la scène d'un air oscillant entre surprise et profonde consternation.


Hazel reporta son attention sur Bill lui faisant face : l'aîné des frères Weasley était entouré par une montagne de lettres violettes et roses exhalant un parfum délicat. Son assiette débordait de petits chocolats en forme de cœurs, de petits angelots et de petites fleurs.

- Du courrier, frangin ? s'enquit Charlie d'un ton moqueur en croquant un morceau de pain.

Son frère aîné rosit, ce qui fit ressortir le fin semis de taches de son piquetant ses joues.

- Pas tant que ça, répondit Bill d'un ton qu'il espérait dégagé.

Il contemplait cette débauche de déclarations enflammées d'un œil ébahi, ne sachant pas par quelle missive commencer, ni quelle attitude adopter. En dépit de son jeune âge, Bill faisait partie des élèves les plus populaires de l'école. Un seul élève de troisième année pouvait prétendre à ces attentions énamourées, habituellement réservées aux élèves les plus anciens : l'arrogant Phœbus Selwyn, le brillant attrapeur des Serdaigle. D'ailleurs, celui-ci croulait lui aussi sous les lettres et les ouvrait avant de les passer à ses amis hilares. Contrairement à Bill, il se plaisait à se moquer des sentiments de ses prétendantes et prétendants.


- Que veux-tu, reprit son petit frère, Mam' dit toujours que tu es le plus beau de ses fils ; moi, je ressemble à la tante Mildred.

- T'inquiète frangin, toi aussi, tu auras droit à ton petit succès... c'est dans les gènes Weasley !

- Pouah, répliqua son cadet en plantant sa fourchette dans sa côte de bœuf, je préfère les dragons !


Tout d'un coup, comme pour confirmer les dires de Bill, une petite carte en forme de cœur vola jusqu'à eux et tomba dans le verre de Charlie. Le quatuor se pencha pour l'examiner. La carte se déplia, prenant la forme d'un petit dragon. La créature battit de ses ailes en papier et s'éleva dans les airs avant de se poser face à un Charlie coi de stupeur.

- Ta dulcinée connaît tes passions, chuchota Jonathan.

Le petit dragon s'ébroua et s'approcha en dodelinant sur ses petites pattes. Il se posa sur son arrière-train et cracha une petite flamme, répandant une nuée de petits cœurs rouges sur la nappe.

- Bonne Saint-Valentin, fit Bill en commençant à ouvrir son courrier.


Hazel se tourna vers la Grande Salle, dévorée par la curiosité, espérant dénicher l'admiratrice ou l'admirateur secret de son ami. Qui pouvait bien être l'expéditeur de cette délicate missive ? Quelqu'un qui connaissait la passion de Charlie pour les dragons... Peu préoccupés par ces questions, Charlie et Jonathan s'amusaient avec le petit dragon en papier et lui envoyaient des boulettes de pain qu'il gobait avec avidité. Le regard de Hazel sonda chaque tablée, mais ne vit aucun élève observer leur petit groupe pour guetter la réaction de Charlie face à cet envoi. Le mystère en resterait probablement là, songea Hazel avant de s'en retourner à son repas.


En début d'après-midi, les élèves regagnèrent leurs salles de classe. Les premières années de Gryffondor se rendirent devant la salle du professeur Jekyll. Mis à part Charlie, fier de son petit dragon qu'il montrait à ses camarades, nul n'avait reçu de présents pour la Saint-Valentin et tous se moquaient des élèves plus âgés se livrant à ce petit jeu de l'amour fleurissant. Jonathan prenait les paris concernant les professeurs Brûlepot et Fltiwick : lequel des deux allait finalement s'attirer les faveurs de Jekyll ? Sofia pariait sur Flitwick, la majorité misaient sur aucun des deux rivaux. Judy, malicieuse, proposa d'inclure le professeur Rogue dans leur pari. Tout en mêlant son rire à celui de ses camarades se demandant si le sinistre professeur avait reçu une carte de Saint-Valentin, Hazel s'interrogeait sur son absence lors du déjeuner.


Soudain, la porte s'ouvrit sur une Jekyll aux joues rouges et aux cheveux maculés de cendres. Une légère odeur de fumée imprégnait ses vêtements et de la terre collait à ses souliers pointus, habituellement cirés avec soin. Elle passa une main sur son visage, retrouvant un aspect plus présentable et accueillit ses élèves de ce ton douceâtre dont elle usait avec ses collègues.

- Bienvenue à vous, mes chers élèves.


Les premières années pénétrèrent dans la salle de classe, déposèrent leurs sacs contre le mur et s'assirent au centre de la pièce. Jekyll se plaça face à eux et, avisant le petit dragon que Charlie avait posé sur son genou, sortit sa baguette et fit voler la petite créature de papier jusqu'à sa paume. Le petit dragon poussa un ronronnement digne de celui d'un félin et caressa le pouce de la professeure de son museau.

- Les dragons, murmura-t-elle en gratifiant Charlie d'un sourire charmeur. Fascinantes créatures, n'est-il pas ?

- Oh que oui, cria Charlie avec enthousiasme. Plus tard...

- Je sais... Votre rêve serait de les étudier, l'interrompit Jekyll en caressant les ailes du petit dragon. Sachez cependant que ces créatures ont longtemps été utilisées par les mages noirs afin d'accomplir de terribles méfaits.

Elle pointa sa baguette vers son tableau et prononça un sort. Une immense gravure se déploya, représentant l'une de ces créatures qui charmaient tant Charlie. Le dragon, Un Norvégien à crête, apprit le jeune Weasley à ses amis, ouvrait une gueule béante vers une population terrorisée.

- Le tremblement de terre de Lisbonne en 1755 ? fit Jekyll en dévoilant l'image d'un autre dragon tout aussi effrayant, provoqué par le dragon de Daenys la Folle. Le grand incendie de Londres ? Dragon ! L'éruption du Vésuve ?

- Dragon ? proposa Johanne d'un ton espiègle.

- Exactement, Miss March.

Jekyll exécutait quelques moulinets de sa baguette, changeant les images à une allure folle. Les dragons présentés devenaient de plus en plus menaçants et les images de plus en plus violentes. Elle cessa de manipuler sa baguette, laissant ses élèves apeurés face à la gravure d'un dragon gigantesque, entouré d'os et de corps mutilés, arrachant le corps d'un pauvre homme en deux. Même Charlie parut choqué par cette image !


- Miss Evans, reprit Jekyll en renvoyant le petit dragon de papier vers Charlie. Que sort utiliseriez-vous si vous vous retrouviez, à tout hasard, face à l'une de ces créatures ?

La petite créature se posa sur le pied de Charlie et enroula ses pattes autour du lacet de sa chaussure. Il émit un dernier chant avant de se mettre à ronfler. Hazel contempla quelques secondes le petit dragon afin de réfléchir à la question posée par Jekyll. Une seule réponse, qu'elle jugeait logique, lui vint à l'esprit :

- Un bouclier, proposa-t-elle sans grande conviction, un sort de protection.

Jekyll eut un petit rire méprisant et lui fit signe de s'approcher. Hazel s'exécuta à contrecœur. Jekyll la saisit par le poignet et la força à faire face à l'ignoble image toujours accrochée au tableau.

- Regardez-bien, Miss Evans. Croyez-vous vraiment que votre misérable petit Protego vous permettrait d'éviter les flammes d'un dragon ? La puissance de son attaque aurait vite fait de briser votre sortilège. Qui connaît le point sensible des dragons ?

La réponse de Charlie Weasley ne se fit pas attendre :

- Les yeux. L'idéal serait de leur lancer un sort de conjonctivite !

- Fort bien, Mr. Weasley. Vous maîtrisez votre sujet. J'accorde dix points à Gryffondor pour cette excellente réponse.

Elle se pencha vers Hazel et posa sa main sur son épaule. La voix de Jekyll était si basse que seule la jeune fille put l'entendre :

- Vous avez beau avoir appris à créer des boucliers, grâce à la patience de ce cher Severus, cela ne vous sera d'aucune utilité contre les dragons.


La jeune sorcière blêmit : comment pouvait-elle savoir pour les leçons données en cachette par le maître des potions ? Jekyll se redressa, un petit sourire moqueur flottant sur les lèvres. Elle chuchota quelques syllabes à peine perceptibles, avant de se retourner vers le petit groupe. Hazel serra les poings, se jurant de faire payer son indiscrétion au maudit esprit frappeur ! Elle rejoignit ses camarades, non sans avoir auparavant lancé un regard meurtrier à sa professeure.

Conjictivis, déclara Jekyll. Répétez cette formule après moi en insistant tout particulièrement sur la dernière syllabe.


Dociles, les élèves répétèrent le sort proposé. Hazel résista à l'envie de jeter le sort nouvellement appris au professeur Jekyll. Elle désirait plus que tout, effacer son petit sourire arrogant de la figure et lui infliger le même sort qu'au pauvre mannequin sur lequel elle s'était entraînée lors de ses cours en compagnie de Rogue.


Jekyll tendit sa baguette vers le petit groupe et invita un Charlie un brin nerveux à se lever. Craignant pour la sécurité de son ami, animée par de bien vilaines pensées, Hazel se saisit de sa baguette et la maintint serrée contre sa paume, si Jekyll s'avisait à faire le moindre mal à Charlie, elle frapperait !

Jekyll pointa sa baguette vers un Charlie terrorisé :

Conji...


Au grand soulagement des élèves, elle ne put achever sa petite démonstration. La porte de la salle s'ouvrit avec fracas, révélant le visage couvert de sueur de Severus Rogue. Celui-ci reprit contenance et se redressa de toute sa hauteur.

- Les cours sont suspendus, Hydra. Le professeur Dumbledore souhaite réunir tous les élèves dans la Grande Salle.

- Bien, déclara Jekyll en reportant son attention sur Charlie, laissez-moi juste le temps de lancer une petite conjonctivite à notre jeune ami.

- Ce n'est pas une invitation, c'est un ordre.


Le professeur Jekyll ramassa sa baguette en soupirant, convia ses élèves à prendre leurs affaires et à quitter la salle. Charlie, heureux d'avoir échappé à un très mauvais moment, adressa un sourire plein de gratitude à Rogue. Jekyll poussa son collègue d'un coup de coude bien placé avant de rejoindre la nuée d'élèves traversant le couloir. Quand Hazel passa près de lui, Rogue lui ordonna de ranger sa baguette et de cesser d'agir comme une imbécile. Elle s'exécuta en silence et s'empressa de rejoindre ses amis.


Dans la Grande Salle, les tables avaient disparu, afin que tous les élèves puissent se réunir autour du pupitre du directeur. Le quatuor se glissa auprès de Seren et Misty, arrivés quelques minutes auparavant. Sofia interrogea quelques élèves qu'elle connaissait, mais ces derniers ne furent pas en mesure de lui fournir une explication. Tonks, reconnaissable à ses cheveux violets, se mêla à la discussion :

- À ce qu'il paraît, une élève de troisième année a disparu.


Sofia s'apprêtait à demander l'identité de l'élève en question, quand Dumbledore fit son apparition. Le silence s'installa dans la salle. Les professeurs se placèrent derrière lui, tous arboraient une mine soucieuse. Jekyll se glissa à côté de Rogue, s'attirant un regard courroucé de sa part. Elle était trop proche de lui à son goût et il s'écarta de quelques pas avant de replier ses bras contre sa poitrine, en une position défensive. En temps normal, Hazel se serait amusée de ce petit jeu mesquin entre les deux professeurs mais à cet instant, l'ambiance était tellement pesante qu' elle n'avait pas le cœur à rire.


- Violet Beauregarde, une élève de Serdaigle, a disparu depuis le déjeuner. Vos professeurs vont partir à sa recherche. Si vous êtes au courant de quoi que ce soit, je vous prierais de nous transmettre cette information dès à présent.

Des murmures s'élevèrent tout autour du directeur. Hazel eut un frisson : Hyde était-il parvenu à franchir les protections établies autour du château ? Si tel était le cas, pourquoi s'était-il attaqué à cette élève qui lui était totalement inconnue ?

- Professeur !

Le directeur se retourna vers le petit groupe d'élèves, des Serdaigle, se trouvant à sa gauche. Un jeune homme fit quelques pas vers lui et pointa un doigt accusateur vers les élèves de Gryffondor massés auprès du pupitre.

- Violet a reçu une carte pour la Saint-Valentin.

- C'est vrai, renchérit une camarade. Dans cette carte, Bill Weasley lui donnait même rendez-vous à 12h15 !


Tous les regards étaient rivés sur un pauvre Bill dépassé par la situation et ployant sous le poids de la terrible accusation. Les lèvres du jeune homme se mirent à trembler et il secoua la tête, jurant au directeur qu'il n'avait rien à voir avec la disparition de Violet ! Charlie se hissa sur la pointe des pieds et défendit son frère en disant qu'il avait mangé en sa compagnie. Ses amis confirmèrent, ainsi que quelques Gryffondor qui étaient assis près de Bill lors de la pause méridienne. Seren éleva la voix pour affirmer qu'il avait salué Bill et Misty prit également sa défense en précisant qu'elle casserait le nez de quiconque incriminerait l'aîné des Weasley. La conversation s'envenima très rapidement entre les Serdaigle de troisième année, affirmant à cor et à cri que leur camarade avait parlé de ce rendez-vous avec ses amis, et les élèves de Gryffondor et quelques Serpentard menés par Misty, défendant un Bill au bord des larmes. Les autres élèves quant à eux, assistaient à ce duel d'invectives avec grand intérêt.


- Silence !


La voix de Dumbledore résonna à travers la Grande Salle, faisant cesser le concert d'insultes et de menaces. Le pauvre Bill, qui n'aimait pas être le centre de l'attention générale, poussa un soupir soulagé. Misty voulut émettre une dernière protestation, mais le regard du directeur, conjugué à celui de Rogue, éteignit toute tentative de rébellion.


- Ne tirons pas de conclusions trop hâtives, reprit Dumbledore d'un ton calme. Mr. Weasley restera avec moi, afin que je puisse lui poser quelques questions. Quant aux autres, je vous demande de regagner votre salle commune et d'y rester jusqu'à ce soir. Tant que votre camarade ne sera pas retrouvée, vous ne serez pas autorisés à vous balader dans le château.


Il ponctua sa réplique d'un regard sévère. Hazel se mit à observer le bout de ses souliers, peu désireuse d'attirer l'attention de Dumbledore. Le directeur reprit son discours, invitant les élèves à suivre leurs préfets et à ne pas s'amuser à se disperser. Il fit planer la menace de punitions de son cru pour dissuader les élèves d'aller à l'encontre de sa volonté. Il frappa dans ses mains, concluant ainsi son intervention et fit sortir les élèves de la Grande Salle. Le quatuor salua leurs deux amis de Serpentard avant de s'engager, d'un pas traînant, derrière leur préfète arborant une mine inquiète. Celle-ci les pressait à aller plus vite et n'avait nullement envie de les voir s'attarder dans les couloirs.


- Violet, murmura Charlie à ses compères. Elle est amoureuse de Bill depuis leur première année. C'est la fille que nous avons vue pas loin de la salle de Binns.

- Près du tableau sur Pompéi ? demanda Jonathan.

Charlie confirma d'un petit signe de tête. Le quatuor ralentit le pas, animé par la même idée. Jonathan se mit à frissonner :

- N'y pensez même pas ! Vous n'avez pas entendu ce qu'a dit Dumbledore ?!

- On pourrait juste se contenter de jeter un petit coup d'œil, proposa Sofia. Elle a peut-être laissé un indice...


Jonathan grommela pour la forme mais n'étant pas prêt à laisser ses amis dans le pétrin, il accepta de les suivre. Ils se détachèrent du groupe et s'éclipsèrent sur la pointe des pieds. Nul ne remarqua leur absence. Une fois éloignés de leurs camarades, ils traversèrent les couloirs déserts, se cachant dès qu'ils entendaient un bruit de pas. Ils arrivèrent au tableau et Sofia fut la première à remarquer la petite carte abandonnée sous la gigantesque peinture. Elle s'en saisit et l'ouvrit : la carte en forme de cœur n'avait rien de bien magique... Elle ressemblait aux cartes vendues par la mère de Jonathan dans sa librairie-papeterie. Charlie l'examina et assura ses amis que le petit mot tendre n'était pas écrit de la main de son aîné. Quelqu'un avait grossièrement imité la signature de Bill sans pour autant prendre la peine de reproduire son écriture déplorable. Hazel fut la dernière à regarder la carte. Dès que ses doigts rencontrèrent en contact avec le papier, les lettres du petit mot doux se mirent à danser avant de s'entremêler pour former une flèche pointant vers le tableau.


Les Gryffondor, de plus en plus perplexes, se tournèrent vers la peinture et aperçurent Violet ou plutôt une Violet miniaturisée, frappant avec force contre la toile tout en poussant des cris silencieux. Hazel eut un mouvement de recul, la carte tomba en laissant échapper un tourbillon de fumée qui les souleva de terre et les projeta dans la peinture.


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